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L'Héritier de la Maison des Prince (Traduction)

Summary:

"Donc tu es adopté ?"
"Je suppose."
"Donc ton Père... n'est pas... ?"
"On dirait bien."
"Huh." Théo dévisage Harry avec ces yeux gris qui paraissent argentés dans la fumée du chaudron qui flotte entre eux. "Mais tu es l'Héritier de cette Maison des Prince, donc c'est probablement..."
"Oui. Probablement." Harry jette un regard appuyé à Théo. "Tu ne sais pas qui c'est, n'est-ce pas ?
"Non." Théo lui renvoie un regard tout aussi féroce. "Si c'était le cas, je te le dirais. Tu sais que je te le dirais."
"C'est vrai."
Quelque chose se détend dans la poitrine d'Harry. Quelque chose qui n'avait eut de cesse de se resserrer depuis la mort de Cédric. Il n'a peut-être pas ses amis, ni Sirius, et il ne sait peut-être même plus qui il est, putain, mais il a ça. Au moins, il a Théo.

 

C'est l'été de la 4ème année et Harry est laissé seul pour gérer son deuil et la révélation soudaine que James Potter n'est pas son père. Il trouve un étrange soutien. Celui de Théodore Nott, fils d'un Mangemort. Un étrange ami qui dit qu'il l'aidera à trouver son vrai père, peu importe qui peut bien être ce Lord Prince.

Notes:

  • A translation of [Restricted Work] by (Log in to access.)

Ce travail est une traduction de l'oeuvre originale "Heir to the House of Prince", écrite par elphi13. Si vous souhaitez lire l'oeuvre originale, elle est disponible sur le profil d'elphie13 (qui est liée à ce travail en tant que co-auteur).
Bonne lecture ! :)

Chapter 1: Héritages et Elfes de Maison

Notes:

NdA : Bienvenue les amis ! J'espère que vous aimerez la fanfiction. Jetez un oeil aux notes en bas du chapitre pour en savoir plus sur où nous trouver. Toutes les illustrations sont de la main de @A_LoveUnlaced

NdT : Bonjour à vous ! Ce travail est une traduction de la fanfiction "The Heir to the House of Prince", écrite par elphie13. Vous pourrez trouver sur son profil le lien vers la fanfiction originelle, ainsi que des traductions dans d'autres langues si vous le souhaitez.
https://ao3-rd-18.onrender.com/works/32897344/chapters/81639649
J'espère que mon travail vous plaira. Bonne lecture ! :)

(See the end of the chapter for more notes.)

Chapter Text

Son poignet est probablement cassé. Harry essaye de le bouger, grimaçant lorsqu’il tente de plier les doigts. Ils se soulèvent de quelques centimètres avant de trembler. Il les déplie avec un soupir frustré, la douleur devenant trop forte. Définitivement cassé. Encore. Il soupire et ouvre l’armoire à pharmacie de la salle de bain des Dursleys. La Tante Pétunia gardae une petite réserve de soins de premiers secours là-dedans et ne fait jamais de commentaires lorsqu’il apparaît pour cuisiner le petit-déjeuner avec des attaches sur une blessure à la tête ou un bandage. Aujourd’hui ne sera pas différent. Elle ne jette qu’un regard à son attelle au poignet avant de renifler dédaigneusement.

« Des œufs », aboie-t-elle. « Et des saucisses. »

Harry obéit sans un mot, ignorant le sourire de Dudley derrière son jus d’orange devant le fruit de son travail.

« Qu’as-tu fait, gamin ? » grogne Vernon, ses yeux porcins plissés sur son journal.

« Ouais, qu’est-ce que tu as fait ? » glousse Dudley.

J’ai refusé de crier pendant que tes ‘hommes’ me brisaient le bras, big D. Harry ne lui donnerait pas la satisfaction de le dire. Ce n’était pas un Endoloris, après tout.

« Me le suis tordu en arrosant les plantes, » répond-il en haussant les sourcils en direction de Dudley, le mettant au défi de le démentir. Le visage de Dudley se déforme sous l’irritation, mais même lui sait que s’il admet avoir cassé le bras d’Harry, Tante Pétunia sera furieuse. La dernière fois que Dudley s’est vanté à Vernon d’avoir fracassé la tête d’Harry contre la porte de sa chambre, elle avait crié à en faire trembler les murs.

« Ne dis jamais ce genre de choses, même en blaguant ! Est-ce que tu sais ce que les gens de son espèce pourraient faire s’ils le découvraient ? La dernière chose dont on ait besoin, c’est qu’un de ces monstres nous rende visite ! »

Ç’aurait été trop demandé que cet avertissement dissuade Dudley de continuer. Il avait simplement déplacé ses vantardises, et sa torture sur Harry, en dehors de la maison. Cela dit, ça restait une petite victoire. Harry ne s’en plaignait pas. Même si elle était pathétique.

« En arrosant les plantes, » renifle Vernon dans sa tasse de thé. « Petite mauviette. »

Harry cuit les saucisses tout en essayant d’écouter la radio. Une station locale organise un concours pour des vacances d’été en Crète.

« Pourquoi est-ce qu’on peut pas partir en vacances d’été ? » geint Dudley. « Ça fait des siècles ! »

Harry sourit. Ça fait quatre ans, en fait, depuis la dernière aventure estivale désastreuse des Dursley. Leur misérable fuite à travers tout le Royaume-Uni tandis que Vernon Dursley essayait de semer les hiboux postiers de Poudlard.

« On partira à Pâques, mon amour, comme tous les ans, » lui répond Pétunia.

« Piers va en Espagne à la fin du mois d’août, » grogne Dudley. « Juste parce qu’il est un fichu taré… »

Harry cesse d’écouter. L’animateur radio est passé aux nouvelles. Une météo étrange à Kent, quelques bancs de brouillard qui sont un peu hors saison. Rien de très utile. Rien qui ne crie Voldemort.

À part pour moi. À part chaque putain de nuit.

« Idiot ! » Le cri de Pétunia le tire de sa rêverie, tandis qu’elle le pousse hors de son passage pour essayer de sauver les œufs. « Complètement inutile, comme toujours. Va à l’étage ! Dégage de là ! »

Harry est bien trop heureux de lui obéir. Il se glisse derrière Pétunia tandis qu’elle transvase les saucisses dans une assiette et en vole une, trop rapide pour qu’elle l’en empêche. Elle fronce les sourcils et lève la poêle graisseuse, mais cette danse est aussi familière pour lui que d’esquiver un cognard. Et puis, elle ne dit rien. C’est comme ça avec Pétunia, a fini par comprendre Harry. Elle ne le nourrit pas et ne l’amène pas chez le docteur, mais ne dit rien quand il se soigne ou se nourrit lui-même. Vernon est une autre affaire, mais Vernon ne voit rien, et Harry est déjà en train de grimper les escaliers quatre à quatre avant que son oncle ne remarque qu’il a disparu. Il ouvre la porte de sa chambre en mordant dans sa saucisse avant de s’asseoir sur son lit.  Hedwige a coincé sa tête sous son aile, mais elle s’agite et lui jette bientôt un regard, ses yeux orange brillant de mélancolie.

« Voilà un festin, ma belle, » il lui lance la moitié de la saucisse et elle la rattrape d’un coup de bec, se goinfrant avec joie. « Au moins, on meurt de faim ensemble. »

Hedwige lèverait probablement les yeux au plafond si elle le pouvait, pour lui rappeler qu’ils sont toujours en train de mourir de faim ici. Harry hausse les épaules et scrute le ciel à la recherche du moindre signe de hibou. Il a écrit à tous les gens à qui il pouvait penser, Sirius, Remus, Ron, Hermione, même Neville et Dumbledore, mais il n’a reçu aucune réponse. Il envoie des lettres toutes les nuits, et chaque matin, Hedwige revient, son bec vide. Chaque jour, il attend un quelconque signe de Coq, d’Hermès, des magnifiques perroquets que Sirius a envoyé tout au long de l’été dernier ou même, par tous les dieux, d’un hibou ministériel, juste quelque chose qui le relie à son monde. Et puis, quand rien ne vient et qu’il ne peut plus forcer ses yeux à rester ouverts, il dort. Il rêve. Il hurle. Hedwige hulule, et Vernon crie. Puis il s’assied dans la nuit noire, et il écrit d’autres lettres, plus frénétiques, plus suppliantes.

Qu’est-ce qu’il se passe ? Est-ce que vous êtes vivants, au moins ? Est-ce que qui que ce soit est vivant ? Êtes-vous en sécurité ? Est-Il de retour ? Est-ce qu’il a pris le pouvoir ? Qu’est-ce qu’il se passe ? Je deviens fou ici. Dites-moi quelque chose. N’importe quoi.

Il envoie Hedwige avec le bec plein et les yeux emplis de reproches. Il n’ose plus dormir. À la place, il s’assied sur son lit, mâchonnant sans bruit des casse-croûtes faits de friandises et de biscuits qu’il a acheté dans le train, jusqu’à ce que l’aube arrive. Au bout de trois jours, Dumbledore a envoyé une lettre via feu de phénix, qui a brûlé la taie d’oreiller de Harry.

Tout va bien. S’il te plait, reste discret. Attend mes prochaines instructions.

Harry l’a trempée dans du gras de bacon avant de la donner à manger à Hedwige. Malgré toute sa rage envers cette lettre pathétique de Dumbledore, aucune autre lettre ou instruction (Harry n’est pas un putain de servant et ne supporte pas ce sous-entendu) n’est apparue, et il continue d’attendre. Il est le Garçon-Qui-Attend.

Dix jours chez les Dursleys. Oze jours depuis que Dumbledore s’est tenu dans la Grande Salle et leur a dit qu’Il était de retour. Seize jours depuis qu’Il est sorti du chaudron. Seize jours depuis que Ced lui a souris de ce sourire si doux, si sexy, qu’il savait que Harry aimait et lui a dit « Ensemble ». Seize jours atroces. Ça fait… trois-cent-huitante-quatre heures. C’est le temps qui s’est écoulé depuis que Cédric est mort. Depuis qu’Harry a été laissé tout seul pour faire face à son chagrin.

Tu es mort depuis plus d’heures que nous n’avons pu en voler pour les passer seuls tous les deux, Ced. C’est officiel.

La porte s’ouvre dans un fracas. Harry n’a pas besoin de lever les yeux pour savoir que c’est Dudley. C’est un été caniculaire. Dudley fait de la boxe dans le garage tous les jours. Il pue.

« Quoi ? » Harry ne fait même pas l’effort de le regarder.

« Joli poignet, Potter, » renvoie Dudley en s’appuyant contre le cadre de la porte. « Est-ce que tu veux que je t’arrange l’autre aussi ? »

« Non merci, Big D, » dit Harry. « Je ne voudrais pas que tu te blesses en te baissant. »

Dudley l’attrape par son bras encore valide et le pousse contre le mur en un instant. Harry se laisse faire. Il ne sert à rien de se battre à l’intérieur de la maison. Dudley pourrait dire n’importe quoi que Vernon le croirait. Tout ce que Harry peut faire, c’est lui enlever la satisfaction. Il a été le punching-ball de Dudley toute sa vie. Il sait ce qu’il aime et comment le lui refuser. Harry fixe un point au-dessus de l’épaule de Dudley.

« Qu’est-ce qu’il t’arrive, Potter ? » ricane Dudley. « T’as peur ? Tu as l’air d’avoir peur. Tu sais que je t’entends la nuit, supplier, pleurer comme un putain de bébé. »

Il cherche une réaction. Harry se mord l’intérieur de la joue. Se dit que ce n’est pas la peine. Que Dudley est une plaie mais que Vernon est pire. Vernon aime utiliser des outils.

« Tu appelles le nom d’un garçon, comme un sale taré. Ne tuez pas Cédric. Qui est Cédric ? Ton putain de petit ami ? »

Ç’aurait dû être le cas, pense Harry. S’il n’avait pas été assassiné par un bâtard sans nez il y a deux semaines.

De magnifiques yeux noisette sans aucune vie à l’intérieur. Un maillot de Poufsouffle, sali par la terre et le sang. Les cris d’Amos Diggory qui s’envolent vers le ciel. Harry déglutit, repousse ces pensées au fond de lui.

« Va-t-en, Dudley. » Harry essaye de paraître blasé, essaye de ne pas laisser sa voix trembler, mais c’est tellement dur, putain, parce que du coin de l’œil, il peut encore voir les feux vacillants qui brûlaient autour du labyrinthe du Tournoi. Il peut la sentir, cette chaleur à l’intérieur de lui qui aurait pu faire fondre le verre, exactement comme il l’avait sentie juste avant de faire gonfler la Tante Marge. La dernière chose dont il ait besoin, c’est que Dudley subisse le même sort et qu’il récolte encore un avertissement du Ministère. Il a la sensation que Fudge ne sera pas aussi accommodant cette fois. Non pas que ça ne serait pas satisfaisant, bordel.

« Va-t-en », répète Harry en poussant Dudley assez vite pour que ce dernier ne puisse pas l’intercepter. Dudley est plus fort, mais Harry est plus rapide. Dudley trébuche en arrière contre la porte ouverte, qu’Harry utilise pour pousser de force son cousin dans le couloir.

« Espèce de sale—»

Harry claque la porte au nez de Dudley, coupant du même coup ses insultes, et appuie son dos contre cette dernière pour la maintenir en place. Dudley abat son poing contre la porte, mais cela fait hurler Hedwige, et Dudley la déteste. Harry sourit de toutes ses dents à sa chouette en entendant Dudley repartir.

« On se voit plus tard, Potter, » l’avertit Dudley, sa voix traversant la porte. Harry lève les yeux au ciel, restant là où il est jusqu’à ce qu’il entende la démarche chaloupée, qu’on pourrait apparenter à un éléphanteau, dans les escaliers. C’est fini, pour l’instant.

« De mieux en mieux, n’est-ce pas ma belle ? » Harry sourit d’un air contrit. Hedwige pépie. Puis un craquement sonore déchire l’air.

« Merde ! »

Harry se jette derrière sa chaise de bureau, attrapant sa baguette dans le même mouvement, ses pensées remplies de Mangemorts et de lumière verte et de rires suraigus qui l’aveuglent presque. Harry observe. Hedwige pousse un cri. Il y a un elfe de maison dans sa chambre.

« Dobby ? » demande Harry, incrédule.

« L’affreux sang-mêlé a appelé Kreattur Dobby, l’affreux sang-mêlé de mérite pas d’être l’héritier de la Maison des Black, » marmonne l’elfe.

« La Maison des Black ? Tu es l’elfe de Sirius ? »

L’elfe de maison tressaille au nom de Sirius et grogne quelque chose à propos des maîtres inférieurs. Il tend une main vers Harry, dans laquelle se trouve une lettre. Harry songe un instant que ça pourrait être un piège, mais l’attrait d’avoir des nouvelles de Sirius, enfin des fichues nouvelles, tout court, est trop fort. Il attrape la lettre.

Harry,
Suis assigné à résidence.

Le cœur d’Harry manque de s’arrêter. Sirius a été attrapé, c’est tout ce que ça peut vouloir dire. Sirius va devoir retourner à Azkaban et Harry n’a aucune idée de comment il pourrait l’en sortir.

Ne t’inquiète pas, pas été capturé. Dumbledore ne me laisse juste pas quitter la maison.

« Putain, Sirius. » Harry maudit les pauvres capacités de son parrain à écrire des lettres, malgré la tension qui se relâche dans sa poitrine. Remus aurait fait un meilleur travail.

Aucune lettre ne peut entrer ou sortir. Dumbledore ne veut pas nous dire pourquoi. Il dit qu’on te verra bientôt. J’ai besoin de ton aide, Harry. J’en ai tellement marre de cette saloperie de maison. Si je pouvais sortir, je pourrais venir te voir. J’ai donc besoin que tu ailles à Gringott et que tu fasses valoir ton droit d’héritage des Potter. Il y a un livre dans le coffre des Potter dont j’ai besoin. Il pourra aider. Puisqu’on ne peut pas s’envoyer de hibou, on utilisera Kreattur. Il peut te faire apparaître à la banque et t’en ramener. Le livre est le Grimoire de famille des Potter. Tu n’as qu’à dire à Kreattur où tu veux aller et il t’y emmènera. Ce n’est qu’une misérable chose, mais il fera ce qu’on lui dit de faire. Quand tu seras à la banque, il te suffira de leur dire ce dont tu as besoin. Ne parle à personne d’autre et prend ta cape d’invisibilité avec toi et Ne. Te. Fais. Pas. Remarquer. Personne ne le saura et toi, n’en parle à PERSONNE. Molly Weasley aurait ma peau sinon, mais je sais que tu t’en sortiras.
Je t’aime, Harry. Ne t’attire pas d’ennuis.
Sirius

Il y a tant de questions dont Harry aurait aimé avoir la réponse dans cette lettre que, pendant une seconde, il envisage sérieusement de laisser la lave en fusion dans ses veines exploser pour réduire le papier en cendres. Un héritage dont il ne savait rien. Une maison où Sirius vit sans lui, alors même qu’il avait promis qu’ils vivraient ensemble à la fin de la troisième année. Un tas de lettres qui, selon ces sous-entendus, auraient été envoyés pour lui et qui ne sont jamais arrivées, et Dumbledore, toujours ce foutu Dumbledore, qui a laissé faire. En plus de tout ça, Harry se sent haïr Sirius qui ne semble même pas se sentir concerné par tout ça, mais ce n’est qu’une chose de plus à repousser au fond de lui.

Mais oui voyons, je vais bien. J’ai vu le garçon avec qui je sortais être assassiné et Voldemort revenir à la vie, mais je vais bien. La vie est merveilleuse, putain.  

Tout enfermer. De plus, cette offre que Sirius a mentionnée, qu’il pourrait être capable de sortir de la maison – peu importe laquelle – où Dumbledore le garde enfermé pour venir voir Harry dans le Surrey est trop tentante pour qu’il la ternisse avec ce ressentiment enfantin qui bout en lui. Ce n’est pas comme si Harry n’avait pas l’habitude d’être abandonné. Il ravale donc tous ses sentiments et soupire, fouillant dans sa malle jusqu’à trouver sa cape d’invisibilité et la jeter sur ses épaules. Il glisse sa baguette dans sa poche arrière et jette un regard à l’elfe.

« Donc, tu es Kreattur ? »

L’elfe baisse son énorme nez jusqu’au sol.

« Kreattur vit pour servir la Maison des Black, » croasse-t-il, avant d’ajouter une litanie d’insultes et de malédictions qui vont du sang impur d’Harry jusqu’à ses cheveux atroces. Harry renifle. Il a déjà entendu ça.

« Donc tu vas m’amener à Gringotts ? »

« Si Maître Sirius le souhaite, Kreattur doit obéir. »

Harry lève les sourcils. Ça ne ressemble pas à un oui. Il essaye une autre question.

« Si je te demande de m’amener à Gringotts, et seulement à Gringotts, est-ce que tu peux me désobéir d’une quelconque façon ? »

Kreattur sursaute puis lance une autre série d’insultes. Harry peut presque voir les liens invisibles de sa servitude alors qu’il se débat contre.

« Non, » finit par cracher Kreattur. « Maître Sirius a dit à Kreattur d’obéir au sale gamin Potter donc Kreattur le doit. »

« Donc tu ne peux pas m’emmener ailleurs ? Chez quelqu’un d’autre ? » insiste Harry. Chez Voldemort ?

« Non, » la réponse fait briller les yeux de Kreattur. Il ne le peut pas, mais il le désire ardemment, Harry peut le voir. Il s’interroge quelques secondes sur la sagesse impliquant de faire confiance à un elfe malveillant pour l’emmener dans un voyage magique inexpliqué au cœur de Londres. C’est certainement le genre de choses que Dumbledore désapprouverait. Kreattur a peut-être l’air sale et laid, mais il semble intelligent. Il arriverait certainement à trouver une façon de contourner les règles pour livrer Harry à Voldemort comme une souris morte à un hibou. Harry sait ça, mais il n’arrive pas à s’en soucier. C’est devenu fréquent depuis que Cédric est mort et que ses amis l’ont abandonné, cette froideur indifférente qui s’infiltre en lui. Il suppose que ça doit être une mauvaise chose, mais c’est aussi un soulagement.

« Très bien, alors. » Harry lance un regard à Hedwige. « Je serai de retour dans quelques heures, ma belle. Si ce n’est pas le cas, tu as le droit de retrouver Sirius pour lui crever les yeux. »

Hedwige hulule d’excitation. Les yeux de Kreattur brillent d’une lueur qui ressemble à de l’approbation. Harry suppose qu’Hedwige n’a toujours pas pardonné à Sirius son échappée dans les tropiques l’an dernier, qui la forçait à traverser les océans. Il ne sait pas quel est le problème de Kreattur, mais il suppose que Sirius ne doit pas être la personne la plus facile à vivre, si sa tendance à laisser des piles d’os de poulet partout en est un indicateur.

« Allons-y, Kreattur, » lance Harry en jetant un coup d’œil à l’elfe. « Gringotts, et uniquement Gringotts, s’il te plait. » Harry remonte la capuche de sa cape d’invisibilité sur sa tête tandis que Kreattur attrape son bras. Dans un tourbillon de ténèbres et un son strident, Privet drive disparaît.

________________

Lorsque Harry ouvre ses yeux, c’est pour voir les décorations surchargées d’or à l’intérieur de Gringotts. Il trébuche contre Kreattur, qui grogne de dégoût et fait un pas sur le côté pour le laisser tomber contre le mur.

« Qu’est-ce que c’était que ça ?! » hoquète Harry. Il a l’impression qu’on vient de le faire passer à travers une ligne téléphonique.

« Transplanage d’elfe, » grommelle Kreattur avant de marmonner quelque chose à propos des sang-mêlés sans éducation, tandis que Harry essaye de se ressaisir. Les goblins à leurs bureaux ne l’ont pas encore vu. Ne te fais pas remarquer.

« Kreattur, » murmure-t-il. Les oreilles de l’elfe tressaillent mais au moins, il a la présence d’esprit de ne pas se tourner vers lui pour le regarder. « J’ai besoin de parler à l’un d’entre eux mais je dois rester invisible. Qu’est-ce que je devrais faire ? Attends, » le stoppe Harry avant que Kreattur ne puisse ouvrir la bouche, en essayant de penser à toutes les failles. « Ne me fais pas de recommandations qui pourraient me blesser moi ou Sirius ou nous causer à tous les deux des problèmes avec les goblins ou le Ministère ou… ou causer du tort à la Maison des Black. »

Ce sont les derniers mots de la phrase qui semblent avoir raison de Kreattur. Ce dernier lui lance un regard partagé entre une rage intense et un intérêt réticent.

« Comme le voudra le gamin Potter, » marmonne-t-il. « Kreattur peut arranger une rencontre entre le sang-mêlé et son gestionnaire de compte. »

« Très bien, faisons ça, » dit Harry tandis que Kreattur se met en mouvement. « Dans un endroit privé, cela dit, Kreattur. »

L’elfe tressaille à nouveau et se tourne pour fusiller Harry du regard. « Le gamin Potter est malin. »

« L’elfe Black le force à rester sur ses gardes, » rétorque Harry. Kreattur lui lance un sourire plein de dents jaunes, qui le fait ressembler à un hideux requin condamné à rester sur terre. Harry se dit que Kreattur a probablement dû s’ennuyer autant que lui, où qu’il ait pu se retrouver coincé avec Sirius.

Des foutus prisonniers, voilà tout ce qu’on est.

Kreattur s’approche du bureau en or massif, son apparence d’autant plus miteuse et sale alors qu’il fait face à un goblin parfaitement habillé d’un costume taillé sur mesure. Harry songe que si les elfes ont bien le droit de préférer les toges et les taies d’oreillers pour leurs vêtements, ils pourraient au moins en porter des propres. Kreattur revient bientôt vers lui, la lueur guerrière de retour dans son regard.

« Oh bon sang, tu as l’air heureux, » chuchote Harry. « Est-ce que tu as déjà trouvé un moyen de me vendre à ce bâtard sans-nez ? »

Kreattur aboie sous le choc – ou bien peut-être était-ce un rire.

« Pas encore, gamin Potter, » marmonne-t-il. « Il faut suivre Kreattur. »

Harry s’exécute, en se glissant avec précaution entre les clients et les gobelins et songeant que s’il avait su qu’il pourrait se balader librement dans Gringotts avec rien d’autre que sa cape d’invisibilité, il n’aurait pas pris autant à cœur les fameuses menaces des goblins. Que les voleurs prennent gardent, sauf s’ils ont une cape d’invisibilité.

« Le Seigneur des Ténèbres n’a vraiment pas de nez ? » lui lance Kreattur sans prévenir.

« Yep, » chuchote Harry en retour tandis qu’ils passent une porte en fer forgé sur le côté. « Voldy Sans-Nez. Il a l’air d’un énorme serpent. Sirius ne te l’a pas dit ? »

« Le Maître garde ses secrets, » grogne Kreattur. « Mais Kreattur sait les choses, oh oui, il les connait. Kreattur sait toujours. »

« Je n’en doute pas. C’est toujours les servants qui en savent le plus. C’est comme ça que je sais que Pétunia triche avec ses participations à la kermesse de la paroisse. Faits à la main, mon cul. »

Kreattur le regarde comme s’il était fou, et Harry se demande si ça pourrait être le cas. Ou peut-être que c’est juste qu’il n’a eu littéralement personne à qui parler à part son cousin. Oh bon sang, ce que Ron et Hermione lui manquent. Et Cédric, mais il ne va pas penser à Cédric. Le corridor qu’ils sont en train de remonter est couvert de têtes de diverses bêtes montées sur les murs, et Harry leur lance des regards curieux.

« Hé, tu crois qu’ils apprécieraient un Basilic ? » demande Harry.

« Le gamin Potter a un Basilic ? » répond Kreattur en le dévisageant.

« Un cadavre. » Harry scrute une tête montée de Chimère dans les yeux. « Dans la Chambre des Secrets. »

« Nous serions très clairement intéressés par le sujet. »

Une porte sur sa gauche s’ouvre, et Harry se retrouve face à un visage familier au long-nez.

« Vous êtes le gestionnaire de compte des Potter ? » s’exclame Harry en oubliant qu’il est invisible. Gripsec lui lance un sourire ferme.

« Héritier Potter, » répond Gripsec en regardant là où se trouve Harry avec une précision étonnante. « Je vous en prie, entrez. »

Harry se tourne vers Kreattur. Il ne veut pas le faire assister à la réunion, vu qu’il ne pourrait probablement même pas lui faire confiance pour laver ses chaussettes, mais ça ne lui parait pas très malin de laisser son billet de retour pour chez les Dursley errer à ses petites affaires dans une célèbre banque du monde sorcier.

« Tu vas entrer, et tu vas jurer sur… » Harry se tourne vers Gripsec. « Sur quoi jurent les elfes de maison ? »

« L’honneur de leur maison, ou la vie de leurs maîtres, » sourit Gripsec. « Assurez-vous que c’en est un qu’ils aiment. Le sien est probablement Walburga Black. »

« Euh. Sacré nom. » Harry lance un regard à Kreattur. « Je veux que tu jures sur ton honneur en tant qu’elfe des Black et sur la vie de Wallyburga que tu ne répèteras rien de ce que tu entendras à quiconque, ou que tu n’écriras pas à ce sujet dans une lettre ou ne le communiqueras pas de quelque façon que ce soit, » Harry fronce les sourcils, « y compris en marmonnant des choses dans ta barbe. » Kreattur le fixe comme s’il allait faire une attaque, mais finalement, lance à Harry son sourire mesquin habituel.

« Le gamin Potter pense qu’il est très malin. »

Ça ne rassure pas du tout Harry. Il jette un coup d’œil à Gripsec.

« J’ai oublié quelque chose ? »

Gripsec sourit à son tour. C’est vraiment terrifiant. « La clause. Ce qui arrivera à l’elfe s’il brise son serment. Il est probablement en train de penser qu’il pourrait le briser et supporter la douleur de la punition. »

« Ah. Je suppose que c’est le cas, oui. » Harry considère une seconde Kreattur et observe son propre poignet brisé. « Ok, Kreattur, faisons ça. Si tu brises le serment, tu seras… »

Harry dévisage Kreattur, voit l’impatience dans ses yeux jaunes et vitreux. Et il reconnait ce regard. La Mort n’est pas la pire des choses pour une personne qui vit enchaînée.

« … expulsé de la Maison des Black, et tu n’auras plus le droit de les servir d’une quelconque façon, eux ou toute autre famille. »

Harry pense à Winky, l’elfe de Barty Crouch Junior. Elle vivait pour servir. La petite bouche de Kreattur s’ouvre de stupéfaction et il fixe la silhouette invisible de Harry comme si ce dernier vient de faire pousser une deuxième tête.

« Le gamin Potter est vraiment très malin, » finit-il par marmonner tout en tressaillant.

« Est-ce qu’il peut refuser de jurer ? » Harry demande à Gripsec.

« Pas si son maître lui a ordonné de vous obéir. » Gripsec croise les bras. « Ordonnez-lui de jurer. »

Harry acquiesce.  « Kreattur. Jure-le. »

Kreattur grogne, se débat contre du vide. On dirait que cela est un peu douloureux pour l’elfe, mais Harry se contente de l’observer et d’attendre. Encore cette drôle d’indifférence.

« S’il ne le fait pas, qu’est-ce qui va se passer ? » demanda-t-il à Gripsec.

« Il mourra, probablement, » répond Gripsec en haussant les épaules.

« Je jure, » finit par cracher Kreattur. « Sur l’honneur de la Noble et Très Ancienne Maison des Black, et sur la vie de ma pauvre Maîtresse, Walburga Black. »

Un flash de lumière dorée éclate entre Harry et Kreattur et l’elfe s’affaisse. L’image même du soulagement et de l’obéissance. Harry acquiesce et se tourne vers Gripsec.

« On y va ? »

Ils font une sacrée équipe, entre un adolescent de presque quinze ans invisible, un goblin et un elfe de maison récalcitrant. Gripsec s'assied derrière un bureau de taille modeste et Harry retire sa cape. 

Kreattur prend place derrière lui, l'air maussade. Harry sent une pointe de culpabilité lui traverser la poitrine. Il ne regrette pas ce qu'il a fait, mais quand même. Il sait ce que ça fait d'être pris au piège. 

« Votre elfe dit que vous souhaitez accepter votre héritage, » lance Gripsec. 

Peu importe ce que ça peut bien vouloir dire, songe amèrement Harry. 

« Vous pouvez garder un secret ? » laisse-t-il échapper. « La confidentialité entre le banquier et son client ou un truc du genre ? »

« Certainement. » Gripsec semble offensé, mais Harry s'en moque bien. 

« Génial. » Harry se penche vers l’avant. « Deux choses. Mon parrain veut un livre qui est dans le coffre des Potter, c’est pour ça que je suis là, mais d’abord, putain, c’est quoi cette histoire d’héritage ? »

« Sale gosse sans éducation, » marmonne Kreattur tandis que Gripsec fronce les sourcils.

« Oui, eh bien, on n’a pas tous été élevés dans des Maison Très Nobles et Très Anciennes, Kreattur, » répond Harry en levant les yeux au ciel. « Certains d’entre nous ont servi d’elfes de maison à des foutus moldus, à la place. »

Kreattur semble ébahi qu’Harry lui réponde, mais Gripsec détourne leur attention en se grattant la gorge.

« Un héritage est une position de pouvoir et une magie, qui sont données à un héritier présumé, » explique-t-il lentement. « Quand un héritier atteint sa majorité, si le Lord est mort, alors il endosse également la place de Lord. »

« La place de Lord. » Harry dévisage Gripsec. « Comme… comme la Chambre des Lords ? Genre, le Parlement ? »

« Sales moldus prétentieux, » grogne Kreattur.

« C’est dans l’idée, oui, » acquiesce Gripsec. « Les Lords sorciers peuvent siéger au Magenmagot. Pour que vous puissiez recevoir votre héritage et avoir accès à vos coffres familiaux… »

« Mes coffres ? Au pluriel ? » l’interrompt Harry.

« Vos coffres, » continue Gripsec. « Nous allons devoir faire un test d’hérédité. »

« Pourquoi, vous n’êtes pas sûr de qui je suis ? » Harry soulève sa frange pour montrer sa cicatrice. « Ce n’est pas suffisant ? »

« Clairement pas, héritier Potter, » répond Gripsec avec un mince sourire. Il sort un morceau de parchemin et une petite dague en argent. « Un peu de sang, je vous prie. »

Harry revoit la petite dague en argent dans les mains de Queudver, la sent sur son bras. Il soupire et ferme les yeux, relevant sa manche pour découvrir la longue croûte sur son bras.

« Pas besoin d’en faire une nouvelle, » marmonne-t-il. Il se tourne vers Kreattur. « Me ferais-tu l’honneur, Kreattur ? »

Kreattur sursaute d’un bon mètre dans les airs.

« Le sale gosse veut que Kreattur le blesse ? »

« Eh bien, tu es le seul ici qui a récemment fait vœu de loyauté envers moi. Sans vouloir vous offenser, Gripsec, » rajoute Harry. « Allez, Kreattur, tu ne vas quand même pas laisser ton Seigneur des Ténèbres sans nez profiter tout seul, si ? Il m’a dit que c’était très satisfaisant de faire couler mon sang. »

Une lueur étrange passe dans les yeux de Kreattur, mais il finit par planter en vitesse le couteau dans la cicatrice à peine refermée et Gripsec fourre le parchemin sous son bras tandis qu’Harry siffle de douleur. Un chaudron bouillonnant. Un corps aussi blanc que des os.

« Merci, Kreattur, » reprend Harry en rebaissant sa manche et en pressant une main sur la blessure. Kreattur acquiesce mais ne répond rien.

« Merci, héritier Potter, » lance Gripsec. « Bien que, je vous l’apprends peut-être, mais le serment que j’ai fait il y a plusieurs décennies à vos ancêtres vous concerne également. De plus, nous n’avons besoin que d’une goutte de sang. Pas d’un geyser. »

« Adressez-vous à Monsieur Jedusor, » répond Harry en haussant les épaules. Les yeux de Gripsec s’éclairent à ce nom, mais il se reconcentre sur le papier. « Ah, oui, vous êtes en effet celui que vous dites être, héritier Potter. Aussi pouvons-nous vous remettre vos héritages et vos anneaux d’héritier. »

« Héritages ? Au pluriel ? » Harry se sent idiot de le répéter. Gripsec acquiesce et pousse le morceau de parchemin vers lui.

« Au pluriel, » confirme-t-il.

Harry jette un coup d’œil. Le sang qu’il a versé s’est réarrangé en une série de mots qu’il peine à comprendre.

 

Héritier de la Noble et Très Ancienne Maison des Potter : Harrison James Charlus Potter

Héritier de la Noble et Très Ancienne Maison des Black : Harrison James Charlus Potter

Héritier de la Noble et Très Ancienne Maison des Prince : Harrison James Charlus Potter

Héritier de la Noble et Très Ancienne Maison des Serpentard : Harrison James Charlus Potter

 

Mère : Lily Rose Potter

Père : Lord James Charlus Potter (adopté par le sang)

Parrain : Sirius Orion Black

Parrain : Remus Plutarch Lupin

 

Cette fois, il ne peut empêcher la lave en fusion de sa colère toujours présente en lui de déborder. Elle s’échappe du bout de ses doigts, les cloque, fait chanter les bords du papier tandis que les mots inscrits y bouillonnent.

« Putain mais c’est quoi ce bordel ? » lance Harry. « Je suis adopté ? »

 

Notes:

NdT : J'espère que ce premier chapitre vous aura plu !
Si tout se passe bien, vous aurez un chapitre chaque lundi et chaque jeudi :)

Je traduis et corrige tout toute seule, donc n'hésitez pas si vous voyez des coquilles ou pensez qu'il y a des points sur lesquels je pourrais m'améliorer, je suis ouverte aux critiques et j'adooore les commentaires !
(Et si vous êtes doué en traduction et que ça vous brancherait de corriger plus de 80 chapitres... je cherche une bêta, si jamais ;D)

A jeudi !

Chapter 2: Bagues et grimoires

Notes:

(See the end of the chapter for notes.)

Chapter Text

« Eh bien. C’est… inattendu. » Harry n’est pas sûr de si les goblins peuvent être choqués, mais si c’est le cas, alors le visage de Gripsec exprime le choc.

« Je suis adopté. » Harry fixe le mot. « Je suis adopté ? »

« Seulement par votre père. »

« Donc ça veut dire… que je suis le fils de ma mère, mais pas celui de mon père ? » Aucun de ces mots n’a de sens alors qu’il les prononce. « Comment est-ce que c’est même possible ? »

Gripsec lui lance un regard, un sourcil levé. « Vous êtes adopté par le sang. »

« Mais… Je ressemble à mon père, à James, tout le monde le dit. »

Harry secoue la tête. Comment le monde peut-il s’effondrer autour de lui et en même temps, que rien n’ait changé ? Tout ce qu’il a comme preuve qu’il n’a pas glissé dans un univers parallèle, ce sont ses doigts ampoulés et d’horribles mots écrits dans le sang.

« Parce que vous avez été adopté par le sang. »

« Vous n’arrêtez pas de répéter ça avait le moindre sens pour moi. »

« Sale gamin Potter sans éducation, » marmonne Kreattur. Harry éclate d’un rire bref. C’est une chose problématique que Kreattur sache ça, mais pour l’instant, se raisonne Harry, il doute que cela fasse une quelconque différence pour Voldemort de savoir qui est son père, tant qu’il peut tuer Harry à un moment ou un autre. Et ce n’est pas comme si Kreattur pouvait le lui dire.

« Eh bien, peut-être pas, Kreattur, » oppose Harry. « Est-ce que je suis seulement un sale gosse de Potter ? Et si la réponse oui est parce que j’ai été adopté par le sang, alors je ne veux pas l’entendre. »

Gripsec le fixe sans mot dire, sourcils haussés et lèvres pincées. Harry lève les yeux au ciel tout en croisant les bras, irrité.

« Très bien. Expliquez-moi, alors. »

« Une adoption magique par le sang par un parent signifie que l’enfant devient la progéniture de ce parent, dans votre cas, James Potter. Vous êtes un Potter à la fois par le nom et par le sang, sinon, vous ne seriez pas éligible à être son héritier. » Gripsec remonte ses lunettes sur son nez. « Vous lui ressemblez pour cette raison. Cependant, si vous deviez reconnaître votre père naturel, cela pourrait changer. »

« Attendez, » lance Harry en levant une main. Il réalise qu’il tremble. C’est trop. Il pense à Lunard, Queudver, Patmol et Cornedrue. Il pense à sa cape d’invisibilité, épaisse et chaude contre le dossier de sa chaise, à son patronus, argenté et brillant lorsqu’il pourchasse les détraqueurs. Il pense au cimetière, à la voix de son père et à son sourire. Nous sommes si fiers de toi. Il n’a jamais autant eu l’impression qu’il avait quatorze ans.

« S’il m’a adopté, c’est qu’il savait, n’est-ce pas ? » La voix d’Harry est rauque. Il se déteste pour ça.

« Oui, » acquiesce Gripsec avec assurance. « Il aura fallu votre sang à tous les deux pour compléter l’adoption. »

« Il savait, mais ils n’ont pas… » Harry déglutit. Cédric est mort. Voldemort est de retour. Et maintenant ça.

« Je ne pense pas qu’ils l’aient dit à quiconque. Même moi je ne le savais pas, et ce n’était pas dans leur testament. » Gripsec le fixe gravement. « Si je devais faire des hypothèses, je dirais qu’il était très important que tout le monde sache que vous étiez un Potter. »

Personne ne sait. Personne ne sait que le Garçon-Qui-A-Survécu, Harry Potter, n’est pas du tout Harry Potter. Harry ferme brièvement les yeux.

« Oui, j’imagine que ça devait être sacrément important, putain, » soupire-t-il. « Est-ce que Dumbledore le sait ? »

Ou Sirius ? Ou Remus ?

« Non. » Gripsec secoue la tête. « Vous n’avez jamais fait de test d’hérédité et le testament de vos parents ainsi que nos registres n’en comportent aucune mention. C’était un secret qu’ils ont emporté dans la tombe. »

« Très bien. » Harry acquiesce comme si ces choses étaient totalement banales à entendre. « Est-ce que vous savez qui c’est ? »

« Je ne le sais pas. » Gripsec lance à nouveau un regard au papier. « Mais j’imagine qu’un de ces héritages pourrait être une bonne indication. »

« Eh bien, ce n’est pas Sirius, ce n’est pas possible, il n’est pas… comme ça. » Harry se dit qu’il n’y a pas de manière plus délicate pour révéler que le criminel recherché, Sirius Black, est gay. Il se tourne vers Kreattur. « Ce n’est pas lui, n’est-ce pas ? »

Kreattur lui lance un regard étrange pendant un instant avant de secouer la tête.

« Le Maître a fait du sale gosse Potter son héritier parce qu’il ne pourra jamais avoir sa propre progéniture, » renifle Kreattur. « Pas alors que son partenaire est un horrible loup-garou dépravé. »

Harry lève les yeux au ciel, secrètement amusé par le fait que dans le monde sorcier, le problème n’est pas que Sirius se fasse un homme, mais qu’il se fasse un loup-garou. Harry a vu assez de films pour savoir que la plupart des moldus trouveraient le côté loup-garou terriblement excitant, alors que le côté homme… eh bien, si on demandait son avis à Vernon, cela serait un crime punissable de mort.

« Donc, pas Sirius, mais le… l’héritier de Serpentard. » Harry sent son sang se figer dans ses veines. Putain. « Ce n’est pas… Mon dieu, je n’ai même pas envie de le dire. »

Harry laisse sa tête tomber entre ses mains et agrippe ses cheveux. Ces yeux rouges. Ce visage squelettique hideux.

« Ce n’est pas Lord Voldemort, n’est-ce pas ? »

Gripsec le dévisage sans trembler.

« Cela me semble peu probable. Je ne peux pas imaginer votre mère faire une telle chose. Cela dit, il n’aurait probablement pas demandé la permission. »

Harry tressaille. Il n’avait pas besoin de penser à ça.

« Est-ce qu’il y a d’autres moyens d’obtenir un héritage ? » S’il y a une seule autre possibilité, Harry la prendra, s’y accrochera, y croira de toutes ses forces plutôt que d’envisager la possibilité que son père, son putain de père, puisse être Lord Voldemort.

« La conquête, » répond rapidement Gripsec. « Quand un Lord ou un héritier est vaincu, alors son héritage est transmis. Votre victoire sur Celui-Dont-On-Ne-Doit-Pas-Prononcer-Le-Nom pourrait compter comme une conquête. »

« Et la Chambre des Secrets, » acquiesce Harry. « Le Basilic. C’était le sien. Je l’ai tué. J’ai détruit une version de lui, aussi. »

Les sourcils de Gripsec se haussent à nouveau et une lueur prédatrice brille dans son regard.

« Eh bien, cela pourrait définitivement compter, bien que sans un test d’hérédité, nous ne pouvons être totalement sûrs. »

« Ouais, non, je ne pense pas que notre bon vieux Tom donnerait de son sang pour moi, » ricane Harry.

« En effet, » acquiesce Gripsec sans humour. « Donc, cela nous laisse la lignée des Prince. »

« Vous savez qui c’est ? »

« Non, » Gripsec semble agacé. « C’est une lignée éteinte, de ce que j’en sais. Le dernier héritier a vécu il y a cinquante ans de ça. Ils ont été désavoués et la lignée s’est arrêtée. Si vous en êtes l’héritier, alors l’homme qui vous a engendré doit être leur progéniture et a, d’une façon ou d’une autre, été ramené dans la lignée. »

« Et vous ne pouvez pas trouver de registres pour ça ? »

Harry doit avoir eu l’air frustré, parce que Gripsec lui lance un regard sévère.

« Il ne m’est pas permis d’accéder à des informations sur des comptes que je ne gère pas personnellement. Vous n’êtes qu’un héritier non-déclaré de cette lignée. Si le Lord est mort, alors vous recevrez la place de Lord quand vous en aurez l’âge. À ce moment-là, vous aurez accès aux coffres des Prince. »

« Donc, il me faudra juste attendre mes dix-sept ans pour découvrir qui est mon père. » Harry renifle avant de frotter son front. Il sent un mal de tête pointer derrière ses tempes et, pour une fois, se dit qu’il n’a probablement rien à voir avec Voldemort.

« À moins que vous ne le découvriez d’une autre façon, » répond Gripsec.

C’est un problème pour le lui futur. Pas juste des parents morts, mais un père perdu qu’il n’est même pas sûr de vouloir. Génial, putain.

« Le livre, » reprend Harry d’une voix fatiguée. « Le livre du coffre des Potter. Est-ce que je dois avoir dix-sept ans pour y accéder ? »

« Non. » Gripsec sort une petite boite noire de son bureau. « Vous êtes l’héritier reconnu des maisons Potter et Black. Pour Serpentard également, puisqu’il n’y a rien dans les coffres à transmettre, pour cette Maison. »

« Je ne comprends pas. » Harry a l’impression que ses quatre années de leçons d’Histoire de la Magie  ont été totalement inutiles.

« La maison Serpentard est dormante, » lui explique lentement Gripsec tandis que Kreattur marmonne et lève les yeux au ciel derrière lui. « Il n’y a pas eu de compte Serpentard actif à Gringotts depuis le 17ème siècle. Les héritiers de Serpentard ont toujours tendance à garder leurs secrets cachés autre part. »

« Sans déconner, » marmonne Harry en songeant au Basilic. « Donc, comment je fais pour aller chercher le livre dans les coffres Potter ? »

« Avec ceci. » Gripsec ouvre la boite. À l’intérieur, quatre bagues reposent sur du velours noir. « Vous les enfilez, et si elles vous acceptent, elles se déguiseront et vos héritages seront réclamés. »

« Ça parait facile. » Harry hausse les épaules, mais ne bouge pas. Il a développé une certaine prudence avec les objets magiques, depuis la Coupe du Tournoi des Trois Sorciers. « Pas d’effets secondaires ? »

« Aucun. Les Lords des Maisons seront informés que leur héritage a été réclamé. C’est tout. »

« Attendez. » Harry fusille Gripsec du regard. « Est-ce que Voldemort saura ? Est-il Lord Serpentard ? »

« Non. S’il a même un jour été l’héritier de Serpentard, il n’est jamais venu réclamer son héritage ici à Gringotts avant sa premièer défaite. L’anneau du Lord n’a jamais été réclamé. » Gripsec lance un regard à la cicatrice de Harry. « Probablement parce qu’il n’y avait rien, à part la bague, à réclamer. »

« Cela ne l’a pas empêché de revendiquer le titre, cela dit, » grommelle Harry. « Et pour Lord Prince, s’il existe ? »

« Il saura que l’héritage a été réclamé, mais vu qu’il ne vous a pas reconnu, il ne saura rien sur vous. »

« Donc je ne peux pas savoir qui il est, et vice versa ? »

« Pas par nous. » Gripsec avance la boite vers lui. « Compris ? »

Harry acquiesce. Il ne sait pas comment réagir face au fait d’être le bâtard non reconnu de quelqu’un, mais tant que l’homme ne peut pas le trouver, alors c’est une forme de sécurité.

« Il est peut-être mort, » intervient Kreattur. Harry laisse échapper un rire bref. Il commence à s’attacher à cet elfe maussade.

« Espérons-le, hein, Kreattur ? » Harry sourit et attrape les bagues.

La bague des Potter a une pierre rouge et se cale chaudement à l’annulaire de sa main gauche. Un goût de thé chaud et de tarte à la mélasse envahit la bouche d’Harry. La bague des Black le refroidit, le diamant noir brillant avant qu’elle ne disparaisse à côté de celle des Potter. La bague Serpentard ressemble à un serpent aux yeux d’émeraude (quelle putain de surprise) et siffle en Fourchelangue à son intention tandis qu’il la glisse sur le majeur de sa main dominante. Finalement, la bague des Prince et sa pierre d’obsidienne brute se glisse sur son index avant de disparaître comme les autres. Il a l’impression qu’il devrait se sentir différent, mais ce n’est pas le cas, et c’est en réalité un grand soulagement.

« C’est fait, » sourit Harry à l’intention de Gripsec. « Donc. Le livre. Est-ce que je peux juste descendre et le prendre ? Et peut-être fouiller un peu dans le coffre des Black, aussi ? »

Il suppose qu’il y trouvera peut-être des choses que Sirius voudrait.

« Pas si vite, Héritier Potter, » sourit Gripsec. C’est un sourire presque indulgent. « Vous êtes le Lord présumé des coffres des Potter, donc vous pouvez y avoir accès tant que vous le souhaitez, mais puisque la Maison des Black a un Lord encore vivant, vous devez lui demander la permission d’accéder aux coffres. »

« Rien n’est simple, » soupire Harry. « Juste le livre, alors, je suppose. »

Ses mains lui paraissent bizarres, pas vraiment lourdes, mais étranges. Il agite les doigts. « Est-ce que je suis censé me sentir bizarre ? »

« C’est simplement la magie qui s’installe, » répond Gripsec avec un vague geste de la main. « Les bagues d’héritier ont leurs propres pouvoirs auxquels vous devrez vous habituer. Des sorts de protection, ce genre de choses. »

« Comme quoi ? »

Les sorts de protections pourraient être utiles avec Dudley.  Gripsec soupire et lance un regard à une carte aux coins cornés dans la boite noire.

« La bague des Potter chauffera pour vous avertir de la présence de poison, la bague des Black vous préviendra en cas de sorts de contrainte comme l’Imperium… »

« Je peux déjà me débarasser de ça, » répond Harry en ignorant le regard de Kreattur. « Autre chose ? Quelque chose qui protégèrait contre les dommages corporels ? »

« … La bague de Serpentard permet au porteur de comprendre le Fourchelangue… »

« Je peux déjà faire ça, » grogne Harry. Gripsec le fusille du regard, ressemblant soudainement beaucoup trop à McGonagall. « Pardon. »

« Et la bague des Prince peut agir comme un portoloin. »

Harry tressaille, fixant sa main tandis que la bague se matérialise.

« Vers où ? » demande-t-il en déglutissant.

« Vers le Lord, » répond Gripsec en lisant la carte. « N’ayez pas l’air si inquiet, héritier Potter. Il ne peut être activé que depuis votre bague. »

« Donc j’ai une bague Black et une bague Serpentard qui ne me servent à rien, et un portoloin qui mène quelque part où je ne veux pas aller. » Harry se laisse retomber contre le dossier de sa chaise, en fixant les bagues. « Fantastique, putain. »

« L’Héritier Black est ingrat vis-à-vis de sa bague, » s’époumone Kreattur derrière lui. « L’Héritier Black n’est qu’un misérable. »

« L’Héritier Black espérait juste qu’il y aurait quelque chose qui puisse régler ça, » répond Harry en levant son poignet cassé vers Kreattur. « Et empêcher ce genre de choses d’arriver ! »

Kreattur le fixe d’un regard dégoûté et renifle.

« L’Héritier Black est un sorcier inférieur. »

« Ah ouais ? Eh bien, l’elfe Black n’est pas vraiment à la hauteur non plus ! » rétorque Harry.

« Je vais envoyer quelqu’un chercher le livre, » les interrompt Gripsec. « À moins que vous n’ayez envie d’aller vous-même dans le coffre ? Tous les biens des Potter sont là-bas. »

Pour une seconde, Harry l’envisage. Il a envie de voir tous les souvenirs que ses parents lui ont laissé, les photos de sa famille étalées devant lui comme avec le Miroir du Risèd. Et puis, il se rappelle qu’il n’est pas vraiment un Potter et l’excitement tourne comme du lait caillé. Tout ça n’est qu’un mensonge. Il secoue la tête.

« Très bien. » Gripsec attrape un morceau de parchemin. « De quoi avez-vous besoin ? »

« Le Grimoire des Potter. »

Gripsec hésita.

« C’est un tome unique, » reprend-il lentement. « Je ne vous recommande pas de le laisser sortir de la banque, et si vous le faites quand même, de le garder alors toujours en votre possession. En tant que Lord présumé, vous pouvez le protéger en utilisant votre bague, mais n’importe qui d’autre… »

« C’est pour Sirius. » Harry se sent déjà fatigué de toute cette histoire. « Vous pouvez envoyer quelqu’un le chercher ? »

Gripsec acquiesce et écrit quelques mots. Il claque des doigts et le papier disparait. Il entrelace ensuite ses longs doigts et observe Harry par-dessus ces derniers.

« Maintenant que vous avez réclamé vos héritages, vous devez comprendre que si votre père naturel est, au choix, Lord Prince ou celui qui aurait pu être Lord Serpentard-, »

« Oh, celle-là est bonne. On devrait l’appeler comme ça. »

« -vous allez probablement subir quelques changements dans votre apparence, comme nous en avons parlé. »

Harry cligne des yeux. Il a l’impression qu’il a eu vingt conversations différentes depuis qu’il a passé cette porte. Il essaye de se rappeler ce que Gripsec lui a dit alors.

« Parce que j’ai… magiquement pris connaissance de mon père naturel ? »

« Précisément, » acquiesce Gripsec. « À cause de cela, je vous suggère de prendre quelques précautions. Vos parents ont utilisé l’adoption par le sang pour protéger votre identité, sans doute jusqu’à ce que vous soyez majeur. Ma recommandation serait de continuer dans cette voie. »

« Comment ? » Harry le fixe bêtement. Parfois, il a vraiment l’impression de débarquer dans le monde magique. On pourrait penser que le fait de vaincre un Mage Noir quatre fois l’aurait débarrassé de cette sensation.

« Une potion serait la meilleure option, une qui permettrait d’altérer votre apparence sur le long terme. Vous trouverez une recette de ce genre dans le Grimoire des Potter, j’en suis sûr. Ah, le voilà. »

Le livre qui apparait sur le bureau de Gripsec est énorme, avec une couverture en bois incrustée de pierres précieuses.

« Ouah. » Harry le fixe. Quand il tend la main pour le toucher, sa bague des Potter s’éclaire. Il sent une vague d’affection monter en lui. À moi.

« En effet, » répond doucement Gripsec tandis que Harry caresse les verrous de bois et d’argent. Ils s’ouvrent dans un déclic pour lui. Il soulève la couverture avec révérence, voit une liste de noms de Potter qui remonte sur des centaines d’années. « Il contient tous les sorts et les potions uniques au nom des Potter. C’est plus qu’un héritage, c’est un artefact historique. C’est tout à fait présomptueux de la part de quiconque d’oser le réclamer. »

La bague des Potter s’enflamme à nouveau en signe d’accord. Harry la sent chaude comme du feu de phénix dans son doigt et sa main. À nous.

« D’accord. Ça, c’est bizarre. » Harry prend une profonde inspiration, mais il sait que sa bague Potter va brûler s’il envoie le Grimoire à Sirius. Ce serait ennuyeux et il a bien assez à penser avec les seigneurs des ténèbres, les Dursley et cet infini sentiment de froideur indifférente. « Je suppose que je pourrais envoyer à Sirius juste ce dont il a besoin ? » 

« Cela semble plus que juste, » répond Gripsec avec un sourire satisfait.

« Kreattur, qu’est-ce qu’il veut ? » demande Harry.

« Il veut être capable de quitter la maison de la Maîtresse sans être découvert, » marmonne Kreattur. « L’Héritier Black ne devrait pas donner le livre au Maître. Il l’utiliserait mal. On ne doit pas lui faire confiance. »

Harry hausse les sourcils. L’implication, derrière ces mots, c’est que si on ne peut faire confiance à Sirius, on le peut pour Harry. De plus, il réalise qu’il est à présent l’Héritier Black, plutôt que le sale gosse Potter. Peu importe ce que ça signifie.

« Il veut le sort de Désillusion Incartable, » acquiesce Gripsec. « Page vingt-trois. Elle imite l’effet de la cape des Potter. »

Harry ouvre le Grimoire. La page vingt-trois, lorsqu’il l’atteint, n’est pas écrite en anglais. Elle n’est pas écrite dans un langage qu’Harry pourrait lire. Ou écrire.

« Merde, » marmonne-t-il. « Pourriez-vous copier ça pour moi ? »

« Bien évidemment. » Gripsec place une feuille de papier par-dessus la page et la tapote. Elle se copie dans un lent étalement d’encre sombre. Puis il tend une plume à Harry. « Ecrivez le nom de l’individu que vous souhaitez voir lire cette page. Elle ne se révèlera qu’à lui. »

Harry le fait, puis tend la page à Kreattur.

« C’est pour Sirius. » Harry prend une seconde pour réfléchir. « Peut-être, dis-lui que je ne pouvais pas sortir le Grimoire de la banque, Kreattur. »

Kreattur lui lance un sourire mesquin avant de glisser le papier dans sa serviette immonde.

« Oui, Héritier Potter. »

Une chose de réglée. Une autre à gérer. Harry lance un regard à Gripsec.

« Donc, la potion pour changer mon apparence ? »

Gripsec se rend à une autre page, et la copie à nouveau.

« Amenez-là à l’apothicaire, » lui dit Gripsec. « Je peux vous lancer un sortilège goblin qui changera votre apparence pour une heure. »

Harry scanne la liste d’ingrédients et soupire.

« Il va me falloir un peu d’argent. »

« Bien sûr. » Gripsec claque des doigts et un petit sac d’or apparaît. Harry songe qu’il est bien plus simple de régler les choses avec un gestionnaire de compte qu’en multipliant les randonnées sous terre pour faire des retraits. « Que devrais-je faire avec le Grimoire, Héritier Potter ? »

Harry remarque la façon qu’a Gripsec caresse avec révérence le livre. Il hausse ses sourcils à l’attention du goblin.

« Un objet de facture gobline, j’imagine ? »

« Bien vu. » Gripsec lui lance un sourire amusé. « Oui, c’est le cas, et il est très vieux. »

« J’aimerais le prendre avec moi. Je peux ? »

Harry sait qu’il serait plus en sécurité à Gringotts, mais il s’en fiche tellement, et en plus, il a envie de le lire. Ce serait mieux que d’attendre des foutus hiboux.

« Bien sûr. » Gripsec retire son long doigt. « Je vous recommanderai cependant de le renvoyer à Gringotts avant le début de la prochaine année scolaire. Poudlard adore les objets magiques. Elle pourrait le faire disparaître. »

Harry ne sait pas comment répondre à ça. Il se lève avec le Grimoire sous un bras et lance la cape d’invisibilité sur ses épaules.

« C’était cool de faire affaire avec vous à nouveau, Gripsec. Est-ce que l’on pourrait s’envoyer des lettres ? »

Il offre sa main comme il a vu Vernon le faire encore et encore avec ses associés. Gripsec semble surpris, et secoue la tête.

« Les goblins s’inclinent, Héritier Potter, ils ne se serrent pas la main, » sourit-il. « Et nous échangeons des bénédictions. »

« Oh. » Harry réfléchit à quel sujet un goblin voudrait être béni. Probablement de l’argent. Il s’incline bien bas. « J’espère que toutes vos transactions seront excellentes et que vous vous ferez une tonne d’argent. »

Gripsec renverse la tête en arrière et caquète. Harry n’a jamais entendu un goblin rire à gorge déployée auparavant, et il se dit que c’est de ça que les cauchemars des enfants moldus doivent être faits. Peut-être les cauchemars des enfants sorciers, également.

« Pas mal, Héritier Potter. » Gripsec secoue la tête, amusé. « Nous avons tendance à dire ‘que vos coffres débordent d’or’, et celui qui reçoit la bénédiction répond ‘que vos ennemis soient vaincus’. »

« D’accord. » Harry fronce les sourcils. « Donc j’ai en quelque sorte fait le premier. Du coup j’imagine que vous pourriez me répondre en disant que vous espérez que Voldemort s’effondra raide mort dans son sommeil. »

« Je pourrais. » Gripsec penche la tête avec un grand sourire. Harry pourrait s’y habituer, si ça n’était pas si effrayant. Puis, Gripsec claque des doigts. Instantanément, le Grimoire rétrécit jusqu’à être assez petit pour se glisser dans sa poche, et une vague de froid s’installe sur son visage. « Le sortilège gobelin pour modifier votre apparence, Héritier Potter. Il devrait repousser les ennemis et quiconque dont vous ne souhaitez pas être vu. »

« Tout le monde, du coup, » blague Harry. Il lance un regard à Kreattur. « Tu peux me voir ? »

Kreattur le dévisage avec une espèce de surprise.

« Oui, » dit-il lentement, comme s’il ne pouvait comprendre pourquoi.

« Va comprendre, » répond Harry en haussant les épaules. « Excellent travail, Gripsec. Merci beaucoup. »

« Que vos coffres puissent déborder, héritier Potter, » répond Gripsec en inclinant la tête.

« Puissent vos ennemis être vaincus, » réplique Harry en tirant la capuche de sa cape sur sa tête. « Allez, Kreattur. À l’apothicaire, puis Privet Drive. »  

« À propos de cette correspondance, Héritier Potter. » Harry se tourne sur le pas de la porte. « J’aimerais en savoir plus à propos de ce Basilic. Nous pourrions faire beaucoup d’investissements grâce à lui. »

« Vous voyez ? » sourit Harry sous sa cape. « Une tonne d’argent que vous vous ferez bientôt, Gripsec. »

Gripsec glousse. Il glousse vraiment, et Harry se dit que c’est probablement ce qui lui est arrivé de plus bizarre depuis seize jours.  

 

Notes:

Nda : rendez-vous lundi pour le chapitre suivant ! J'espère que ça vous plait toujours :)

Chapter 3: Sahara

Notes:

(See the end of the chapter for notes.)

Chapter Text

Une fois hors de la banque et sous sa cape, Harry tire Kreattur dans une allée et rabat sa capuche.

« Donc, soit tu n’es pas mon ennemi, soit j’ai envie que tu me voies, je n’arrive pas à me décider. » Harry dévisage l’elfe. « Mais je t’ordonne de me dire la vérité sur-le-champ.  Est-ce qu’il faut que je t’extorque un autre serment pour m’assurer de ta loyauté jusqu’à ce que tu me ramènes à Privet Drive ? »

L’elfe souffle tout en lançant un regard pensif à la tête-clairement-visible d’Harry. Ses yeux perdent de leur éclat une seconde, comme s’il était en train de réfléchir à quelque chose de lointain. Harry sent un trait glacé de douleur le traverser, qui vient de la bague des Black.

« Outch ! » s’exclame Harry en se frottant la main. « Qu’est-ce que tu as fait ? »

Kreattur bondit en arrière, surpris, et fixe la main d’Harry d’où la bague des Black émet une lueur gelée.

« Kreattur a testé ses liens, ceux que l’héritier Black a placé sur lui à l’intérieur, » murmure l’elfe. « Il ne peut pas les briser. »

« Oh. Eh bah, c’est bien alors, » acquiesce Harry, et Kreattur semble furieux un instant. « Bien pour moi, je veux dire. Ça craint pour toi, j’imagine. »

« L’héritier Black n’est qu’un sale gosse sans manières, » grogne Kreattur.

« Et l’Elfe Black est une épine dans mon cul, » rétorque Harry. « Mais au moins tu es loyal. Enfin, pour la prochaine heure, j’imagine. Je m’en contenterai. »

Kreattur grogne tout en indiquant d’un coup de tête la boutique de l’apothicaire. Harry reste invisible, n’ayant pas envie de prendre de risque, et lorsqu’ils atteignent l’ombre de l’auvent de la boutique, il se rematérialise en songeant de toutes ses forces aux personnes qui ne sont pas des ennemis qu’il n’aimerait pourtant pas croiser. Remus. Quiconque de Gryffondor. N’importe lequel des amis de Dumbledore ou de ses espions. Hagrid. Lui et Kreattur entrent dans le magasin et il tire Kreattur jusqu’aux bocaux de branchiflores, hors de portée des yeux du commerçant.

« Tiens, » Harry fourre la liste dans les mains de Kreattur. « Il y a plein de trucs là-dessus que je ne connais pas. Je peux me charger de la peau de serpent arboricole et les trucs basiques, mais pas de tout ça. »

Kreattur lève les yeux au ciel avant de lire.

« Des ongles de Demiguise, des crins de Sombral, ce sont des ingrédients rares et sombres. » Les yeux de Kreattur scintillent de bonheur à cette pensée. « On ne les trouvera pas ici. Kreattur doit aller dans l’allée des Embrumes. »

« Bien sûr que Kreattur le doit, » répond Harry en levant à son tour les yeux au ciel. « Très bien. Tu vas à l’allée des Embrumes avec la moitié de ça, » il vide une petite montagne d’or dans les mains de Kreattur. « Je reste ici et je m’occupe de ça, » finit-il en déchirant la moitié supérieure de la liste d’ingrédients.

« L’héritier Black est un imbécile de laisser Kreattur partir avec son argent, » croasse Kreattur.

« Ah oui ? » Harry hausse les sourcils, puis se concentre sur la bague des Black à son doigt, sur cette sensation de glace contre ses os. « Tu ne me tromperas pas, tu ne rompras pas tes précédents serments, tu ne communiqueras à personne la raison de ta présence ici, tu ne rencontreras personne d’autre volontairement, et tu reviendras ici dans vingt minutes avec tout ce que tu pourras acheter avec cette quantité d’argent et tu ne diras rien à ton Maître ou à Lord Pantalon-de-Serpent ou aucun des serviteurs de Lord Pantalon-de-Serpent quoi que ce soit qui me concerne. Compris ? »

Les yeux de Kreattur s’écarquillent tandis qu’Harry se concentrer sur ses mots et sur la bague gelée, puis Kreattur frissonne. Harry sait alors que ça a fonctionné. Il lance un regard maussade à Harry.

« Oui, Héritier Black. »

Il ouvre la porte d’un mouvement de son doigt pour qu’elle claque contre les crins de licorne et se glisse dehors, grommelant tout le long du chemin.

« Kreattur pensait que le Seigneur des Ténèbres avait un nez de serpent, pas un pantalon de serpent, l’Héritier Black est probablement un gros et sale menteur tout autant qu’un repoussant sang-mêlé… »

« C’est bien que vous ayez une telle confiance en votre elfe, » lance le commerçant.

« Quoi ? » demande distraitement Harry tout en cherchant de la peau de serpent arboricole sur les étagères.

« La plupart des gens ne confieraient pas leur argent ou leurs courses à leurs elfes, ils ne les laisseraient même pas quitter la maison, » renifle l’apothicaire. « Moi, j’ai toujours eu mon elfe ici pour travailler avec moi. Cela n’a pas de sens de ne pas faire confiance à quelqu’un qui prépare votre thé tous les jours, après tout. »

« C’est vrai. » Cela dit, songe Harry, c’est probablement moins une question de confiance que de survie. Tout le monde n’a pas à se trimballer un elfe de maison qui serait ravi de les vendre à un meurtrier de masse à la moindre chance. « Vous auriez de la peau de serpent arboricole ? »

« Là-dedans, » répond le commerçant en pointant un grand vivarium. « Elle ne m’a pas encore laissé la récupérer. Elle est toujours attachée à sa queue. Je n’arriverai peut-être pas à la récupérer avant qu’on ne vienne la chercher aujourd’hui. »

Harry lance un coup d’œil au panneau sur le vivarium. Vendu. Il l’observe le corps enroulé se défaire peu à peu, la magnifique tête d’un vert citron sublime se lever jusqu’à regarder droit dans sa direction.

« Je pourrais peut-être y arriver, » lance Harry en avançant d’un pas, fixant le serpent droit dans les yeux en essayant de ne pas penser à Nagini.

« Bonjour, » siffle-t-il doucement.

« Bonjour, Parleur, » siffle-t-elle en retour. « Es-tu venu me chercher ? »

Derrière lui, Harry peut sentir l’intérêt du commerçant grimper en flèche, mais il essaye de l’ignorer.

« Je suis désolé, tu as déjà été vendue. » Harry se sent mal pendant une seconde. « Avais-tu une famille ? »

« Non », sa langue danse un instant. « Je suis contente de partir. Loin des hiboux. »

Au Royaume du Hibou est la boutique voisine. Harry peut les entendre hululer.

« Oui, ça doit être agaçant, » répond-il dans un sifflement. « Est-ce que je peux avoir ta peau ? »

Le serpent arboricole observe sa queue et la fait pivoter.

« Pourquoi ? »

« Pour faire de la magie. Pour cacher qui je suis. »

« Pourquoi ? »

« Parce que je ne sais pas qui je suis. »

Harry soupire et appuie un instant sa tête contre la vitre, fermant les yeux. Il a vu les fantômes de ses parents il y a seize jours. Il a perdu Cédric, c’était horrible, mais au moins ils étaient là, ils l’aimaient. Pendant quatre années merveilleuses, il a existé dans cette réalité où, bien qu’ils soient morts, ils étaient ses parents et ils l’avaient aimé. Seize jours plus tard, le sol se dérobe sous ses pieds. Aujourd’hui semble avoir terni tout ça. Et il déteste cette impression.

Je n’en avais pourtant pas tant demandé, si ? songe amèrement Harry. Juste des parents morts que je pensais pouvoir comprendre et qui m’aimaient clairement. Qui aurait pu penser que même ça, ça serait trop demandé ?

La lave fondue dans ses veines se transforme, craquant à la surface. Elle rencontre la chaleur et le froid de ses bagues d’héritier et étincelle au bout de ses doigts encore appuyés contre la vitre. Que ses parents aillent se faire foutre. Que Voldemort aille se faire foutre. Et que le reste du monde aille se faire foutre.

« Ta magie a bon goût », lance le serpent arboricole en agitant la queue. « J’aime bien. »

Harry rit doucement, son souffle couvrant la vitre de buée.

« Merci, je suppose. »

Il tapote un doigt, celui qui porte la bague de Serpentard, contre la vitre. Le serpent s’approche, goûtant l’air.

« Elle a un goût frais. Vert. »  

Bien sûr. Harry lève les yeux intérieurement. Typique des Serpentard.

« Je suis content que tu l’apprécies. »

Elle oscille doucement. Ses yeux sont incroyablement noirs, comme deux trous. Les animaux sauvages sont incroyables, se dit Harry, avec leurs yeux qui n’ont aucun point d’accroche pour les humains. Aucune référence à laquelle s’agripper.

« J’aime tes yeux, » reprend-il en tapotant à nouveau la vitre pour lui offrir un peu plus de magie tandis qu’elle oscille avec enthousiasme. Ils sont presque nez à nez. « Ils ne révèlent rien. J’aimerais avoir des yeux comme ça. Les gens pensent toujours savoir qui je suis. Ils voient toute ma douleur. Je déteste ça. »

« Je peux la sentir aussi, » elle lance un regard curieux à son poignet, s’abaissant un peu pour le fixer. « Ta douleur. Est-ce que ce sont tes compagnons de nid qui te l’ont infligée ? »

« Oui. »

« Tu n’as pas de compagnon pour te protéger ? Ou une mère de nid ? »

Les yeux d’Harry le brûlent pour la première fois de la journée. Il s’est entendu dire que son père n’était pas son père, qu’il est l’héritier de plusieurs positions qu’il ne comprend pas et que son parrain est enfermé quelque part sans lui, mais c’est ça qui le fait craquer. Il cligne des yeux pour chasser les larmes et inspire profondément.

« Non. Je n’ai pas de compagnon. Ou de mère de nid. Ou de… » Il essaye de dire ‘père’, mais le mot se transforme. « … géniteur. Ils sont tous morts. Ou je ne les ai même pas connus. » Il réfléchit quelques secondes, essayant de trouver les bons mots dans les deux langages pour expliquer la complexité de sa situation. « Ma mère de nid et mon faux-géniteur m’ont menti, je pense. Mon véritable géniteur pourrait bien être un ennemi. Mon compagnon est mort récemment. » Compagnon était un bien grand mot mais Harry ne pense pas qu’il existe un équivalent en Fourchelangue à ‘petit ami’. « Mes compagnons de nids me font du mal et mes… » Il lutta une seconde pour trouver un mot semblable à ‘amis’. « … familiers sont partis. Je suis tout seul. »

« C’est bien d’être seul, » siffle le serpent arboricole. « Quand un bébé grandit, il doit partir. Trouver un compagnon. Construire un nid. Pondre des œufs. Veiller sur ses bébés. Puis tout recommencer. Chaque être vivant est seul. »

C’est une philosophie étonnamment utile, pour un serpent. Harry soupire.  

« Je suis Harry », dit-il en réalisant pour la première fois qu’il a un nom complet à offrir en même temps que son surnom. Une autre chose qu’il déteste avoir ignoré si longtemps. « Harrison Potter. »

« Je n’ai pas de nom », répond le serpent en oscillant. « Choisis-en-un. »

« Ok. » Harry songe un instant à tout ce qu’il sait des serpents arboricoles grâce aux Potions. Pas grand-chose, en réalité. « Tu es native d’Afrique Sub-saharienne. Pourquoi pas Sahara ? »

« Cela fera l’affaire. » Sahara secoue la queue. Harry a une seconde l’impression qu’elle se moque de lui, mais il voit ensuite la peau séchée tomber de sa queue. « Tu peux avoir ma peau, Cœur Vert. »

« Cœur Vert ? »

« Ta magie. Verte. Fraîche. Puissante. Vraiment délicieuse. »

Harry pense que c’est un compliment. Bien qu’il ne puisse imaginer ce que Ron et Sirius diraient s’ils apprenaient qu’il avait été surnommé Cœur Vert par un serpent. Bien trop Serpentard.

« Merci. »

« Potter ? Bordel, qu’est-ce que tu fais à mon serpent ? »

Harry se tourne. Un adolescent aux cheveux sombres et à la peau pâle lui fait face, ses longs membres appuyés sur l’étagère des salamandres marinées. Une seconde, il n’arrive pas à le remettre. Et puis, ça lui revient. Théodore Nott. Il est de la même année qu’Harry, à l’école. Un Serpentard, et le fils d’un des hommes qui l’a observé se faire torturer dans le cimetière.

« Nott. »

Harry n’y pensera pas, il ne se rappellera pas des Mangemorts hilares qui l’entouraient, le repoussant vers Voldemort tandis que son corps brûlait sous l’Endoloris. Enterrer le souvenir. Le cacher. Il aimerait avoir des yeux comme ceux de Sahara, qui ne montrent ni douleur ni mémoire. Il ferme les poings.

Comment peut-il me voir ?

Harry ne le sait pas, mais en tout cas, il peut. Nott croise les bras, le fixant avec un regard interrogateur. Ce n’est pas un regard noir, juste… curieux. Peut-être un peu implacable. Peut-être que c’est à cause des bagues, mais Harry peut voir celle de Nott à présent. Une pierre bleu sombre sur un anneau d’or. Elle contient du pouvoir. Il peut le sentir. Gripsec ne lui a pourtant rien dit à propos des bagues d’héritiers qui pouvaient vous faire sentir le pouvoir.

« Je suis sérieux, Potter. Qu’est-ce que tu fais à mon serpent ? »

Harry réfléchit une seconde. Gripsec ne lui aurait pas lancé un sortilège défectueux, donc Harry doit miser sur le fait que Nott sénior n’est pas dans les parages. Mais ça reste un pari. Donc il lui faut partir aussi vite que possible. Avec une peau de serpent arboricole, de préférence.

« Sahara est à toi ? »

« Un présent de mon père. Je vais l’appeler Loki. »

« Ce serait difficile, vu que Sahara est une femelle, » lui rétorque Harry.

Il essaye d’enterrer ses souvenirs, mais ils ne cessent de remonter et de s’échapper, laissant échapper de la magie en même temps. Les bagues d’héritage aggravent la situation, songe-t-il, parce que la moitié de sa main gauche est chaude, l’autre froide, et sa main droite a l’air pleine d’électricité. Il tapote la vitre en se disant que nourrir Sahara de cette magie vaudra mieux que la lancer par accident sur le fils d’un Mangemort.

« Ça a bon goût. Comme du sang, cette fois-ci. »

« C’est de la peur, » siffle Harry sans y penser, sans réaliser ce qu’il lui dit. « J’ai peur. »

« De lui ? » Sahara se relève. « Il est petit. »

« De son géniteur. »

« Je pourrais le tuer. »

« Je parie que oui. »

« Ça vous dirait de m’inclure dans la conversation ? » intervient Nott sans le lâcher des yeux.

« Pas vraiment. »

Harry tourne la tête vers Sahara. Il est pratiquement sûr que l’héritier des Nott n’essayera rien, mais après ce qu’il s’est passé au cimetière, jamais plus il ne tournera le dos à un Mangemort ou à quelqu’un qui y serait lié.

« Est-ce que je peux prendre ta peau maintenant, Sahara ? »

« Oui. »

Harry acquiesce avant de soulever la vitre supérieure du vivarium.

« Sois prudent ! » l’avertit le vendeur en sortant à toute vitesse de derrière son comptoir. « Elle est extrêmement venimeuse ! »

« L’Héritier Potter est bel et bien stupide, » grince une petite voix depuis la porte. Kreattur s’y tient, les bras pleins de paquets et les yeux brillants d’une lueur triomphante. « Kreattur est impatient de raconter sa fin au Maître. »

« Merci beaucoup, Kreattur. Assure-toi aussi de lui parler du Basilic. Lui et moi n’avons pas encore eu le temps d’avoir cette conversation. »

« Le Basilic ? » s’étouffe le vendeur.

Nott n’a pas bougé de là où il est, toujours appuyé contre les étagères de potions, mais ses sourcils sombres se soulèvent légèrement.

« Je ne le ferai pas, » marmonne Kreattur. « Je dirai que l’Héritier Potter n’était qu’un idiot sans cervelle. »

Harry se contente de rouler des yeux. Kreattur espère peut-être que Sahara va le mordre, mais il l’appelle également Héritier Potter pour garder le secret intact, aussi ne peut-il pas vraiment s’énerver contre ça. Harry tend le bras pour atteindre la peau. Sahara le laisse faire, et puis, dans un mouvement imprévu, s’enroule autour de son bras pour se faire transporter à l’extérieur. Le commerçant recule à toute vitesse, Kreattur siffle comme un chat et Nott, eh bien… Nott ne fait rien. Il garde son regard fixé sur Harry, le scrutant comme un prédateur.  

« Tu t’ennuyais là-dedans ? » siffle Harry.

« Je t’accompagne. »

« Tu ne peux pas. Tu n’es pas à moi. »

« Je ne suis à personne. »

Harry ne peut pas lui donner tort. Mais il ne sait également pas comment il pourrait expliquer la présence du serpent aux Dursley. Cela dit, il ne pense pas que laisser un serpent arboricole énervé derrière lui soit le meilleur des plans. Il soupire et lance un regard à Nott.

« Combien tu veux pour elle ? »

« Je ne veux rien, » répond Nott. « Mon père l’a achetée. Je dois la ramener à la maison. »

« Elle ne veut pas venir avec toi, bordel, » répond sèchement Harry. « Et tu ne veux certainement pas la forcer. »

Nott soulève légèrement ses sourcils tandis que le vendeur déglutit et que Kreattur marmonne quelque chose à propos de ne pas nourrir le serpent hideux si l’héritier Potter est assez fou pour le ramener à la maison.

« Parce que tu supposes que je te ramènerai, toi, à la maison ? » lance Harry en direction de Kreattur.

« Pourquoi est-ce qu’elle ne veut pas venir avec moi ? » demande Nott.

Harry hésite avant de plonger dans les yeux noirs d’encre de Sahara.

« Pourquoi ne veux-tu pas aller avec lui ? »

« Tu as peur de son géniteur. Si je vais avec lui, il me faudra manger son géniteur. Si je ne peux pas manger son géniteur, alors je n’irai pas. »

« Eh ben merde, » soupire Harry avant de fermer les yeux et de frotter son front, sans réaliser qu’il utilise le bras où est accrochée Sahara. Cette dernière siffle joyeusement sous le mouvement. Bien sûr, il a réussi à trouver un serpent qui veut manger un Mangemort juste pour lui. Bien sûr, putain.  

« Dis-moi pourquoi, » reprend Nott en avançant d’un pas. Il marche comme un prédateur, lui aussi. Ses membres bougent lentement, son regard est fixe. Harry se fige pour l’observer. Il aurait aimé avoir sa baguette dans sa main, mais comme l’idiot qu’il est, il l’a laissée dans sa poche arrière. Vigilance constante, putain. Harry se sent flétrir à l’intérieur de lui-même. Il est trop fatigué pour tout ça. Il n’a qu’une heure avant que tout le monde, y compris Nott Senior si ce dernier est dans l’allée, soit capable de le voir. Et à ce moment-là, ce sera vraiment sa putain de fin. Comme toujours. L’indifférence l’envahit, plus froide que la bague des Black, et il soupire lourdement. Il lui faudra se contenter de la vérité.

« Parce que je ne suis pas particulièrement fan de ton géniteur, je veux dire de ton Père, en ce moment, et qu’elle considère qu’à cause de cela, il mérite d’être mangé. Si elle ne peut pas le manger, elle ne veut pas y aller. » Harry caresse avec lassitude la tête de Sahara tandis que le commerçant couine des protestations et que les marmonnements de Kreattur se font de plus en plus bruyants.

« Je vois. » Nott le fixe avec attention pendant un instant. « Une quelconque raison qui expliquerait pourquoi mon cadeau d’anniversaire a décidé que tu avais autorité sur la question de qui mérite ou non d’être mangé ? »

« Aucune putain d’idée, » souffle Harry. « Je l’ai nourrie avec un peu de magie, elle m’a donné un peu de peau, et on est des potes maintenant. Voilà. Il semblerait que les serpents arboricoles sont aussi loyaux qu’ils sont de bons ingrédients pour les potions. »

Nott lui lance un regard comme s’il… Eh bien, Harry ne sait pas vraiment comment. Peut-être que Nott connait un sort particulièrement efficace pour cacher ses émotions, mais Harry n’arrive en tout cas pas à les lire. Le garçon pourrait lui lancer un sort ou lui dire qu’il est fou et il ne serait pas capable de le prédire. Ça agace Harry. Après quatorze ans chez les Dursley, il se pensait bon pour deviner les prochaines actions des gens.

« Très bien, » lance lentement Nott. « Est-ce que ça pourrait aider, si tu lui disais que je ne passe pas tant de temps que ça avec mon père ? Que nous… ne vivons pas ensemble ? »

Harry étudie Nott. Il se demande si c’est bizarre qu’un sorcier vive loin de sa famille, mais Harry se dit qu’il ne doit pas avoir la meilleure mesure de ce qui est bizarre ou pas.

« Je suppose que ça pourrait. »

Il lance un regard à Sahara.

« Il ne vit pas dans le nid de son père, » siffle-t-il. « Il est seul. Comme toi. »

« Est-il un de tes ennemis ? Je pourrais le tuer. »

« Que dit-elle ? »

Harry lance un regard prudent à Nott. Le garçon s’est rapproché, assez pour qu’Harry puisse capter l’odeur de sa bague d‘héritier. Puissante. Du papier brûlé et des tempêtes orageuses. Il y a une autre odeur en dessous, aussi, mais Harry n’arrive pas à la reconnaître.

« Elle me demande si tu es mon ennemi, » murmure Harry et au début, parce qu’il observe Sahara, il ignore s’il a parlé en Fourchelangue ou pas. « Est-ce le cas ? »

« Ça reste à déterminer, Potter, » lui répond Nott tout aussi doucement. Le commerçant a reculé trop loin pour pouvoir les entendre. « Mais pour le moment… je ne crois pas. »

L’Indifférence est encore très forte. Les mots de Nott flottent à sa surface comme des feuilles, mais il les ressent. Avoir quelqu’un qui ne soit peut-être pas son ennemi est déjà mieux qu’avoir quelqu’un qui l’est peut-être.

« Il dit que non, » siffle Harry à Sahara. « Va avec lui. Mes compagnons de nid te tueraient s’ils tu venais avec moi. »

Sahara cligne des yeux dans sa direction pendant un instant. Si elle refuse, il va avoir encore un autre problème sur les bras.

« J’irai avec le gris. »

Harry n’a pas le temps de lui poser de question. Il offre le bras qui porte Sahara en direction de Nott, qui hésite avant de tendre le sien jusqu’à ce qu’il soit à côté de celui d’Harry. Sahara glisse de l’un à l’autre, quelques étincelles de magie la suivant. Nott se fige.

« Désolé, » marmonne Harry. « Magie. »

Une fois qu’elle est bien arrimée au bras de Nott, Harry rétracte le sien, qui lui parait étrangement vide sans sa présence. Il observe les étincelles s’apaiser sur ses écailles et repousse l’envie qui lui vient de la bague de Serpentard de la récupérer aussitôt.

« Ne le mord pas, » siffle Harry. « À moins qu’il n’essaye de te tuer. »

« Ou toi. » siffle Sahara en retour.

« Ça me va. »

« Que lui as-tu dit ? » demande Nott en tenant son bras un peu à l’écart de son corps. Harry réalise que bien qu’il ait pris Sahara, il n’avait probablement pas prévu qu’il transporterait un serpent venimeux sur son bras.

« De ne pas te mordre, » répond Harry. Il ne précise pas les diverses clauses.

« Oh. » Nott acquiesce poliment. « Merci. »

Le malaise s’installe. Harry fusille Kreattur du regard, qui en retour hausse ses sourcils en direction de l’horloge sur le comptoir, et Harry acquiesce. Il dépasse Nott et tend à Kreattur la peau du serpent et le reste de la liste, l’elfe se démenant pour terminer leurs achats tout en se plaignant. Harry se retourne. Nott le fixe toujours, un doigt caressant maintenant le dos de Sahara avec prudence. Harry déglutit.

« Donc, elle s’appelle Sahara, mais si tu veux changer son nom, au moins choisis un nom de fille et arrange-toi pour qu’elle l’approuve, sinon elle risque d’être de mauvaise humeur. »

Nott lui lance un regard bizarre tandis qu’il babille, mais Harry se contente de se frotter l’arrière de la nuque. Kreattur aura bientôt finit et à ce moment-là, il pourra arrêter ce… qu’il est en train de faire. Faire la putain de conversation, apparemment.

« Elle aime manger de la magie. »

« Ah, en effet. La nourriture magique, » répond lentement Nott en penchant gentiment la tête sur le côté. Avec le serpent enveloppé autour de son bras, il a l’air étrangement convaincant. « Tu réalises que les gens normaux ne peuvent pas nourrir quoi que ce soit avec de la magie ? »

Harry fait la grimace au mot ‘normal’, mais hausse les épaules.

« Des souris alors, je suppose. Ou des lézards. »

Kreattur a terminé et ouvre la porte en fusillant Harry du regard. Retour à Privet Drive, apparemment. Retour à l’obscurité, mais cette fois-ci, avec encore plus de merde à gérer. Il soupire et lance un petit sourire en coin à Sahara.

« Merci pour la peau, ma belle. »

Il fait un petit geste de tête à Nott et pars vers la porte.

« Tu dois venir me voir, » siffle Sahara.

Harry fixe le serpent.

« Je ne peux pas. »

« Pourquoi ? »

« Elle veut que tu lui rendes visite, n’est-ce pas ? » l’interroge Nott en chatouillant doucement le menton de Sahara. Harry ne lui demande pas comment il a compris ça.

« Ouais, mais je ne peux pas. »

« Pourquoi pas ? »

Harry a bien trop de réponses à cette question. Mais à la place, il se concentre pour répondre à celle de Sahara. Il essaye de lui dire qu’il est avec sa famille en ce moment et qu’il doit y rester tout le temps, mais la phrase sort bizarrement.

« Parce que je suis captif en ce moment. »

Sahara se redresse et Nott lui lance un regard surpris.

« Elle n’a pas aimé cette réponse, » lance-t-il.

« Je sais. » Harry passe une main dans ses cheveux. « Mais il n’y a pas grand-chose que je puisse faire à ce propos. »

« Je peux te trouver. Je pourrai toujours te trouver, à présent, » siffle Sahara. Harry sent une étincelle de sa bague Serpentard. « Je dirigerai le gris pour qu’il m’amène à toi. »

« Dis-moi, » lui ordonne doucement Nott. Harry se demande un instant pourquoi il continue de lui répondre, surtout quand il ne peut lire quoi que ce soit dans ces yeux gris, mais il le fait quand même.

« Elle veut venir me voir, » lance lentement Harry.

« Je pourrais probablement arranger ça, » répond Nott, tout aussi lentement.

Harry ne sait pas pourquoi il le fait, peut-être parce qu’il ne croit pas vraiment qu’un serpent qu’il vient juste de rencontrer pourrait guider un Serpentard quelconque qu’il connait à peine pour le trouver dans le Surrey, mais Harry acquiesce. Kreattur tire sur son bras.

« L’Héritier Potter doit y aller maintenant. »

Kreattur le tire hors du passage avant qu’il ne puisse dire au revoir, pile au moment où Drago Malefoy entre. Malefoy dépasse Kreattur comme s’il n’existait pas, ce qui, Harry suppose, doit être le cas pour Malefoy. Ce dernier ne le voit de toute évidence pas, mais il aperçoit Nott.

« Théo. » Malefoy le regard avec un air avenant que Harry ne lui a jamais vu, un sourire amical qui détonne totalement au milieu de ce visage hautain. Peut-être que les Malefoy sont génétiquement prédisposés aux sourires mesquins ? « Sympa, le serpent. »

« Merci, Drago. Elle s’appelle Sahara. »

Le regard de Nott passe de Harry à Malefoy, ses yeux s’écarquillant légèrement, puis il acquiesce avec un petit sourire. Harry suppose qu’il vient de comprendre quelque chose à propos du sortilège gobelin et ne pense pas qu’il devrait rester pour savoir ce que c’est. Harry laisse donc Kreattur le tirer hors de l’allée, puis remets sa cape d’invisibilité.

« L’Héritier Nott vient d’une bonne famille, une très bonne famille, » croasse Kreattur. Puis il lance un regard au fond des yeux de Harry malgré son invisibilité. « Il n’est pas un bon ami pour Harry Potter. »

C’est la première fois que Kreattur l’appelle par son nom. Il sait ce que ça signifie. Les yeux de Nott sont indécryptables, et Harry comprend soudain pourquoi. Ses yeux sont comme ceux de Sahara, comme ceux d’un animal sauvage qui chasse. Pas d’émotions, juste de l’instinct. C’est ce qu’Harry veut.  

« Mais il pourrait être un bon ami pour l’Héritier Black, » chuchote Harry. Les oreilles de Kreattur tressaillent et bien qu’il regarde dans le vide, Harry sait qu’il l’a entendu.

« Peut-être, » concède Kreattur. « Peut-être un ami dangereux. »

Harry songe au chaudron bouillonnant, qui a ramené Voldemort à la vie dans son frémissement. Il songe à Barty Croupton qui le tenait en ligne de mire de sa baguette. Peut-être que ce dont il a besoin, c’est d’amis dangereux. Surtout quand tous les autres semblent l’avoir abandonné.

« On verra bien, » répond Harry.

Notes:

Rendez-vous jeudi pour le chapitre 4 ! N'hésitez pas à me laisser un kudo ou un commentaire, ça fait toujours plaisir :)

Chapter 4: Lord Prince et Lady Malefoy

Notes:

(See the end of the chapter for notes.)

Chapter Text

Le Seigneur des Ténèbres est un fils de pute.

Severus le pense à chaque fois que la Marque le brûle sous l’appel, chaque fois qu’elle le fait souffrir sous la folie du Seigneur des Ténèbres et chaque fois que son estomac s’alourdit d’une inévitable peur quand il se rappelle qu’il est, et sera toujours, un esclave.

Severus essaye de l’ignorer. Il est en train de concocter de la potion Tue-Loup pour l’amant insipide de Black, et c’est un processus délicat, qui n’est clairement pas aidé par la putain de Marque sur son bras droit. Severus serre les dents et resserre ses boucliers d’Occlumencie. Il laisse l’engourdissement envahir son cerveau, avec un courant régulier de souvenirs calmes et dénués d’émotions qui l’aident à se concentrer. Beaucoup de moments où il brasse des potions, quelques promenades dans la Forêt Interdite, une poignée de bons livres qu’il a lu dans sa bibliothèque à la maison. Il n’y inclut pas les livres qu’il a lu à la bibliothèque de Poudlard. Il se tient loin de tout souvenir de Poudlard quand il essaye de se calmer. Pourtant, la Marque brûle comme si elle lui en voulait de l’ignorer, et la main de Severus tressaille quand il ajoute l’asphodèle. Merde. Vingt minutes de brassage supplémentaires pour contrebalancer son ajout soudain de la racine plutôt qu’en flux continu.

Le seigneur des Ténèbres est définitivement un fils de pute.

Et maintenant, comme si ça ne pouvait pas empirer, un foutu oiseau abandonné de Circé tape contre sa vitre. Personne ne peut trouver sa personne dans ce cottage perdu au fin fond du pays, si lourdement protégé qu’il repousse même les renards, excepté ces putains de hiboux. Il y a bien des choses qui sont problématiques depuis la résurrection du Seigneur des Ténèbres, tels que l’exposition régulière à l’Endoloris ou l’obligation de faire la conversation à Goyle Senior, mais la plus énervante de toute est cet afflux de hiboux. Des lettres de Lupin, des beuglantes de Black, des menaces à peines voilées de MacNair que Severus a toujours haï, et pire que tout, des énigmes sibyllines de Dumbledore. Severus hait le courrier. Il n’a pas reçu une seule lettre qu’il a véritablement attendue depuis qu’il a accepté son poste à Poudlard. Il y a encore moins de correspondants intéressants au sein des professeurs qu’il y en a parmi les chercheurs en potions du continent. Ou peut-être sa haine du courrier est-elle encore plus ancienne ? Peut-être date-elle de l’époque où une certaine dame rousse a été assassinée par son Maître.

Le Seigneur des Ténèbres est vraiment, a toujours été, et sera toujours une foutue putain de saloperie de fils de pute.

Severus lance un sort de stase à la potion Tue-Loup et soupire, traversant la pièce jusqu’à la fenêtre pour l’ouvrir et laisser entrer cet agaçant oiseau. Ce dernier vole jusqu’à la perche habituelle (Severus reçoit tellement de courrier dont il ne veut pas qu’il a besoin d’un perchoir à hibou avec un bol d’eau et des friandises, et il hait ça si fort) et tend sa patte. Severus récupère le parchemin. Ce dernier porte un sceau de Gringotts. Merveilleux. Des lettres provenant de gobelins haineux, maintenant.

Mon Lord Prince,

Je vous écris pour vous informer qu’à 09 :55 du matin en ce 10 juillet 1995 du calendrier Sorcier, la bague d’héritage de l’Ancienne et Très Noble Maison des Prince a été réclamée.

Puissent vos coffres toujours déborder,

Vôtre par la pièce et par la hache,

Serracier, gérant des comptes de la Maison des Prince  

Severus fixe les mots, sa respiration s’accélérant à toute vitesse. À l’intérieur de son esprit, ses boucliers d’Occlumencie clignotent. Il ferme les yeux, écrase la lettre au creux de son poing, se concentrant sur les ingrédients qui composent la Goutte du Mort-Vivant.

Une infusion d’armoise, des racines de valérianes – finement coupées en tranches et pas en dés…

Il attrape une poignée de poudre de cheminette sur le manteau de la cheminée et la lance dans le foyer, se laissant tomber à genoux devant celui-ci.

« Gestionnaire des comptes de Prince, Gringotts, » grogne-t-il.  

Un cerveau de paresseux en conserve, surtout pas frais, et des haricots sopophoriques écrasés, pas coupés, afin d’en extraire tout le jus…

Un visage gobelin apparait dans le feu vert.

« Serracier ! » aboie Severus. « Est-ce une espèce de foutue blague ? »

« Non, Lord Prince. » Même dans le feu, le sourire en coin de Serracier est agaçant. « Vous avez un héritier. Cette personne a demandé son héritage. Les documents viennent tout juste d’arriver. »

« Je n’ai aucun enfant, » grogne Severus, « donc vous pouvez renvoyer ces documents au foutu chien errant déshonoré qui s’est faufilé derrière vos précieuses barrières pour voler l’héritage de ma famille ! »

« Ce sont des accusations très graves, Lord Prince. » Les mots de Serracier sont légers, mais ses yeux flamboient. « Désirez-vous venir en personne à la banque pour les adresser à Sa Majesté ? Il devrait, bien sûr, être ravi d’apprendre que vous décrétez ses protections si absolument inutiles. »

Severus inspire profondément. Serracier est dans le vrai, bien sûr. Gringotts a les meilleures protections de tout le pays, même si Severus doit se retenir de rétorquer qu’ils ont été cambriolés à peine quatre ans auparavant. Il ne souhaite pas avoir la nation gobeline comme ennemie. Il en a déjà bien trop.

La racine d’asphodèle, pas ses pétales ou sa tige, réduite délicatement en poudre à l’aide de la base d’une lame de bois…

« Qui est-ce ? » demande doucement Severus. Il ne s’excusera pas auprès de Serracier, et Serracier ne s’attend pas à ce qu’il le fasse. C’est ce qui fait de lui un bon gestionnaire de comptes. « Qui est cet héritier supposé ? »

« Vous savez que je ne peux pas vous le dire, Lord Prince. » Serracier secoue la tête. « Il n’est pas un rejeton reconnu, aussi son identité est protégée par la banque. Jusqu’à ce que vous le reconnaissiez en tant que tel, il restera anonyme. »

« Eh bien, ça va être dur de reconnaître ce prétendant, si je n’ai même pas son nom, » lance sèchement Severus. « Et merci de vous abstenir de traiter tout enfant qui serait mien de rejeton. »

Serracier sourit. Les boucliers de Severus grincent. Un enfant. Quelque part dans l’univers, il a peut-être un enfant.

« Que savons-nous ? » demande Severus.

« Nous savons que l’héritier doit avoir au moins treize ans, puisque c’est l’âge minimum pour qu’un enfant puisse réclamer une bague d’héritage tant que le Lord vit encore. » Serracier penche la tête sur le côté. « Et nous savons qu’il n’est pas encore majeur, car le coffre des Prince n’a pas été ouvert. Un héritier majeur aurait un accès limité au coffre. Un héritier mineur, lui, aurait besoin de votre permission. »

« Personne ne m’a demandé de permission, » répond sèchement Severus. « Ni requête, aucune potion sortant de l’ordinaire pour me forcer ou me manipuler, rien qui impliquerait qu’une personne se fait passer pour mon héritier afin d’entrer de force dans le coffre. »

« Peu importe de qui il s’agit, il n’a pas pu se faire passer pour votre héritier, » répond sèchement Serracier. « Les cérémonies pour réclamer un héritage dépendent à la fois d’un sang reconnu mais également d’une acceptation magique venant de la bague elle-même. Elle ne peut pas être sortie de la banque, portée ni même touchée par quelqu’un qui n’est pas du sang de la famille. Vous savez très bien ce que ça signifie, Lord Prince. »

J’ai un enfant. Ça signifie que j’ai un enfant vivant, en ce moment, dans le monde.

« Cela ne signifie pas qu’il soit bienveillant ou que ses propres intérêts ne sont pas malveillants », grogne Severus en repoussant ses pensées sur sa parentalité. « Je ne le connais pas, il ne s’est pas présenté à moi. Il s’est contenté de venir frapper à la porte de votre banque, sans s’expliquer, et de dire qu’il fait partie de ma famille. Qu’est-ce que cela vous apprend, Serracier ? »

« Deux choses, Lord Prince. » Serracier se penche vers l’avant jusqu’à ce que son nez crochu soit pointé vers Severus. « Soit qu’il attend le bon moment pour se faire connaître de vous afin de vous manipuler, soit qu’il ne sait pas qui vous êtes. »

« Mais il a réclamé mon héritage ! » grogne Severus. « Il doit savoir qui je suis. »

« Peut-être pas, » sourit Serracier de son horrible sourire, celui qu’il utilise lorsqu’il fomente des plans. « Partons du principe que vous avez eu une… aventure, mon Lord, et que l’autre parent a décidé de cacher votre véritable identité. Le sang de votre enfant le connecte à son héritage de la Maison Prince, mais pas à vous. Vous êtes jusqu’au bout protégé par la confidentialité de la banque, tout comme lui. Vous pourriez n’être qu’un titre sur un bout de parchemin pour lui. Tout dépend de ce que l’autre parent pourrait avoir, ou non, révélé sur vous. »

Severus le dévisage. Les aventures de Severus, comme il les appelle, sont très rares à l’heure actuelle. Cependant, on ne peut pas en dire de même pour ses plus jeunes années. Au vu de l’âge supposé de l’enfant, il a dû être conçu lorsque Severus avait le début de la vingtaine. Il a soudain envie de grogner. Ce sont les années qui ont suivi Lily, mais avant sa mort. Certaines de ses plus malheureuses mais plus prolifiques années, quand il essayait d’enterrer sa douleur dans la luxure et le plaisir qui le traversait quand il utilisait la magie noire au service du Seigneur des Ténèbres. De grands pans de souvenirs de ces jours et de ces nuits ne sont plus qu’un mélange flou de sang, de sexe et de souvenirs assombris par le Whisky Pur Feu et le manque ressenti à cause de la magie noire.

Par les couilles de Merlin. J’ai enfanté un enfant et je ne le savais pas.

« Est-ce qu’on… peut enquêter sur les enfants magiques ? » demande doucement Severus. « Récolter des informations sur ceux nés entre 1978 et 1982 pour que je puisse… vérifier leur validité en tant que possible héritier ? »

« Je ne peux pas divulguer d’informations des clients, » répond Serracier en lui lançant un regard sévère. « Mais vous êtes employé dans la première institution magique du Royaume Uni. Si j’étais employé à un tel endroit, j’utiliserais cette situation à mon avantage. »

« Nous avons des lois de confidentialité similaires, Serracier. » Serracier renifle comme si les tentatives de confidentialité de Poudlard n’étaient que de la poudre aux yeux. Severus se frotte le crâne. Ce n’est pas juste sa Marque qui le fait souffrir, à présent. C’est toute sa personne. « Et je ne voudrais pas qu’Albus aie des soupçons. »  

La seule pire chose que ça serait que le Seigneur des Ténèbres l’apprenne. Bien que Severus ne soit pas sûr d’à quel point ce serait pire. Le Seigneur des Ténèbres voit les gens comme des esclaves, mais Albus les voit comme des pions. Et dans les deux cas, les gens ont tendance à mourir.

« Alors je vous suggère de mettre à contribution votre impressionnante mémoire, Lord Prince, » répond Serracier en agitant ses sourcils d’une manière suggestive. « J’imagine que vous pouvez vous concentrer afin de vous rappeler qui pourrait être l’autre parent de ce nouvel héritier. »

Severus ignore le sourire mesquin et ne se fatigue même pas à admettre que se rappeler de chaque détail de ses jours les plus sombres en tant que Mangemort n’est pas quelque chose qu’il a désespérément envie de faire. Et pourtant, alors même que cette pensée lui traverse l’esprit, quelque chose flashe derrière ses boucliers.

Paris, été 1979. Des draps froissés. Du champagne. Des mauvaises décisions. Une douleur déchirante sous l’appel de la Marque, et des regrets.

« Excusez-moi, Serracier, » réussit à peine à articuler Severus avant d’interrompre l’appel. Il bascule sur ses talons et se couvre les yeux pour ne pas voir l’hilarité moqueuse dans les yeux de Serracier.

Elle ne ferait pas ça. N’est-ce pas ?

Il soupire et lance une autre poignée de poudre dans la cheminée, marmonnant le mot de passe privé, familier, qu’il n’a pas utilisé depuis des années. Elle répond rapidement.

« Severus ? »

« Narcissa. » La douleur derrière ses yeux ne fait qu’augmenter, mais il doit le dire. Il doit demander. « Y a-t-il la moindre chance que, il y a quinze ans, tu aies essayé de faire passer mon héritier naturel comme celui de Lucius et que tu m’aies nommé en tant que putain de parrain à la place ? »

Un silence, tendu et étouffant.

Severus réalisa avec un retard stupéfiant qu’il aurait pu formuler cela avec bien plus de tact.

« Est-ce que tu pourrais traverser, Severus ? »

Même sous la pression, Severus ne peut s’empêcher d’admirer son sang-froid. Elle sait qu’elle ne peut pas traverser vers lui, sa cheminée bloque tout sauf les appels sortants, mais il peut sentir à son ton qu’elle préfèrerait de loin qu’il soit physiquement présent pour cette conversation afin de le mutiler à loisir. Severus soupire et traverse. Après un instant de vert et de jaune, il se tient dans le salon privé de Narcissa, en train d’enjamber les cendres.

« C’est bon de te voir, Severus chéri. » Narcissa incline doucement la tête. Ses cheveux sont de l’argent liquide, ses mains rassemblées, son corps un équilibre parfait, mais Severus peut voir la colère dans les rides autour de ses yeux.

« Cela fait longtemps que tu ne m’avais pas appelé comme ça, » marmonne Severus.

« Eh bien, puisque tu sembles déterminé à parler de temps depuis bien longtemps révolus, j’ai pensé que ce serait un terme adéquat. » Narcissa appelle d’un coup de baguette tout un service à thé. « Je vois que tu as décidé d’honorer ce petit voyage au pays des souvenirs de ta tenue habituelle ? »

Severus essaye de ne pas rougir tandis qu’il s’assied face à elle. Il n’a pas pensé à ses vêtements. Il ne porte pas ses robes habituelles lorsqu’il brasse des potions, c’est trop dangereux avec les manches longues. Il ne porte qu’une chemise noire aux manches retroussées, son étui à baguette visible sur son poignet et son col ouvert, dénudant sa gorge. Les yeux de Narcissa s’attardent à cet endroit. Il sait qu’elle ne le désire pas, elle veut juste appuyer son point de vue. C’est ainsi qu’il s’habillait lorsqu’ils finissaient ensemble dans un lit après de longs jours à brasser à deux des potions pour le Seigneur des Ténèbres. Narcissa est une potionniste presque aussi efficace que lui. Il en vient à souhaiter s’être mieux habillé. Puis, il se rappelle soudain pourquoi il est là, et toute sa fureur revient.

« Est-ce que Drago est mon fils ? »

Elle semble surprise qu’il ait choisi d’être si direct. Enfin, aussi surprise qu’une femme telle que Narcissa puisse être.

« Pourquoi penserais-tu cela ? »

Elle verse du thé. Severus a toujours admiré ses mains. Cette femme semble avoir été sculptée dans de l’ivoire.

« Parce que quelqu’un a réclamé mon héritage, » lance sèchement Severus. « Aujourd’hui. »

« Un Héritier de la Maison Rogue ? » demande Narcissa en haussant les sourcils. « Fascinant. Je ne savais pas que le Seigneur des Ténèbres avait été jusqu’à t’offrir un titre de Lord. »

Il se retient de hausser les yeux au ciel. C’est la méthode de Narcissa pour essayer de lui arracher des informations – lancer de petites piques pour qu’il les réfute ou les nie, mais il a toujours gardé son titre de Lord secret. Les Malefoy savent qu’il en possède un, mais n’en connaissent pas le nom. Même quand il a été nommé parrain, il ne le leur a pas révélé. Ils savent que ça ne peut pas être Rogue, à moins qu’il n’ait acheté le titre ou que quelqu’un d’autre le lui ai offert, comme le Seigneur des Ténèbres par exemple. Lucius dit qu’il se montre paranoïaque, mais Lucius n’a pas eu la même éducation que Severus. Il a des secrets à protéger, en effet, mais aucun des siens n’est du même calibre que ceux de Severus. Sinon, Lucius ne les lui aurait jamais dits.

« Drago est-il mon fils ? » répète-t-il, puis ajoute, parce qu’il ne peut pas empêcher le barrage dans son esprit de se briser une seconde de plus : « As-tu fait ça ? M’as-tu caché mon propre enfant ? »

Les lèvres de Narcissa se retroussent en ce qui ressemblent à une vague irritation. Mais Severus la connait mieux que ça. Elle ne se sent pas juste insultée, elle est folle de rage.

« Je me demande pourquoi tu crois que je suis celle capable d’une si grande trahison, chéri, » lance-t-elle avec légèreté. Ses yeux se sont transformés en glace bleutée, le gelant jusqu’à l’os. « Surtout en sachant que tu as profité autant de la compagnie de mon mari que de la mienne. Pourquoi Lucius n’est-il pas le sujet de tes accusations ? »

Severus clos brièvement les paupières. Il ne s’est pas préparé à cette conversation. Il prend quelques secondes de respiration pour essayer de reconstruire ses boucliers. À l’intérieur de sa tête, tout n’est qu’une mer de verre brisé et de désespoir impénitent. À quoi t’attendais-tu ?

« Lucius ne me ferait pas ça, » dit-il.

Une lueur dangereuse s’allume dans les yeux de Narcissa, et elle repose sa tasse de thé un peu trop brusquement.

« Parce qu’il t’a aimé bien plus que moi ? » siffle-t-elle.

Severus a presque envie de hausser les yeux au ciel pour ça. Il a envie de lui hurler que cela n’a pas d’intérêt, si Lucius l’avait aimé plus que Narcissa, puisque Narcissa aimait Lucius encore plus, et que c’était ce qui avait compté à la fin. Surtout sachant que Severus ne pouvait réellement aimer aucun des deux dès le départ.

« Parce que Lucius n’aurait même pas laissé cette occasion se produire, » répond Severus. Il aimerait prendre une gorgée de thé, avoir l’air sûr de lui, mais c’est impossible. Sa gorge semble faite de pierre.

Narcissa renifle. « Lucius n’a jamais été du genre prudent. Tu te rappelles la fille Greengrass ? »

Oh douce Circé, il n’y a rien que Severus ne déteste plus que de se rappeler les frasques sexuelles des groupes de Serpentard. A part peut-être se rappeler des frasques quasi criminelles de ces fichus Maraudeurs. Il préfèrerait de loin subir une tournée d’Endoloris de la part du Seigneur des Ténèbres lors de l’un de ses mauvais jours.

« Je ne parle pas de l’inaptitude de Lucius à se rappeler d’un simple sort de contraception ! » lance-t-il sèchement. « Il ne l’aurait jamais permis, parce que si Lucius s’était jamais retrouvé à porter un enfant de moi, il ne l’aurait jamais gardé. »

Cela ne devrait pas être si douloureux à prononcer. Il n’a jamais aimé Lucius plus que pendant un nombre consécutif de nuits pleines de sueurs, mais ça reste douloureux pourtant. C’est pour ça qu’ils ne fouillent normalement pas le passé. Ils étaient ensemble, tous les trois, d’une certaine façon. Un enchevêtrement aveugle de blessures et de jalousies, tandis que Narcissa et Lucius se cherchaient et que Severus rôdait entre eux comme un Derviche tourbillonnant. Puis, Narcissa a choisi Lucius. Le Seigneur des Ténèbres a chuté. Et ils sont passés à autre chose. Il est le parrain de Drago. Ils sont heureux et Severus est… eh bien, toujours là.

« Il t’aimait, » reprend Narcissa, les yeux hantés d’une douce lueur. Elle ne peut pas le pardonner d’avoir fait remonter tout ça à la surface, mais Severus sait qu’elle a encore assez de compassion en elle pour le prendre en pitié, même maintenant. Seize ans plus tard.

« Mais je ne suis pas un Black, » répond-t-il en secouant la tête. « Lucius ne se serait pas encombré d’un enfant Rogue. Pas pour tout l’amour du monde. »

« Mais moi, oui. »

Sa voix est si douce que pour un instant, il a l’impression de se briser. Est-ce qu’élever un enfant avec Narcissa aurait pu être suffisant pour le sauver ?  Il enfonce ce chagrin derrière ses boucliers, et décompte lentement en Sanskrit.

« Donc, ce n’est pas Drago, » finit-il par dire.

« Non, Drago est à nous. » Son sourire est doux. Ce n’est pas du pardon, pas encore, mais peut-être bientôt. « Cela dit, il est bien ton filleul, si cela peut être une quelconque consolation pour toi. »

Severus renifle. Drago n’a rien hérité de lui, pas vraiment. Il a la fierté de Lucius, la beauté de Narcissa, l’arrogance des Malfoy et un peu de l’hystérie des Black.  Il n’a rien hérité des Rogue. Ou des Prince, même s’il n’y a pas vraiment de mots pour décrire ce qu’est un Prince.

« Pardonne-moi, Narcissa. » Severus a suffisamment récupéré de son petit voyage dans les marécages du passé pour réussir à prononcer ces mots et à les penser. « Je suppose que ça n’était qu’un vœu pieux. »

Ça la fait sourire.

« Je comprends, mon ami, » chuchote-t-elle doucement. ‘Mon ami’, cette fois-ci, et pas ‘mon chéri’. Avec chaque mot, ils enterrent un peu plus le passé derrière eux. Là où il doit être. « C’est tout à fait naturel de vouloir trouver une réponse à une question si pleine d’espoir et de souffrance. »

Severus acquiesce. Puis, il laisse tomber un instant sa tête entre ses mains. Il ne peut pas se permettre une telle faiblesse, pas quand il est tiraillé entre deux camps dans un tel champ de bataille, entre deux maîtres inflexibles tel Prométhée sur la pierre, mais il peut se permettre ça. Narcissa est une femme dont le sang est tissé de secrets. Les Black sont aussi anciens que Morgane et leur Histoire est habillée de silence. S’il le lui demande, elle le fera.

« Il ne peut pas savoir, » dit-il doucement. « Je ne sais pas qui est mon héritier mais… si le Seigneur des Ténèbres venait à le découvrir… »

« D’accord. » Narcissa lui lance un regard qui brûle d’un feu bleu. « D’accord, je le ferai. »

Severus laisse échapper un petit soupir de soulagement. « Merci. »

« Si tu jures toi aussi. »

La pièce crépite sous la magie et la volonté. Pas de pardon, alors, pas encore. Il y a un prix à venir dans la maison de Narcissa Black-Malefoy, héritière de ces Nobles et Anciennes maisons du Pays de Galle et de France, et à l’accuser d’infidélité. Et le voilà.

« Tu m’as déjà arraché une promesse, » répond lentement Severus. « Un serment de parrain. De protéger, aimer, honorer et prendre soin de lui comme s’il était mien s’il se retrouvait seul dans ce monde. »

« J’ai besoin de plus. » Les yeux de Narcissa s’assombrissent. Résultat de la magie des Black, réalise Severus. Elle a toujours été plus une Black qu’une Malefoy, tout comme il a toujours été plus un Prince qu’un Rogue. Pas que quiconque le sache, cela dit. « D’autres héritages ont été réclamés. Je les ai sentis, même en étant si loin de notre Lord. Quelque chose va arriver. J’ai besoin de la même assurance pour mon enfant que je pourrais te donner pour le tien. »

Severus déglutit. Ce sont des eaux dangereuses.

« Et quelle est-elle ? »

« Protège mon enfant du Seigneur des Ténèbres, » souffle doucement Narcissa. « De ta vie. »

Severus la fixe. C’est plus que ce qu’il lui demande à elle, puisqu’il ne connait pas son enfant ni ne sait même s’il veut protéger sa vie. Mais demander à Narcissa de cacher la vérité au Seigneur des Ténèbres c’est lui demander la même chose, juste d’une autre façon. De plus, il ne peut le lui refuser. Pas vraiment. Severus a beaucoup d’ennemis, mais très peu d’amis. Après la mort de Lily, Narcissa est ce qu’il a de plus proche d’une amie véritable. Il est seul.

À l’exception de cet enfant. Quelque part, j’ai un enfant.

« Très bien. » Severus offre son bras. Narcissa s’y accroche.

« Je jure de protéger ton enfant du Seigneur des Ténèbres, de ma vie. » Severus prend une inspiration puis plonge dans ses yeux bleu foncé. « Jure-tu également, Narcissa ? »

Ils n’ont pas besoin d’un témoin, ce n’est pas un Serment Inviolable. C’est à la fois plus profond et plus doux, et tandis que la magie coule entre leurs mains jointes, les rubans argentés de la Maison des Prince s’entremêlant avec les tentacules sombres de celle de la Maison des Black, Severus le sent. La force catastrophique d’un amour parental. Il sent celui de Narcissa, aussi fier et dangereux qu’un puma, et le sien, qui prend à peine forme, mais aussi brut que le cri d’un oiseau-tonnerre. Il est un parent.

« Je le jure, Severus. »  

Notes:

J'adoooore les chapitres avec Severus, parce qu'il me fait travailler sur mon répertoire d'insultes x'D J'espère que ça vous aura plu ! À lundi prochain et n'oubliez pas de jeter un commentaire ;)

Chapter 5: Le sang du Gryffon et de Sleipnir

Notes:

Nda : Je suis ravie que les gens apprécient cette histoire amusante un peu random que j'ai commencée à écrire.
Si vous voulez vous amuser, faites une recherche Google sur « Sleipnir, mythologie nordique ». Je me suis bien amusée avec ça.

(See the end of the chapter for more notes.)

Chapter Text

 

Le besoin de faire cette potion pour changer d’apparence devient de plus en plus urgent. Dudley et ce petit tordu de sac à boules de Piers ont trouvé du fil de barbelé et ont décidé de battre Harry avec. Et ça n’est pas agréable. Il en a le dos et les épaules en charpie, de blessures qu’il ne peut pas atteindre avec les compresses antiseptiques qui sont dans la salle de bain. Et la blessure qu’il a en travers de la figure est la pire. À cause d’elle, il est maintenant assis sur son lit, à tenir le Grimoire des Potter d’une main tout en pressant un vieux t-shirt sur son œil plein de sang de l’autre, tout en essayant de faire sens de ces instructions pour la potion.

Le Glamour des Peverell pour les déguifementf et fubterfugef

Il faut à Harry les dix premières pages du Grimoire pour réaliser que les gens de cette époque là écrivaient leur ‘s’ comme des ‘f’. Cela rend certaines consignes comme ‘utiliser des coquillages fossilisés’ bien moins drôles, mais bien plus compréhensibles. Même avec les annotations terriblement détaillées que des générations de Potter et de Peverell (qui qu’ils aient pu être) ont laissé dans les marges, Harry sait qu’il n’a pas le talent suffisant pour brasser cette potion tout seul. Pas encore. Pas tant qu’il n’aura pas compris ce que signifie ‘mélanger felon le fymbol du croiffant de lune décroiffant’.

« Putain de faloperie de merde. » Harry tourna la page pour découvrir une description de comment, dans les détails, affaffiner un vampire pour une potion de mort éternelle. Avec un schéma. « Au moins, je n’ai pas à faire ça. »

Quoique, ça aurait pu être marrant d’y tester sur Dudley.

Foutue saloperie de Trace. On peut jamais s’amuser ici.

Un crack sonore résonne dans la chambre et Kreattur apparait. Harry fait un bond et manque de faire tomber le Grimoire quand ses deux mains tentent d’aller appuyer sur son œil abîmé. Une lumière verte. Des portauloins. Des yeux rouges meurtriers.

« Chaque putain de fois ! » lance Harry en fusillant du regard Kreattur, qui sourit, fier de lui-même. Harry sait que Kreattur adore faire ça, essayer de transplaner en faisant le plus de bruit possible, à la fois pour faire peur à Harry et pour lui attirer des ennuis avec les Dursley. Pile à l’heure, il entend d’ailleurs Vernon crier depuis les escaliers.

« Arrête ce vacarme, gamin, si tu ne veux pas d’ennuis ! »

« Oui, Oncle Vernon ! » répond Harry avant de fusiller à nouveau Kreattur du regard. Il a l’air si fier de lui. Harry se dit que les petits bonheurs dans la vie de Kreattur doivent être très rare s’il prend tant de plaisir à faire ça.

« Que veux-tu, Elfe Black ? » demanda-t-il en grimaçant tandis qu’il presse à nouveau son t-shirt contre son œil.

« C’est de la part du Maître, » répond Kreattur en lui jetant un papier avec un sourire malveillant. « Il est fâché contre l’Héritier Black, oh oui. Il a crié tout le matin contre le loup. »

« J’imagine que ça a dû être très amusant pour toi, » marmonne Harry.

« C’est le cas. »

« Si c’est comme ça que tu prends ton pied, Kreattur. »

Kreattur renifle une espèce de rire ou peut-être de grognement de colère. Harry n’arrive pas savoir.

« L’Héritier Black n’est qu’une bête immonde aux nombreuses perversions venu du fin fond des enfers. »

« Et je suis sûr que l’Elfe Black en sait beaucoup à ce sujet. »

Kreattur le fusille du regard. Harry le voit le coin de sa bouche tombante tressaillir. Harry a gagné cette bataille. Il soupire, et ouvre la lettre.

 

Harry.

Tu as fait tout le chemin jusqu’à Gringotts, tu as réclamé ton héritage, mais tu ne m’as pas envoyé le livre ? Kreattur dit que c’est parce que tu ne peux pas le sortir de la banque, mais il m’a dit ensuite que tu l’avais sorti de la banque, donc putain, qu’est-ce que tu fous ?

 

« Bien joué, Kreattur, » reprend Harry en levant les yeux au ciel en direction de l’elfe. « Tu lui as dit que je t’avais dit de ne rien lui dire, n’est-ce pas ? »

« Si l’Héritier Black ne s’attendait pas à ça, alors l’Héritier Black est aussi stupide que le pensait Kreattur, » répond l’elfe avec un sourire en coin.

« Les failles. Oui. J’avais oublié celle-là. » Harry plisse les paupières en direction de Kreattur, puis se concentre une seconde sur la bague des Black. Il commence à s’améliorer sur le fait de drainer la magie de glace de ses doigts pour la diriger vers sa volonté. « L’Elfe Black ne dira pas de choses au Lord Black si je ne veux pas, de façon explicite ou implicite, qu’il soit au courant de ces dernières. Compris ? »

Kreattur frissonne puis lui lance un regard assassin.

« Compris, Héritier Black, » grommelle l’elfe, bien que Harry puisse apercevoir une lueur d’excitation morbide dans les yeux de Kreattur. Ils commencent à être bon à ce petit jeu, tous les deux. Harry et son compagnon, l’elfe cinglé.

Enfin, c’est mieux que pas de compagnon du tout.

« Ne touche pas à mes affaires pendant que je lis, » lance Harry. Kreattur renifle et se retourne pour approcher lentement Hedwige, la malveillance inscrite sur chaque ride de son petit visage. Harry soupire. Un elfe meurtrier, c’est vraiment épuisant. Il retourne à sa lettre.

 

Pourquoi as-tu fait ça, Harry ? Tu ne veux pas que je puisse venir te voir ? J’ai besoin du Grimoire entier, et tout de suite. Envoie-le-moi. S’il te plait. Je n’en peux plus de vivre dans cette maison avec Remus et tous les foutus Weasley qui existent en ce bas monde.

Renvoie-le-moi avec Kreattur.

Sirius

 

Cela fait dix-huit jours. Dix-huit jours qu’il n’a pas vu un être humain qu’il apprécie, et tout ce que Sirius veut, c’est ce livre. Il commence à la sentir monter en lui comme une vague de fond qui essayerait de le tirer sous la surface. Cette peur agonisante, qui lui coupe le souffle, d’être définitivement seul dans un monde où Voldemort veut sa peau. Je peux te toucher, à présent. Il entend les rires des Mangemorts. Il sent sa colonne vertébrale se tordre douloureusement contre sa volonté. L’odeur de la terre retournée et des pierres carbonisées dans son nez. Le visage sale de Cédric. Les yeux morts de Cédric. Il cogne sa tête contre le mur, la vague de douleur martelant en rythme dans sa tête. Cédric. Cédric. Cédric. Il prend une profonde inspiration tandis que la douleur traverse la peau, laissant l’indifférence tout envahir. Il s’en fiche que Sirius s’en fiche. Il s’en fiche que Sirius soit avec Remus et les Weasley. Il s’en fiche.

« Est-ce que l’Héritier Black va répondre ? »

Quand Harry ouvre les yeux, il voit Kreattur le fixer, sa tête penchée sur le côté. Il doit probablement apprécier de voir Harry souffrir, le sale bâtard. Il semble aussi très fier de lui-même, bizarrement. Harry lance un regard dans la pièce. Kreattur, le petit bougre, a fait léviter tous les objets de sa chambre pour qu’ils tournent autour de la cage d’Hedwige dans une imitation d’un absurde mobile. La tête d’Hedwige tourne sur elle-même pour essayer de garder ses yeux sur les friandises pour hiboux. Kreattur sourit.

« Kreattur ne touche rien. »

« Tu reste quand même un sale petit con sournois, Elfe Black, » soupire Harry. Kreattur lui lance un sourire plein de dents.

« Et l’Héritier Black est un sale gamin dérangé qui n’a même pas de géniteur. »

« Touché, Kreattur. Touché, putain. »

Kreattur claque des doigts et toutes les possessions de Harry s’effondrent, mais absolument pas là où elles étaient avant. Elles semblent avoir été… rangées. Allez comprendre. Kreattur continue de le fusiller du regard donc Harry se concentre sur le problème actuel. Une réponse pour la lettre abrupte, franchement impolie et absolument méprisante de Sirius, pleine d’ordres et vide d’empathie. Tout du moins, c’est ainsi qu’Harry la voit. Il lance un regard au parchemin, fixe ensuite sa bague des Potter avec son rubis plein de soleil, et pense Sirius Black veut prendre notre Grimoire. Une flamme s’échappe de la pierre, blanche et orange, et s’enroule en une écriture fougueuse sur le bas de la lettre : Seuls les enfants avec le sang du Gryffon et de Sleipnir peuvent toucher le Grimoire Sacré. Harry fixe les mots un instant. Eh ben ça, c’est nouveau.

« Ouais… j’imagine que je réponds, du coup. Ou que le Grimoire le fait. »

Harry tend la lettre, avec les nouveaux mots inscrits en lettres de feu qui ne brûlent étonnamment pas le papier, à Kreattur, qui la fixe avant de secouer la tête.

« Peut pas la toucher, Kreattur peut pas. » Ses yeux passent de la lettre à la bague de Harry. « Elle contient de la magie ancienne maintenant. L’Héritier Black doit l’envoyer là où il veut qu’elle aille. »  

« Hedwige ? » Celle-ci le fixe comme si elle était en colère. Harry soupire.

« On semble manquer clairement de bonne volonté dans le coin, dis donc, » dit-il en regardant tour à tour sa chouette et l’elfe qui est parfois à lui et parfois essaye de le tuer. Kreattur lève ses grands yeux jaunes au ciel.

« L’Héritier Black est peut-être l’héritier le plus inutile qui soit, vivant ou mort, » croasse-t-il. Il claque des doigts, et le réveil de Harry rebondit sur sa tête.

« Aoutch ! » Harry fusille Kreattur du regard. « Au cas où tu ne l’aurais pas remarqué, Kreattur, je suis déjà en route pour une commotion cérébrale ! Tu pourrais essayer de me tuer demain ? »

« Demain, Kreattur doit empêcher les rouquins traitres à leur sang de voler dans la Maison des Black. » Kreattur claque des doigts, et le réveil vole vers son emplacement d’origine. « Trop occupé. L’Héritier Black doit envoyer sa lettre pour que Kreattur puisse défendre l’héritage des Black de leurs mains sales. »

Harry ne veut pas penser à ce que les rouquins traitres à leur sang sont en train de faire. Pourquoi les Weasley, qui sont ce qu’Harry a de plus proche d’une famille, morte ou vivante, ont besoin de rester avec son foutu parrain est au-delà de sa compréhension. Une jalousie visqueuse se loge dans son ventre. Ça ne sert à rien de penser à ça. À rien du tout.

« Eh bien, dis-moi comment je peux l’envoyer Kreattur, et tu pourras partir. »

Harry frotte la bosse sur sa tête. Entre le fil barbelé, la brûlure constamment présente de sa cicatrice et les réveils volants, il doit avoir de sacrés dommages cérébraux en train de s’accumuler.

« L’Héritier Black est stupide et paresseux, » lui renvoie Kreattur avec impatience. « L’Héritier Black doit utiliser la magie dans sa bague pour l’envoyer là où il veut qu’elle aille ! »

« Et comment je fais ça ? »

« L’Héritier Black doit juste le faire ! »

« Est-ce que tu as déjà entendu parler de Yoda, Kreattur ? » demande Harry en fixant l’elfe, la tête penchée sur le côté. « Vous avez beaucoup en commun. »

Kreattur lève les yeux au ciel et croise ses bras malingres, fusillant Harry d’un regard glaçant qui lui rappelle étrangement Rogue.

« Très bien, » répond Harry en levant à son tour les yeux au ciel avant de fixer la bague des Potter. Le feu est toujours là, toujours enragé à l’encontre de l’impudent qui oserait essayer de réclamer l’ancienne magie des Potter ou des Peverell. Il pense à Sirius, imagine Sirius en train d’écrire la lettre, la signer de son nom avec cette écriture erratique si familière.

Dis-lui.

Une flamme s’élève, comme un cheval se cabrant, pour atteindre le bord du parchemin. La lettre se consume dans le feu et s’évanouit dans l’air.

« Eh ben. » Harry, Hedwige et Kreattur fixent tous trois sa main. « C’est… ça ressemblait un peu à une sorte de sort. Tu penses que c’était un sort ? » Deux regards le fixent en retour, un orangé, l’autre jaunâtre.

« Merde, le Ministère. »

Harry attend, fixant l’espace de sa chambre et le ciel au-delà de la fenêtre, attendant des hiboux du Ministère ou des lettres magiques. Vous avez pratiqué illégalement la magie en dehors de l’école. Mais aucune n’apparait.

« Est-ce que l’Héritier Black est stupide ? » lance lentement Kreattur en le fixant avec prudence, comme s’il pensait vraiment qu’Harry avait perdu un boulon. « Son petit cerveau est-il pourri ? »

« Je ne pense pas que tu aies le droit de me poser cette question après m’avoir frappé sur la tête avec un putain de réveil ! » s’étouffe Harry en croisant les bras.

« L’Héritier Black est geignard et stupide, » répond lentement Kreattur, comme si Harry n’était qu’un bébé. « La magie des bagues d’héritiers n’est pas une magie que le Ministère de la Magie peut tracer. Ce sont des choses que l’Héritier Black aurait dû apprendre. »

Harry rit.

« Regarde autour de toi, Kreattur ! » lance-t-il en englobant d’un geste la chambre, ses habits en lambeaux, puis soulève le t-shirt en boule pour montrer la vilaine entaille qui traverse douloureusement son sourcil et sa paupière. « Est-ce que tu crois vraiment que j’ai appris quoi que ce soit ici ? »

Kreattur observe les alentours, renifle, mais ne répond pas. Harry soupire.

« Tu penses que ça a marché ? Est-ce que Sirius l’a reçu ? »

« Kreattur devra retourner auprès du Maître pour vérifier, » grogne Kreattur.

« Alors vas-y, Elfe Black, » soupire Harry en s’adossant au mur. Il a remarqué que la magie de ses bagues d’héritiers était plutôt épuisante. Sans parler du fait de s’assurer qu’il ne laissait pas de failles que Kreattur pourrait exploiter. D’ailleurs parlant de ça…

« Hé, Kreattur, » reprend Harry en ouvrant les yeux, tout ça pour surprendre Kreattur en train de plier son pyjama. Il le lâche et fusille Harry du regard. « Je ne sais pas si j’ai été assez implicite à propos de ça, mais tu ne diras rien à Sirius ou à quiconque de ce qui s’est passé ici, à propos de mes bagues d’héritiers et surtout à propos de ça. »

Harry pointe un doigt sanglant en direction de sa tête. Kreattur le fixe, puis acquiesce de mauvaise grâce.  

« Kreattur comprend. »

« Bien. » Une autre pensée lui vient. « Kreattur, tu ne peux pas me dire où ils sont, n’est-ce pas ? Où Sirius et… les Weasley sont ? Tu ne peux pas… m’emmener là-bas ? »

Kreattur secoue la tête, apparemment furieux. Harry n’avait pas tant d’espoir que ça, mais ça lui fait quand même l’effet d’être poignardé par un couteau émoussé de le voir si facilement piétiné.

« Le vieux sorcier qui se mêle de tout a placé un sortilège sur l’endroit, » crache Kreattur. « Comme si les protections des Black n’étaient pas supérieures, et bien plus majestueuses que tout ce qu’il pourrait offrir. »

« Dumbledore, » soupire Harry. « Evidemment, putain. »

Kreattur hausse les sourcils, mais n’ajoute rien. Il se contente d’acquiescer.

« Et ils font… quoi ? Ils te volent des choses ? » Harry sait qu’il ne veut pas savoir ce qu’ils sont tous en train de faire sans lui, mais il ne peut s’empêcher de poser la question. C’est de la torture de ne pas savoir, et de la torture de savoir. Donc il y aura de la douleur de toute façon. 

« La sorcière traitresse à son sang dit qu’ils nettoient la maison, mais ils ne font que voler les objets de la Maison des Black et quand Kreattur les récupère, le Maître les reprend, » grogne Kreattur. « Ces immondes sangs-de-bourbe et sangs-mêlés et traitres à leur sang et ces racailles. »

Sang-de-Bourbe. Hermione. Harry ferme les yeux. Ils sont tous ensemble. Chacun d’entre eux. Ils ne sont peut-être pas en mesure de lui écrire, mais Sirius a une façon de le contacter et il n’en parle pas aux autres, ou alors ils savent et ils ne le forcent pas à partager. Ils sont ensemble dans un endroit qui appartient à la famille Black et alors même qu’ils n’ont rien à voir avec la famille Black, absolument rien, ils ont l’opportunité d’observer les artefacts Black. Ils peuvent les toucher et les nettoyer et la bague des Black d’Harry se fait froide comme la glace sur sa main, pleine de sentiments de rage et de trahison si forts qu’ils lui donnent envie de lancer quelque chose. Il se sent plein du feu venant du rubis de la bague des Potter, et de la glace du diamant des Black, et du tonnerre de l’émeraude de Serpentard et la bague des Prince est pleine d’une nuit d’obsidienne profonde, et au cœur de tout ça il n’y a qu’une rage si visqueuse et si enivrante qu’il a l’impression qu’elle n’est pas tout à fait la sienne. Elle lui fait penser à celle de Tom, des souvenirs qu’il garde de ses moitiés de rêves pleins de ce rire suraigu. Il crispe les poings et sent ses ongles s’enfoncer dans sa peau. Il ne doit pas s’en préoccuper. Il ne s’en préoccupera pas. Il s’en fiche. Il s’en fiche qu’ils soient tous ensemble et que lui reste tout seul.

« Qu’ils aillent se faire foutre, » marmonne Harry, trop fatigué pour hurler. « Qu’ils aillent tous bien se faire foutre. »

Kreattur renifle et Harry a l’impression, pour la première fois, qu’il a dit une chose avec laquelle Kreattur est entièrement d’accord. Harry le fixe un instant, la bague froide des Black picotant à son doigt.

« Si tu as besoin d’un endroit pour cacher les affaires de la Maison des Black, amène-les ici, » lance-t-il avant de pouvoir s’en empêcher. « J’en prendrai soin. Ou plutôt… » il lève son doigt et agite la bague. Le diamant des Black scintille. « Elle le fera. Ou bien je peux les envoyer à Gringotts dans mon coffre. Comme tu veux. »

Kreattur le fixe, sa petite bouche grande ouverte pendant un instant. Ses yeux jaunes et laiteux passent rapidement du visage d’Harry au diamant des Black quelque fois avant qu’il ne referme la bouche. Il avance un peu et lève un doigt fin pour tracer une ligne invisible dans les airs, perpendiculaire à la ligne que forme la blessure d’Harry. Harry la sent se refermer, sa chaire brûlante se recousant sous l’influence de la magie. Harry se tourne pour se regarder dans le miroir de son armoire. La cicatrice reste horrible, tachée de sang séché, mais au moins à présent c’est une croûte et non plus une blessure ouverte.

« Euh, merci, Kreattur. »

Kreattur acquiesce puis se détourne.

« L’Héritier Black devrait se laver, » renifle-t-il. « Il n’est qu’un bâtard sale qui sent mauvais. »

« Et l’Elfe Black est un animal sale et grognon qui marmonne, » répond Harry en haussant les sourcils. « Oh, désolé, je croyais qu’on ne faisait qu’énoncer des vérités. »

Harry sait que Kreattur rit, parce qu’il en reconnait le son à présent : un cri grinçant, semblable à celui d’un corbeau, qui pourrait faire pleurer les bébés.

« Oh et, Kreattur, il vaut mieux ne pas dire à Sirius que je suis un complice dans ton entreprise de sauvetage des biens Black, » sourit Harry. « Il pourrait me tuer, et je sais combien tu espère être au final celui qui aura la chance de me finir. »

« En effet, Héritier Black. Kreattur se languit de ce jour. »

Le visage de Kreattur se tord en un sourire, puis il disparait. Harry soupire et s’observe dans le miroir. Le fait que dans les quelques jours où il a reçu ses différents héritages, correspondu avec son parrain et enfin entendu quelques nouvelles du monde extérieur, la chose la plus agréable qui lui soit arrivé soit un elfe de maison aux tendances meurtrières qui le soigne en dit beaucoup sur sa situation.

 

__________

 

« Qu’est-ce que tu fais ? »

Harry lève les yeux de la serrure qu’il manipule, agenouillé devant la cabane des scouts qui est à la lisière du parc, et sur laquelle il essaye de concentrer le pouvoir des Black afin de la geler pour la briser. Théodore Nott se tient à un mètre de lui, les mains dans les poches. Harry déglutit difficilement et s’imagine ce que Dumbledore, Sirius, Remus, Hermione, Ron, et à peu près quiconque qu’il n’a jamais connu ou à qui il a pu faire confiance pourraient dire s’ils découvraient le fils d’un Mangemort approchant Harry à moins d’un kilomètre de là où il vit.

Au moins, il ne s’est pas pointé sur le pas de la porte.

Nott semble bizarre, comme exposé, et il faut une seconde à Harry pour réaliser que c’est à cause des habits moldus. Nott porte des pantalons noirs et un t-shirt bleu foncé aux longues manches amples. Il est plus grand que dans le souvenir d’Harry, bâti un peu plus fortement, mais bon après, Harry n’est pas sûr de se rappeler d’à quoi ressemblait le corps de Nott avant. Il n’est même pas certain d’avoir jamais regardé Nott dans sa vie. Ce n’est pas comme s’il pouvait lui jeter un sort, et ses anneaux d’héritier ne brûlent ni ne gèlent à ses doigts pour faire annonce d’une menace qu’il représenterait. Aussi Harry suppose-t-il qu’il peut bien répondre à la question.

« J’entre par effraction, » dit-il en se tournant à nouveau vers la serrure. « Comment m’as-tu trouvé ? »

« J’ai volé un portoloin à ma Tante. J’ai dit à Sahara pour quoi il était. Elle l’a mordu, et nous voilà. » Nott hausse les épaules et soulève une manche. Harry fixe le serpent vert tandis qu’elle relève la tête pour cligner des yeux dans sa direction.

« Tu l’as fait », siffle-t-il, incrédule, dans sa direction. « Tu m’as trouvé. »

« C’était facile, » siffle Sahara en réponse. « J’ai goûté à ta magie, Cœur Vert. Je peux te trouver n’importe où. »

« Très pratique. »

« Pourquoi est-ce que tu entres par effraction ? » demande Nott, interrompant leur conversation.

« J’ai besoin d’un endroit pour brasser une potion. » Harry secoue le cadenas, puis soupire. « Tu aurais pas des épingles à cheveux ? »

Nott hausse un de ses sourcils noirs.

« Est-ce que j’ai l’air d’avoir besoin d’épingles à cheveux ? »

Harry lance un regard à ses cheveux. Ils sont brun foncé, pas aussi noirs que ceux de Harry, et pas aussi clairs que ceux de Cédric. Mais plutôt beaux.

« J’imagine que non. » Harry détourne le regard, en essayant de ne pas penser à la douceur des cheveux de Cédric sous ses doigts. « Quoi que ce soit d’autre qu’on pourrait utiliser pour crocheter une serrure ? »

« Tu utiliserais des épingles à cheveux pour crocher des serrures ? »

« Les jumeaux Weasley en ont utilisé pour m’aider à m’enfuir de chez moi, l’été de la seconde année. »

Harry jette un coup d’œil à Nott. Sahara s’est enroulée sur son bras et agite sa langue en direction de Harry, sa tête levée vers son visage.

« Tu as le goût de la douleur. Et du sang. »

« Je vais bien. »

Nott observe le serpent, puis plonge la main dans une des poches de son pantalon. Il en ressort quelque chose qui ressemble à un canif dont le manche est en marbre, mais lorsqu’il le déplie, ce dernier semble contenir bien plus d’outils qu’il n’en serait possible physiquement. Nott en tire une fine lame argentée, quasiment une aiguille. Il l’enfonce dans le cadenas et l’agite. Ils sont soudain plus proche, et Harry peut sentir l’odeur sèche et un peu moisie des écailles de Sahara mais également quelque chose de plus profond en dessous. La magie de Nott. Elle sent moins l’orage à présent, plutôt l’herbe après une grosse pluie.

« Qu’est-il arrivé à ta tête ? » demande Nott d’un ton léger.

« Rien. »

Sahara se penche vers le bras de Harry et ce dernier lui offre son poignet pour qu’elle puisse s’enrouler autour. Au fur et à mesure qu’elle le fait, le bras de Nott se dénude, et Harry y découvre des bleus. De la taille de doigts.

« Qu’est-il arrivé à ton bras ? » demande Harry.

« Rien. »

Nott tire le cadenas dans un clang soudain et ouvre la porte d’un coup de pied. Un courant d’air vicié les engouffre. Du bois humide, des balles de caoutchouc et des tentes pleines de sueur.

« Qu’est-ce que tu en pense ? » demande Nott en entrant, ses longues jambes étendues et ses cheveux bruns brillant dans les rayons du soleil d’été qui entre par la porte. « Assez bien pour brasser une potion ? »

« Je suppose. » Harry sort la recette de la potion et y lance un regard, cherchant d’éventuels détails concernant le lieu. « Un endroit à l’ombre et un intérieur chauffé. Ça suffira. »

« Laisse-moi voir. » Nott lui prend la recette et la fixe. « Je n’ai jamais rien vu de la sorte avant. C’est… étonnant, d’où tu tiens ça ? »

Harry hausse les épaules. « Un bouquin de famille. »

Nott le dévisage avec prudence, la page toujours entre ses doigts fins.

« Tu veux une potion qui cache ton apparence ? »

« Oui. »

« À cause de ça ? » demande Nott en pointant du doigt la tête et le visage d’Harry.

« Ouais, » répond Harry avec un grimace. « Et… d’autres choses. »

« Et tu ne peux pas la brasser chez toi ? »

« J’ai un oncle. Et un cousin. » Harry touche inconsciemment la bosse sur sa tête, puis regrette de l’avoir fait. Les yeux de prédateur de Nott suivent sa main, et Sahara s’est enroulée si haut de son poignet qu’elle se retrouve à la bonne hauteur pour goûter son sang.

« Ils t’ont fait du mal. Tes compagnons de nid. »

« Oui. Ils m’en font toujours. »

« Je les tuerai. »

« Certainement pas. » Harry caresse la tête de Sahara. Nott hausse un sourcil. Harry réalise à ce moment que Nott communique beaucoup avec ses sourcils.

« Elle a des envies de meurtre, » explique Harry.

« Ah. » Nott acquiesce lentement. « Tu as un Oncle ? »

« Ouais. »

Nott observe son poignet pendant une milliseconde avant de relever les yeux vers Harry. Son regard gris est toujours aussi insondable.

« J’ai une Tante. »

« Ah. »

Ils se dévisagent dans la cabane des scouts surchauffée, et Harry peut sentir leurs magies, qui se mélangent à l’odeur moldue de moisi tout autour d’eux. Nott est aussi froid et indifférent qu’un requin des profondeurs. Harry se sent sale et débraillé à côté de lui, suant dans le t-shirt de seconde main qu’il porte à cause du jardinage qu’il a fait plus tôt dans la journée, un peu comme un chacal débraillé. Mais bon, c’est déjà ça.

« Est-ce que tu… » Harry s’arrête, roule ses épaules. Il a l’impression que l’importance du moment vient de lui tomber dessus.  Sahara s’est enroulée jusqu’à son épaule et agite sa langue dans son oreille comme si elle se moquait de lui.

« Arrête ça, » siffle Harry.

« Demande-lui. Il dira oui. »

Elle est définitivement en train de se moquer de lui.

« Est-ce que je quoi ? » demande Nott.

« Est-ce que tu voudrais un peu de la potion aussi ? » Harry indique son poignet du menton. « Tu pourrais… m’aider à la brasser. Je suis une merde en potions. »

« C’est vrai. » Nott le dévisage. Harry essaye de se rappeler de respirer. Une voix qui ressemble beaucoup à celles de Sirius et de Ron résonne dans sa tête.

Fils de Mangemort. Fils d’un putain de Mangemort. Son père a ri pendant qu’il attendait que tu meures, que tu sois abattu par son Maître, il a baisé les pieds de Voldemort…

« Oui. »

« Hein ? » Harry le fixe. Des yeux gris, comme ceux d’un loup. Des marques violacées sur son poignet.

« Je veux de la potion. » Nott soutient son regard. « Je t’aiderai à la faire, Potter. »

« Harry. » Sa gorge est sèche, mais il le dit quand même. « Tu… tu peux m’appeler Harry. »

« Oh. » Nott ne roule pas ses épaules ni ne cligne des yeux ni ne fait quoi que ce soit que les gens font pour montrer qu’ils prennent une décision difficile, mais quelque part, Harry sent que c’est un moment important pour lui aussi. « Alors… tu peux m’appeler Théo. »

« D’accord. »

« Très bien. »

« Tu es heureux », siffle Sahara. « Je peux le sentir. »

« Tais-toi. » 

Mais Harry pense qu’il pourrait bien l’être. Juste un peu.  

Notes:

Ndt : le retour de Nott... ou plutôt, de Théo ! :D J'espère que ça vous aura plu, et à jeudi !

Chapter 6: Des jours où l'on brasse

Notes:

NDT : MHmhhjhljlf JE SUIS DESOLEE ! La journée de hier a été particulièrement difficile et longue à l'école, et je n'ai pas eu une seule seconde pour penser à poster... je n'ai réalisé que ce matin que je ne l'avais pas fait. Toutes mes excuses T_T Il va définitivement falloir que je me mette un réveil pour être sûre de ne pas oublier !
Bonne lecture un peu en retard, en tout cas ! ;_;

(See the end of the chapter for more notes.)

Chapter Text

« Bon sang, mais où est-ce que tu as bien pu dénicher des ongles de Demiguise ? »

Théo fixe la sélection d’ingrédients que Kreattur s’est procuré dans l’Allée des Embrumes avec intérêt.

« C’est Kreattur qui l’a fait. »

« Kreattur ? »

« Mon… elfe de maison. » Harry grimace un peu, réalisant qu’il pourrait bien en avoir trop dit. Le problème, c’est qu’il s’est habitué à Théo sur ces quatre derniers jours. Il a fallu à Harry un jour entier pour sortir son chaudron et son matériel de potion de la maison, après avoir emprunté le canif-qui-est-tellement-plus-qu’un-canif de Théo. Et après ça, il a fallu un autre jour entier pour s’installer et pour qu’Harry persuade Kreattur, qui grommelle toujours autant, de placer des protections autour de la cabane des scouts pour lui.

« L’Héritier Black n’est qu’un fou à essayer de brasser des potions compliquées dans un misérable cabanon, » lui lance Kreattur sèchement.

« Eh bien, l’Elfe Black est chanceux que je ne lui demande pas d’y habiter, » lui répond Harry.

Kreattur roule des yeux et tend à Harry un instrument d’argent terrifiant qui essaye immédiatement de grimper sur le bras de Harry pour s’enfoncer dans ses veines. Heureusement, la bague Serpentard de Harry a un truc contre tout ce qui pourrait bien ressembler à une araignée et utilise un éclair de lumière verte pour l’immobiliser. Kreattur, de façon tout à fait attendue, a l’air déçu.

« Kreattur, » souffle lourdement Harry en essayant de ne pas crier. Une lumière verte et quelque chose qui essaye d’ouvrir son bras – très mauvaise combinaison. Dans sa tête, il entend le rire de Tom Jédusor. « Je ne vais le dire qu’une seule fois, ok ? Juste une fois. »

Il se tend vers la glace de l’anneau des Black et elle est, de façon très attendue, prête à lancer un jet de magie malveillante à Kreattur, qui siffle avec irritation et sursaute.

« Tu peux ramener des objets de la famille Black ici, tu ne peux pas en parler à Sirius mais tu peux le faire, et je ne laisserai pas Sirius s’en débarrasser, mais tu ne peux pas, tu ne laisseras pas ces objets me tuer. » Harry sait qu’il inflige un peu de douleur avec la magie lorsqu’il voit les yeux jaunes de Kreattur s’écarquiller, mais s’il doit choisir entre Kreattur recevant un avertissement cuisant et lui qui se vide de son sang sur le sol de la cabane, alors il a le sentiment que son choix est plutôt justifié. « Est-ce que c’est compris, Elfe Black ? »

« C’est compris, Héritier Black, » frissonne Kreattur et, pour la première fois depuis qu’il est apparut dans la chambre d’Harry quelques jours auparavant, il s’incline. Avec son nez qui frôle presque le sol, il marmonne que ça n’est même pas drôle de toute façon si Kreattur ne peut pas étrangler le sale petit héritier lui-même, mais Harry sait qu’il s’est fait obéir parce que depuis, aucun des objets des Black n’a essayé de le tuer et Kreattur, lui, est resté à son niveau habituel de menaces de mort, mais avec quelques traces de déférence en plus. Il lance également des regards pensifs à Harry, curieusement, comme si ce dernier était en train de devenir quelque chose qu’il n’avait pas anticipé, quand il pense qu’Harry ne le voit pas. Harry sait pourquoi, mais il ne veut pas y penser. Harry n’aime pas causer de la douleur, mais il aime encore moins risquer la mort encore et encore. 

Et à présent, Harry se retrouve à brasser une potion dans une cabane puante avec le fils d’un homme qui l’a regardé se faire torturer. Ce qu’il fait depuis deux jours, au beau milieu d’une canicule. Il est plein de sueur et toujours aussi merdique en potions mais Théo est acerbe et malin et Sahara est hilarante. Il ne s’est jamais autant amusé depuis avant la troisième Tâche.

« Tu as un elfe de maison ? »

« Non. Oui. Peut-être. » Harry grimace. « C’est compliqué. »

« Pourquoi ? »

« Peut-être parce qu’il n’arrive pas à décider s’il veut me servir ou me tuer. »

« Ah. » Nott écrase lentement les ongles de Demiguise entre le pilon et le mortier. « Est-ce que tu as une seule créature autour de toi qui n’a pas des envies de meurtre ? »

« Non. » Harry renifle un rire. « Pas beaucoup d’humains, non plus. »

Théo sourit, d’un simple frisson du coin de sa bouche. C’est typique de Théo, a remarqué Harry. Dans les deux derniers jours, il a développé un inventaire toujours plus grand des sourires de Théo. Il y a celui-là, mais il y a aussi le sourire en coin, il y a le pincement de lèvres quand il essaye de ne pas rire, et puis il y a celui qu’il fait avec juste ses yeux, qui ne change pas le reste de son visage, sauf qu’il le fait complètement. C’est ça le truc avec Théo. Il est vraiment très drôle, quand il le veut.

« Tu sembles avoir un problème récurrent avec ça, oui, » lance doucement Théo.

Tout ça penche peu à peu vers le sujet de Voldemort, aussi Harry ne répond rien d’autre, il se contente d’un sourire pincé et continue à couper ses racines de phytophtore.

« On peut parler de lui, tu sais. » Théo s’arrête une seconde. « Le Seigneur des Ténèbres. »

Harry se fige. Quelque part, Harry sait qu’il se serait sentit mieux si Théo l’avait appelé Voldemort. Sahara est enroulée autour de son cou et elle s’ajuste, sa langue s’agitant.   

« Je peux la sentir. Ta peur. Est-ce qu’il t’a menacé ? Est-ce que je dois le tuer ? »

Harry est plutôt impressionné par la dévotion sans faille de Sahara, mais elle siffle de façon plutôt virulente et Théo hausse un sourcil avant de reculer d’un seul pas, très lentement.

« Elle est fâchée contre moi, n’est-ce pas ? » Théo lance un coup d’œil prudent à Sahara. Harry réalise soudain que ça doit être plutôt terrifiant de vivre avec un serpent qu’on ne peut pas comprendre. Ou à qui on ne peut pas parler pour le convaincre d’abandonner sa rage meurtrière. Pourquoi les gens le font-ils ? « Elle a l’air vraiment fâchée contre moi. »

« Ouais, » Harry frotte la tête de Sahara pour la rassurer. La bague de Serpentard la nourrit d’un peu de sa magie nerveuse, quelques petites étincelles qui courent sur ses écailles. Théo ne le quitte pas du regard.

« Tu sais, ça reste toujours aussi déconcertant de te voir faire ça, tout ce truc avec tes doigts qui lancent des étincelles. » Théo hausse un seul sourcil. « Qu’ai-je fait pour énerver notre animal de compagnie ? »

« Elle est à nous deux, maintenant ? » Harry ne peut pas s’empêcher de sourire.

« Oui. On a une garde partagée. »

« Ah bon ? »

« Potter. »

« Nott. »

« Dis-moi. »

Théo a ce talent, de lui donner l’ordre de parler, et Harry réalise que c’est très dur de ne pas lui obéir. Il sait que ce n’est pas une compulsion, parce que la bague des Black ne brille pas. C’est juste Théo, qui est immanquablement Théo. Harry remue et hausse les yeux au ciel, caressant Sahara pour lui faire passer toute envie de meurtre et lui siffle de doux mots de réconfort. Théo se contente de le fixer de ses yeux gris. Il a gardé les secrets d’Harry jusqu’ici. Il n’a pas amené son père avec lui. Ou sa Tante qui aime clairement le battre. Il s’est contenté de venir ces deux derniers jours, avec Sahara, sept heures par jour, pour brasser une potion et partager les biscuits rassis de Harry. Harry peut lui donner ça.

« Elle peut sentir ma… » Harry n’a pas envie de dire ce mot. « Mon anxiété. »

« Ah. » Les yeux de Théo s’éclairement légèrement. « Elle pense que je vais te faire du mal. »

« Non, elle pense que j’ai peur que tu le fasses. »

« C’est le cas ? » lui répond vivement Théo.

Harry respire profondément. Inspiration, expiration. A-t-il peur de Nott ? Il observe Théo. Ses cheveux bruns qui commencent à friser sous la sueur, ses clavicules pâles qui brillent légèrement dans la lumière rouge du crépuscule. Harry a tant de choses dont il peut avoir peur. Voldemort. Les Mangemorts. Ses cauchemars. Les visions. Ne plus jamais revoir ses amis. Même Sirius, sa potentielle déception et sa colère, ou l’indifférence insupportable de Dumbledore. Peut-être aussi les failles infinies de Kreattur, ou le nouveau jouet favori de Dudley, le fouet fait de fil barbelé. Vernon. Putain, ce foutu Vernon. Mais pas Théo.

« Non. » Harry fait glisser un doigt sur les écailles de Sahara. « J’ai peur de ton père. »

« Tu ne connais pas mon père. »

« On s’est déjà rencontré, en fait. »

« Quand ? » Les sourcils de Théo sont froncés, jusqu’à ce qu’il les hausse quand il comprend. « Ah. »

« Ouais. »

Il y a un cimetière entre eux. Théo ne peut pas le voir, mais Harry si. De grands hommes dans l’ombre, qui portent des masques blancs.

« Je ne voulais pas retourner auprès de lui. »

La voix de Théo est douce, mais ses mots traversent le cimetière, fracturant la terre sombre et les silhouettes drapées en deux. Harry fixe Théo, observe de quelle façon le doigt portant sa bague d’héritier tressaille. Harry comprend ce refus. Il ne voulait pas que ses parents meurent. Il ne voulait pas que son père naturel l’abandonne. Il ne voulait pas que Cédric se retrouve mort, ou que Sirius soit un tel con ou que tous ses amis l’ignorent. Ne pas avoir envie de toutes ces choses ne les a pas empêchées, mais ça doit compter. Au moins un peu.

« Très bien, alors, » répond Harry.

Théo acquiesce. Il retourne à la table en voyant que Sahara s’est calmée. Il soulève le pilon et recommence à écraser les ingrédients, habillant l’espace d’un son rassurant. Harry prend à nouveau son couteau et commence à découper. Ils sont silencieux. Le battement de son cœur se calme. Sahara pousse son nez contre sa carotide, sa langue un chatouillis sec.

« Tu as moins peur. Ta magie, elle a à nouveau un goût vert. »

Harry sourit. « Bien. » 

 

_____________________

 

« Est-ce que tu en as à parlé à qui que ce soit ? » lui demande Théo, le troisième jour de leur brassage.

« Parlé de quoi ? »

Harry a commencé la journée très tôt, vu que Dudley et Piers l’ont coincé sur le chemin du retour la veille au soir et ont décidé qu’il ferait un excellent défouloir. Son estomac lui fait mal et il a du remettre son épaule en place la veille au soir. Il commence à être doué pour ça. Il s’est dit que ce serait plus malin de sortir plus tôt. Il s’est glissé hors du numéro quatre avant que quiconque ne soit réveillé et Théo est arrivé vers neuf heures avec des rouleaux au bacon.

« Ce qu’ils te font, » répond Théo avec un regard pointé en direction de son épaule.

« Non. » Harry propose à Sahara un peu de bacon. Elle lui donne un coup de langue avant de le fixer.

« C’est de la viande morte. »

« Oui. »

« Je préfère la viande vivante. »

« Sadique. »

« Pourquoi pas ? » lui demande Théo. Il mâche son sandwich tout en vérifiant la température de leur potion. Il lui faudra douze jours pour être prête. Harry espère que ce sera assez rapide pour cacher les changements biologiques qui pourraient avoir été déclenchés par accident par sa demande de récupérer ses bagues d’héritier. Parce que peu importe les nouvelles choses que lui et Théo apprennent à propos de l’autre, ça, il n’est pas encore prêt à en parler.

« Pourquoi toi tu ne le fais pas ? » rétorque Harry.

« Parce que je n’ai aucune chance d’y échapper. » Théo écrase l’emballage du sandwich dans son poing, ses mots aussi plats qu’une planche. « Je vis avec ma Tante. Mon père ne me voit pas. Je n’ai aucune autre famille. Toi si. »

« Ah bon ? » renifle Harry.

« Tu as un parrain, non ? Sirius Black ? »

La main d’Harry se fige sur le dos de Sahara.

 « Je croyais que tu ne voyais pas ton père, » déglutit Harry. « Donc, qui t’a dit ça ? »

Théo haussa un sourcil et fixe Harry du regard. Sahara siffle doucement. Elle le fait encore lorsqu’Harry est anxieux, mais vivre avec Théo l’a adoucie un peu. Elle ne se cabre plus devant lui, c’est déjà quelque chose.

« Drago Malefoy, » finit par sourire Théo. « Qui d’autre ? »

Le cœur de Harry repart. La confiance entre lui et Théo est fragile. Elle se renforce avec chaque secret échangé, mais avec chaque révélation elle tremble, comme une toile d’araignée sur le point de se rompre.

« Évidemment, putain. » Harry hausse les yeux au ciel. « Il en a parlé à tout Serpentard, n’est-ce pas ? »

« Tout notre dortoir, » répond Théo dans un haussement d’épaules. « Zabini, Goyle, Crabbe. »

« Zabini est le seul dont je n’ai pas eu le plaisir de croiser le père, » grogne Harry. « Donc… génial, bordel. »

Théo tend la main vers Sahara et caresse ses écailles. C’est bizarre, mais quand ils la touchent tous les deux en même temps, Harry en retire un léger goût de la magie de Théo. Harry ne pense pas que Théo sait que ça arrive, il doit juste penser qu’une Sahara calme signifie un Harry calme, mais lui, il la sent. Douce et métallique. Un air d’été dans un orage. Il soupire lourdement.

« Sirius ne comprendrait pas, » répond-il en fixant la surface argentée de la potion. Aujourd’hui, ils doivent ajouter les crins de Sombral, tout en suivant une séquence exacte que Théo a décrite comme ‘sacrément compliquée, bordel’. Mais Théo est prêt à le faire.  Il est plus intelligent qu’il n’est raisonnable de l’être pour une seule personne, de l’avis d’Harry.

« Pourquoi pas ? »

« Sirius aime que je sois comme James Potter. Ou en tout cas, il aime penser que je suis comme lui. »

« Ton père ? »

« Ouais. » Harry ravale son hésitation et continue à travailler. « C’était un grand farceur, un héros, un joueur de Quidditch très doué et cool avec les filles. Et c’était son meilleur ami. »

Il peut parler de Sirius. Il peut ravaler sa douleur et en parler. Pourquoi ne pourrait-il pas ? Après tout, il n’est pas vraiment le fils de James. Donc est-il vraiment le filleul de Sirius ? En plus, Sirius se comporte comme un gros con en ce moment. Il ne lui a même pas écrit depuis la lettre à propos du Grimoire, probablement parce qu’il boude, selon Harry.  

Comme un putain de gamin.

« Tu peux être toutes ces choses et quand même avoir une famille qui te passe à tabac. »

Harry renifle un rire, et lance un sourire à Théo. Même avec les sujets difficiles, Théo est drôle.

« C’est vrai. Mais James, mon Père, il avait une famille qui l’aimait. » Harry prend une bouchée de son sandwich. « Ce n’est pas mon cas, et Sirius… il est tellement détraqué, à cause d’Azkaban. Quelque part… je pense que pour lui, ce serait ma faute. »

« C’est pas le cas. »

Quatre mots qui sont comme un coup de poing dans son estomac. Harry aspire une bouffée d’air.

« Ouais. » Il regarde Théo. Ses yeux sont inhabituellement clairs. « Pour toi non plus. »

Théo acquiesce brusquement, comme s’il avait été frappé. Harry sourit. Il sait qu’aucun des deux ne croit ce que l’autre a dit. Et c’est pas grave.  

 

___________

 

 

« Tu as l’air d’avoir été trainé à travers une haie. »

« Ouais ? » Harry fusille Théo du regard, le cinquième jour, tandis qu’il entre à grands pas dans la cabane. « Peut-être parce que c’est le cas. »

Théo est arrivé plus tôt pour vérifier la température de la potion et ajouter les pétales de belladone tant qu’elle est assez froide pour ça. Ils devaient être ajoutés en une séquence spécifique et Théo lui a dit que la simple présence de l’inaptitude chronique de Harry pour les arts des potions allait tout foutre en l’air. Sahara elle, s’est installée dans un rayon de soleil près du chaudron bien chaud, paisiblement endormie.

« Cousin ? » demande Théo.

« Oncle, » répond sèchement Harry en arrachant son t-shirt déchiqueté et en attrapant une chemise de scout à l’odeur de moisi qui a été abandonnée là. « Il m’a vu tailler les haies de Pétunia, comme elle me l’a demandé, putain, et il m’a tiré à travers les buissons de roses pour me hurler que je faisais un travail merdique. »

La bague des Prince de Harry, habituellement la plus silencieuse des quatre, remplit sa main avec la furie glacée d’un millier d’étoiles. Ça lui donne l’impression que, s’il venait à pousser Vernon avec cette main à l’instant, il se ferait probablement aspirer dans un trou noir.

Est-ce que ça ne serait pas absolument merveilleux ?

Harry grimace en enfilant sa chemise. Théo ne le quitte pas des yeux.

« Ton épaule est toujours douloureuse ? »

« Ouaip. »

« Est-ce que… » Théo hésite et Harry se fige. Théo n’hésite pas souvent. « Est-ce que tu me laisserais la soigner ? »

Harry le dévisage. Les seuls gens qui l’ont jamais soigné sont Madame Pomfresh et, à sa façon, Lupin et son chocolat. Oh, et Kreattur, mais quand on compare à toutes les fois où Kreattur a essayé de le tuer, Harry pense que ça ne compte pas vraiment.

« Comment ? »

Théo lève son doigt et agite sa bague d’Héritier. La pierre bleu foncé ne scintille pas, pas plus qu’elle ne brille. Au contraire, elle semble absorber la lumière. Harry l’aime bien.  

« La bague des Nott a de petites propriétés de soin, » dit Théo.

« Génial, » sourit Harry. « Aucune des miennes ne fait ça. »

« Aucune des tiennes ne fait ça ? » Théo hausse un sourcil et fixe les mains de Harry. Harry l’ignore. Théo n’a pas besoin de savoir à propos des héritages. Il ne peut pas les voir, de toute façon, puisque les bagues semblent invisibles en présence d’autres gens. Harry n’a jamais cherché à contrôler leur désillusionnement jusqu’ici, mais il en est très heureux.

« Est-ce qu’elle peut gérer ça ? »

Harry se tourne. Il a dit à Théo qu’il avait dû remettre son épaule en place parce qu’il avait du mal à découper hier, mais il n’a pas mentionné le petit jouet de Dudley. Harry lance un regard par-dessus son épaule pour apercevoir le visage de Théo. Il est impassible, comme toujours, mais Harry connait un peu mieux Théo à présent. Il voit le manque de passion qui cache une rage plus profonde, plus violente.

« Qu’est-ce qui a causé ça ? » demande Théo en avançant d’un pas. Il touche l’épaule d’Harry du bout des doigts et Harry sursaute. Il n’est pas habitué à ce qu’on le touche gentiment. Surtout sans vêtements. Plus depuis Cédric.

« Désolé, » déglutit Harry en essayant de paraître normal et pas comme s’il était en train de penser au fait que le dernier garçon qui l’a touché quand il ne portait pas de chemise est mort dans un cimetière. « Mon cousin a trouvé du fil barbelé. »

« Et a essayé de te fouetter avec, » murmure Théo. Ce n’est pas une question. Harry hausse une épaule avant de grimacer de douleur.

« En gros. »

« Et ensuite il t’a démonté l’épaule, en plus de ce qu’il a bien pu te faire là. » Théo se place en face de Harry, indiquant d’un geste les bleus verdâtres qui s’étalent sur le ventre de Harry. Pour la première fois, avec Théo qui le fixe ainsi, Harry réalise à quel point il est maigre. Théo est fin, c’est vrai, mais il a des muscles. Harry lui n’a que des os avec de la peau jetée par-dessus. Cédric a toujours dit qu’il était sec, qu’il était ‘bâti comme un attrapeur sexy’, mais il y a eu plusieurs semaines de privations depuis la dernière fois que Cédric l’a regardé comme s’il était sexy. À présent il est mort, et Harry suppose que ces temps sont probablement finis.

« Juste les coups de poings et de pieds habituels de la part de sales gamins, » tente de blaguer Harry. Théo ne lui accorde pas d’attention. Il observe les écorchures dues au buisson de roses.

« Puis ton Oncle t’a tiré à travers des buissons d’épines juste pour le plaisir. » Théo lève les yeux pour les ficher dans les siens. « Et ta Tante t’affame. C’est ça, n’est-ce pas ? »

« Ouais. »

Ils se fixent en chien de faïence. Harry est surpris parce qu’il a l’impression, peut-être, que les yeux de Théo transpirent de colère. Ils n’ont absolument pas changé, ils ne laissent toujours rien passer, mais peut-être qu’Harry arrive à le savoir quand même.

« Est-ce que quelqu’un t’a déjà dit que tu as la famille la plus tarée du monde ? »

« C’est plutôt riche de ta part, » renifle Harry en fixant délibérément les marques de doigts qui jaunissent sur le poignet de Théo.

« Ouais. Ça l’est, » réplique sèchement Théo. « Mais ça n’empêche que c’est vrai. »

Théo attrape le haut des bras de Harry, qui ont été miraculeusement épargné par les écorchures, et le fait tourner sur lui-même. Il presse sa paume ouverte contre les coupures qui saignent encore sur le dos de Harry. Contrairement à celle que Kreattur a soigné pour lui, celles-ci n’ont pas cicatrisé correctement. Harry serre les dents.

« Putain mais qu’est-ce que tu fous ? » lance Harry en essayant de ne pas laisser paraître la douleur dans sa voix.

« Elles sont infectées, » répond doucement Théo derrière lui. « Ça va d’abord faire mal. Et je vais devoir appuyer très fort. »

« Contente-toi de le faire, » marmonne Harry. Une douleur rapide est préférable à une douleur qui s’éternise.  

Théo appuie et Harry grogne, essayant par instinct de s’avancer pour s’éloigner de cette douleur brûlante et de l’éclair de magie froide qui lui rappelle celle des aiguilles pour les vaccins. Théo enroule son autre bras autour de la poitrine de Harry, le maintenant en place et pressant plus fort.

« Tiens bon, » murmure Théo.

Harry se mord la lèvre et attrape le bras de Théo, sans savoir s’il le fait pour le repousser ou pour s’accrocher à ce dernier. La douleur s’intensifie, s’insinue dans les muscles de son épaule et jusqu’à ses côtes, traçant son chemin jusqu’à son cœur et la glace de l’aiguille s’étend comme de l’azote liquide. Harry se demande vaguement si Théo est en train de le tuer. C’est peut-être le moment où le fils d’un Mangemort va enfin hériter de sa récompense. L’indifférence s’élève alors avec cet incroyable instinct de fuir ou de se battre qu’il a, et qui a toujours été bloqué sur ‘se battre’, et Harry pense soudain à Voldemort. À sortir de derrière cette stèle pour marcher droit vers le sortilège de la mort. Si Théo est en train de le tuer, Harry ne fera pas un bruit. Voldemort a eu tous ses cris. Il n’en donnera plus jamais de sa vie.

« Voilà, » lance enfin Théo, à bout de souffle, son bras puissant toujours pressé contre la poitrine pleine de sueur de Harry. « Tout va bien. Ça fonctionne. »

Est-ce vraiment le cas, putain ? a envie de dire Harry, mais il la sent, soudain. Une sensation fraîche, comme si ses organes avaient été plongés dans l’eau froide d’un lac. Puis, la peau suintante de son dos qui se tend, la chair qui se durcit à nouveau, et des cicatrices qui se forment.

« Putain, » souffle Harry en laissant tomber sa tête vers l’avant sous le soulagement, sa cicatrice appuyée contre l’avant-bras de Théo. Il respire lentement, attendant que la vague de nausée veuille bien refluer. Vivant. Vivant, encore. Théo aurait pu le tuer. Il ne l’a pas fait. Il a arrangé les choses.

« Merci, » chuchote Harry.

« Je t’en prie. »

Ils ne bougent pas. L’autre main de Théo est posée sur sa nuque, et les picotements froids de sa bague d’héritier refluent. C’est étrangement apaisant, comme sentir une brise fraiche qui souffle sur lui. Harry réalise que c’est la première fois que quelqu’un le prend dans ses bras, ou le tient, ou même le touche sans aucune violence depuis la Plateforme 9¾. C’est agréable. Tout autour de lui, l’odeur de la magie des Nott couvre celle de la valériane qui mijote dans le chaudron. Mais ce n’est pas celle de Théo, ce n’est pas celle des orages, pour l’instant.

« Des parchemins brûlés, » murmure Harry.

« Quoi ? »

« C’est ce que sent ta magie d’héritier. » Harry lève la tête et relâche de ses mains le bras de Théo. Il s’éloigne de la chaleur humide de leurs deux corps si proches, réajustant la chemise de scouts sur son dos avec bien plus de facilité. « Des parchemins brûlés. Mais ta propre magie sent autre chose. »

« Tu peux sentir ma magie ? » Théo n’a pas souvent l’air choqué, mais c’est le cas juste là. Ses deux sourcils sont hauts sur son front, ses bras ballants, ses yeux sont écarquillés et aussi gris que des nuages.

« Ouais, je croyais que c’était un truc qui venait avec les bagues d’héritiers. » Harry fronce les sourcils. « Ce n’est pas le cas ? »

« Non. » Théo secoue la tête. Allez savoir pourquoi, il ricane. « Non, Harry, ce n’est pas juste un truc de bague d’héritier. Ça me semble plutôt être cent pour cent un foutu truc spécial Harry Potter. »

« Oh. »

Une autre façon d’être différent. Un autre parent mort, un père qui manque, une cicatrice sur le front, une vision nocturne, un truc comme un petit copain champion du Tournoi des Trois Sorciers mort à ajouter au million de raisons qui font que personne ne pensera jamais qu’Harry Potter est normal.

« Eh bien, » soupira Harry. « C’est à peu près ça. »

Théo penche la tête et sourit.

« Ma magie sent quoi, du coup ? »

La façon qu’il a de le dire fait rougir Harry.

« Dis-lui que c’est délicieux, » siffle Sahara, un œil ouvert. « Comme ta magie pour moi. »

« Faire semblant de dormir est impoli », siffle Harry en retour.

« Qu’a-t-elle dit ? » demande Théo.

« Rien, » marmonne Harry, qui ne se fait pas confiance pour le regarder dans les yeux soudain. « C’est pas important. »

 

___________

 

« Qui est ton meilleur ami ? »

Harry observe Théo qui ajoute pour la deuxième fois les crins de Sombral, au sixième jour. Il a été confiné à l’entrée de la cabane scout pour ‘éviter qu’il ne foute les choses en l’air avec sa présence anti-potions’. Sahara est installée autour de son cou, et il déguste une sucette glacée qu’il s’est achetée au camion de glaces avec la monnaie qu’il a trouvé dans l’aspirateur. Les Dursley sont partis à la mer pour la journée et Harry se sent très léger.

« Je n’ai pas sept ans, » marmonne Théo en scrutant la potion.

« C’est quoi le rapport avec ma question ? »

« Tout le monde ne se balade pas avec une joyeuse bande d’aventuriers pour s’amuser et se diriger droit vers une mort certaine. » 

« Hé ! » objecte Harry en maintenant sa main aussi immobile que possible tandis que Sahara se penche pour goûter à sa friandise. « Je ne fais pas ça ! »

« Le Troll ? Le filet du Diable ? » Théo lève les yeux vers Harry. « Loup-garou ? Basilic ? »

« Ouais, bon, » grogne Harry. Il commence à regretter d’avoir raconté ces histoires à Théo. Ce n’est pas comme s’il s’agissait de secrets, vu que toute l’école en a propagé les rumeurs, mais Théo semble penser qu’il s’agit de preuves qu’Harry a des comportements suicidaires envers sa propre personne, et des comportements désinvoltes et meurtriers envers les autres. Harry pense que c’est juste cent pour cent un foutu truc spécial Harry Potter.  

« Mais tu n’as pas de potes ? Genre, des Mangemorts juniors ou un truc du style ? Y a un club ? »

« Pourquoi ? Tu es jaloux ? » Le ton de Théo est léger, mais Harry sait qu’ils dansent au bord du vide. « Est-ce que tous les sauveurs du monde Sorcier se baladent ensemble ? Est-ce que vous avez un brunch tous les mois ? »

 « Ouaip. Bacon, œufs et Comment Battre les Seigneurs des Ténèbres pour les Nuls. » Harry lèche sa sucette. « Mais il n’y a que moi, et mes idées sont merdiques. »

Théo rit à contrecœur mais son regard croise celui de Harry.

« Je ne suis pas un Mangemort. »

« Je sais. » Harry déglutit. Il sait ça. « Mais tes amis pourraient en être. »

Théo secoue lentement la tête.

« Je n’ai pas d’amis comme toi, Harry, je ne suis pas populaire. » Il sourit. C’est le sourire avec juste une fossette dans sa joue gauche. Celui où Théo se moque un peu de lui-même mais pas tout à fait.

« Il doit bien y avoir quelqu’un. »

« Tu fais exprès d’être agaçant. »

« Ouaip. »

Harry sourit de toutes ses dents. Il aime à quel point c’est facile avec Théo. Il peut être agaçant, il peut même se comporter parfois un peu comme un con, et Théo ne fera pas de crise d’apoplexie à l’idée que le Garçon-Qui-A-Survécu n’est pas parfait.

Théo soupire longuement et s’appuie sur la table. Ses manches sont relevées, ses bleus sont visibles. Harry aime voir qu’il ne les cache pas en sa présence.

« Eh bien, » lance lentement Théo en réfléchissant. « Je suppose… que j’aime bien la compagnie de Blaise. Parfois. »

« Blaise ? » Harry déglutit avec difficulté pendant une seconde. Il se demande ce que ‘la compagnie’ sous-entend. Non, putain, il sait ce que ça veut dire.

« Zabini. »

Harry se remémore ce Serpentard à la peau sombre et à l’apparence parfaite et essaye de ne pas se sentir exclu. Théo continue à parler tout en brassant les crins de Sombral avec une précision prudente.

« Quand Blaise n’est pas dans les parages, il y a toujours Greengrass. Elle est intelligente et son père est neutre. Elle ne donne pas de migraine. »

« C’est quelque chose, » sourit Harry. « Et à propos des… ? »

Des minis-Mangemorts, a-t-il envie de dire, mais il sait qu’il ne devrait pas. Le père de Théo n’est pas Théo. Il ne devrait pas tirer de conclusions. Après tout, si on le juge en fonction de qui est son père biologique…

« Je dois socialiser avec Draco et Parkinson pour la politique, » répond Théo, comme s’il lisait dans ses pensées. « Mais c’est le cas de tous les Serpentards. Lucius est puissant. »

« Lucius est un salaud qui déteste les elfes de maison et a un fétiche pour les cannes. »

Théo rit, rit pour de vrai, et doit s’éloigner d’un pas du chaudron en tenant bien haut le crin de Sombral pour l’éloigner de la potion, un grand sourire dirigé vers Harry.

« Tu es ridicule, Potter. »

« J’essaye, Nott. » Sahara essaye avec tant d’insistance de lécher le jus de la sucette glacée des doigts d’Harry que ce dernier abandonne. Il la maintient au-dessus de sa mâchoire ouverte, fait glisser la glace collante hors du petit bâton de plastique, et l’observe l’avaler en entier. « Est-ce que tu penses que les serpents arboricoles peuvent avoir un gel de cerveau ? »

« Je pense qu’on s’apprête à le découvrir. » Théo prend une profonde inspiration et s’approche à nouveau du chaudron. « Il n’y a pas que les Serpentards, tu sais. Je m’entends avec Boot en Arithmancie et même avec ta Granger en Runes Anciennes. »  

« C’est cool, » répond Harry. « Je ne suis pas proche de tant de gens. J’ai Ron et Hermione. Et je n’ai même pas eu Ron pour une grande partie de l’année dernière, juste Hermione et… Cédric. »

« Diggory. » Théo s’arrête au milieu de son brassage. Harry pense qu’il ne devrait probablement pas s’arrêter maintenant, mais il a l’air plutôt déterminé. « Toi et lui. Vous étiez… ? »

Rien. Tout. Quelque chose qu’il ne pourra jamais découvrir.

Des lèvres douces contre celles d’Harry. Un murmure dans son oreille. « Prends un bain, prend l’œuf avec toi, » souffle Cédric, ses lèvres vibrant contre la gorge d’Harry. « Prends-moi avec, aussi. »  

Il y a une douleur dans la tête d’Harry, qui n’a rien à voir avec le gel de cerveau ou Voldemort. C’est juste Cédric. Sa mémoire. Qui le stoppe net sur place. Après une seconde de silence, Harry hausse les épaules.

« J’appréciais sa compagnie. »

« Je vois. »

Théo reprend son brassage, pensif. Harry se dit que si Théo lui demande des détails, il ne sera pas capable de les fournir. Il n’y a rien à donner, en fait. Juste des baisers et des mots doucement murmurés et le souvenir d’un espoir si fort qu’il lui coupait le souffle.

« J’ai peut-être plus de personnes avec qui je suis amical que toi, » reprend lentement Théo, « mais c’est différent pour toi. Tu as… de véritables liens. De véritables amitiés. La plupart d’entre nous n’ont pas ça. La plupart d’entre nous avons des connaissances, et sinon, on est seuls. »

Harry pourrait rire à l’idée que quiconque pense que lui n’est pas seul.

« Tu n’es pas seul. » Harry penche la tête sur le côté. « Tu es ici, avec moi. »  

« C’est vrai, » acquiesce Théo, son ton très plat. « Pour l’instant. Mais bientôt, ils vont revenir vers toi et moi, je serai seul à nouveau. »

Harry déglutit. Cela fait bientôt trois semaines de silence. Le fait que Ron, Hermione et Sirius sont tous enfermés quelque part ensemble le ronge de l’intérieur. Les visions de Tom ne font qu’aggraver la chose, la rage est si violente et visqueuse que parfois, il leur souhaite du mal. Mais il ne veut pas faire de mal à Théo. 

« Non, tu ne le seras pas, » répond Harry. « On sera quand même tous les deux. »

Théo lui lance un regard pensif pendant un instant, et cela lui rappelle les fois où Dumbledore l’a regardé comme s’il pouvait lire ses pensées. Puis, Théo acquiesce.

« Ce serait bien, » dit-il doucement.

 

___________

 

Le septième jour, tout vire au cauchemar. Harry se réveille avec sa cicatrice qui saigne, sa tête remplie de cris des mourants, du rire de Voldemort et de l’impression écrasante qu’il veut ou qu’il a besoin de quelque chose qui est juste hors de sa portée. Kreattur le réveille en le tirant hors de ses draps humides de sueur et en le giflant avec une paume sèche pour le ramener à lui.

« Putain de merde, Kreattur, t’as une sacrée force, » gémit Harry en pressant ses paumes contre ses yeux jusqu’à voir des étoiles.

« L’Héritier Black doit se réveiller, » croasse Kreattur. « Le Maître sait que Kreattur sort les précieux objets de la maison. Il essaye de les retracer en utilisant sa bague de Lord. Le Maître ne la porte habituellement pas, il la cherche, mais Kreattur ne peut pas la cacher à ses yeux. »

Harry se demande rêveusement pourquoi Sirius ne porte pas sa bague des Blacks. Elles sont si utiles. Puis son cerveau comprend enfin ce que Kreattur vient de dire. En résumé, Sirius arrive. Sirius va savoir qu’il a mentit. Et volé. Et développé un lien quasi meurtrier avec son elfe de maison.

« Merde ! » Harry se jette hors de son lit et observe la pièce autour de lui. Durant la dernière semaine, la chambre de Harry a commencé à ressembler à un vide-grenier sorcier, s’il existe de telles choses. « Putain, Kreattur, qu’est-ce qu’on peut faire ? Où est-ce qu’on pourrait cacher tout ça ? »

« Kreattur ne sait pas ! » L’elfe se tord les mains et fixe Harry avec des yeux soudainement plaintifs. « L’Héritier Black doit trouver une solution ! »

« Je dois trouver une solution ? » Harry englobe sa chambre d’un geste. « Mais c’est toi qui a transformé ma chambre en Barjow et Burk ! Qu’est-ce que je suis supposé faire ? Je ne peux pas faire de magie en dehors de l’école ! Tu dois faire quelque chose ! »

Kreattur semble se redresser à sa véritable taille puis fixe Harry avec plus de fureur qu’il ne semble possible d’être contenue dans son petit corps rabougri.

« L’Héritier Black va trouver une solution, oui, il va le faire, ou Kreattur va empoisonner son thé et dire au Maître qu’il brasse illégalement des potions et qu’il mijote avec le fils Nott et… et… »  Kreattur le fusille du regard une seconde. « Kreattur ne lui parlera plus jamais ! »

« D’accord, bon sang, pas la peine d’en perdre ta serviette ! » crie Harry en se demandant pourquoi la dernière des menaces est la plus énervante, ou si Kreattur l’espionne, vu qu’il sait à propos de Théo. Partagé entre l’envie de crier sur Kreattur et celle de pouvoir crier sur Sirius qui continue d’être un tel con, Harry se concentre à nouveau sur le problème en cours. Il scanne la pièce du regard, observant les bijoux, les photos, les portraits, les instruments, les fioles et les livres et réfléchit à où les gens peuvent bien entreposer une telle masse d’objets quand ils veulent les garder à l’abri. Les garder à l’abri. L’endroit le plus sûr du monde.  

« Gringotts », marmonne Harry. « Il faut que ça soit Gringotts et il faut que ce soit un coffre auquel Sirius ne puisse jamais avoir accès ni retracer jusqu’à moi. »

Harry fixe ses bagues. Les anneaux des Potter et des Black sont hors course, du coup. Restent Serpentard et Prince. Mais Serpentard n’a aucun coffre et il ne sait pas qui possède le coffre des Prince. Ça pourrait être un foutu Mangemort, ça pourrait même être ce putain de Tom pour ce qu’il en sait, bien que l’idée le fasse toujours frissonner. Il n’a vraiment pas besoin de penser à la possibilité que Lord Voldemort soit son père à l’heure actuelle.

« Ok, j’ai un plan. » Harry lance un regard sévère à Kreattur. « Il va falloir que tu travailles vite et bien et pour l’amour de Dieu, ne me dis pas que je suis infiniment stupide parce que je ne sais pas quelque chose, ou n’essaie pas de me tuer pendant qu’on met le plan à exécution, compris ? »

« Oui, Kreattur le sait, » acquiesce vigoureusement l’elfe.

« Très bien, dis-moi la vérité alors. » Harry carre les épaules. « J’ai un coffre d’héritier qui dépend du coffre des Potter, n’est-ce pas ? Mon coffre personnel, qui est approvisionné par celui des Potter ? »

« Kreattur comprend la notion de l’héritage banquier. » La voix de Kreattur est polie, mais tendue. Harry l’observe se restreindre visiblement pour ne pas lever les yeux au ciel.

« Cool pour toi, du coup tu peux t’assurer que j’ai bien compris. » Harry lève un doigt. « Est-ce que les coffres d’héritiers peuvent approvisionner les coffres de la famille, ou est-ce que c’est à sens unique ? Parce que mon or n’est jamais retourné dans le coffre de famille des Potter, en tout cas je ne crois pas. »

« C’est à sens unique. Les coffres d’héritiers approvisionnent leur héritier mais pas l’inverse. Ils sont privés, pour que le Lord puisse enseigner l’indépendance à leur héritier. »

« Cool, cool. » L’esprit de Harry coche des cases au fur et à mesure. « Est-ce qu’un Lord peut geler un coffre d’héritier ? »

Ça ne serait pas très utile de cacher des objets de famille quelque part où un Lord inconnu peut venir les récupérer et partir avec, songe Harry.

« Ils peuvent retirer ce qu’eux-mêmes ont placé là, mais pas ce qui a été placé par l’héritier. » Les yeux de Kreattur scintillent. Harry sait qu’il a compris le plan, qu’il pense probablement avec dix pas d’avance. Petit bâtard brillant.

« Parfait. » Harry joue avec la bague des Prince sur son doigt. « Alors voilà le plan. Tu vas à Gringotts et tu dis à Gripsec que je veux entreposer tous ces trucs dans le coffre d’héritier des Prince et que je veux l’inscrire sous le nom de… de… »

Harry scanne la pièce du regard. Ses yeux tombent sur le Grimoire des Potter, sur la liste de noms qui est sur la page de garde.

« Hadrian Peverell. Tiens—» Harry prend un bout de parchemin et griffonne un mot à l’intention de Gripsec. Songeant que ce dernier voudra probablement un peu de sang, il tapote un doigt dans le sang frais sur son front et l’étale sous sa signature. « Prends ça. »

Kreattur le dévisage un moment.

« Maître Gripsec aura besoin du sceau de la bague des Prince, » croasse Kreattur. « L’Héritier Prince doit demander à la bague de témoigner de sa volonté. »

« Comment ? »

« L’Héritier Prince doit le faire. »

Kreattur fronce ses sourcils de façon si familière qu’Harry a soudainement l’impression que le danger imminent de se retrouver pris la main dans le sac avec une pleine brassée de dangereux Artéfacts sombres est passée. Harry sourit.

« Fais-le, ou ne le fais pas ! Il n’y a pas d’essai, c’est ça Yoda ? D’accord. Faisons ça. »

Harry se détourne de l’expression confuse de Kreattur et tend son être vers le froid nocturne et profond de la bague des Prince. Ce n’est pas comme avec l’anneau des Potter, qui est plein de feu et de colère et qui forme des mots à toute vitesse. Ou comme la bague des Black, qui chante avec la glace et se réjouit de la douleur. C’est calme. Le silence est son langage. Harry respire profondément et se remémore les moments les plus tranquilles de sa vie. Le placard, durant son cinquième anniversaire. Hedwige qui vole dans la neige. Le moment où Cornedrue est apparu pour sauver Sirius. Un souvenir depuis longtemps oublié, dans le silence de Godric’s Hollow, quand il avait été abandonné au milieu du chaos, totalement seul. Il les laisse s’accumuler, puis formule ce dont il a besoin.

Reconnais-moi.

Il n’y a aucune lumière comme avec la bague des Black ou de feu comme celle des Potter, juste des mots tracés dans une fumée sombre, qui se transforment en encre, et le sentiment qu’on tire de lui quelque chose, quelque chose qu’il n’avait pas conscience de posséder.

La lignée des Prince reconnait les droits de l’Héritier Prince.

Harry respire profondément et tend le parchemin à Kreattur.

« Prends tout avec toi, si tu peux. Tu peux y rétrécir ? » Kreattur acquiesce bêtement, son regard toujours fixé sur Harry. « Vas-y, Kreattur ! Allez ! »

Kreattur semble s’éveiller dans un ébrouement et avec un dernier regard à Harry, claque des doigts et soudain, tout dans la pièce, y compris l’elfe, disparait. Harry prend une profonde inspiration puis jette un coup d’œil à son réveil. Neuf heures et quart. Il est en retard. Il se précipite en bas, s’élance hors de la porte et court à toute vitesse jusqu’à la cabane, en jurant tout le long du chemin.  

« Désolé, désolé ! Désastre avec l’elfe de maison et diverses folies de la famille Black, » halète Harry en débarquant à la porte de la cabane des Scouts, plié en deux sur ses genoux pour tenter de reprendre son souffle. Sahara glisse jusqu’à lui et se relève pour le fixer en agitant la langue.

« Tu sens différemment aujourd’hui. »

« J’ai transpiré. »

« La sueur ne te fait pas sentir comme un animal différent. »

« Peut-être que je pue juste beaucoup. »

Harry secoue la tête en songeant que les serpents sont bizarres et jette un coup d’œil à Théo. Théo le dévisage, absolument immobile, ses yeux gris pleins de quelque chose de nouveau. De la suspicion ? De la peur ? Harry n’a pas le temps de le deviner que Théo a soudain sa baguette sous le menton de Harry et que ce dernier se retrouve le dos contre la porte.

« Qu’est-ce que tu as foutu de Potter ? » grogne-t-il.

« Théo, putain, tu fous quoi ? » crie Harry en se contorsionnant. « C’est moi ! »

« Ouais bien sûr ! » raille Théo. « Tu ne lui ressembles en rien ! »

« Quoi ? Qu’est-ce que tu veux dire je— Sahara, non ! »

Sahara se cabre derrière Théo, crachant de fureur, sa bouche rosée grande ouverte et ses crocs dégoulinant de venin alors qu’elle se prépare à se jeter sur Théo.

« Ne le mords pas ! » siffle désespérément Harry, avant de passer en anglais quand il revient à Théo. « Arrête ça, tu lui fais croire que tu es un danger pour moi. »

« Si tu as fait du mal à Potter, alors je suis un danger pour toi, » grogne Théo, un œil sur Sahara et l’autre sur Harry. Sahara siffle un enchaînement inintelligible de menaces de mort et Harry a l’impression que son monde, aussi compliqué et cinglé qu’il soit, vient tout juste d’y ajouter un retournement à la Star Trek. Juste ce qu’il me faut, bordel.

« Alors teste moi, » répond Harry à toute vitesse. « Teste-moi, demande-moi des choses que je suis le seul à savoir. Tu sauras que c’est moi, comme ça, non ? Regarde—»

Harry fouille dans sa poche et en sort sa baguette, la poussant contre la poitrine de Théo et ignorant le spectre de Maugrey-Fol-Œil-Barty-Croupton-Junior qui lui crie : Vigilance constante !

« Prend ma baguette. Je ne peux pas te blesser comme ça, non ? Juste… pose moi des questions et recule, parce que sérieusement, Sahara va te tuer dans deux secondes. Ne meurs pas comme ça, Théo. » Harry réalise qu’il parle à tort et à travers, mais il s’en fiche. Quelque chose lui fait mal et il doit arrêter ça. « C’est stupide. Ne meurs pas parce que ton idiot d’ami n’a que des créatures meurtrières autour de lui. C’est une façon débile de mourir et crois moi, j’en sais quelque chose, je suis le Maître des Morts Débiles. »

Théo le fixe pendant une seconde si longue qu’Harry a l’impression qu’il va arrêter de respirer. Puis il fait lentement un pas de côté, observant Harry siffler à Sahara de rester calme, rester tranquille, et ne rien faire, les deux baguettes dans ses mains alors qu’il les lève pour montrer à Sahara qu’il ne lui fera pas de mal.

« Avec quoi est-ce que le cousin de Potter le bat-il ? » lance sèchement Théo.

« Quand ? » demande Harry, puis quand Théo pointe lentement une baguette sur lui, il ajoute : « D’accord, d’accord ! Du fil barbelé. »

« Comment ai-je appelé les amis de Potter, hier ? »

« Euh… » Harry réfléchit. « Une joyeuse bande de… maraudeurs ? Non ! D’aventuriers. » 

Il grimace, se détestant pour ce foutu mot, mais Théo acquiesce rapidement.

« Qui est-ce que Potter voyait en cachette l’an dernier ? »

L’estomac d’Harry se retourne. Ils n’ont pas parlé de ça explicitement.

« Cédric Diggory, » répond-il doucement. « Autre chose ? »

« Un dernier. » Théo le fixe du regard. « Qui me frappe ? »

La bouche de Harry est soudain très sèche.

« Ta Tante », murmure-t-il.  

Théo acquiesce lentement et rend sa baguette à Harry.

« Qu’est-il arrivé à ton visage ? » demande Théo.

« Oh. » Harry touche sa cicatrice, frotte un peu du sang maintenant séché. « J’ai eu une, euh, une vision du patron de ton Père. Ça fait saigner la cicatrice parfois. »

« Pas ça, » l’interrompt Théo. « Qu’est-ce qui est arrivé à ton visage ? »

Harry le dévisage, confus.

« Rien ? »

Théo le regarde un moment, puis l’attrape par la main et le tire jusqu’à une porte de voiture amputée qui a été abandonnée là, avec son rétroviseur qui y pend, rattaché par un fil. Théo l’arrache avec une surprenante facilité et le tend à Harry. Celui-ci regarde.

Et le visage de quelqu’un d’autre lui rend son regard. Ses cheveux sont plus longs, plus bouclés. Sa mâchoire est plus marquée, ses yeux… sont, quelque part, plus verts ? Il n’a pas réalisé qu’il n’avait pas mis ses lunettes ce matin, mais il n’en a plus besoin.

Eh ben merde.

 

Notes:

Il me semble que la semaine prochaine, on retrouvera Sevs ! J'espère que vous avez aussi hâte que moi :)eru

Chapter 7: Mille-neuf-cent-huitante-deux

Notes:

Ndt : c'est duuuuuuuuur le lundi matin. J'espère que ce chapitre vous aidera à surmonter cette épreuve. Bonne lecture !

Chapter Text

Severus est en train d’écrire le pire genre de liste possible.

Regulus Black

Edgar Bones

Regulus est sa 7ème année, il remplit le trou qu’a laissé la perte de son amitié avec Lily. Edgar lui, est la nuit de leur remise de diplôme, quand Regulus avait baisé Barty Crouch et était venu le lui dire. Severus soupire et descend son whisky. Il a besoin de plus que de quelques délicates gorgées s’il doit faire ça. Les deux hommes sont morts à présent. Aucun des deux n’a jamais porté d’enfant. Severus soupire, et continue.

Petra Flamel 

Fabian Prewett 

Juliette Delacour 

Marianne Trèfle-Piques

Jason Pyrites 

Narcissa Black 

Lucius Malfoy 

Delphine Picquery 

Tout ça, c’est de la remise des diplômes jusqu’à la moitié de l’année 1979. Durant l’été de cette année, il est retourné en Angleterre de Paris, où il a profité des conforts continentaux et rencontré d’excellents Maîtres de Potion, tout en se faisant de temps à autre Lucius ou Narcissa lorsqu’ils en avaient marre de l’autre. Puis Regulus a disparu au début de l’été. Il est revenu, les ténèbres ont commencé à s’abattre, et il s’est retrouvé en deuil et au service du Seigneur des Ténèbres. Il observe la liste. Il réalise que seulement quatre d’entre eux sont encore en vie. Narcissa s’est déjà justifiée, pour elle-même et pour Lucius. Juliette a une fille du bon âge, mais Severus a déjà vu Fleur. Elle est aussi Veela qu’on puisse l’être. Aussi horrible que puisse être le mari de Juliette, il doit avoir un ancien sang de Veela français de son côté, quelque part, pour pouvoir créer des filles aussi parfaites. De plus, ni Juliette ni Petra ne savaient qu’il est l’héritier de la Maison des Prince. Severus trace leurs noms, essaye de continuer, mais n’y arrive pas.

« Putain. » Il se prend la tête entre les mains. « Merde. »

1980 n’est qu’un flou total pour Severus. La prophétie. Son travail d’espion. Il ne se rappelle pas de ses aventures en 1980. Tout ce dont il se rappelle, c’est de la peur. Il n’est pas habitué à ça, à ces immenses trous dans sa mémoire. C’est le trauma, peut-être. Ou bien le surplus de magie noire et d’alcool. Il boit une autre gorgée de whisky et laisse un espace blanc. Un point d’interrogation.

 Ainselin de la Barre et Michelle Cadiere 

 1981, ce n’était que huit mois d’enfer qui ont mené à la chute du Seigneur des Ténèbres. Très peu d’interactions. Une anxiété écrasante quand Lily est partie se cacher avec son fils, quelques messages difficiles échangés entre lui et Dumbledore. La folie du Seigneur des Ténèbres, comme une vague de fond qui les a tous submergés. Narcissa en pleurs dans sa nurserie, nommant Severus parrain, le suppliant de protéger Drago. Lucius devenant de plus en plus mince, des conversations laconiques à propos de quelles limites ils ne devraient pas franchir. Eux trois, silencieux la nuit où Alice et Frank furent attaqués, observant Drago dormir dans son berceau. Severus mourant d’envie de leur dire, se retenant de toutes ses forces de leur ordonner de prendre Drago et de fuir. Le seul répit de Severus fut cette conférence de Potions à Lyon où il fut capable de se détendre pour un court moment, mais suffisant pour apprécier la compagnie d’éleveurs de serpents renommés, Cadière et de la Barre. Une nuit de plaisir, fin septembre. Et le mois suivant, Lily était morte.

Lord Voldemort est vraiment un idiot lamentable, un fou furieux, un crétin de chef de gang et un putain d’enfoiré de fils de pute borgne.

Il n’y a que 1982 qu’il reste à réviser, et il n’y a qu’un seul nom sur cette liste. Une liaison qu’il regrette intensément, que Severus ne peut même se résoudre à écrire sur le papier. Certaines choses ne devraient pas être écrites, Severus le sait trop bien. Il est interrompu par un tapotement infernal sur la fenêtre et, pour une fois, en ressent de la gratitude. Il l’ouvre, et arrache la lettre du bec de l’hideuse chouette de Lupin.

 

Severus,

Sirius exige ta présence immédiate. Je ne répèterai pas ses propos, vu que je te connais, mais s’il te plait, viens dès que cela t’est possible. Sinon, j’ai peur qu’il ne fasse quelque chose d’idiot qu’on ne puisse réparer.

Remus

 

Black, encore. Black et ses crises de colères interminables et agaçantes. Severus a presque envie de renvoyer un message. Occupe-toi de tes animaux de compagnie toi-même, Remus. Je recommande une muselière. Mais il doit de toute façon faire l’ignoble voyage jusqu’au Square Grimmauld aujourd’hui, pour amener la potion Tue-Loup de Lupin. Il soupire et plie sa liste, la glissant dans le tiroir verrouillé de son bureau. Il serait idiot de laisser un tel papier trainer, même si presque toutes les personnes qui sont dessus aujourd’hui sont mortes.

S’ils sont morts, ils ne peuvent pas avoir porté mon enfant.

Mais après, il y a ce vaste trou sans souvenirs qui s’étend de l’été 1979 à celui de 1980. Il aurait pu rencontrer n’importe qui, couché avec n’importe qui, et même laissé échapper le secret si bien gardé de son héritage partout dans les draps pour s’empêcher de déverser d’autres secrets encore plus lourds. Que l’amour de sa vie courait un terrible danger. Qu’il avait aidé à mettre en place l’outil de sa potentielle fin. Que lui, qui avait juré qu’il la protègerait et l’aimerait toujours, avait envoyé le plus sombre des Seigneurs des Ténèbres depuis Gellert Grindelwald à ses trousses, et à celles de son enfant.

Ça pourrait être n’importe qui. Mon enfant pourrait venir de n’importe où.

Et puis, il y a 1982.

Severus ne veut pas penser à 1982. La première année sans Lily.

Il soupire, rassemble ses robes et prend sa baguette. Il s’accorde un moment, debout, pour rassembler ses boucliers, les renforcer avec de la glace à l’intérieur de son esprit. Brasser des potions. Lire. Se tenir debout, seul, dans le froid de la Forêt Interdite en imaginant qu’il se trouve à un temps antérieur aux moldus et aux sorciers. Il prend une inspiration et transplane sur un perron froid de Londresx, un crachin humidifiant ses cheveux. Il se concentre, et la porte apparaît. Il est temps pour une nouvelle foutue bataille.

« Bonjour Professeur Rogue. »

Molly Weasley.

« Je suis ici à la demande de Lupin, » la coupe Severus. « Allez le chercher. »

« Ginny ! » appelle Molly et une rouquine apparaît de derrière la rambarde, le fusillant du regard. Severus se demande si tous les enfants Weasley sont nés avec cette capacité de se renfrogner ainsi. « Va chercher Sirius et Remus ! »

Molly le guide jusqu’au petit salon. Severus se prépare à l’inévitable flux de fadaises domestiques. Il acquiesce sèchement, écoutant à peine tandis qu’elle bavarde à propos de ses insupportables enfants et de cet irritant portrait qui ne cesse de hurler. Severus connait une potion qui la ferait retourner à l’état d’encre dans un pot, mais il n’y aucune foutue chance, sur cette terre ou en enfer, qu’il décide de la donner à Black. Pas que Black la lui demanderait, de toute façon. Il se tient immobile dans le petit salon tandis que Molly disparait pour le thé. Il écoute. Il entend des murmures. Deux voix, sur les escaliers, qui n’ont visiblement pas réfléchit au fait que le son voyage sous formes d’ondes. Granger et le 6ème Weasley. Granger devrait le savoir. Elle est née-moldue, elle devrait comprendre les bases de la physique.

« Quelque chose se trame, » murmure Granger. « On doit le dire à quelqu’un, ta mère ou Dumbledore—»

« Quoi, que Sirius se comporte bizarrement ? Tu parles d’une surprise, » renifle Weasley.

« Pas ça, » siffle Granger. « Il écrit à Harry. »

« On le fait tous, » l’interrompt Weasley. « Je lui ai écrit hier. »

« Oui, mais toutes nos lettres reviennent non ouvertes à cause de ces fichus barrières ou… ou je ne sais quoi d’autre ! »

Granger a l’air agacée. Cette fille déteste plus que tout ce qu’on ne lui permet pas de comprendre.

« Tout comme Sirius ! » 

« Non, pour lui c’est différent ! »

« Mais il a reçu sa propre lettre en retour l’autre jour ! »

Severus ne sait pas comment Potter fait pour supporter ces deux-là. Ils semblent parler l’un par-dessus l’autre, plutôt que l’un avec l’autre. C’est comme être ami avec une hydre bien trop bavarde.

« Mais c’était une lettre de sa part, je sais que c’était le cas, je l’ai vue—»

« Comment as-tu pu le voir ? » La voix de Weasley se fait soudain plus basse. « Hermione, n’espionne pas Sirius. Sérieusement. »

« Mais on espionne tout le monde, c’est notre truc. » 

Bien sûr que c’est leur truc, à ces fichus petits idiots. Pleins de cette horrible arrogance qui porte le nom ‘Potter’ dans tous les sens.

« Pas Sirius, je suis sér… Je ne rigole pas. Tu sais qu’il est fou. »

« C’est pour ça que je l’espionne ! »

En tant que principal espion du principal maître espion des dernières cinquante années, Severus n’est pas très impressionné par les talents de Granger. Mais elle lui rappelle ce qui fait vraiment le succès d’un espion. Granger parle. Severus, lui, écoute, se rappelle de ce qu’il entend et s’arrange pour ne pas être surpris en train de le faire. Les gens font tellement peu attention à ce qui les entoure. Ça ne fait que renforcer sa croyance que le monde n’est principalement peuplé que d’idiots ennuyeux et sans cervelle.

Les meilleurs sont morts. Combien de temps me faudra-t-il encore vivre avec cette vérité ?

Comme d’habitude, il entendit une porte à l’étage claquer et deux démarches rapides que Severus, après sept années passées à se cacher derrière des armures et à sursauter dans les couloirs, pourrait reconnaître partout.

« Patmol, calme-toi— »

« Où est Servilus ? » crie Black.

Granger et Weasley couinent et prennent la fuite. Severus repousse derrière ses boucliers d’Occlumencie cette humiliante agonie qui s’élève en lui à chaque fois qu’il entend ce surnom horrible. La plupart des enfants peuvent se défaire des bourreaux de leur scolarité. Pas Severus. Il ne croit pas en l’enfer. Pourquoi le ferait-il ? Qu’est-ce qui peut être pire que de se retrouver lié à deux maîtres narcissiques et devoir voir l’homme qui a essayé de le tuer et l’a régulièrement agressé dans son enfance tous les jours ? La seule chose qui serait pire que tout ça serait que la femme qu’il aime plus que tout au monde soit morte et que son enfant ait disparu. Ah non, attendez.

« Tu as appelé, Black ? » lance Severus d’une voix trainante tandis que Black débaroule dans la pièce, Lupin deux pas derrière.

« Tu as pris ton foutu temps ! » lui grogne Black.

C’est ainsi qu’ils communiquent, puisqu’ils ne peuvent plus utiliser de sorts. Severus est caustique et sarcastique et Black fait preuve d’une agressivité qui flirte avec la sociopathie. Comment est-il supposé gérer un homme qui a clairement laissé la partie saine de son cerveau en prison, sinon ? Severus n’essayera pas de l’apaiser comme le fait Lupin, il ne suppliera pas comme le fait Dumbledore, qui se contente de s’incliner devant la santé mentale toujours plus fragile de Black. Si la dépression donnait à quelqu’un le droit à une personne de se comporter comme un enfant, alors Severus aurait dû recevoir une dispense du Wizenmagot à douze ans. Où sont ses indemnités pour ces interminables jours d’enfer ?

« Contrairement à toi, Black, j’ai des choses à faire de mes journées. » Les yeux de Severus glissent vers Lupin, essayant de sonder l’humeur de Black au travers de son amant. Plutôt meurtrier ou suicidaire ? Il agrippe fermement sa baguette, prêt aux deux possibilités. « Qu’est-ce que tu veux ? »

« Oh, oui, je parie que ton Maître te tient bien occupé, bordel, » répond Black, les yeux sombres. Severus se rappelle du passage sous le Saule Cogneur. L’excitation de Black. Il voulait le voir mourir. C’est plutôt compliqué de se tenir dans la même pièce que l’homme qui a essayé de vous tuer tout en songeant à toutes les façons possibles de l’assassiner.

« En effet, » répond sèchement Severus. « Certains d’entre nous ont du travail. Il y a une guerre dehors, tu sais. »

« Putain, parce que tu crois que je le sais pas ? » crache Black, et soudainement sa baguette est dans sa main. Ah, meurtrier donc. Severus fait apparaître un bouclier. Il est trop subtil pour être remarqué par Black, mais il voit Lupin froncer le nez. « Pourquoi est-ce qu’il y a une guerre en premier lieu, hein ? Pourquoi est-ce qu’on est tous là ? C’est la faute de qui si Lily et James sont morts ? »

Droit à la prophétie. Black ne fait ça que quand ils sont seuls, tous les trois, ou avec Dumbledore, puisque le vieil homme leur a interdit de parler de ça près de toute oreille qui pourraient ramener l’information à son cher Sauveur. C’est le tourment favori de Black. Comme s’il pensait que rappeler à Severus de ce qu’il a fait aggraverait la douleur. Comme si elle n’était pas déjà insupportable.

« Celle du Seigneur des Ténèbres, je suppose. » Severus croise paresseusement les bras. « Et sur le pourquoi de toi tu es là, eh bien, je suppose que c’est parce qu’il y a quatorze ans de ça, tu as fait preuve de ton manque de contrôle habituel et tu t’es arrangé pour être envoyé à Azkaban. »

« Au moins, j’ai essayé de réparer mes erreurs ! » siffle Black en ignorant la poigne de Lupin sur son bras dominant. « Au moins j’ai essayé de les venger, ce qui est déjà bien plus que ce que tu as pu faire pour elle ! »

« Et pourtant, il n’y en a qu’un de nous deux qui se cache comme un lâche en ne faisant rien, » renifle Severus. Comment Black ose-t-il dire qu’il n’a rien fait pour Lily. Comment ose-t-il, bordel ?

« Et un seul d’entre nous est un putain de Mangemort ! » hurle Black.

« Oui, et il est bien connu qu’être Mangemort est le seul crime dans le monde. » Severus lève les yeux au ciel. Parfois, ça le fascine de voir à quel point les sorciers ont l’esprit étriqué. Il y a un Seigneur des Ténèbres au Rwanda qui pousse ses hommes à découper les moldus, et a la plus grande partie du gouvernement sous sortilège de confusion. Le Seigneur des Ténèbres de Severus est terrible et s’il possédait plus de pouvoirs, il pourrait relâcher le genre de fléaux que le monde n’a plus vu depuis Mordred, mais Severus hait la vision si étroite qu’a l’armée de Dumbledore.

Ou peut-être qu’il hait juste Sirius Black parce que d’une façon ou d’une autre, il a survécu, et Regulus non.

« Pourquoi, tu as d’autres atouts dans ta manche, Servilus ? »

« Je faisais référence à tes crimes, Black. » Severus avance d’un pas, la main qui tient sa baguette agitée de tressaillements. Il essaye de chasser de son esprit toute pensée de l’Endoloris, parce que s’il ne fait pas attention, ce dernier lui échappera. Oh qu’est-ce qu’il aimerait voir cet homme se tordre de douleur. Il hait cet horrible surnom calomnieux. « Un seul d’entre nous a attaqué un autre étudiant, encore et encore et encore. Un seul d’entre nous a tenté de tuer à quinze ans. »

« Assez. » Lupin est pâle. Severus veut le frapper. Il est si lâche, quand on en vient à parler de ce sujet en particulier. Il attrape Black et le tire en arrière, le forçant à s’asseoir sur le canapé. « Arrête ça, Patmol. »

Patmol. Un nom si insipide pour un Sinistros. Ils ont toujours agi comme si leurs transformations n’étaient qu’un jeu, fait de chiens amicaux et de gentils loups, mais Severus sait ce qu’il en est réellement. Black est un sauvage, et son animagus ne fait qu’excuser sa sauvagerie. Comme tout le monde. Lupin frotte les épaules de Black en cercles, tout en murmurant à son oreille. Il le dorlote, comme un enfant.

« Pourquoi est-ce que je suis là ? » lance Severus avec détachement.

« Parce que tu es un putain de voleur et que t’es de mèche avec mon elfe, » renvoie sèchement Black.

Severus le fixe. Il se demande si c’est le moment où tout le monde va décider, collectivement, que Black devrait en fait résider dans l’aile Janus Thickey. Il lève les yeux vers Lupin et hausse un sourcil.

« Explique. »

« Tu sais très bien de quoi je parle ! » geint Black, mais Lupin répond tout en caressant le dos du cabot.

« Il semblerait que Kreattur exfiltre des objets de la famille Black hors de la maison, et il refuse de dire où est-ce qu’il les cache. » Lupin semble presque navré. « Sirius semble croire que peut-être, tu pourrais détenir ces objets. »

Par les burnes de Merlin, la folie des Black n’est visiblement pas quelque chose qu’il faut prendre à la légère.  

« Vous m’avez fait venir ici pour m’accuser de vol ? » Severus a été accusé de faire nombreuses choses. De terrorisme, de la trahison, des meurtres, de la coercition, de la torture, du chantage, et même, en une occasion mémorable, d’avoir falsifié la note Troll d’un Poufsouffle qui ne pouvait même pas différencier des crins de licorne de fourrure de lapin, mais jamais encore on ne l’avait accusé d’être un voleur.

« Ça ne serait pas une grande surprise, Servilus ! » grogne Black.

« Si c’est là tout de ce que tu peux produire en matière de gymnastique mentale, Black, il est peut-être mieux pour l’effort de guerre que tu ne remettes jamais les pieds dehors, » répond Severus en reniflant.

« Ecoute bien, espèce de connard—» 

« Stop, Sirius ! » ordonne Lupin. Severus voit l’éclat de l’ambre du loup dans ses yeux. Il essaye de ne pas frissonner. Ce dernier se tourne vers lui.

« Severus, aurais-tu la moindre idée de comment nous pourrions récupérer ces objets ? On a essayé l’anneau de Lord de Sirius—»

« Ça ne marche pas, » grogne Black. Quand Severus hausse un sourcil pour avoir une explication, Black se contente de froncer les siens.

« Sirius n’a pas l’habitude de la porter, » explique Lupin. « La magie de la bague semble lui résister ou—»

« Elle est démoniaque, bordel ! » explose Black en craquant ses jointures. « Pourquoi est-ce que je devrais la porter ? Pourquoi est-ce que je voudrais même la porter ? Je ne suis pas le Lord de la Maison des Black, je ne suis pas comme eux ! »

Severus fixe Black. Il ne peut pas imaginer ne pas porter son anneau de Lord. La magie de ce dernier est autant une part de lui que l’est son sang ou l’air dans ses poumons. Détester sa famille est une chose, Severus ne peut que trop le comprendre, avoir peur de son héritage et de son pouvoir est compréhensible, mais il ne peut pas s’imaginer renier ce que la magie lui a promis. Nier de telles choses est dangereux. Et vu le coup d’œil que lance Lupin à l’expression songeuse de Severus, il voit bien que le loup pense aussi à ça.

« Je ne t’ai rien volé, Black, » répond Severus parce que même si c’est ridiculement évident, il semble quand même nécessaire de le dire.

« Quelqu’un l’a fait, » grogne Black. « Quelqu’un a manipulé ce foutu simple d’esprit, Kreattur a suivi ses ordres—»

« Eh bien alors, demande-lui, » répond sèchement Severus.

« On l’a fait, » intervient doucement Lupin. « Il ne veut pas répondre. »

« Alors force-le ! » Severus lance un regard assassin à Black. « Je suis sûr que les Black doivent avoir plusieurs livres dans la bibliothèque dédiés uniquement à l’art d’encourager un elfe ! »

« Je ne vais pas le battre comme ma foutue mère ! » Black se jette sur ses pieds, les lèvres retroussées. « Je ne suis pas comme toi ! »

« De toute évidence. Aucun de mes elfes ne m’a jamais trahi. »

« Probablement parce que tu les gardes enfermés dans ton donjon, espèce de putain de chauve-souris ! »

« Ça ne nous mène nulle part, » intervient Lupin. Black se retourne vers son partenaire, le visage tendu par la colère.  

 « Pourquoi n’es-tu pas dans mon camp ? » geint Black et Severus lève les yeux au ciel. Il ne peut pas s’en empêcher. Black est obsédé par les camps.

« Je suis toujours dans ton camp. » Lupin a l’air tendu. Severus le voit dans les muscles crispés de son cou. « Mais cela ne sert à rien de harceler Rogue. »

Black souffle et s’éloigne de Lupin. Le loup-garou l’observe, comme s’il attendait une excuse dont il sait qu’elle ne viendra jamais. Une seconde ou deux passent. Puis, Lupin se tourne à nouveau vers Severus.

« Comme nous le disions, l’elfe ne peut être forcé. »

« Bien sûr qu’il peut. » Severus fronce les sourcils. « À moins qu’il n’ait été contraint au silence par un membre de la maison des Black… »

Black détourne le regard en se mordant la lèvre. Il pue la culpabilité. Severus jure.

« Qui ? » demande-t-il. « Qui dans la Maison des Black lui donne des ordres ? »

« On ne sait pas, » répond Lupin.

« Ça n’a pas de sens ! » explose Black. « Ça ne peut être aucun d’entre eux ! Je lui ai explicitement ordonné de ne jamais accepter d’ordre d’eux, ni de leur rendre visite ou de communiquer avec eux, j’ai nommé tous les Black encore vivants, Narcissa, Bellatrix, Rabastan, Rudolphus, tout le monde ! »

« Andromeda ? Nymphadora ? » ajoute Severus, irrité. C’est vraiment un comportement typique des Black que de voir le monde uniquement en termes de lumière ou de ténèbres.

« Ce sont nos amies, » grogne Black. « Elles ne feraient jamais—»

« Si un Black contrôle l’elfe Black, alors tu dois vérifier tous les Black ! » s’emporte Severus. « Ne me fais pas perdre mon temps avec tes demi-réflexions sale cabot. Ne viens pas m’accuser alors que tu ne sais même pas surveiller tes affaires ! »

Black le fixe un moment et Severus voit l’envie de meurtre qui brille dans ses yeux sombres comme les ailes d’un corbeau. Severus en vient presque à souhaiter qu’il essaye. Ce ne serait que de la légitime défense alors, non ? Il se voit déjà l’expliquer à Dumbledore. Il a fini par craquer, il a perdu l’esprit, et je me suis défendu. Et puis soudain, Black n’est plus là, transformé en cet horrible chien comme il le fait à chaque fois qu’il ne peut contrôler ses émotions, parce qu’il n’est qu’un fou immature qui ne sait pas gérer les disputes comme un adulte. Et ça, c’est un homme qui a la confiance de Dumbledore.

« Eh bien, ça s’est aussi bien passé que prévu, » soupire Lupin avant de se laisser tomber sur une chaise en passant une main dans ses mèches brunes. Il semble avoir un peu maigri. Peut-être qu’il ne mange pas bien à cause de la lune. Severus fouille dans ses poches et en sort la fiole de potion Tue-Loup, la posant sur la table basse entre eux. Lupin la fixe pendant un instant.

« Merci, Severus. »

Severus se tortille un peu. La voix de Lupin est toujours aussi horriblement, insupportablement douce. Il est un monstre sanguinaire une fois par mois et pourtant rien dans son comportement, la plupart du temps, ne le laisse paraître. Cela met Severus mal à l’aise, cette identité secrète qui dort, juste sous la surface. La violence est si proche qu’il peut presque la goûter. Severus le hait presque pour ça, mais il se hait encore plus pour ce qu’il va devoir faire à présent. Autant le faire de suite. L’ouïe impressionnante de Severus lui souffle qu’ils sont seuls sur au moins dix mètres dans toutes les directions. Assez d’espace et de distance pour qu’ils puissent éviter d’être entendus. Il doit être rapide. Il laisse tomber son bouclier d’un coup de baguette et regarde Lupin.

« 1982, Lupin. »

Lupin sursaute, ses yeux quittant la fiole de potion Tue-Loup pour le visage de Severus. Il ouvre la bouche comme un poisson pour un instant avant de la refermer.

« Je croyais qu’on avait dit qu’on ne— »

« Je sais, » le coupe sèchement Severus en haïssant chaque mot qu’il prononce. « Mais je le dois. »

« Pourquoi ? » La voix de Lupin sonne blessée, ses yeux ont pris la couleur de l’ambre doré, comme ils étaient lors de cette nuit. Doré par la perte de ce qu’ils ont tous deux perdu. « Pourquoi maintenant ? Après tout ce temps ? »

« Parce que j’ai… » Severus se mord la lèvre si fort qu’il goûte son sang. « J’ai besoin que tu me promettes d’abord, Lupin, que tu ne parleras de ça à personne. »

« Bien sûr. »

« Surtout pas à Black. »

« Je sais. »

Severus l’observe. C’est fou combien cet homme peut facilement mentir à son amant. Peut-être que c’est ce qu’il arrive quand on se retrouve après douze ans de tromperies. Peut-être que la confiance ne revient jamais.

« J’ai… un héritier. » Severus lui jette un coup d’œil. Ça pourrait correspondre. En 1982, Lupin est parti sur le continent et n’est pas revenu en Angleterre avant l’année où il a pris la position de professeur de Potion à Poudlard. Douze ans de silence.

« Un héritier. Un héritier des Prince ? » Severus grimace. Il se hait d’avoir été un jour assez jeune et innocent pour penser que Lupin aurait pu choisir son amitié plutôt que celle de Potter et Black. Il hait les secrets qu’il lui a offert, il les regrette amèrement.

« Oui, » lance-t-il sèchement. « Mon héritier. Cette personne… vient juste de réclamer son héritage. Sorti de nulle part. »

Lupin le fixe, le regard vide. Severus voit le moment où il comprend. Lupin se laisse tomber en arrière, les yeux écarquillés. « Tu penses que j’ai… ? »

« Je ne pense rien du tout, Lupin ! » le coupe sèchement Severus. « Je veux juste savoir si—»

« Non. » Les yeux de Lupin brillent. « Je n’aurai jamais d’enfant naturel, tu le sais ! Pas tant qu’ils ne seront pas sûrs que l’infection ne peut pas être transmise… » Lupin déglutit avec difficulté. Severus voit la cicatrice sur sa gorge. « En plus, Sev, je… je ne pourrais jamais faire ça. Je ne te cacherais jamais une telle chose. »  

Severus le fixe un moment. Sev. Lily qui rit sur une place de jeux. Lupin qui lui fait un clin d’œil en Arithmancie, avant le désastre de leur cinquième année. Regulus qui le tire derrière des étagères de la section interdite, embrassant son cou et chuchotant son nom.

« Ne m’appelle pas comme ça. » Severus sait qu’il doit avoir l’air implacable, il veut avoir l’air implacable, mais Lupin semble simplement triste.

« Comme tu veux. »

Le silence tombe entre eux. Ils peuvent entendre Molly dans la cuisine, les explosions de ces jumeaux infernaux qui font quelque chose qu’ils ne devraient pas faire, quelque part. Le grattement des griffes de l’hippogriffe à l’étage. Sev. Severus prend tout ce que ce nom lui rappelle, chaque souvenir doux et agonisant, et les repousse derrière ses boucliers. Il ne ressentira rien. Il ne ressent rien du tout. Il devrait partir, mais il ne le fait pas. Ses yeux sont figés sur les mains de Lupin, sur les cicatrices blanches sur leur dos. Elles n’ont jamais été rugueuses au toucher, même dans son adolescence, quand elles étaient encore fraîches. Elles ressemblent plus à des nervures de feuilles.

Ne lui demande pas.

« Est-ce qu’il sait ? » demande-t-il de toute façon.

« Sirius ? » Severus tressaille. « Non. »

Severus acquiesce. Il comprend. S’il avait pu récupérer Lily d’entre les morts comme Lupin a récupéré Black, il ne lui aurait jamais dit toutes les choses qu’il a faites pendant son absence.

« Fais-moi savoir si tu découvres à qui obéit l’elfe Black, » lance Severus en retournant à leurs affaires. « Ça pourrait devenir un problème. »

« Oui, » acquiesce bêtement Lupin. « Fais moi savoir si tu trouve un nom. Peu importe qui c’est. Ton héritier. »

« Pourquoi ? » demande Severus, suspicieux.

« Parce que je veux t’aider. Tu mérites de savoir qui c’est. C’est ce que j’aimerais, moi. » Lupin lui sourit amèrement. « Tu mérites quelques réponses, Severus. »

C’en est trop pour Severus. Il part. Il ne pense pas aux mains de Lupin, au rire de Lily, aux lèvres de Regulus ou au regard meurtrier de Black tandis qu’il transplane chez lui et ouvre le courrier empilé sur son bureau. Il se verse un verre et lance lettre après lettre dans le feu. Des menaces d’Avery (encore), des avertissements de Lucius, des énigmes de Dumbledore. Il les enregistre toutes dans sa mémoire et brûle toutes les preuves en continuant à s’empêcher de penser.

Des réponses. Il mérite des réponses. C’est bizarre. Cela fait si longtemps que quelqu’un ne lui a pas dit qu’il méritait quelque chose d’autre qu’une punition. Tu mérites de savoir qui c’est. Puis il brise le sceau d’une lettre de Gringotts, se forçant activement à ne pas penser, et il voit les mots sur la page. Il en lâche son verre, le whisky sifflant dans les flammes et s’étalant sur le foyer.

 

Lord Prince,

En ce 17 juillet 1995 à 09h14 du matin, calendrier sorcier, le coffre d’Héritier de la Noble et Très Ancienne Maison des Prince a été activé et ouvert sous le nom d’un certain Hadrian Peverell, et un dépôt a été fait.

Vous le comprendrez, je ne suis pas autorisé à vérifier la validité de ce nom, seulement à vous assurer que le coffre d’Héritier a été activé par votre Héritier véritable, qui que ça puisse être. De plus, je peux vous assurer que comme tous les coffres de Gringotts, le coffre de la Noble et Très Ancienne Maison des Prince est toujours aussi sécurisé.

Puisses vos coffres toujours déborder,

Vôtre par la pièce et par la hache,

Serracier, gérant des comptes de la Maison des Prince

 

Severus fixe le nom. Hadrian Peverell. Sans aucun doute un pseudonyme ou une fausse piste, mais ça n’est pas grave. C’est quelque chose. Le début des réponses.

 

Chapter 8: Projets d'anniversaire

Notes:

Ndt : Hé vous avez vu ? Je suis à l'heure ! x'D J'espère que le chapitre vous plaira du coup :)

(See the end of the chapter for more notes.)

Chapter Text

« Tes traits sont différents. »

Théo le dévisage. Harry lui-même est en train de se fixer dans le miroir. Putain, merde, bordel de merde.

« Oui. »

« Mais tu es toujours toi. »

« Oui. »

Théo retire le miroir des mains de Harry pour que le gris de son regard rencontre le vert, plus brillant et tout nouveau, des yeux d’Harry. Il scrute son visage à la recherche d’indices et le Survivant sait que le moment est venu. Le moment où il va devoir dire la vérité à Théo. Ou en tout cas, une partie de la vérité. Mais d’abord, il est curieux de voir à quel point Théo peut s’approcher de la vérité rien qu’en observant son visage.

« Putain de merde, » souffle Théo. « Tu l’appelles James. »

Oh. Vraiment très près, il semblerait, putain.

« Quoi ? » lance Harry.

« Tu l’appelles James Potter. Tu as un elfe de maison. T’es au milieu des drames familiaux des Black. Tu as plus d’une bague d’héritier. Théo semble respirer bien plus vite que d’habitude, et Harry l’observe. C’est assez marrant, dans un sens abstrait et absurde, de voir Théo tout exposer ainsi. « Putain de merde. Est-ce que Sirius Black est ton vrai père ? »

Harry éclate de rire. Il rit si fort qu’il doit se pencher à nouveau en avant, tout en frottant sa cicatrice sur son visage bizarrement étranger.

« Oh mon Dieu, Merlin ou qui sais-je d’autre sur un putain de balai volant, ça c’est drôle, » souffle Harry en essuyant ses yeux.

« Tu ressembles à un Black. »

C’est beaucoup trop drôle, bordel, Harry peut à peine respirer.

« Mon dieu, si seulement ! » siffle-t-il entre deux rires. « Si seulement Sirius était mon père, putain. »

Théo l’observe tandis qu’il se calme lentement, ramenant de l’air dans ses poumons. Harry sait que Théo a deviné que cette hilarité flirtait avec la panique. Sahara se fraye un chemin le long de la jambe de Harry, s’enroule autour de son torse comme un sac en bandoulière en sifflant de doux mots de réconfort. Harry cligne des yeux quelques secondes, prenant conscience pour la première fois que ses yeux sont humides. Il inspire profondément. C’est étrange que le moment où ses larmes choisissent de couler soit maintenant. Ce moment, ici, avec Théo.  

« Ce n’est pas le cas, » dit doucement Harry. « Je ne sais pas qui c’est. »

« Ça… me parait improbable, » répond lentement Théo. Harry lui est infiniment reconnaissant de ne pas dire que c’est impossible ou totalement dingue.

« Ça l’est. Incroyablement improbable. Aussi improbable qu’un putain de bébé d’un an qui vient à bout d’un Seigneur des Ténèbres. Ou que de voir ton nom être tiré de la Coupe de Feu alors que tu ne l’y as jamais mis. »

« Attends, tu ne l’avais pas fait ? »

« Plus tard. » C’est une histoire pour un autre jour. « Ou même se réveiller un jour avec un elfe de maison dans ta chambre, et devoir aller à Gringotts pour découvrir que tu es un putain de Lord Sorcier présumé, et moi qui pensait pendant tout ce temps que le surnom de ‘Seigneur des Ténèbres’ n’était qu’un pseudonyme bien trouvé ! » Harry prend une profonde inspiration. Théo l’observe. « Et pourtant… » Harry indique son visage. « Moi et l’improbabilité. Meilleurs amis pour la vie. »

Théo continue de le fixer.

« Ce n’est pas un pseudonyme bien trouvé, » dit-il lentement. « Il est Lord Gaunt, je crois. Et bien sûr, Lord Serpentard. »

Non, c’est pas lui, putain, songe Harry, mais il ne peut pas dire ça à voix haute sans admettre aussi comment il le sait. Il se contente d’acquiescer.    

« C’est pour ça que tu brasses cette potion, » affirme Théo. « Pour cacher les changements de ton apparence. »

« Ouaip. »

« Pourquoi ont-ils commencé à apparaître ? »

« Parce que j’ai réclamé mes héritages. »

« Tes héritages ? Au pluriel ? »

« C’est ce que je viens de dire. » Harry esquisse un sourire en coin, mais Théo non. Il fixe les doigts d’Harry, les bagues qu’il ne peut pas voir.

 « Combien ? »

Harry commence à ressentir cette distance qui vient avec le merveilleux sentiment d’Indifférence. Il appuie son dos contre la porte, Sahara toujours enroulée autour de lui, et se dit que tout ça vaut le coup. Il peut le faire. Il peut raconter à Théo tout cet amas horrible et compliqué de faits et tout envoyer se faire foutre en enfer. Si Théo rapporte tout à son père, même si ce dernier dit tout à Voldemort, Harry n’en a plus rien à faire à présent. Parce qu’au moins, quelqu’un serait au courant. Quelqu’un qui n’est pas un elfe de maison aux tendances meurtrières.

La solitude, songe Harry. C’est ça qui fait que les gens se brisent, à la fin. Pas les Endoloris ou de voir ses ongles être arrachés. Juste cette foutue putain de solitude qui te dévore l’âme.

« Quatre. »

« Quatre. » Théo cligne des yeux. Il y a un long moment de silence. « Tu vas être le Lord Sorcier possédant le plus de titres dans tout ce putain de pays. »  

Harry renifle un rire. Le sens de l’humour de Théo est comme ça, il est tranchant comme le serait de l’acide à travers une crème épaisse.

« J’adore te voir penser que je vais vivre aussi longtemps. » Harry hausse un sourcil. « C’est très inhabituel de ta part. »

« Je suis connu pour ma joie de vivre, » répond Théo d’un ton plat.

Ils échangent un grand sourire. Ce n’est pas si mal, d’être planté là, dans la chaleur, avec ce chaudron bouillonnant et son front couvert de sang, la vérité s’étalant comme une marre de mercure liquide entre eux.

« Est-ce que tu me dirais lesquels ? » demande Théo.

Harry hésite.

« Oui. »

« Ok. »

Harry bataille un moment avec lui-même. Il a dit des choses à Théo, beaucoup de choses. Il lui a dit les choses que Ron et Hermione savent, il lui a parlé de Cédric (enfin, un peu) et il a même mentionné les visions et la Chambre des Secrets. Il lui a aussi dit beaucoup de petits secrets normaux, que d’autres gens n’auraient jamais pensé à demander. Théo sait que le film favori d’Harry est Star Wars, qu’il l’a regardé à travers la grille de son placard durant l’anniversaire de Dudley. Théo ne sait même pas ce qu’est un film, pas vraiment, mais il sait hausser les yeux au ciel quand Harry lui parle de sabre-lasers. Théo sait qu’Harry aime les ananas sur les pizza et Harry sait que Théo n’a jamais mangé de pizza de sa vie, parce que les sorciers de sang-pur anglais semblent refoulés culinairement parlant, jusqu’à ce qu’Harry lui en apporte la moitié d’une comme goûter durant le quatrième jour. Harry sait que Théo pense que ‘les fruits étalés sur du pain italiens sont une hérésie digne du feu des enfers’. Théo sait que la cicatrice sur le coude d’Harry date de quand Dudley lui a écrasé le bras dans la portière de la voiture quand ils avaient sept ans, le cassant alors pour la première fois. Harry sait que la tante de Théo est pire à six heures du soir, après son premier verre de vin. Ils savent des choses à présent. Mais pourtant, cette information-là est particulière. Harry sait que c’est une limite à franchir. Ce n’est pas un secret accidentel ou une information de seconde-main. C’est un secret que Ron et Hermione devraient savoir mais qu’ils ne sauront pas. Théo le saura à leur place. Ce sera quelque chose de différent.

« Donc… ? » Théo hausse un sourcil.  

Harry soupire et baisse les yeux, agitant les doigts. Peut-être que différent n’est pas mauvais. Peut-être que différent n’est pas si mal. Différent, c’est Sahara et Kreattur et ne pas passer chaque seconde de chaque putain de jour à se torturer l’esprit sur quel horrible plan Voldemort peut bien être en train de concocter. C’est penser à brasser une potion, et manger des goûters volés et se faire dire de reculer loin de ses Ailes de Verre, bordel, s’il ne veut pas faire virer leur potion au désastre. Il observe ses bagues d’héritier et pense à elles, l’une après l’autre. La colère d’un rubis rouge, la cruauté d’un diamant de glace, la ruse d’une profonde émeraude et le silence d’une obsidienne qui absorbe tout. Théo retient son souffle et Harry sait alors que ses pensées les ont rendues visibles. Théo avance d’un pas, les yeux fixés sur ses bagues.

« Dis-moi ? » chuchote-t-il. C’est la première fois depuis qu’ils ont commencé à passer du temps ensemble qu’Harry l’entend sous la forme d’une question. Il acquiesce.

« Potter. » Il agite son quatrième doigt.

« Black. » Théo tapote son troisième doigt. Harry acquiesce.

« Mais celles-là, par contre… » Théo prend la main dominante d’Harry dans la sienne. Harry essaye de ne pas la retirer. Théo ne veut pas lui faire de mal. Que les gens découvrent certains de ses secrets ne doit pas forcément conduire à de la souffrance.

« Celle-ci, je ne sais rien à son propos, » dit-il en pointant son index. « La Maison de Prince. »

« Prince ? » Les sourcils de Théo se froncent tandis qu’il secoue la tête. Il passe à la suite. « Et elle ? »

Théo touche doucement l’émeraude. Harry déglutit.

« Pas de réactions bizarres, hein ? » l’avertit Harry.

« Et c’est à moi que tu dis ça ? » Théo lui lance un regard sévère. « Le mec avec quatre bagues d’héritages, qui peut disparaître à volonté, avec un serpent à qui il parle et de la magie qui sort à intervalles irrégulières de ses doigts ? »

« C’est pas faux. » Harry soupire. « C’est… Serpentard. »

Théo en lâche sa main.

« Bordel. De. Merde. »

« Je sais. »

Théo le dévisage tandis que Sahara se déplace pour venir s’enrouler autour du cou d’Harry. Harry lui envoie une vague de reconnaissance.

« J’aime ta bague » siffle Sahara. Harry lève les yeux au ciel.

« Bien sûr que tu l’aimes, c’est une… » Harry a du mal à trouver un mot. « Une bague pour les maîtres des serpents. »

« Les serpents n’ont pas de maitre », siffle Sahara.

« Bien sûr que si. » Harry pense à Nagini. « J’ai déjà vu un gros serpent qui en avait un. »

« Alors ça n’est pas un vrai serpent, » lui répond Sahara. « Nous n’aimons pas les maîtres. Nous les mangeons. »

« Très surprenant. » 

« Donc tu es vraiment l’héritier de Serpentard. » Théo lui lance un regard, comme s’il remarquait pour la première fois le Fourchelangue, ce qui parait étrange à Harry. « Comme durant notre deuxième année. »

« Ouais. »

« Je vois. »

« Ah bon ? »

« Oui. » Théo acquiesce vivement. « Malefoy me doit dix Gallions. »

« Pour avoir pensé que j’étais l’héritier de Serpentard ? » Harry dévisage Théo. « Attends, tu as parié sur le fait que j’étais l’Héritier de Serpentard ? »

« Eh bien, j’avais raison, non ? »

Harry le dévisage un moment puis se remet à rire, sentant la digue se briser en lui. Théo sait, et il n’agit pas autrement. Théo sait et il est toujours le même, ils sont toujours les mêmes.

« T’es vraiment con. »

 Harry pousse l’épaule de Théo avant d’aller vers le chaudron. Il se sent léger, exalté, comme lorsque Ron était revenu vers lui après la Première Tâche, il a l’impression que tant que cette personne, juste là, croit en lui, alors il peut survivre. Théo lui sourit et s’approche de l’autre côté du chaudron.

« Donc… tu es adopté ? »

« Je suppose, » soupire Harry. « Adopté par le sang. »

Harry espère que Théo sait ce que ça veut dire, parce qu’il n’est pas sûr d’avoir assez bien écouté Gripsec pour l’expliquer, mais Théo acquiesce.

« Donc ton père, » Théo vérifie la température de la potion, mais ses yeux ne cessent de revenir aux bagues maintenant visibles d’Harry. « Ce n’est pas… ? »

« Voldemort ? » Harry grimace, tout comme Théo. Différentes raisons, même réaction. « J’espère pas. Je pourrais avoir obtenu le titre par conquête, d’après les gobelins. »

« À cause de Godric’s Hollow, » opine Théo.

« Et le Basilic, » ajoute Harry.

« Heh. Ouais, je suppose que ça a pu aider. » Théo fixe Harry avec ces yeux gris. Ils ont l’air argentés, avec la fumée du chaudron qui s’élève entre eux. « Mais tu es l’héritier de cette Maison des Prince aussi, donc c’est probablement—»

« Oui. Probablement. » Harry lance un regard acéré à Théo. C’est un Sang-Pur. « Tu ne le connais pas, n’est-ce pas ? »

« Non. » Théo lève des yeux toujours aussi acérés. Il ne se sent pas insulté, Harry ne le pense pas, mais il veut qu’Harry le voie. Qu’Harry l’entende. « Si je le savais, je te le dirais. Tu sais que je te le dirais. »

Théo ne demande pas si Harry le sait. Il lui dit qu’il le sait. Il lui rappelle qu’ici, dans cet endroit au moins, chacun garde les secrets de l’autre.

« C’est vrai, » répond Harry. « Merci. »

« De rien, Héritier Potter-Black-Prince-Serpentard. » Théo fait une révérence avec ce petit sourire en coin qu’Harry préfère entre tous. « À présent, si l’on finissait cette potion afin de remettre ton visage en place ? »

« Oui, Héritier Nott. » Harry rit, mais son estomac se contracte. Il se toure vers le miroir. Est-ce sa nouvelle normalité, à présent ? « Donc, je ressemble à un Black ? »

« Un peu. » Théo sourit. « Surtout les cheveux. »

« Comme si mes cheveux pouvaient être pire, » grogne Harry en passant sa main dedans. Ils sont toujours ébouriffés et partent dans tous les sens, mais à présent, ils sont plus longs et bouclés Comme ceux d’Hermione. Et sa peau est un peu plus sombre à présent ? Un peu plus proche de la couleur du miel ? Est-ce que les gens vont partir dans tous les sens s’ils se rendent compte qu’Harry Potter n’est plus aussi blanc qu’avant ? Les sorciers n’ont jamais semblé très racistes à ses yeux, à part à propos du sang, ce qu’Harry considère en vérité comme un racisme en soi. Blaise (ce putain de Blaise si sexy) est le garçon après qui courent toutes les filles de cinquième année et Hermione ne s’en sortirait pas plus mal si les gens arrêtaient de la traiter de sang-de-bourbe. Et si elle fermait un peu sa bouche à propos des devoirs. Angelina reçoit plus de propositions de rendez-vous que n’importe qui à Gryffondor et Dean Thomas est une invitation à coucher ambulante, si l’on demande son avis à Harry, et il ne s’en sort pas mal, si on oublie les sangs-purs qui ne peuvent comprendre son obsession avec le football. Donc… pas racistes, globalement. En tout cas pas de cette façon. Mais quand on en arrive à Harry putain de Potter, il sait qu’il vaut mieux attendre la pire réponse possible, peu importe à qui on la demande.

Ouaip. Ils vont probablement en faire une syncope.

Raison de plus pour finir cette potion et rester une réplique de James Potter jusqu’à… eh bien, jusqu’à ce que Voldemort soit mort, ou qu’Harry le soit, ou que tout le monde sur cette planète le soit et qu’Harry puisse enfin être laissé en paix.

« Ce n’est pas pire, » répond Théo en le tirant de sa rêverie. Il tend la main au-dessus du chaudron et tire doucement sur une des nouvelles boucles d’Harry, puis la relâche en la regardant rebondir contre son front. Il sourit. « Juste différent. »

« Différent, je peux gérer, » sourit Harry.

« Je m’en doute. » Théo attrape le sac qu’il a amené avec lui et en sort un croissant emballé dans une serviette. « Tu as eu pas mal d’entraînement pour ça. »

Harry sourit et prend une bouchée, le goût de la pâtisserie au beurre et de ce foutu soulagement envahissant sa bouche. Il expire lentement, observant Théo délayer de la poudre de Papillons aux Ailes de Verre dans la potion. C’est quelque chose, au moins. Harry n’a peut-être pas ses amis, ou Sirius près de lui, et ne sait plus de qui il est le putain de fils, mais au moins, il a ça. Il a un endroit où il peut dire la vérité. Et il a Théo et Théo aime ses cheveux. C’est quelque chose.

_____________

 

« Et combien de temps durera la potion ? »

C’est le jour neuf. Il ne reste plus que trois jours et deux d’entre eux seront consacrés à laisser la potion reposer. Aujourd’hui, ils doivent ajouter des coquilles de saphir des mers, une tâche incroyablement pénible vu qu’ils ne sont pas plus grands que des fourmis, mais Harry est doué avec ses mains aussi Théo lui a-t-il délégué la tâche tandis qu’il se concentre sur l’ajout de gouttelettes d’huile de Cactus-cierge n’ayant fleuri que la nuit.

« Elle dure cinq mois. Si on la prend fin juillet, elle durera au moins jusqu’à fin décembre. »

« Pourquoi est-ce qu’on attendrait fin juillet ? »

« Parce que ça permet de terminer le calendrier lunaire, idiot. »

« Oh. » Harry gigote. Il n’avait pas pensé à ça. Il n’avait pas pensé à quoi que ce soit, au-delà des trois prochains jours. Théo l’observe bizarrement pendant un instant.

« Tu ne pensais pas que je resterais une fois qu’elle serait finie, » déclare lentement Théo.

Harry hausse les épaules. Honnêtement, non. Une part de lui continue de penser que Théo n’est là que pour la potion et qu’une fois qu’elle sera prête, il partira. Harry sera alors seul à nouveau, à chercher des hiboux dans le ciel. Théo l’observe une seconde, comme s’il voyait chacune de ses sombres pensées, puis se concentre à nouveau sur la potion.

« Je reviendrai, » lance Théo. « Ici. Si tu veux. »

Harry acquiesce, la gorge soudain sèche. Il essaye de penser à quelque chose à dire.

« C’est mon anniversaire, le 31 juillet, » laisse-t-il échapper.

« Je sais, » acquiesce Théo. Harry ne lui demande pas comment. « C’est un bon jour pour la boire. »

« Ok. »

Harry n’a jamais eu de véritable fête d’anniversaire, et celle-là sera probablement bizarre, mais quand même. C’est cool d’avoir quelque chose de prévu pour son anniversaire.

« Donc on la prend à mon anniversaire, et elle dure jusqu’à Noël, » acquiesce Harry. « Est-ce qu’on devra la brasser à nouveau ? »

« Oui. » Théo lui lance un regard calme. « Heureusement, les vacances de Yule sont plus longues que douze jours. »

« Merde. » Harry sent son estomac lui tomber dans les chaussures. « Donc je vais devoir revenir à Privet Drive. Pour Noël ? »

Harry n’arrive pas à imaginer quelque chose de pire que ça. À part peut-être fêter Noël en compagnie de Voldemort, mais dans la liste infernale des sadiques qu’Harry a à l’esprit, un Vernon énervé et un Tom Jedusor en colère se battent souvent pour la première place. Il déglutit difficilement. Théo lui lance un regard prudent.

« Peut-être pas. » Il tapote ses doigts sur la bouteille d’huile. « Nous avons tous les ingrédients et nous savons quoi faire. Nous pourrions peut-être rester à l’école ? Et faire la potion là-bas ? Si on trouve un endroit suffisamment sûr… »

« Où Rogue et Rusard ne nous trouveront pas. » Harry grimace, puis sourit. Il est en train d’avoir, d’après les termes d’Hermione, un instant d’illumination. « Je sais où. »

« Oh ? » Théo hausse un sourcil. Sceptique. C’est son sourcil sceptique. « Est-ce que je vais apprécier cette suggestion ? »

« Ça dépend d’à quel point tu te sens Serpentard, » ricane Harry.  

Théo l’observe un instant.

« Est-ce que tu es en train de suggérer qu’on brasse une des potions les plus compliquées qu’il m’ait été donnée de voir dans un tunnel de canalisations occupée à l’origine par un serpent de mort de vingt mètres de long ? » demande-t-il lentement.

« Oui. C’est ce que je suggère. »

« Et tu te demandes pourquoi tu as si peu d’amis. »

« Je me demande si Salazar lui a donné un nom, » s’interroge Harry en ignorant Théo. « J’aime savoir le nom des choses que je tue. Quirrel. Voldemort. Troll. »

« Je doute que le troll se soit appelé ‘Troll’. Et peut-être que Lord Serpentard aurait pu te dire le nom de sa bête si tu lui avais demandé gentiment, » lance Théo d’un ton pince-sans-rire.

« Il était un peu trop occupé à l’encourager à me tuer, » répond Harry avant de froncer les sourcils. « En plus, il n’est pas Lord Serpentard, je t’ai demandé de ne pas l’appeler comme ça. »

Harry lui a expliqué ce que Gringotts lui a dit à propos de Voldemort qui n’avait jamais réclamé son titre de Serpentard. Harry n’a pas de problèmes à être l’héritier de Serpentard, pas vraiment, mais il hait l’idée d’être celui de Voldemort.

« Et je t’ai demandé de ne pas l’appeler par son autre nom, » renvoie sèchement Théo.

Harry le fusille du regard. Théo n’est pas un Mangemort mais c’est un sorcier de sang-pur et ils ont plus de superstitions que de chapeaux ridicules. De ce qu’en a compris Harry, pour eux, ce n’est pas juste une habitude, comme ça l’est pour les Weasley ou Hermione. Pour eux, dire le nom de ‘Voldemort’ c’est comme dire celui de Beetlejuice. C’est incroyablement idiot.

« Très bien. Je ne le ferai pas. » Harry hausse les épaules. « Je l’appellerai Monsieur Jedusor. »

Théo renifle un rire.

« Monsieur Jedusor Junior, » glousse-t-il. Théo pense que les sorciers qui donnent leur propre nom à leurs enfants sont le suprême de l’ordinaire.

« Si c’était un super-méchant moldu, je parie qu’on pourrait l’appeler Jeu du Sort, » répond Harry avec un sourire. « Pas mal non ? »

« Totalement. »

« Donc on fera la potion pendant Noël—»

« Yule. »

Harry lève les yeux au ciel. La nouvelle activité favorite de Théo est de lui apprendre les us et coutumes sorciers. Certaines choses sont géniales, comme le fait que les vampires ont un bar à sang dans l’Allée des Embrumes, mais d’autres sont plus stupides.

« Yule, Noël, c’est pareil. »

« Absolument pas. » Théo le fusille du regard. « Je n’ai jamais, jamais vu un homme en surpoids entrer par effraction chez moi au milieu de la nuit pour déposer des paquets suspects. »

« Le Père Noël n’est pas un pédophile, Théo. »

« Tu ne peux pas en être sûr. »

« Si, je peux, parce qu’il n’est pas réel. » Harry le fusille à son tour des yeux. « Rien qui compose toutes ces fêtes ne l’est. C’est juste des conneries. C’est juste deux semaines où je prétends que trainer avec la famille d’un ami compense le fait de ne pas avoir de famille du tout. »

« Avec cette attitude, ne soit pas surpris si le pervers en costume rouge ne te laisse que du charbon. »

Harry lève les yeux au ciel. Il regrette d’avoir raconté à Théo ce qu’était le Noël moldu en échange de ce qu’il lui avait dit sur les créatures mythiques, les sectes ‘magiques’ menées par des moldus et les chasseurs de démons. Il le regrette profondément.

« Donc si on la brasse pendant les vacances dans la Chambre, ensuite on sera tranquille jusqu’à l’été prochain ? »

« Oui. » Théo lui lance un regard étrange pendant quelques secondes. « Tu penses que tu en auras toujours besoin l’été prochain ? »

« J’sais pas. » Harry hausse les épaules. « Si je n’arrive pas à trouver qui est mon vrai père ou si je découvre que c’est un foutu Mangemort de merde, alors probablement. »

Théo acquiesce.

« Je pourrais t’aider à le trouver si tu veux. »

Harry hésite. Il ne sait pas si c’est ce qu’il veut. Pas encore.

« Comment ? »

« Retracer un arbre généalogique n’est pas si difficile. Après tout, tous les sièges du Magenmagot sont tenus par des Lords, nous pouvons donc partir de là. » Théo mélange lentement. « Bien sûr, si la Maison de Prince n’a pas de siège, ça pourrait être un peu plus dur. »

« Il n’y a pas de, je sais pas, de services de renseignements téléphoniques pour les titres sorciers ? »

« Il y a une liste au Ministère, et il y a des livres sur les plus célèbres d’entre eux, » réfléchit Théo. « Mais ils ne font que montrer des lignées qui existent et sont déjà reconnues. Tu as dit que la ligne des Prince était éteinte ? »

« Elle semble l’être. » Harry lui avait expliqué ce que lui avait dit Gripsec à la banque. Théo acquiesce lentement.

« Alors c’est un héritage perdu. » Il tapote un doigt fin contre le chaudron. « Du coup c’est dur à trouver, mais pas impossible. »

« Seulement improbable, » renvoie Harry.

Théo sourit en retour.

« Exactement. »

Harry y pense un instant, en observant la bague des Prince. Il l’aime. La plupart du temps, elle est d’un calme doux, et parfois elle offre un silence agressif, presque vorace, comme si ce silence voulait dévorer le monde entier. Ça arrive quand Vernon est fou de rage contre lui. Harry aime cet aspect de la bague. Quelque part, ça lui parait juste.

« Ok, » acquiesce Harry. « Tu peux m’aider. »

Théo sourit. C’est le sourire préféré de Harry. Celui qu’il fait lorsque Harry fait ou dit quelque chose qu’il pense sans intérêt, et que le visage de Théo se fend d’un sourire si sincère et reconnaissant que ça en coupe presque le souffle d’Harry. Ce dernier détourne le regard, déglutit et essaye de ne pas penser à Cédric. Il change de sujet.

« Tu me parlais de ces créatures et des moldus qui chassent les démons, » lance Harry. « Comment tu les appelles… des Shadow Hunters ? »

« Des cons prétentieux avec du sang d’ange et des bâtons qui brillent, » renifle Théo. « Ils n’en valent pas la peine. »

« Tu ne penses pas que quoi que ce soit vaille la peine. »

« Si, les sorciers. » Théo croise son regard. Harry remarque qu’il n’a pas dit sorcier et sorcières.

« D’accord, et qu’en est-il des chasseurs de vampire ? »

« Des petites filles qui n’ont pas de magie et encore moins de sens commun. » Théo renifle. « Des adolescentes. »

« Théo, on est des adolescents. »

« Oui, mais on a tellement plus de classe. Ou en tout cas, » Théo lui lance un sourire carnassier, « c’est mon cas. »

Harry lance un bout de méduse éternelle à la tête de Théo et observe l’expression de son ami s’assombrir. Harry sourit. Il se sent bien. Ils ont prévu quelque chose pour son anniversaire. Pour Noël. Pour l’été prochain. C’est peut-être des plans pour concocter une potion illégale et s’introduire dans l’antre d’un Basilic, mais ce sont de vrais projets, pas des événements qui lui tombent dessus au hasard. Ça veut dire une chose, et cette chose réchauffe Harry de l’intérieur. Théo reste.  

 

Notes:

Rendez-vous lundi pour le prochain chapitre ;) N'oubliez pas le commentaire, il fait toujours terriblement plaisir ! <3

Chapter 9: Une visite dans l'enfer moldu

Notes:

(See the end of the chapter for notes.)

Chapter Text

« Qu’est-ce que tu fais avec ? » demande Théo, sceptique.

« Tu t’assieds dessus. »

« Et ? » On dirait qu’Harry lui a demandé de faire un tour sur le dos de Buck, les yeux bandés.

« Et… tu te balances ! »

Harry pousse sur le sol avec ses pieds et se balance sur la balançoire, l’herbe sèche sous lui s’éloignant d’un coup tandis que le ciel se rapproche.

« Allez viens, c’est un peu comme voler ! »

Théo se tient près du tourniquet, fixant Harry comme s’il s’était changé en Sphinx.

« Quoi ? Les sorciers n’ont pas de place de jeux ? » demande Harry en laissant trainer ses pieds sur le sol pour laisser sa vitesse revenir à un doux balancement. Les épaules de Théo se détendent. Harry en hausse presque les yeux au ciel. Théo peut être si tendu parfois. Surtout quand Harry fait quelque chose de purement moldu qu’il ne comprend pas et dont il pense que ça pourrait être dangereux.

« Les sorciers n’ont pas besoin de faire sembler de voler, Harry, parce qu’on peut le faire. Tu te rappelles ? »

« Le plus jeune attrapeur depuis un siècle, tu te rappelles ? »

« Et moi qui pensais que le titre du Garçon-Qui-A-Survécu t’apportait assez d’attention. »

« Idiot. » Harry se balance vers l’avant et lui met un petit coup dans le tibia. Théo recule d’un pas, un sourire aux lèvres mais ses bras toujours croisés.

« Allez, » sifflote Harry. « Sahara l’essaye, elle ! »

« Je n’aime pas ça », siffle Sahara contre sa gorge.

« C’est amusant », proteste Harry tandis que Sahara glisse le long de son torse et jusque dans l’herbe, flottant un instant de cette incroyable façon qu’on les serpents de faire, sa queue enroulée autour de la cuisse d’Harry avant que sa tête ne touche le sol.

« Non. Chasser, c’est amusant. Je vais chasser. »

« Poule mouillée. »

« Oui, je vais aller chasser une poule. »

Harry soupire. Certaines insultes ne sont pas traduisibles en Fourchelangue. Il jette un regard à Théo qui les observe, lui et Sahara, toujours tendu. Il n’aime pas être dehors au grand air, même si Harry lui assure qu’il a l’air aussi moldu que n’importe qui. La potion est prête depuis deux jours. Ils ont surtout enduré la chaleur ensemble, mais la cabane des scouts devient ennuyeuse. Aujourd’hui, Harry a des projets.

« Eh bien, si la balançoire ne t’intéresse pas, viens avec moi. J’ai quelque chose à te montrer. »  

Harry se relève et passe une main dans ses cheveux. Il essaye de s’habituer aux boucles. Les Dursley n’ont quasiment rien remarqué. Cela dit, il est resté dehors la plupart du temps et Dudley n’est pas spécialement intéressé par son apparence, juste par celle de son sang. Harry garde un léger boitillement de hier, quand Dudley jouait au criquet sur la pelouse avec Piers tandis que Harry jardinait. Il a décidé de taper dans le genou de Harry mais aujourd’hui, Harry s’en fiche bien. Aujourd’hui, il va avoir une petite revanche.

« Est-ce que je devrais m’inquiéter ? » sourit Théo.

« Toujours, » répond Harry. Il se tourne vers Sahara, qui est presque invisible dans le vert pâle des fougères fanées, au bord du parc.

« Nous allons à mon nid, Sahara, » siffle Harry. « Reste dans les buissons. Viens nous trouver si tu as des ennuis. C’est au numéro 4. »

« Je peux toujours te trouver, Cœur Vert. »

« Est-ce que tu as ton super couteau multifonction ? » demande Harry tandis qu’ils quittent le square, Théo le suivant de près. Harry aime le fait que Théo ne lui demande pas où ils vont. Il sait, à présent, qu’Harry aime le surprendre, que ce soit avec un paquet de chewing-gum au goût absurde qu’il a volé à Dudley ou un Tamagotchi moldu qu’il lâcherait dans les mains d’un Théo réticent avec aplomb. Harry adore la façon qu’ont les sourcils de Théo de se soulever avant qu’il ne dise lentement ‘et qu’est-ce que c’est que ça ?’. C’est la meilleure partie de sa journée.

« Oui, je l’ai, » répond Théo.

« Bien. »

« Pourquoi ? »

« Parce qu’on va en avoir besoin. »

Ils tournent au coin de Privet Drive et Théo s’arrête net. Il sait où Harry vit. Il sait avec qui Harry vit.

« Ils sont sortis, » lui sourit Harry. « Ils sont partis à Brighton pour la journée. Ils m’ont enfermé dehors, bien sûr, mais tu peux me donner un coup de main pour ça. »

« Tu veux rentrer par effraction dans la maison de ton Oncle ? » Théo le dévisage.

« Ouaip. J’ai un truc à te montrer. »

Harry voit l’hésitation de Théo. Il tend la main et attrape doucement son poignet, parce qu’il ne veut pas lui rappeler sa Tante. Théo sursaute une seconde, observant la main d’Harry, puis soupire. Il ne se dégage pas. Harry sourit à nouveau et le tire derrière lui.  

« Viens. »

Théo résiste une seconde puis se laisse entraîner, tournant un peu son poignet pour qu’Harry se retrouve plutôt à tenir sa main tandis qu’il lui fait remonter l’allée. Harry ne pense pas à combien c’est agréable. Ou à combien la main de Théo est plus douce que celle de Cédric, pas pleine de cals dus aux manches de balai et aux souaffles.

« J’ai commis plus d’effractions depuis que je te connais que dans tout le reste de ma vie, » grogne Théo en sortant son couteau et en l’enfonçant dans la serrure.

« Vraiment ? » Harry s’appuie contre le cadre de la porte, ses bras croisés et un sourire calme sur les lèvres, pour que quiconque les observe se dise que ce n’est que le délinquant Potter qui rentre à la maison avec un ami. « Je le fais tout le temps. »

« Tu es Harry putain de Potter. Où est-ce que quelqu’un comme toi aurait besoin de s’introduire, à part dans une cabane moldue ? » marmonne Théo.  

« Oh, voyons… La section interdite, la pièce au 3ème étage, la Chambre des Secrets, le bureau de Rogue, la réserve de Rogue, le bureau de Rusard, Honeydukes, la Cabane Hurlante, mon placard—»

« Oui, oui, j’ai compris, tu n’as absolument aucun respect pour l’autorité. » Théo lève les yeux au ciel puis baisse ces derniers lorsque la serrure cède dans un cliquetis et que la porte s’ouvre. « Honeydukes ? Vraiment ? »

« Ouaip. »

« Comment ? »

« J’te l’dirai pas. » Harry les fait entrer, s’amusant des soupirs agacés de Théo derrière lui. « Bienvenue dans l’enfer moldu. »

 Harry referme la porte et le silence oppressant de Privet Drive les entoure. C’est la petite revanche de Harry, minuscule mais parfaite. Il y a un sorcier, un sorcier de la vraie vie, bien vivant, la pire peur des Dursley, dans leur parfaite petite maison moldue. Ici se tient Théodore Nott, plein de son absurde magie, en train de contaminer leur air et ruiner leur normalité en toute décontraction, juste en se tenant là. C’est si délicieux qu’Harry pourrait se mettre à chanter. Plus tard, quand ils reviendront, Harry prendra un grand plaisir à savoir que Théo s’est assis dans leur canapé et a mangé dans leur cuisine sans qu’ils ne le sachent. Il a presque envie de pousser Théo à lécher chaque surface et à péter dans le lit de Dudley, juste pour son propre plaisir. Théo observe les alentours, impassible, notant les surfaces blanchies et l’hideux papier-peint rose et lilas.

« Tu es sûr que ce n’est pas aussi l’enfer sorcier ? » demande-t-il d’un ton plat.

« C’est l’enfer d’un sorcier, en tout cas, » renifle Harry. « Allez viens, ma chambre est à l’étage. »

Harry mène Théo jusqu’à sa chambre, notant la grimace qui traverse son visage lorsqu’il voit les cadenas et remerciant le ciel qu’il ne dise rien. Et puis soudainement, Harry réalise que la pièce n’est pas vide.

« Kreattur. Oh merde. »

Harry se fige sur le seuil. Le petit elfe se tient au milieu de la pièce, entouré par des montagnes de boites contenant des livres, ses bras croisés, fusillant Harry du regard.

« Qu’est-ce que tu as fait ? » demande Harry d’une voix blanche en observant ce qui était autrefois sa chambre. « Est-ce que c’est un commentaire à propos de mon intelligence ? Parce que c’est un peu gros, là. »

Kreattur ne répond pas, ce qui est bizarre. À la place, il continue de fixer, ses bras croisés comme un videur de boite, très petit et très énervé. Ses petits yeux glissent de l’épaule d’Harry jusqu’à Théo.

« Voici l’héritier Nott, » lance Harry, hésitant. Il a l’horrible sensation d’être au-devant de terribles ennuis, et de ne pas savoir pourquoi. Kreattur fusille Théo du regard comme s’il souhaitait que les objets des Black n’aient pas été envoyés à Gringotts pour qu’il puisse lui jeter l’araignée d’argent au visage. Puis ses yeux reviennent sur Harry, pleins de cet outrage vertueux qu’Harry trouve si bizarre.

« L’Héritier Black n’est rien de plus qu’un sale sang-mêlé qui ne connait pas la honte ! »  

« Classique, » marmonne Harry.

« Kreattur ne sait pas quel incubus a pris possession de l’Héritier Black pour lui faire penser qu’il peut ramener un bon garçon chez lui pour le pervertir ! »

« Putain, quoi ? » s’exclame Harry. Théo renifle un rire. Kreattur le fusille du regard comme s’il demandait des explications.

« Théo, voici Kreattur. » Harry se pince l’arête du nez. « Aussi connu comme le misérable bougre qui se fait passer pour l’elfe de maison des Black, une famille de pervers, apparemment. »

Harry lui tend un piège, très clairement, mais Kreattur semble ne pas vouloir se faire entraîner dans leur combat habituel d’insultes aujourd’hui, pour une raison inconnue. Il n’a même pas son habituel sourire satisfait qu’il porte quand il a le dessus sur lui. Il fusille Théo du regard.

« L’Héritier Black ne devrait pas avoir un prétendant dans sa chambre ! » croasse Kreattur tout haut. « C’est inconvenant pour l’Héritier Black et l’Héritier Nott— » les yeux de Kreattur scintillent « —l’Héritier Nott profite des lacunes morales de l’Héritier Black, on n’a pas enseigné ces choses correctement à l’Héritier Black ! L’Héritier Nott devrait en avoir conscience et est sans honneur ! »

Harry se retrouve soudainement sans voix. Les doigts de Kreattur tressautent au-dessus d’une boite de livres, comme s’il se retenait d’en envoyer un par magie à la tête de Théo. Kreattur est fâché contre Théo. Pour Harry. Harry s’est habitué à se demander, l’année dernière, ce que ce serait si Cédric avait la possibilité de rencontrer Sirius. Si Sirius se montrerait protecteur envers Harry, ferait des menaces à Cédric, ou ce genre de choses. Mais à présent, son petit ami est mort, son parrain est totalement inutile et c’est un elfe de maison qui défend son honneur. 

Eh ben, qui aurait cru que ça finirait comme ça ?

« Pourquoi est-ce qu’il me regarde comme ça ? » demande Théo. Harry remarque soudain que le réveil flotte dans les airs. Merde.

« Non, c’est hors de question ! » lance-t-il en faisant aller son doigt entre Kreattur et le réveil, avant de se tourner pour répondre à Théo. « Parce qu’il veut te tabasser. »

« Eh bien, dis-lui de ne pas le faire. »

« C’est rarement efficace. » Harry lance un coup d’œil mauvais à Kreattur. « Peut-être… persuade-le que tu n’es pas dangereux ? En utilisant tes paroles raffinées de Lord et tout ça ? »

« Mes paroles raffinées de Lord et tout ça ? »

« Je ne sais pas moi, je ne parle pas le sang-pur ! » Harry intercepte le réveil qui se précipitait à la rencontre de la tête de Théo. « Kreattur, j’ai dit non ! »

« Kreattur protège la Maison des Black, » grogne Kreattur. « De toutes les menaces contre l’Héritier, ou l’esprit de l’Héritier ou la vertu de l’Héritier. »

« Ma vertu ? Putain-de-bordel-de-dieu, » Harry se retourne vers Théo, suppliant. « Théo, allez. »

« Tu veux que… je fasse état de mes intentions envers ton foutu elfe de maison ? » s’étouffe Théo. « Tu rigoles ! »

« Tu n’es pas obligé. » Harry hausse les épaules. Il ne forcera pas Théo à faire quoi que ce soit. « Mais il pourrait essayer de te tuer si tu ne le fais pas. J’t’aurais averti. »

Kreattur sourit. C’est son sourire favori, celui où on voit toutes ses dents de requin, celui qui dit ‘je vais te tuer et te faire cuire dans une tarte’. Théo marmonne une ou deux insultes.

« Très bien. Ecoute, elfe, je n’ai aucune intention de… profiter de l’Héritier Potter— » 

« Oh, il s’en fiche que je sois l’Héritier Potter, » l’interrompt Harry. « Il préférerait probablement que je ne le sois pas. Et son nom est Kreattur. »

« Très bien ! » Théo lève les bras. Il a l’air étrangement troublé. « Kreattur, Elfe de la Maison des Black, je n’ai aucune intention inconvenante à l’intention de l’Héritier Black, je le jure. »

« Sur quoi ? » crache Kreattur.

« Pardon ? »

« Sur quoi est-ce que l’Héritier Nott jure ? » renifle Kreattur. Ses yeux brillent tandis qu’il jette un coup d’œil à Harry. « Sa vie ? Sa magie ? »

« Oh merde, désolé, il a appris ça de moi. » Harry se tourne et se cogne légèrement la tête contre le cadre de la porte. Foutus vœux. Foutues règles. Foutu Kreattur qui protège sa vertu. « C’est un coup sournois ça, Elfe Black. »

« L’Héritier Black n’est pas si stupide après tout, » grogne Kreattur en gardant les yeux sur Théo comme si ce dernier allait se jeter à tout moment sur Harry.

« Tu sais que ce n’est pas le comportement normal d’un elfe de maison ? » demande Théo en fixant Harry, qui soupire.

« Est-ce que tu veux vraiment te disputer à ce propos maintenant, alors qu’il pourrait te tabasser à mort avec une pile de livres d’une minute à l’autre ? »

« Ça, là maintenant, c’est à cent pour cent un foutu truc spécial Harry Potter ! »  Théo fait un geste brusque entre eux deux, une boucle de ses cheveux chocolat tombant devant ses yeux. Harry sourit, essaye de ne rien dire.

Ne le dis pas. Ne le dis pas. Ils vont tous les deux te tuer.

Il le dit quand même.

« Tes cheveux sont magnifiques. »

Théo le fixe, stoppé net. Kreattur découvre les dents. Harry sourit encore un peu plus. Après une seconde ou deux très tendues, où Harry se demande lequel des deux va lui exploser à la figure en premier, Théo ferme ses yeux gris et inspire lentement.

« Tu es… vraiment un petit con, Potter. » Théo se tourne vers Kreattur. « Malgré ça, cependant, je jure sur ma bague d’Héritier que je n’ai à l’encontre d’Harry Potter, Héritier des Maisons Potter, Black, Prince et Serpentard, aucune volonté de blesser ni son corps, ni son esprit, ni sa… » Théo tressaille un peu, « … vertu. »

Kreattur fixe Théo une longue seconde. Harry tient fermement le réveil, le sent vibrer sous la magie de Kreattur tandis que l’elfe contemple l’Héritier de la Maison Nott. Finalement, il acquiesce.

 « Kreattur est satisfait, » grogne Kreattur. Il agite les doigts. Théo cligne brièvement des yeux mais rien ne se passe, à l’exception du réveil qui est finalement redevenu inerte et vide de toute magie. Harry respire un peu plus facilement.

« Et es-tu satisfait, toi ? » lui demande Théo, jetant un coup d’œil agacé à Harry.

« Pas tout à fait. L’équité est de mise après tout. » Harry lance le réveil à Kreattur, qui utilise sa magie pour le remettre à sa place. « Tu connais les règles, Elfe Black. A ton tour. »

Kreattur roule ses petites épaules et acquiesce. Théo les dévisage tous les deux, confus, mais ne dit rien. Harry inspire profondément et tend son esprit vers la magie glacée de la bague Black, refermant sa main.

« Tu ne parleras pas de mon amitié avec l’Héritier Nott, tu n’écriras pas à ce sujet, tu ne la communiqueras pas de quelconque façon à qui que ce soit, incluant qui que ce soit de la famille Black ou qui que ce soit d’autre dans la famille Nott et tu n’essayeras pas de tuer Théo ou de le laisser se faire blesser ou être tué en ta présence. » La magie devient de plus en plus froide, plus froide qu’elle ne l’a jamais été pour Harry. Il se demande ce qu’il y a de spécial avec ce serment, ce lien, qui excite à ce point la bague des Black. Il continue. « Tu n’assisteras pas sans rien faire en laissant d’autres lui faire du mal en ta présence si tu peux l’éviter sans te mettre toi-même en danger. Tu protègeras sa vie et protègeras ses secrets, qu’ils soient implicites ou explicites, tout comme je les protège, et qu’il protège les miens. Tu protègeras ce qui me protège. Compris ? »

Kreattur frissonne tandis que l’aura de lumière blanche crépite autour de lui, mais il ne semble pas avoir mal. En fait, ses yeux brillent avec quelque chose qui ressemble à de l’excitation. Il acquiesce et Harry songe que ça ressemble un peu à une courbette déguisée, sans qu’il comprenne pourquoi.

« Compris, Héritier Black. »

« Bien. » Harry soupire et acquiesce. Théo fixe la bague d’héritier d’Harry, ses yeux brillant de surprise. Harry observe les boites tout autour de l’elfe. « Du coup, tu as cambriolé une bibliothèque ? »

« Oui, Héritier Black. » Kreattur caquète de rire. « Celle du Maître. »

« Putain de merde. » Harry se frotte les yeux. Il se sent fatigué, tout à coup. Quand ils ont mis au point cet accord, Harry pensait que ce ne serait que quelques photos. Et à présent, il se demande s’il reste quoi que ce soit à Sirius dans cette maison où il est enfermé. « Il doit fulminer. »

« Oui, » acquiesce joyeusement Kreattur. Bien sûr, ce petit con est fou de joie.  Et pourtant, Harry ne peut pas s’empêcher de ressentir un peu de satisfaction à imaginer Sirius entrer dans une bibliothèque vide, où qu’il soit. En plus, Hermione va être livide. « Kreattur veut les amener dans l’endroit sûr. »

« Très bien, » soupire Harry. « Est-ce qu’il y a quoi que ce soit que j’aimerais garder ? »

Les livres ne sont pas faciles à retracer pour Sirius, lui a expliqué Kreattur, puisque très peu d’entre eux ont été faits pour la famille Black elle-même. De plus, Harry a l’impression que la lecture est plus amusante quand les livres ont été volés.

« Cette boite. » Kreattur pointe du doigt une boite posée au pied du lit. « Elle est pleine de livres sur les créatures sombres, sur des sorts maléfiques et sur d’autres choses dégoûtantes qui conviendraient à l’Héritier dégénéré des Black. Et puis Kreattur a inclus des livres faits pour les enfants sorciers. » Kreattur lance un sourire mesquin. « Puisqu’il est tellement stupide. »

« On dirait juste que tu t’es rajouté du boulot, elfe Black. » Harry attrape un livre et le feuillette. Il est couvert de taches de sang. Merveilleux. « Je suis pratiquement sûr que ça va juste me rendre plus dur à tuer. »  

« Alors le succès de Kreattur n’en sera que plus doux, » sourit Kreattur. Théo tressaille. Il ne semble pas penser que les blagues à propos de la mort d’Harry soient drôles. Harry change de sujet.

« Laisse-moi écrire une demande, » dit-il en tendant à Théo le livre des Black pour le distraire. Il trébuche sur les livres pour arriver à son bureau tandis que Kreattur se moque de sa maladresse. Il commence à gribouiller quelques mots pour Gripsec à propos d’un autre dépôt. Jusqu’ici, Gripsec dit qu’il n’y a même pas eu un souffle à propos de qui pourrait bien être Lord Prince. En tout cas, il n’a pas engagé de mercenaire gobelin pour jeter Hadrian Peverell hors de son coffre d’héritier. Harry se demande s’il est mort. Ce serait mieux que d’être un Mangemort. Sachant ce dont aura besoin Grispec pour un dépôt de cette taille, Harry remonte sa manche et se tourne vers Kreattur.

« Si tu veux bien, Kreattur. » Ça commence à devenir une habitude, à présent, d’utiliser sa blessure du cimetière pour mettre du sang sur ses lettres. Harry trouve ça bizarrement satisfaisant. À la fois comme s’il se réappropriait cette blessure et qu’il s’assurait de s’en rappeler. C’est aussi mieux depuis que Kreattur a admis ne pas avoir besoin d’un couteau. Kreattur claque rapidement des doigts et une goutte de sang éclabousse le papier. Harry entend Théo prendre une courte inspiration.

« Est-ce que tu peux tout faire en un voyage ? » demande Harry à Kreattur en évitant le regard de Théo. Il peut sentir qu’il est en colère, même à travers plusieurs hectares de littérature magique.

« Kreattur peut le faire, il n’est pas faible comme ces petits sorciers ou d’autres elfes inférieurs, » renifle Kreattur en pliant le message. Il claque des doigts et toutes les boites disparaissent, de même que lui. Théo sursaute devant le vide soudain de la chambre puis avance d’un bon pas, attrapant le bras d’Harry pour y scruter le sang, avant de fusiller Harry du regard.

« La plupart des gens auraient piqué un foutu doigt, » dit-il tout bas.

« La plupart des gens n’ont pas des blessures relativement fraîches sous la main, » fait remarquer Harry.

Théo lève les yeux au ciel et attrape la main de Harry, les yeux fixés sur les anneaux d’Héritier.

« Ton elfe est puissant, » marmonne Théo. « Voilà pourquoi. Quand tu lui as fait faire le serment, tu… » Théo relève brusquement la tête et dévisage Harry avec sagacité. « Tu ne sais pas ce que tu as fait, n’est-ce pas ? »

« Probablement pas, » répond joyeusement Harry. Il se sent absurdement heureux. Kreattur et Théo se rencontrent, et personne ne meurt. Il compte ça comme une victoire. Si Kreattur est un peu plus puissant à cause de sa bague d’héritier, eh bien quoi ? Tant qu’il n’arrive pas à trouver de faille qui puisse lui permettre de tuer Harry, tout va bien.

« Bien sûr que non, » soupire Théo en lâchant la main de Harry. « Tu nous as lié, Harry. Lui, toi et moi. »

« Oh, ouais. » Harry acquiesce. « Ça je le savais, oui. »  

« Quoi ? » Théo le dévisage. « Tu as volontairement effectué un serment d’âme ? »

« Je ne sais pas ce que c’est qu’un serment d’âme, mais si c’est ce qu’on fait quand on fait un serment qui fait briller ma bague, alors je fais ça tout le temps avec Kreattur, » répond Harry en haussant les épaules. « C’est un peu notre truc. »

« Tu fais ça tout le temps. Tu lies d’autres êtres vivants avec ta magie, liant leur noyau magique à un autre tout le temps ? » répond Théo, la voix plate.

« Eh bien, ouais, sinon il m’aurait déjà probablement tué, depuis le temps. » Harry s’assied sur le lit et tend la main vers la boite contenant les livres des Black, la renversant sur le sol sans remarquer la bouche entrouverte de Théo et ses poings serrés. « Avec Kreattur, tu dois être très spécifique. Il adore les failles, ce petit con. Hé ! » Harry soulève un livre en cuir couvert de lettres d’or. « Les Potions de Grand Pouvoir ! Je connais celui-là. Le Polynectar est dans celui-ci ! »

Théo éclate de rire. Un véritable rire, qui le pousse à se plier en deux et à prendre appui sur ses genoux, hoquetant entre deux rires, des larmes sur les joues. Harry ne l’a jamais vu rire aussi fort. Il le dévisage, un peu inquiet.

« Théo ? » demande-t-il prudemment. « Tu vas bien ? »

« Si je vais bien ? Tu fais tout ça, tu réussis littéralement à faire de la magie sur des âmes, puis tu me dis que tu as lu le livre qui contient les potions les plus sombres connues dans l’Histoire, et tu me demandes si moi je vais bien ? »

Théo s’essuie les yeux puis s’étale sur le dos sur le lit de Harry, la tête tournée pour observer Harry avec ces yeux gris si brillants.

« Tu ne t’en rends même pas compte, hein ? »

 « De quoi tu parles ? Non, je ne vois pas. » Harry ouvre le livre puis grimace. « Bon sang, ce truc est sombre. J’avais oublié les illustrations. »

« Par Merlin, Harry ! » rit Théo. « En fait, écoute-moi une seconde. La plupart des gens ne peuvent jamais lier quoi que ce soit, même avec une baguette, alors ne parlons même pas de faire de la magie sans baguette à l’aide d’une bague d’héritier, en gérant en même temps la volonté de deux autres personnes. »

« Ce ne sont que des promesses, juste penser des mots et les faire agir. » Harry baisse les yeux vers le visage de Théo. Il est rempli d’admiration qu’il n’arrive tout simplement pas à comprendre. « Ce n’est pas comme ce que tu peux faire avec les potions, ce n’est pas dur. »

« On parle d’âmes, Harry, » répond Théo en secouant la tête. « Crois-moi, c’est vraiment, vraiment très dur. »

« Pas pour moi. » Harry hausse les épaules, un peu mal à l’aise. Il ne veut pas que Théo le regarde comme ça, comme s’il était spécial. Il aime quand Théo le regarde comme s’il était normal.

« Je commence à voir ça, oui, » sourit Théo. « C’était un lien de loyauté, Harry. Ils sont… Ils sont rares. »

« Non, ce n’est rien de spécial, » répond Harry en secouant la tête. « Il fallait juste que je te protège, crois-moi, c’est vraiment un sale petit sournois. »

Théo le dévisage un moment, puis tend la main pour attraper l’une de celles d’Harry, posée sur le couvre-lit. Il touche le diamant des Black avec révérence.

« Je sais que tu ne comprends pas encore, mais je veux que tu saches que rien de tout ça ne change quoi que ce soit. » Théo prend une inspiration. « Mais je veux aussi que tu saches que ce que tu as fait pour moi… C’est vraiment, vraiment spécial, bon sang. »

La bouche d’Harry est sèche. Il acquiesce. Tant que ça ne change rien entre eux, Théo peut bien penser ce qu’il veut. Harry connait la vérité. Théo est assis sur ses draps de lits tachés de sang sans même s’en soucier. Il supporte Kreattur, il n’a pas mentionné la trappe pour la nourriture, et il continue d’irradier ce calme si réconfortant comme il le fait toujours. S’il y a quelqu’un de spécial dans cette pièce, ce n’est définitivement pas Harry.

« Je… j’ai juste dit ce que je ressentais, » répond Harry. « J’espère que c’est ok ? »

« Ça l’est. » 

« Cool. » Harry a de plus en plus de mal à regarder Théo pour l’instant. Aussi repose-t-il Les Potions de Grand Pouvoir et tend-il la main sous le lit. « À part te présenter l’enfer moldu, je voulais aussi te montrer ça. »

Il sort le grimoire. Théo s’assied lentement, pressant son épaule contre celle d’Harry. Harry touche gentiment la couverture de l’ancien livre et la bague des Potter se met à chauffer, lui permettant de l’ouvrir. Il tourne les pages jusqu’à celle qui l’intéresse et, bien conscient que Théo ne pourra rien lire s’il ne le fait pas, il presse le doigt portant l’anneau des Potter contre le titre.

« Théodore Nott, » marmonne-t-il. Théo prend une brusque inspiration. « Est-ce que tu peux la voir ? »

« Oui. Ok. Euh… Ouah. » Théo fait glisser un doigt le long de la recette de la potion, découvrant pour la première fois les dessins dans les marges, qui marquent le passé des Potter. « C’est le livre dont vient la recette ? »

« Ouais, c’est le Grimoire de ma famille, enfin du côté des Potter. » Harry caresse doucement la couverture du livre. « Je voulais que tu la voies telle qu’elle est. Tu ne peux lire que celle-ci, le livre est enchanté pour que seuls les Potter puissent le lire, mais quand même. »

« C’est bien assez. » La voix de Théo est émerveillée. « C’est… »

Harry n’a pas besoin de plus de mots. Il sait. C’est quelque chose. C’est plus de confiance qu’ils ne pensaient tous les deux en accorder quand tout ça a commencé, et pourtant, les voilà ici.

« Harry. »

« Ouais ? »

« Est-ce que le fait que tu aies lu Les Potions de Grand Pouvoir a un quelconque rapport avec le fait que tu t’es introduit dans la Réserve ? »

« Peut-être. » Harry sourit de toutes ses dents.  

« Et pourquoi, au juste, voulais-tu donc ce livre ? » Théo fixe la page ancienne, ses doigts la caressant respectueusement.

« Parce que j’en avais besoin pour concocter du Polynectar, pour infiltrer la salle commune des Serpentard durant ma deuxième année. »

Théo renifle un rire, lançant un regard en coin à Harry, son visage si neutre qu’Harry sait qu’il se retient de rire.

« Bien sûr, pourquoi n’ai-je pas pensé à ça ? » lance-t-il d’un ton plat. Harry voit la petite étincelle dans son regard. Un regard de prédateur, avec une pointe de fierté. Quelqu’un est fier de Harry. « Tu es complètement cinglé, Potter. »

« À ton service, Nott. » Harry se relève et attrape la main de Théo sans réfléchir au fait qu’elle semble plus chaude à présent, et que la bague des Black à son doigt le chatouille agréablement. Il pense à ce qu’il a envie de faire d’autre avec Théo tant que les Dursley sont loin. Lui présenter la TV est une tâche très haute sur sa todo liste. « Allons regarder Star Wars. »

« Des sabres lasers. Doux Merlin. C’est vraiment l’enfer moldu. »

Théo grogne, mais se laisse entraîner. Harry ne remarque définitivement pas comment sa main se resserre sur celle d’Harry. Harry ne le remarque vraiment pas du tout.

 

Notes:

J'espère que ça vous aura plu ! Je ris encore si fort du concept de Kreattur qui garde la vertu d'Harry x'DD à jeudi ! ;)

Chapter 10: Joyeux anniversaire, Harry

Notes:

Note de l'auteur : Attention je vous avertis. Ce chapitre a viré étonnamment triste quand je l'ai écrit. Les avertissements standards concernant la santé mentale (pensées suicidaires & co) s'appliquent, mais si vous avez l'habitude de lire ce que j'écris, vous devez être habitués à ce que je parle de santé mentale !

Note de la traductrice : Je confirme, j'avais oublié en le traduisant mais j'avais le coeur serré lorsque je l'ai relu ce matin ! Mais j'espère qu'il vous plaira :)

(See the end of the chapter for more notes.)

Chapter Text

« Est-ce que tu vas inviter Cho au bal ? »

Cédric observe Harry attentivement. Ils se promènent autour du lac, dans la neige des premières heures du matin, avant que qui que ce soit ne soit assez éveillé pour les remarquer. Le ventre d’Harry remue en pensant à Cho, à ses cheveux noirs comme une vague d’huile, à leur façon de briller quand elle vole. Mais Cédric le regarde comme il le fait depuis qu’Harry a réussi à battre un dragon en vol durant la première Tâche, depuis qu’il lui a attrapé la main dans la tente des Champion et lui a murmuré : ‘Tu as survécu. Tant mieux.’

« Je… je ne sais pas, » déglutit Harry. Il veut inviter Cédric, ou il veut que Cédric l’invite, mais il sait qu’ils ne peuvent pas faire ça. Le Tricheur de Gryffondor qui séduit le Seul Vrai Champion de Poudlard. Les Serpentards sont des cons, mais des blaireaux en colère, c’est quelque chose d’autre. Harry ne pense pas qu’il y pourrait y survivre.

« Et si je lui demande ? » Cédric a plongé ses mains dans ses poches. Il y a des flocons de neige dans sa chevelure de miel.

« Quoi ? » s’exclame Harry. « Tu aimes Cho ? »

« Non, mais toi oui, et je n’aime pas ça. » Cédric fronce les sourcils. « Désolé. »

Harry le dévisage. Cédric n’a pas l’air désolé, ce qui est bizarre, parce que Cédric est l’adolescent de dix-sept ans le plus poli qu’il n’ait jamais connu.

« Je l’aimais, au passé, » finit-il par dire. « Ce n’est plus le cas. »

Cédric lui sourit en entendant ça. C’est lent et sexy et Harry pense que Cédric sait très bien que ça lui donne l’impression qu’il vient juste de recevoir un sort de réchauffement.

« Tant mieux. Alors je l’inviterai. » 

« Putain mais pourquoi, Cédric ? » réplique sèchement Harry. Il commence à être agacé. Cho est magnifique et il ne l’aime pas autant qu’il aime Cédric, mais il ne veut vraiment pas voir Cédric et Cho ensemble. En partie parce qu’il pense qu’ils sont tous les deux si séduisants qu’ils pourraient probablement tomber amoureux. Et Cédric le sait. Il ne peut pas ne pas savoir. Il y a eu plus de sourires et de blagues et plus d’effleurements-accidentels-mais-pas-si-accidentels-que-ça entre eux qu’Harry n’en a vécu dans toute sa vie.

« Hé, on se calme, le dompteur de dragons, » sourit Cédric tandis qu’il se penche pour attraper la main d’Harry, serrée en un poing, et passer doucement son pouce sur celle-ci. Le cœur d’Harry fait un looping en entendant le surnom. « Je ne l’inviterai que parce que je ne peux pas inviter la personne que je veux vraiment inviter, et je ne veux pas que toi tu tombes amoureux. Pas avec elle, en tout cas. »

Cédric hausse un sourcil lourd de sens. Harry a du mal à déglutir.

« Oh. »

Il desserre son poing, ses doigts tremblant tandis qu’ils se glissent entre ceux de Cédric. Il tient la main de Cédric Diggory. Cédric putain de Diggory. Le sourire de Cédric s’élargit et il s’avance d’un pas, cachant Harry du château et de quiconque aurait pu les regarder.

« Voilà ce qu’on va faire. » Cédric se penche, murmurant doucement dans l’oreille d’Harry. Harry arrête de respirer. « Je vais inviter Cho au bal, tu vas emmener une autre fille, et ensuite, quand elles se rendront compte que nous sommes tous deux d’horribles danseurs et des partenaires déplorables, on s’éclipsera ensemble dans les jardins. »

« Pour faire quoi ? » déglutit Harry. Il n’a jamais fait ça, il n’a jamais laissé quiconque être si proche de lui, excepté Hermione et ses câlins inévitables. Mais pour la première fois de sa vie, il en a envie.

« Pour faire ce à quoi je pense depuis la Coupe du Monde de Quidditch. » Cédric passe son pouce si chaud sur les lèvres glacées d’Harry. Harry frissonne. « Ça. »

D’une main ferme et calleuse, Cédric penche la tête d’Harry en arrière et l’embrasse. Harry sent la neige sur son visage, ses joues glacées et brûlantes et la langue chaude de Cédric dans sa bouche. Pendant un instant, tout est parfait et puis, horriblement, tout prend le goût de la mort.

Il y a un flash de lumière verte. Harry ouvre ses yeux et Cédric est sur le sol, ses yeux noisette vidés de leur étincelle rieuse, son corps à présent froid. La neige s’est transformée en cendre autour d’eux et Harry hurle, l’intense douleur de l’Endoloris se répercutant en lui. Il entend un rire suraigu sans fin tandis que le lac autour de lui devient une infinité de corridors et qu’il sent une horrible et intense sensation de manque. Sa cicatrice pulse atrocement.

 

Harry se redresse, à bout de souffle, et vomit de la bile par-delà le bord de son lit. C’est le pire genre de rêve qu’il ait pu faire, des souvenirs mélangés à l’horreur et à l’obsession étrange de Voldemort avec les portes en marbre noir. Harry ne pense pas que ça signifie que Tom a décidé de se réorienter en décorateur d’intérieur. Jedusor a des projets et Harry peut les goûter et il hait cette sensation. Ce mélange atroce des pensées de Tom, du cimetière et de ses plus précieux souvenirs de Cédric le fait se sentir la fois heureux, agacé, effrayé et, pire que tout, un peu excité. Se rappeler les lèvres de Cédric tandis que le désespoir de Tom lui retourne le cerveau est une putain d’expérience qui le rend malade. Donc il vomit. Encore. Une fois qu’il a terminé, il presse son visage contre le mur froid de sa chambre, attendant que son estomac cesse de se retourner.

Tu me manques, Céd. Tu fais chier d’être mort. Et je te hais, Tom. Tu fais chier d’être encore en vie.

Il se passe une main sur le visage, pour vérifier si sa cicatrice saigne ou pas. Elle le brûle comme jamais mais elle n’est pas humide. Il soupire et fixe son réveil dont les chiffres brillent dans le noir. Une des bonnes choses à propos de ses héritages et de son changement d’apparence, c’est qu’il n’a plus besoin de ses lunettes. Théo a déjà trouvé une paire de verres neutres qu’il pourra porter une fois qu’il aura pris la potion. Ce qu’ils feront au matin. Le réveil indique 23h57. Harry la fixe, observant les trois dernières minutes avant sa quinzième année passer. Il retient son souffle. Il sait qu’il n’en a pas besoin, parce que s’il y a quelque chose que le dernier mois lui a appris, c’est que le monde était un sale enfoiré. Mais il attend quand même. Quelqu’un pourrait envoyer quelque chose, d’une façon ou d’une autre. Il observe le ciel à la recherche d’hiboux. L’heure tourne. 00h01. Rien. 00h03. Rien. 00h05. Un petit avion en papier glisse par la fenêtre, animé d’une paresse intentionnelle qui ne peut qu’être de la magie.

Ils n’ont pas oublié. Ils ne m’ont pas abandonné. Putain, oui ! Enfin !

Il se lève en tout hâte vers la fenêtre et attrape l’avion. Mille putains de mercis à quiconque a pu penser à ça, à cette façon si simple et élégante d’éviter les protections, probablement Hermione ou Remus. Il se dépêche de le déplier et s’arrête. C’est cinq mots, écrits dans une encre rouge sang, et instantanément, Harry sait de qui ça vient. Sa bague de Serpentard siffle.

Je peux te toucher maintenant.  

C’est seulement cinq mots, mais c’est assez. Le cimetière se dresse soudain tout autour de lui. Des gencives ensanglantées et des dents serrées en un sourire franc et hideux. Un doigt blanc s’approche du visage tordu par la douleur d’Harry. Il s’appuie contre sa cicatrice et une souffrance fulgurante explose derrière cette dernière. Il avait eu l’impression qu’il allait mourir, ici et maintenant. Parfois, il se demande s’il aurait dû.

« Merde. » Harry laisse tomber le mot, ses mains tremblantes. Il s’assied sur son lit dans la pénombre, joue avec ses bagues d’Héritier. Il aimerait que Sahara soit là, son corps froid et lourd contre ses clavicules, avec son sifflement réconfortant. Harry se recouche et fixe le plafond, observant la lumière passer du noir au bleu le plus profond, gâchant une heure ou deux à essayer de ne pas haïr ses amis. Il sait qu’il se passe quelque chose, Sirius l’a dit, mais c’est vraiment, vraiment dur de ne pas haïr Sirius pour l’instant. Sirius a Kreattur. Sirius a trouvé une faille. Sirius a exigé le Grimoire. Sirius pourrait lui envoyer un cadeau d’anniversaire. C’est vraiment un jour de merde, si le seul qui lui envoie une carte d’anniversaire est Lord Voldemort.

Merci, Tom, espèce de sale connard.

Il jette un coup d’œil au réveil. 2h14. Bizarrement, il a terriblement faim. Peut-être qu’il s’est habitué, après trois ans, à faire un festin de minuit de gâteau d’anniversaire. Maintenant, il se sent juste vide. Harry soupire et tend la main vers l’un des livres des Black, allumant sa lampe de chevet. S’il ne peut pas dormir, s’il n’a pas de gâteau à manger et des heures à tuer le temps avant de retrouver Théo au parc, il peut au moins lire. Harry repousse une boucle vagabonde de ses yeux et se met au travail. Lire ce livre. Ne pas penser à son anniversaire. Trouver un moyen d’empêcher Tom de le toucher.

Mais quand Harry pense à ce petit mot écrit dans cette écriture rouge sang, il est sûr d’une chose. C’est quelque chose qu’il sait, un savoir aussi profond que la sagesse que lui offrent ses bagues d’Héritier, aussi sûr que le moment où il a compris que Sirius était innocent. Tom n’a pas envoyé une menace. Il a envoyé une promesse.  

_________ 

 

Elle est sur le paillasson quand Harry se glisse dans les escaliers à 8h30. Une lettre qui lui est adressée. Harry se fige sur la dernière marche et la fixe. Elle a été piétinée, sans aucun doute par Vernon alors qu’il sortait de la maison. Dudley est encore endormi, ses ronflements font trembler les cadres, sinon il n’aurait pas hésité à l’utiliser pour se moquer d’Harry. D’habitude, Harry est excité et plutôt possessif avec le courrier qui lui est adressé, mais là, il a toujours le mot de Voldemort caché dans sa poche. Il s’en approche avec prudence. C’est une enveloppe standard, le genre qu’on achète dans les magasins de papeterie, et elle porte un timbre moldu normal, qui a été tamponné, preuve qu’elle a vraiment été postée et n’a pas juste été déposée ici. Il ne reconnait pas l’écriture. Il la soulève avec méfiance. Ce n’est pas la bonne taille pour une carte de vœux. Les sorciers peuvent rétrécir les choses, bien sûr, mais très peu de sorciers s’embêteraient avec la poste moldue. Tout comme très peu de sorciers pourraient enchanter un avion en papier pour voler à travers une fenêtre à minuit.

Peut-être que cette année, tout ce que j’aurai, ce sont des vœux d’anniversaire de la part de putain de Mangemorts.

Il tourne l’enveloppe. Ses sourcils se haussent quand il voit le tampon d’un cabinet de loi moldu, Thomson Snall and Passmore, au dos. Peut-être qu’un né-moldu sympa lui a acheté une assurance-vie pour son anniversaire. Harry n’a pas hâte de le savoir. Il l’enfonce dans sa poche arrière. Il entend les poêles qui sont déplacées dans la cuisine, puis des claquements de talons sur les catelles.

« Oh, c’est toi. » Pétunia fronce le nez. « Assure-toi de bien tout arroser sur les plates-bandes. Les bégonias de l’autre côté de la rue sont luxuriants. »

Elle formule ça comme une sorte de critique à son encontre. Comme si Harry avait en secret été arroser les bordures de Madame-La-Voisine-D’en-Face.

« Il y a une interdiction pour les tuyaux d’arrosages, » répond Harry.

« Je le sais bien ! » Pétunia lui met un coup à l’arrière de la tête, aussi rapide qu’un chat. « Remplis l’arrosoir dans l’évier, imbécile ! »

Joyeux anniversaire à moi.

Le temps qu’Harry ait terminé d’arroser, il est épuisé et a trop chaud, le soleil d’été tapant sans pitié sur Privet Drive. Il sait qu’il ne sert à rien de retourner à l’intérieur pour mendier un petit-déjeuner, aujourd’hui. Pétunia ne célèbre peut-être pas l’anniversaire d’Harry, mais elle sait très bien quand c’est et aime être particulièrement vicieuse en cette occasion. Il n’y aura pas de nourriture disponible pour lui dans la cuisine, qu’il la mendie, la vole ou autre. Harry soupire, marche jusqu’au parc et, le trouvant vide, s’allonge sur le tourniquet dans l’ombre. Il observe les feuilles vertes au-dessus de sa tête et laisse l’indifférence l’emplir petit à petit. Elle n’est pas aussi intense que lorsqu’il a commencé à trainer avec Théo, mais aujourd’hui, elle est comme un lent poison, qui se glisse dans son sang et l’alourdit.

« Quand est ton anniversaire ? » lui demande Cédric alors qu’ils sont assis sur les gradins du stade de Quidditch, pendant une pause entre deux sessions de vol. Ils font ça, tard dans la nuit ou très tôt le matin, en invitant même parfois Krum en guise de couverture. Les gens pensent que ce ne sont que des attrapeurs qui sont devenus fous sans la coupe de Quidditch, ce qu’ils sont, mais pas seulement.

« Juillet. » Harry prend la pomme que Cédric lui tend et mords dedans. Cédric a toujours des en-cas. Il semble être constamment en mission pour nourrir Harry. Ils n’ont jamais parlé de Privet Drive, Harry ne saurait pas comment évoquer le sujet ou même formuler les mots, mais il pense que Cédric s’en doute, quelque part. Il semble ne jamais vouloir voir Harry avoir faim.

« Quand ? » Cédric retire ses gants d’attrapeur, étire ses mains. Harry adore les mains de Cédric. Cette façon qu’il a de couvrir sa nuque entière avec une seule d’entre elle. Cette façon qu’elles ont de s’étirer sur toute la taille d’Harry, comme elles l’ont fait lorsque Cédric l’a éloigné des autres après la Deuxième Tâche, tous deux trempés et tremblant, pour que Cédric puisse lui siffler avec colère ce qu’il pensait de son ‘complexe du sauveur’ puis embrasser ses lèvres froides.

« Le trente-et-un. » Harry déglutit. « Pourquoi ? »

« Parce que. » Cédric sourit.

« Je n’aime pas les surprises, Céd. »  

« Tu aimeras celle-là. » Cédric se penche en avant et presse son nez froid dans le cou d’Harry. Harry frissonne. « C’est promis. »

Harry s’en fiche. Il s’en fiche que de toutes les choses qui sont mortes avec Cédric, l’une d’entre elle était une surprise d’anniversaire qu’il n’aura jamais. Il s’en fiche de savoir qu’il aurait pu aimer Cédric s’il en avait eu la chance, peut-être, si c’est même possible pour quelqu’un d’aussi détruit qu’Harry d’aimer. Il s’en fiche de savoir qu’il n’avait que quatorze ans quand ils se sont embrassés pour la première fois, qu’il a quinze ans à présent et que Cédric n’en aura jamais dix-huit. Il s’en fiche. Harry déglutit difficilement et donne un coup de pied sur le sol poussiéreux, faisant tourner lentement le tourniquet, les feuilles et le ciel tourbillonnant paresseusement au-dessus de lui.

Tue l’autre.

 C’est peut-être sa meilleure raison de savoir que Tom Jedusor n’est qu’un abruti fini. Parce qu’entre Cédric Diggory, Cédric aux cheveux parfaits, aux yeux doux, aux bonnes manières et avec un Optimal à toutes ses BUSES, au futur badge de préfet-en-chef Diggory et Harry Potter, seul un parfait crétin pourrait penser que Cédric était l’autre.

J’étais l’autre. J’ai toujours été l’autre. J’aurais dû être l’autre.  

« Harry. »

Harry tourne un peu la tête. Théo se tient près du tourniquet, ses yeux braqués sur lui. Sahara est enroulée autour de son poignet comme un bracelet décadent. Harry sait qu’il est heureux de les voir, il sait que Théo lui a tapé dans l’œil avec son numéro de charmeur de serpent, mais il ne le ressent pas. Il détourne le regard vers le ciel.

« Hé. »

« Ça va ? » 

« ‘Sûr. »

Il y a du silence. Harry ne le brise pas, ne les observe pas. Il laisse le tourniquet lui faire faire un cercle lent, comme une pièce de bois flotté. Il se demande si c’est ce qu’on ressent quand on flotte sur l’océan. Puis, le mouvement cesse. Harry lève les yeux. Théo a attrapé la barre de métal et observe Harry. Harry hausse les sourcils. Théo déteste toucher le matériel du parc moldu. Il appuie sa botte contre la cheville d’Harry.

« Bouge. »

Harry le dévisage une seconde, puis obéis. Il glisse sur le métal légèrement ondulé pour que Théo puisse s’asseoir près de lui, puis se laisse aller en arrière pour qu’ils soient tous deux allongés sur le tourniquet, leurs têtes proches, le regard fixé sur les feuilles au-dessus d’eux. Sahara siffle et glisse vers lui, s’allongeant entre eux, sa queue encore autour du poignet de Théo, sa tête sous le menton d’Harry.

« Tu es triste, » siffle-t-elle.

« Oui, » siffle Harry en retour. Pas la peine de le nier.

« Est-ce que tu veux en parler ? » demande Théo.

« Non. »

Harry sent Théo bouger sa jambe, presser sa botte sur le sol pour les mettre en mouvement. Les nuages tournent paresseusement au-dessus d’eux.

« C’est ton anniversaire, » lance doucement Théo.

« Je sais, » renifle Harry. « J’ai été informé de la nouvelle. »

« Est-ce que tu as eu une carte ? »

« Non, mais j’ai reçu une menace de mort, une lettre suspecte et un cauchemar. »  

Théo soupire et claque des doigts au-dessus du torse d’Harry.

« La première, s’il te plait. »

Harry la tend. Il n’y a aucun sort ni charme d’obéissance dessus, il connait un sortilège de la bibliothèque des Blacks pour le premier cas et sa bague des Black l’aurait prévenu pour le deuxième, donc il sait qu’il n’y a aucun risque. Théo la fixe.

« C’est de la part de Monsieur Jedusor ? »

« Monsieur Jedusor Junior, » sourit Harry. « Oui. »  

« Qu’est-ce que ça veut dire ? » Théo touche chaque mot individuellement. Harry déglutit. Ils n’ont pas beaucoup parlé du cimetière, il n’a fait ça qu’avec Dumbledore et Sirius.

« Il a pris mon sang pour profiter de la protection qu’il y a à l’intérieur, mais aussi pour pouvoir me toucher, après Quirrell. » Harry observe les mots écrits en rouge sang. « C’est ce qu’il a dit. Qu’il pouvait me toucher. Et il l’a fait. »

Théo se fige. « Il l’a fait ? »

« Ici. » Harry tapote sa cicatrice. « C’était comme si elle brûlait. Ça l’a fait rire. Beaucoup. Il aime ça. »

« Bien sûr qu’il aime ça putain, ce sadique, » répond Théo d’un ton léger. Harry sourit. Les autres auraient été choqués, mais pas Théo. Jamais Théo. « Tu en as parlé à quelqu’un ? » 

Harry renifle et détourne la tête, déposant sa joue contre le métal poussiéreux du tourniquet. Il laisse un peu de son amertume s’infiltrer dans sa voix.

« À qui est-ce que j’en parlerais ? S’ils reçoivent mes lettres, ils ne peuvent pas répondre. Un truc merdique à propos des protections. La seule personne à qui, d’après eux, je devrais en parler, ce serait Dumbledore. »

Et je suis énervé contre lui.

« Et Black ? »

« Tu veux dire le con qui n’a même pas pris la peine de me répondre après avoir exigé mon putain de Grimoire ?  Qui ne m’a même pas envoyé un mot pour mon anniversaire alors même que je sais qu’il pourrait ? » Harry renifle à nouveau et fusille les balançoires du regard. Ses yeux le piquent. Il ne veut pas être en colère pour ça. Ils n’ont pas parlé de Sirius et du Grimoire, ils n’ont pas parlé de Sirius du tout, en fait. Théo sait juste que Kreattur lui vole des objets.

« Je vois. » Théo reste silencieux un moment. Harry ferme les yeux.

Ne dis rien. Ne me dis pas que Sirius écrira et que tout ira mieux. Ne me mens pas à ce sujet. Ça ne ferait qu’empirer les choses.

« La deuxième, alors, » reprend Théo.

Harry tourne la tête pour le dévisager, l’air bête.

« Quoi ? »  

Théo se tourne sur le côté afin de pouvoir fixer directement Harry, un coude appuyé sur le tourniquet et la tête posé sur une main. Ses genoux cognent contre ceux d’Harry, mais aucun des deux ne bouge. Sahara siffle et glisse de la poitrine d’Harry, pour se retrouver étalée entre les deux comme une bouillotte écailleuse qui serait froide plutôt que chaude.

« La lettre suspecte. » Théo bouge les doigts. « Passe-la moi. »

Ils échangent le mot de Voldemort pour cette étrange lettre d’un cabinet d’avocat. Harry remet le mot dans sa poche et la bague de Serpentard siffle. Elle veut détruire le papier, mais il ne la laissera pas faire, pas encore.

Il peut me toucher à présent. Je suis l’autre. Ç’aurait dû être moi.

« C’est une lettre moldue, » reprend lentement Théo. « Qu’est-ce qui est suspect là-dedans ? »

« Je ne connais aucun moldu. »

Théo hausse un sourcil. « Ça ne peut pas être vrai. »

« Ok, j’en connais quelques-uns, mais aucun qui ne m’apprécie. Ou qui voudrait m’envoyer une lettre, » corrige Harry. « Je suppose que c’est probablement un Né-Moldu qui a contracté une assurance-vie à mon nom, vu que Jeu de Sort a définitivement prévu de me tuer. »

« Ta mère était Né-Moldue. » Théo le fixe comme s’il était stupide. « Ça pourrait venir d’un parent éloigné. »

« Tu sais que ma Tante est la sœur de ma mère, non ? » Harry dévisage Théo d’un air entendu, mais il sait qu’il n’a pas besoin de le dire. Théo a une Tante, lui aussi. Il sait que la famille n’y pas synonyme de tendresse. « Je devrais probablement juste la jeter. Je n’ai pas besoin de plus de courrier merdique aujourd’hui. Le jour de mon anniversaire. »

« Pas la peine de bouder. Regarde—» Théo lève les yeux au ciel et, dans un mouvement rapide, ouvre la lettre malgré les protestations d’Harry tout en se rasseyant. Harry retient son souffle pendant un instant.

« Une assurance-vie ? » croasse-t-il.

« Non. » Théo lui lance un regard pensif. Pour la première fois depuis qu’ils se sont rencontrés, Harry n’arrive pas à lire son expression. « C’est de Granger. »

« Quoi ? »

 Harry attrape la lettre et se dépêche de se redresser pour s’asseoir à côté de Théo et la lire. Leurs jambes sont emmêlées mais Harry s’en fiche, n’arrive même pas à y penser tandis qu’il dévore en toute hâte les mots qu’il a tant attendu. Heureusement, Hermione a écrit une vraie dissertation.

 

Cher Harry

J’ai envoyé cette lettre aux avocats de mes parents, avec des instructions détaillées pour qu’ils la copient et te l’envoient directement par courrier. C’est la seule façon que j’ai trouvée pour qu’elle te soit envoyée. J’ai essayé tout ce que j’ai pu du côté magique, crois-moi, vraiment, mais au bout d’un moment les livres ont commencé à disparaître et je ne pouvais plus faire aucune recherche. Et ensuite Dumbledore a dit qu’on devait arrêter complètement de t’écrire et il ne nous a pas dit pourquoi et, oh Harry, j’ai bien cru que j’allais devenir folle. Penser à toi, enfermé là-bas, c’est juste horrible.

On n’a rien dit à personne. Je voulais le faire, j’en suis vraiment désolée Harry, j’ai failli dire à Bill Weasley ce que c’était pour toi d’être coincé là-bas, mais Ron a réussi à me convaincre de ne pas le faire, en me rappelant qu’on te l’avait promis. Mais Harry, est-ce qu’ils te font du mal ? Est-ce que c’est pire que l’été dernier ? Ron pense que tu t’en sortiras, que tu es fort et que tu es ‘p*tain de rusé’ (ses mots, pas les miens), mais je m’inquiète tellement pour toi. J’aurais tellement aimé que tu nous autorises à en parler à quelqu’un, je sais que tu as dit que Dumbledore savait mais quand j’ai essayé de lui rappeler ce que c’est pour toi d’être là-bas, que tu ne ‘t’entends pas’ avec ta famille, il m’a juste souri. Il m’a dit que tu étais là où tu étais le plus en sécurité. Je ne le crois pas. C’est probablement le plus dur, parce que si on ne peut pas faire confiance à Dumbledore, alors à qui peut-on faire confiance ?

Je ne peux pas te dire où on est, et je suis tellement désolée pour ça mais je ne peux littéralement pas. Je suis en sécurité, ne t’inquiète pas. Je suis avec les Weasley et Patmol. Je suis à peu près certaine que Patmol a communiqué avec toi dans le dos de Dumbledore et que Dumbledore l’a découvert. Que c’est pour ça qu’on n’est plus autorisés à essayer de t’envoyer quoi que ce soit à présent. Je ne sais pas ce qu’a fait Patmol mais honnêtement, Harry, il ne va pas bien. Son état empire. Ron dit qu’il est fou, que c’est génétique, mais je pense que c’est parce qu’il est enfermé. Ici et dans cet endroit. Lunard dit qu’on doit être compréhensif et je comprends, je sais que c’est une bonne personne dans le fond, mais s’il nous a empêché de te parler d’une façon ou d’une autre, je te jure que je ne lui pardonnerai jamais.

J’en viens presque à souhaiter être restée à la maison avec Maman et Papa, parce qu’au moins j’aurais pu venir te rendre visite dans le Surrey, mais Dumbledore a dit que c’était trop dangereux pour moi. Née-Moldue et meilleure amie de Harry Potter – une combinaison gagnante ! C’est dangereux pour tout le monde en ce moment, mais surtout pour nous. Je sais que tu vas me haïr de te dire ça mais sois prudent. Je peux t’entendre dans ma tête, gémir que je t’ennuie, mais je m’en fous. Ne fais rien d’imprudent. Ne te lance pas la tête la première dans un plan pour t’enfuir, comme je sais que tu as envie de le faire. Lunard m’a promis que tu serais loin d’ici bientôt. On peut toujours lui faire confiance, je pense.

On reçoit tes lettres, même si aucunes des nôtres ne te parviennent. (Pour une quelconque raison que je ne comprends pas. Ça n’a pas de sens ! Pourquoi est-ce que les protections sous lesquelles tu es depuis quatre ans rejetteraient soudainement tous les hiboux postaux ?) Tu ne nous as rien envoyé depuis des semaines à présent. J’espère que c’est à cause des protections, et que rien d’horrible n’est arrivé avec ton horrible Oncle. J’espère que tu es occupé et que tu ne t’attires pas d’ennuis. (Sont inclus dans les ennuis les créatures dangereuses, y compris ton cousin haineux).

J’ai fait tous mes devoirs, bien sûr, et j’ai poussé Ginny, Ron, Fred et George à faire tous les leurs également. J’ai créé un plan de révision pour nous tous, mais je suis la seule qui s’y tient. Fred et George ont mis le feu au leur. Du coup il n’y a rien à faire à part s’inquiéter pour toi, et travailler sur la SALE bien sûr. Il y a un elfe de maison là où nous sommes, mais il ne m’aime pas beaucoup. Patmol ne veut pas que je lui tricote un chapeau.

Je ne sais pas quoi dire d’autre, mais je ne veux pas arrêter d’écrire. Je ne serai pas en mesure de t’envoyer une autre lettre comme ça, puisque j’ai utilisé l’excuse que Maman et Papa m’avaient demandé de leur envoyer des informations pour des raisons d’assurance et que je ne peux pas justifier autrement le fait d’écrire d’immenses lettres à des avocats moldus, et de toute façon tu ne pourras pas me répondre. Je ne peux pas donner aux avocats l’adresse où nous nous trouvons. Mais j’aimerais pouvoir le faire. J’aimerais que nous soyons à nouveau tous les trois en sécurité, et pouvoir te faire des câlins tous les jours. J’aimerais pouvoir t’envoyer ton cadeau d’anniversaire. J’aimerais pouvoir te serrer dans mes bras et te dire que rien de ce qui ne s’est passé n’est de ta faute et que peu importe à quel point tu te sens mal, ça n’en vaut pas la peine. S’il te plait, souviens-toi de ça.

Je t’aime si fort, Harry.

Reste en sécurité, reste en vie.

Ta meilleure amie,

Hermione Jean Granger.

 

Harry réalise qu’il rit doucement. Qu’il rit et qu’il pleure. Les larmes glissent sur ses joues et ses mains tremblent. Les jambes de Théo sont entremêlées avec les siennes et il se laisse aller en arrière, appuyant son dos contre les barres du tourniquets, observant Harry, ses mains sur les genoux de Harry et ses pouces traçant des cercles lents et réconfortant.

« Merde, » marmonne Harry en pressant une main sur ses yeux. « Désolé. »

« Elle t’aime beaucoup. » Théo lui lance un drôle de regard. Comme lorsque Sahara s’est enroulée pour la première fois autour de son poignet. À la fois intrigué et inquiet.

« Oui, » rit doucement Harry. « Vrament, vraiment beaucoup. Je pensais… Je ne sais pas ce que je pensais. Je pensais que peut-être ce n’était plus le cas. Ou peut-être qu’elle ne m’aimait pas assez. Merde, je l’ai haïe. » Harry appuie sa tête contre la barre du tourniquet, les paupières plissées. « Je l’ai haïe si fort. J’avais envie qu’elle souffre. Je suis un connard. »

C’est le problème, quand on a un connard psychopathe qui envahit vos rêves. Ça fait de vous un connard par proxy.

« Est-ce que tu l’aimes aussi ? » demande Théo.

« Bien sûr. » Théo tressaille. « Mais pas comme ça, » se dépêche d’ajouter Harry. « Elle est comme une sœur. Je ne pourrais jamais l’aimer comme ça. Pas que je n’aime pas les filles, je les aime—», à présent, c’est au tour d’Harry de tressaillir. « Enfin de temps en temps. Parfois. Juste… pas en ce moment. »

Théo le dévisage, longtemps. Puis acquiesce.

« Ok alors. » Il regarde à nouveau la lettre. « Qu’est-ce qu’elle veut dire ? »  

Il pointe la phrase ça n’en vaut pas la peine.

Harry déglutit avec difficulté.

 

Poudlard, la Tour d’Astronomie, le jour avant la fin des cours. Harry se tient là-haut, seul, à l’aube, pensant à Cédric, pensant à Voldemort, pensant aux semaines interminables qu’il va devoir endurer chez les Dursley. Il observe la Forêt Interdite et avance sur la corniche. Pas qu’il veut faire quoi que ce soit, il n’est pas stupide, mais juste… pour le sentir. Ce rebord de danger, son cœur qui accélère, cette menace lancinante et étourdissante d’une chute vertigineuse.

« Harry ? » sa voix est si douce, si hésitante derrière lui. Il se tourne pour la regarder. Des cheveux broussailleux en bataille dans le foulard en soie qu’elle porte toujours pour dormir. Ses yeux pleins de compassion, et ses lèvres tremblantes. Harry soupire en son for intérieur. Il ne sert à rien de mentir. C’est Hermione. Si cette année lui a prouvé quoi que ce soit, c’est qu’Hermione sera de son côté. Toujours.

« Je voulais juste ressentir quelque chose, » dit-il en tordant ses lèvres dans un sourire qui n’en est pas un. « N’importe quoi. Pour me sentir vivant. »

« Je sais que toute cette situation est horrible, » dit-elle lentement. Harry peut voir à quel point elle est tendue, comme une corde d’arc, prête à se jeter sur lui pour l’éloigner du danger. « Je sais que c’est insupportable de savoir qu’il est de retour et que Cédric n’est plus là, mais aussi dur que tout ça soit, Harry, ça— », elle fait un geste vers le bord, vers la chute vertigineuse qui l’attend en dessous, « n’en vaudra jamais la peine. Rien n’est plus précieux que ta vie, Harry. »

« Amos Diggory ne serait pas d’accord. »

Hermione acquiesce. Harry a rencontré les Diggory hier. Il l’a vu dans les yeux d’Amos. Qu’il le pensait coupable.

« Je sais. Mais je ne suis pas Amos Diggory. »

Elle tend prudemment la main vers la sienne. Il la laisse la prendre, la laisse le tirer loin de la corniche et la laisse croire qu’il ne se tient pas sur une autre corniche à l’intérieur de son esprit, chaque seconde de chaque jour depuis que Cédric est mort. Elle l’attire dans un câlin qui lui écrase si fort les côtes qu’il en hoquète.

« Tu m’empêches de respirer, » marmonne Harry.

« Oui, exactement. Parce que tu es vivant, Harry, » murmure férocement Hermione. Ses boucles noires lui chatouillent le visage, apportant à ses narines une odeur de noix de coco. Il inspire profondément et la laisse le serrer si fort que la vie semble revenir en lui.

 

« J’ai pensé à me faire du mal. Après tout ce qui est arrivé, » répond sombrement Harry. « Hermione le sait. »  

Théo le dévisage. Sa poigne sur les genoux d’Harry est presque trop forte.

« Parce que… Diggory est mort. » Harry a remarqué que Théo ne l’appelait jamais Cédric. « Et… tu aurais aimé qu’il ne le soit pas ? »

« J’aurais aimé l’être, moi, » grogne presque Harry, incapable d’empêcher ses poings de se refermer. Une lumière verte sous ses paupières, du feu dans ses os. Faites que ça s’arrête, juste faites que tout s’arrête maintenant. « Plutôt que lui. »

« Est-ce que… c’est toujours le cas ? » Les yeux de Théo ne quittent pas un instant son visage, mais Harry ne peut rencontrer son regard. Il fixe à la place les mots d’Hermione.

« Non. » 

« Menteur, » siffle Sahara.

« Tout le monde ment », répond Harry en la laissant s’enrouler autour de sa cuisse comme si c’était une bûche.

« Les serpents ne mentent pas. »

« Dis ça aux Serpentards. »

« Je suis heureux que ç’ait été lui. »

Les mots de Théo sont si durs qu’Harry relève brusquement la tête pour dévisager son ami. Théo lui renvoie un regard fier et sauvage. Ses yeux brillent d’argent, sa mâchoire est serrée.

« Tu es… Tu es heureux que mon petit ami ou presque a été assassiné ? » demande-t-il lentement. En donnant à Théo le temps de démentir.

« Je suis heureux que ce soit lui qui soit mort et pas toi, » répond Théo.

« Je ne pense pas que ça devrait être l’un ou l’autre, » lance froidement Harry.

« Tu l’as formulé comme si ça devait être le cas, » contre Théo. « Lui ou toi. Très bien. Alors je te choisis toi. Tue Diggory. Je m’en fiche. Je veux que toi, tu vives. »

« Tue Diggory ? » Tue l’autre. Harry commence à ne plus sentir ses mains. « Putain mais quoi, Théo ? Tu n’as pas à choisir quoi que ce soit, personne n’a à mourir ! Nous ne devrions même pas en être là ! »

« Exactement. » Théo se penche vers l’avant, son regard lourd d’intensité. Ses mains tiennent soudain celles d’Harry par les poignets, comme s’il avait peur qu’Harry se frappe lui-même. « Et pourtant, bien que tu saches ça, tu n’espères pas qu’il ne soit pas mort, tu souhaites être mort à sa place. Comme si une vie devait être prise et que tu aurais dû te porter volontaire. Mais ce n’est pas le cas. Ça n’aurait pas dû arriver. »

Harry dévisage Théo et, pas pour la première fois, se dit qu’il a dû trouver le seul adolescent de quinze ans à être plus intelligent qu’Hermione Granger. Il a l’impression que quelque chose de glacé qui entoure son cœur depuis son cauchemar est enfin en train de fondre. Harry acquiesce. Théo relâche lentement ses mains, et pioche dans sa poche une petite fiole violette. Il y a une chaine enroulée autour du bouchon.

« Qu’est-ce que c’est ? » demande Harry.  

« Un cadeau d’anniversaire, » sourit Théo. « C’est notre potion. »

« Donc j’ai fabriqué mon propre cadeau d’anniversaire ? » Harry fait bouger ses sourcils. « C’est plutôt radin de la part d’un millionair-itier, Nott. » 

« Cette blague ne deviendra pas drôle sous prétexte que tu la répètes, » répond Théo en haussant les yeux au ciel. « Et à moins que découper et effiler ne fasse de toi un expert en potions, tu n’as rien fait. »

« Je sais, » sourit Harry en faisant rouler la petite bouteille violette dans ses mains. Elle est faite de cristal et est magnifique. Même s’il savait qu’il aurait la potion aujourd’hui, même s’il a payé pour les ingrédients, il apprécie quand même ce qu’a fait Théo. Il en a fait un souvenir pour le lui offrir. Quelque chose de précieux. « Merci. »

« Ce n’est pas tout. » Théo touche la chaîne d’argent enroulée autour du bouchon. « Ceci est également pour toi. »

« Qu’est-ce que c’est ? »

Harry la déroule doucement. C’est fait de l’argent le plus fin et il y a un petit pendentif argenté, de la taille du plus petit des ongles d’Harry, qui y est accroché. Ça ressemble à une lettre, mais d’un langage qu’Harry ne reconnait pas.

« C’est une rune. Ça appartenait à ma mère, » dit doucement Théo. « Elle est utile pour la guérison. »

Harry sait ce que ça signifie. Théo a très peu d’objets précieux qui lui restent de sa mère. Son père les garde tous sous clé.

« Tu es sûr que tu veux m’offrir ça ? » demande Harry.

« Après avoir entendu cette histoire, plus que jamais, » répond Théo. Il se penche en avant et caresse avec douceur la chaine. « De plus, personne ne le portait. Je ne peux pas le faire car ma Tante en serait…       mécontente. Je veux que mon ami l’ait. »

Théo trébuche sur le mot ‘ami’. Harry suppose qu’il n’est simplement pas habitué à compter Harry dans cette catégorie. Harry aurait probablement ressenti la même chose trois semaines plus tôt mais honnêtement, à présent, il ne peut plus imaginer son monde sans Théo.

« D’accord. »

La chaine est assez longue pour qu’Harry la passe au-dessus de sa tête. Le pendentif vient reposer au milieu de sa poitrine et diffuse un peu de chaleur à travers son t-shirt. Une magie amicale. Il sourit.

« Merci. »

« Je t’en prie. » Théo lui lance un regard étrange à nouveau, mais Harry suppose que c’est probablement un peu bizarre de voir un ami porter des bijoux ayant appartenu à sa Mère, aussi change-t-il de sujet. Il lève la fiole de potion. « On se lance, alors ? »

Les instructions indiquent que la potion repose sur la visualisation et l’intention. Celles de Théo sont simples, puisqu’il peut fixer ses bleus et imaginer une peau vide de leur présence. Pour Harry, c’est un peu plus complexe. Ils ont décidé ensemble qu’Harry utiliserait la bague des Potter pour l’aider à se concentrer, et une photo de James Potter pour concentrer son intention. Il sort la photo et la pose à côté de lui sur le tourniquet.  

« Attends une minute. »

Théo avance une main vers lui. Il la glisse lentement dans les cheveux d’Harry. Harry ne bouge pas, reste aussi immobile qu’un lapin observé par un renard. Putain de merde. La main de Théo s’enfonce dans ses boucles, les tire légèrement. Harry tente de maîtriser sa respiration. Personne ne l’a touché, ne l’a caressé comme ça depuis Cédric, et même Cédric ne l’a jamais fait ainsi. D’une manière aussi forte. Aussi possessive. D’une manière qui lance des picotements sur la colonne vertébrale d’Harry. Puis, Théo retire sa main.

« Qu’est-ce que c’était que ça ? » croasse Harry.  

« J’aime tes boucles, » sourit Théo. « Elles vont me manquer. »

« Euhhhhhh… » 

Harry a temporairement quitté son cerveau. Théo se contente de lui sourire et sort sa baguette.

« Si on fait ça, alors il y a quelque chose que je dois faire d’abord. »

Théo se tapote lui-même sur la tête. Harry le dévisage tandis que les bras nus de Théo s’assombrissent de ce qui n’est pas seulement d’innombrables bleus, mais également des brûlures. Quand Harry relève les yeux vers ceux de Théo, il découvre un bleu sur sa joue. Théo hausse les épaules.

« C’était une mauvaise nuit, hier soir. »

Harry se dit que ça doit être vraiment grave, si un prodige de cinquième année qui peut apprendre tout seul certains glamours n’est pas capable d’en créer un assez puissant pour couvrir toutes les traces. Que la bague d’Héritier des Nott ne peut pas tout guérir. Il ne demande pas pourquoi c’est aussi grave, tout comme Théo ne demande pas pourquoi Harry a dit à Ron et Hermione de ne jamais parler à quiconque des Dursley. Parce qu’il sait.

Harry déglutit et sent la rage bouillir dans ses veines.

« Un jour, je lui ferai du mal pour tout ce qu’elle t’a infligé. »

Harry se penche en avant et caresse du pouce la joue meurtrie de Théo. Il ne lui promettra pas de la justice, Harry a vécu trop longtemps avec les Dursley pour ça, mais il peut lui promettre une vengeance. Comme ses petites actions de revanche contre les Dursley dont il s’est promis qu’un jour ils deviendraient une grande vengeance. Théo mérite ça aussi. Théo acquiesce. Harry soulève la fiole.

« Allons-y, alors. »

Harry se lance le premier, buvant la moitié de la potion et sentant le liquide visqueux, dont le goût doit se rapprocher, selon Harry, de celui d’un étang, glisser dans sa gorge. Il tend la bouteille à Théo puis invoque la magie de sa bague des Potter. Du thé chaud et une tarte à la mélasse. Du feu et des plumes de phénix. Toute sa main picote sous la chaleur douce d’un feu en hiver. Il fixe James Potter, le visage de l’homme qui est mort pour lui. Il remarque sa mâchoire plus ronde, sa peau couleur ivoire, ses yeux plus ronds et ses cheveux plus raides.

J’aime tes boucles. 

Harry sent la potion fonctionner, il sent sa peau s’étirer et se rétrécir tout en même temps. Il ferme les yeux sous l’inconfort. Quand il les rouvre, il observe ses mains. Définitivement plus blanches.

« Tu sens les créatures mortes et les plantes », siffle Sahara en agitant sa langue contre son poignet.

« C’est la potion. Elle me fait ressembler à mon faux géniteur. »

« Ça te donne une atroce odeur. »

« Attends. » Harry bouge un doigt, pense aux écailles et aux araignées et aux trous sombres qui contiennent des créatures délicieuses. Quelques étincelles dansent hors de la bague de Serpentard et Sahara les attrape du bout de la langue. « Mieux ? »

« Beaucoup mieux. »

Harry observe Théo, et sourit en voyant ses bras guéris, sa peau à nouveau vierge. Théo le dévisage en se mordant la lèvre, comme s’il essayait de ne pas rire.

 « Quoi ? » demande Harry. Il se tapote les joues, nerveux. « J’ai merdé ? »

« Non, tu ressembles à nouveau à Harry Potter, c’est juste… » Théo ricane. « Tes cheveux. Ils sont un peu ondulés. Plus qu’ils ne l’étaient avant. Ils ressemblent plus à tes vrais cheveux qu’avant. »

« Ah bon ? » Harry se passe une main dans les cheveux. Il s’attendait à retrouver la masse de cheveux raides et ébouriffés avec laquelle il a grandi, mais sent au contraire de fines ondulations un peu décoiffées. Pas aussi bouclées que ses vrais cheveux, mais pas non plus comme son ancienne apparence. « Euh. Bizarre. »  

« Tu ne voulais pas récupérer la chevelure des Potter ? »

« Non, j’y pensais, j’étais en train d’y visualiser… » J’aime tes boucles. « Oh. »

« Quoi ? »

« Rien. » Harry a l’impression qu’il pourrait virer au rouge tomate. Il fixe ses mains. « J’imagine que je voulais les garder bouclés. »

« Hmm. »  

Harry pourrait creuser un trou dans le métal du tourniquet vu la force de son regard. Ses jambes sont toujours entremêlées dans celles de Théo. Il songe à se reculer mais soudain, la main de Théo, miraculeusement vierge de toute marque à présent, entre dans son champ de vision. Elle glisse sur sa poitrine, attrape le collier avec la rune et le tire doucement. Harry lève les yeux à regret. Théo hausse les sourcils, indique d’un coup d’œil l’espace entre eux. Harry se laisse tirer par le collier pour se rallonger sur le métal poussiéreux et fixe le ciel. Harry soupire. Son genou est appuyé contre celui de Théo. Théo tient toujours le collier, il joue avec la rune, son poignet appuyé contre la poitrine d’Harry. Sahara se glisse, heureuse, entre leurs deux corps. Théo soupire et appuie son talon contre le sol poussiéreux, les faisant tourbillonner lentement. Le ciel tourne, les feuilles aussi, le tourniquet couine. Harry a l’impression d’être au centre de l’univers.

« Joyeux anniversaire, Harry, » murmure Théo.  

Notes:

Ndt : Théooooo <3 J'espère que ça vous a plu, et je vous dit à lundi pour le prochain chapitre !

Chapter 11: Antioche

Notes:

Désolée pour le retard ! Je viens de commencer mes vacances et évidemment, mon corps en a profité pour me balancer un bon gros rhume T_T Bref, j'espère que le chapitre sera quand même acceptablement relu, parce que j'avoue que là, la fièvre n'aide pas... bonne lecture !

(See the end of the chapter for more notes.)

Chapter Text

« Tu penses que quelque chose ici pourrait t’aider à trouver ton fils ? »

« Je pense que quelque chose ici pourrait m’aider à trouver mon Héritier, » corrige Severus. « Choisir un alias masculin ne veut pas forcément dire que mon héritier est un garçon, seulement qu’il pourrait lancer de fausses pistes. »

Narcissa jeta un coup d’œil peu convaincu sur la bibliothèque de John Dee, un vague air de dégoût sur le visage.

« Pourquoi est-ce dans un tel désordre ? » renifle-t-elle en observant les piles de livres et de papiers qui menacent de s’effondrer.

« Parce que les moldus pensent qu’il en a perdu la majorité durant le 17ème siècle, » soupire Severus en promenant son regard. « C’est ce que Dee a pu sauver de l’accident avec l’aide de la magie. »

« Quel est le rapport ? » Narcissa se glisse parmi les piles de papiers jaunissants avec un air de dédain. « Ils pourraient organiser tout ça, y envoyer aux archives du Ministère— »

« Dee n’était pas un sorcier, c’était un Mage, peut-être le dernier grand Mage dans les mémoires, » répond Severus, plongé dans sa réflexion. « Le Magenmagot a décrété que les secrets de Dee devaient être isolés et mis sous clé. Ils ont une peur terrible des véritables Mages. Ils n’y comprennent rien. Seul les Langues-de-Plomb passent du temps ici. »

À courir après des bribes d’un passé qu’ils peuvent à peine comprendre.

Severus observe la bibliothèque avec désapprobation. Il ne serait pas venu ici s’il n’y avait pas été obligé, au vu de son aversion pour tout ce qui concerne les Mages. Mais il doit trouver son héritier. Parce que le Seigneur des Ténèbres est un putain d’enfoiré qui a développé un certain intérêt pour Drago Malfoy et que Severus ne laissera pas son propre enfant suivre ce chemin. Son chemin. C’est hors de question.  

« Dee était le dernier Mage ? » Narcissa hausse ses sourcils blonds. « Tu ne comptes pas le Seigneur des Ténèbres ni le Grand Manitou dans cette catégorie ? »

« Aucun des deux n’est un Mage, il n’y a que les fous et les imbéciles pour penser ça, » renifle Severus.

« Il me semble que Lucius a toujours pensé du Seigneur des Ténèbres qu’il était un Mage. »

Severus lance un regard plat à Narcissa.

« Tu peux en tirer les conclusions que tu souhaites, » dit-il en entendant ensuite Narcissa rire tout bas. Elle n’était pas censée venir avec lui aujourd’hui, mais quand il a mentionné avoir obtenu une autorisation spéciale des Langues-de-Plomb pour entrer dans la bibliothèque afin de mener des ‘recherches sur certaines potions’, elle a demandé à se joindre à lui. Bien sûr, elle a rapidement deviné la véritable raison de cette visite.

« Donc, où devrions-nous commencer ? » demande Narcissa, plantée au centre de la pièce encombrée. « Tu devrais me dire le faux-nom de ton héritier, je crois, même si tu ne me fais pas assez confiance pour divulguer le tien. »

 Severus hausse un sourcil, mais ne mord pas à l’hameçon. Il y a des choses que Narcissa doit savoir, des choses qui l’aideront à tenir son serment de protéger son enfant, mais il y en a d’autres sur lesquelles elle n’a aucun droit. La vérité au sujet de la Maison des Prince en est une.

« Hadrian Peverell, » répondit Severus en les guidant à travers les piles jusqu’à une étagère pleine de tomes reliés de cuir, dont les dos sont constellés de marques de pliures. « Voilà les archives les plus anciennes des Sorciers. Les premières lignées datent d’avant la chute de Rome. »

« Pas tout à fait Merlin, mais pas loin, » murmure Narcissa en faisant glisser un doigt révérencieux le long d’un des dos. « Et tu n’as rien trouvé dans les archives du Ministère ? »

« Non. »

Les archives du Ministère ne remontent que jusqu’aux années 1700, et il n’y a aucune trace d’un Peverell à l’intérieur. De plus, elles ne retracent réellement que les lignées passant par les enfants mâles, magiques ou non. Severus sait que si Peverell est un nom moldu, transmis par une lignée de femmes, il ne trouvera rien. Ce serait sournois de la part de son héritier de le lancer ainsi dans une chasse à la bécassine.

Et c’est exactement ce que j’aurais pu faire.

Est-ce absurde de se sentir ainsi fier de la sournoiserie d’un enfant qu’il ne connait même pas ?

« Eh bien, on devrait s’y mettre alors. »

Narcissa tire le premier registre de l’étagère, soulevant un nuage de poussière. Elle l’installe à plat sur la petite table bancale pour l’ouvrir. Severus invoque silencieusement une petite boule de lumière jaune qui vient flotter au-dessus d’eux.

« Ah. » Narcissa claque ses mâchoires sous l’agacement en fixant la page. « Ça va peut-être prendre plus de temps que ce que j’imaginais. »

« Vieil anglais ? » demande Severus en se rapprochant.

« Des runes. Pictes, je crois. » Narcissa repousse une longue mèche de cheveux argentée derrière son oreille. « Je n’ai pas fait ce genre de traductions depuis mon Master. Et toi ? »

« Pas depuis mes ASPICS, » marmonne Severus. « Mais Arsenius était autant un potionniste qu’un érudit pour de nombreuses langues. Je pense que je devrais pouvoir t’aider. »

« J’oublie toujours que tu as étudié avec Jigger, » Narcissa lui lance un petit sourire. « Tu fais si peu étalage de ton intelligence, Severus. »

Severus sourit. Narcissa a une façon de lancer des compliments qui semble à la fois totalement authentique et très peu sincère.

« Et j’oublie souvent que tu as une Maîtrise des Anciennes Langues, tout comme tu es capable de surpasser la plupart des Langues-de-Plomb lorsqu’on en vient à parler des Runes, » commente Severus. « Vu que tu déclares souvent n’être rien de plus qu’une femme de la bonne société. »

« C’est toujours mieux d’être sous-estimée, je trouve, » répond Narcissa dans un sourire blanc et tranchant. Narcissa est le serpent dans l’herbe, que personne ne voit. Elle est le loup dans votre dos, qui observe sa proie depuis les ombres. Severus est aussi reconnaissant qu’elle ait prêté serment de protéger son enfant qu’il n’est amer de savoir qu’elle l’a manipulé pour qu’il protège le sien.

« Je devrais m’occuper de ce livre, vu qu’il ne semble être fait que de runes. » Elle fait défiler quelques pages pour vérifier ses dires. « Tu devrais en prendre un plus récent, qui soit déjà en Vieil Anglais. »

« Bien sûr. »

Severus observe Narcissa un moment tandis qu’elle travaille, s’émerveillant de sa façon d’invoquer une plume et un parchemin pour prendre des notes. Elle a toujours été magnifique à observer lorsqu’elle se concentre. Il se rappelle sa façon de froncer les sourcils au-dessus d’une potion, totalement impliquée, sa manière de repousser ses mèches d’argent derrière ses oreilles.

Peut-être que j’aurai pu l’aimer. Peut-être bien.

Severus repousse ces pensées rêveuses et tend la main vers un des tomes plus récents, dont le cuir est un peu moins craquelé. Ça n’a pas d’importance, de savoir s’il aurait pu aimer Narcissa ou pas. Lucius l’aime avec une férocité froide et défensive que Severus n’a pu ressentir que pour deux personnes dans toute sa vie, et les deux sont aujourd’hui mortes.

Mais si j’ai un enfant, peut-être pourrais-je la ressentir à nouveau.

« Pourquoi n’y a-t-il que les fous qui pensent que le Seigneur des Ténèbres est un Mage ? » lui demande Narcissa.

Severus cligne des yeux. Il ne sait pas depuis combien de temps ils travaillent et lisent, depuis combien de temps il a dérivé dans ses pensées à propos de son enfant perdu.

« Parce que l’univers des Mages est complexe, vague et stupéfiant, » répond-il automatiquement. Les mots surgissent de sa mémoire et franchissent ses lèvres sans qu’il ne le veuille. « Les Mages ne sont pas seulement des sorciers possédant des pouvoirs et une volonté hors normes. Ils ne sont pas non plus le produit d’une lignée ou d’une éducation. Ils sont… élus. »

« Les mages sont élus, Severus, élus. » La voix de sa mère est rapide, saccadée. « Je peux en trouver un. »

« Cela semble terriblement proche des anciennes traditions, Severus. » Narcissa a l’air amusée. « De toute les choses que j’ignore à ton sujet, je ne pensais pas qu’une spiritualité cachée en faisait partie. »

De toutes choses que tu ignores à mon sujet, Narcissa, c’est peut-être la moins remarquable de toutes.

« Tu m’as posé une question sur l’histoire des Mages, un savoir qui fait partie du monde sorcier depuis avant même Merlin. C’est la réponse telle que je la comprends. »

Severus garde sa voix égale, repousse tous ses souvenirs de la cave à vin froide dans le Cokeworth, du cercle de runes caché de sa mère, et de la fureur de son père derrière ses boucliers. Voilà pourquoi il n’a jamais visité la bibliothèque de Dee, malgré les trésors qui s’y cachent pour qui est à la fois érudit et maître de potions.  

« Reste que ta compréhension de tout cela est bien plus vaste que celle de n’importe quel autre sorcier de ma connaissance, » murmure Narcissa. « Est-ce que Arsenius Jigger était également un expert sur les Mages ? »

« Pas à ma connaissance, » réplique sèchement Severus. Il ne peut pas s’en empêcher. La voix de sa mère, une voix qu’il n’a gardée que dans la partie la plus secrète et silencieuse de son esprit depuis si longtemps, chuchote dans son esprit. À l’intérieur de la glace de ses boucliers d’Occlumencie, elle se fait flocons qui tombent doucement.

« Les Mages sont élus, un accident de magie qui lance une étincelle par-delà le voile, tirant des pouvoirs de la mort, de la vie et de l’espace entre les deux. Nous avons besoin d’un Mage, Sev. J’en trouverai un. »

Le sol froid contre ses genoux. Le sang qui goutte de son poignet pour se mélanger avec le sel sur la terre. Les chants frénétiques de sa mère. Puis les poings de son père.

Severus sent le froid. D’habitude, Severus apprécie le froid, le savoure dans les donjons de Poudlard puisque ça met mal à l’aise ces foutus gamins, mais là, il se sent frigorifié. Il se rappelle de la façon qu’avait son souffle de faire de la buée dans le cellier. Il ferme les yeux, immobilise sa main sur le grand tome. Il cherche son enfant. Son Héritier. Le futur de la lignée des Prince. Pour la première fois depuis qu’il a entendu cette nouvelle, il se demande s’il ne devrait pas arrêter. Qu’est-ce que l’héritage de la lignée des Prince, après tout ? Des ombres, des fantômes et une déception terriblement amère.

« Severus. » Narcissa inspire soudainement. « Là. Peverell. »

En entendant ce mot, les doutes de Severus disparaissent. Le dragon rugissant de sa volonté de son besoin de connaître son enfant s’éveille au fond de lui.  

« Qu’est-ce que ça dit ? » demande-t-il.

« Rien. » Narcissa secoue la tête. « Il n’y a que le nom, mais là, » Narcissa glisse le doigt plus bas sur la page. « Les mêmes runes, encore. Laisse-moi voir… ça dit, et son héritier, Antioch Peverell. »

« C’est un nom que l’on peut retracer. » Severus arrive à peine à masquer l’excitation dans sa voix.

« En effet. » Narcissa lui sourit gentiment. « Si on peut le retracer assez loin, nous pourrons peut-être le voir se transformer en un nom plus récent. Et alors, peut-être que les archives du Ministère te seront utiles. L’enfant pourrait utiliser un ancien nom de famille pour te mettre à l’épreuve. »

 Severus n’a pas besoin de lui demander ce que cela signifie. C’est ce qu’il ferait, préparer une énigme élaborée pour son père inconnu afin de mettre à l’épreuve sa fidélité et sa loyauté.

Mon enfant est un putain de Serdaigle.

C’est un sentiment magnifique, réalise Severus. Cet étonnement qu’il y a une personne là-dehors, une personne de son sang, qui pense de façon si intelligente, qui vit et qui respire. Un enfant intelligent. Son enfant. Severus sent sa détermination augmenter. Le genre de détermination qu’il n’a pas ressenti depuis qu’Albus lui a dit que le garçon de Lily avait survécu. Protège-le. Si Severus peut faire ça pour un enfant dont il a parfois espéré qu’il ne soit jamais né, il peut en faire autant pour son héritier. Il rassemblera cette détermination. Il le trouvera et se prouvera qu’il peut être un père digne de ce nom.

Son héritier est quelque part là-dehors, et le Seigneur des Ténèbres est un putain de fils de pute voleur d’enfant et ruineur de vie. Severus le trouvera, et s’assurera qu’il ne le touchera jamais.   

__________

Deux heures plus tard, Narcissa doit retourner au manoir et ils ont à peine réussit à atteindre le 13ème siècle.

« Nous avons encore du travail à faire, » soupire Narcissa en sortant dans les rues de Londres et en relâchant ses cheveux. Severus sourit intérieurement. Narcissa n’oserait jamais laisser ses cheveux attachés en public, de peur que cela ne ternisse sa réputation de Lady de l’aristocratie. Severus est l’une des très rares personnes qui sait qu’elle est en réalité un rat de bibliothèque et une érudite. « Mais c’est un bon début, Severus. »

« Je te suis reconnaissant pour ton aide, bien sûr. » Severus incline la tête. « Je pense revenir dans quelques jours, si tu souhaites te joindre à moi. »

« J’imagine que j’en serai ravie, vu que Drago semble avoir décidé que son but premier dans la vie était de me convaincre de lui accorder sa dernière obsession en date. »

Narcissa hausse les yeux au ciel. Elle aime son fils, mais Severus sait que Druella Black n’a pas élevé de filles capricieuses et gâtées. Les Malfoy, cependant, ont une vision bien différente des choses. La devise personnelle d’Abraxas était ‘ce que Lucius veut, Lucius l’obtient’. Severus ne peut s’empêcher de plisser les lèvres. Si Drago avait été le fils de Severus, il n’aurait jamais laissé faire un tel dorlotement, mais Drago n’est pas sien et l’enfant de Severus est perdu, et il ne lui est pas possible de le gâter. Lucius a été son ami par le passé, mais cela n’empêche pas Severus de le mépriser, parfois.

« Qu’est-ce que mon filleul désire, cette fois-ci ? » Severus hausse un sourcil sardonique. « Pitié, ne me dis pas que c’est l’énième dernier fichu maudit balai sorti en date. »

« Hélas non, car si ça n’avait été qu’un simple balai, Lucius le lui aurait acheté avant que je n’en entende même parler, et tout ça serait déjà réglé. » Narcissa soupire. « Mais mon fils désire un serpent arboricole comme animal de compagnie. »

Severus s’arrêta net au milieu de la rue.

« Mon filleul veut un serpent venimeux comme familier ? »

« Ardemment. » Narcissa glisse son bras sous celui de Severus, l’entraînant avec elle. Pendant un instant, il s’imagine ce que les moldus qui passent autour d’eux s’imaginent lorsqu’ils les voient, tous deux habillés de pied en cap comme des gens en deuil de l’époque Victorienne, un couple Gothique qui se balade hors du temps dans les rues de Londres. « Apparemment, l’héritier des Nott en a reçu un pour son anniversaire de la part de son père. Drago est… courroucé. »

Severus se pince l’arrête du nez.

« Je suppose que Drago n’a pas considéré le fait qu’Apollonius Nott a si peu de considération pour le bien-être de son fils qu’il ne voit pas le problème d’offrir à son fils une créature sauvage ? Seul Drago pourrait voir un tel acte de maltraitance comme quelque chose à envier. » Severus renifle. « Et comment Lucius fait-il face à ça ? »

Drago est bien souvent inarrêtable dans ses caprices. Lorsqu’il est également malavisé, cela peut finir en désastre. Il se rappelle très bien ce qui est aujourd’hui connu dans la Maison des Malefoy comme ‘l’incident du dragon’. Après un mois à falsifier des documents et promettre d’importantes montagnes d’or, il était devenu très clair qu’un Drago Malefoy de neuf ans était sur le point d’acquérir illégalement un œuf de dragon grâce à un criminel en Chine, sous le nom de son père. Lucius avait échappé de justesse à la prison, encore une fois, et Drago avait été confiné dans sa chambre à corps et à cris. Severus en avait gagné deux nouveaux cheveux blancs et s’était juré de ne jamais, jamais, jamais offrir d’animal à son filleul.

« Plutôt bien. Comme tu le sais, Lucius est intraitable en ce qui concerne la sécurité de Drago. »

Severus acquiesce. Bien que Severus dédaigne le chouchoutage de Lucius, il ne peut nier la vigilance de ce dernier. Ils marchent en silence, Severus réfléchissant à toutes les façons par lesquelles un serpent arboricole pourrait tuer un adolescent de quinze ans.  

« Apollonius Nott… il ne vit pas avec son fils, n’est-ce pas ? » demande doucement Narcissa.

« Non. » Severus serre les lèvres. En tant que Directeur de Serpentard, il garde bien des secrets. L’un d’eux concerne les arrangements de vie de Théodore Nott.

« Avec qui vit donc le jeune Théodore ? »

« Avec Jezebel Nott. »

« La sœur d’Apollonius ? Je ne la connais pas. »

 « Elle n’est pas très connue. » Une femme forgée dans l’acier et la pureté du sang, qui pense que les coups permettent de créer un Héritier, si Severus en croit les bleus pour lesquels il doit régulièrement donner de l’onguent à Théodore.

« Apollonius n’est plus que l’ombre de lui-même, depuis la mort de sa femme. »

Severus acquiesce. Médéa et Apollonius ont perdu bien des enfants avant Théodore et ensuite, lorsque Théodore n’était qu’un bambin, ils ont perdu Médéa dans un accident douteux. Le Seigneur des Ténèbres y était peut-être, ou peut-être pas, lié. Avant la mort de sa femme, Apollonius était un serviteur enthousiaste et politique, déterminé à protéger sa famille. Un peu comme une version plus âgée de Lucius. Après la mort de Médéa, Nott ne se souciait plus de rien. Severus avait remarqué son absence suspecte au milieu des suprématistes assoiffés de sang, durant la Coupe du Monde de Quidditch, son silence durant les réunions que tenait le Seigneur des Ténèbres depuis sa renaissance. Severus sait que le Seigneur des Ténèbres pense simplement que l’âge rattrape le vieil homme, mais Severus a conscience que c’est différent. Apollonius a perdu ses illusions. Après tout, il faut l’avoir vécu pour le reconnaître chez quelqu’un d’autre.

Mais Apollonius n’est pas assez fou pour se jeter aux pieds de Dumbledore. Il ne risquera pas la vie de son fils comme moi j’ai pu le faire.

La pensée alourdit l’humeur de Severus. Il se dit qu’il ne connaissait pas l’existence de son enfant lorsqu’il est devenu espion, mais ça ne change rien. Si être un Mangemort met en danger son enfant, alors être un traître parmi les Mangemorts est encore pire.

« Comment va Lucius ? » demande Severus en songeant aux Mangemorts qui mettent en péril leurs enfants. Narcissa lui lance un regard acéré. Elle est la femme la plus intelligente qu’il connaisse. Elle comprend le sens de la question.  

« Il va bien, » dit-elle doucement. « Préoccupé, peut-être, mais il va bien. Quand Drago retournera à l’école, le calme devrait revenir. »

Parce qu’à Poudlard, le Seigneur des Ténèbres ne peut pas le toucher. Peu importe ce que fait Lucius. C’est ce que font les pères protecteurs. Ils envoient leurs enfants loin du danger, pour ne pas les attirer en son sein. Comme ce que fait Severus. Severus a fait ses adieux à Narcissa, puis se prépare mentalement à la partie la moins agréable de sa journée. En soupirant, il transplane jusqu’au Square Grimmauld.

« Severus. » Lupin s’arrête net au bas des escaliers en le dévisageant. « On ne t’attendait pas aujourd’hui. »

Si c’est possible, Lupin a l’air encore plus mal que depuis la dernière visite de Severus. Son visage a l’air plus émacié, ses cheveux plus ternes et sales. Ça fait dix jours que la pleine lune est passée, donc ça ne peut pas être ça.

Black, songe froidement Severus.

« Dumbledore m’a demandé de brasser une potion pour lui. » Severus dépasse Lupin pour se diriger vers la porte du cellier. « J’en suis désolé si ça ne te convient pas. »

« Non, c’est bon, donne-moi juste un instant pour—» Lupin babille derrière lui, en le suivant dans les escaliers. Severus se demande ce qu’il pourrait bien cacher là en bas, dans le laboratoire de potions que Severus a installé pour son usage privé. Une concoction illégale de potion Tue-Loup, si ça se trouve ? Peut-être pour les loups-garous les moins fortunés, qui n’ont pas la chance d’avoir un Maître des potions dans leurs contacts ? Lupin a toujours été un étudiant adepte des potions, mais il est également un Poufsouffle-en-devenir avec le cœur sur la main. Foutu idiot hurlant à la lune. Severus prépare une diatribe pour cet imbécile, mais s’arrête net lorsqu’ils atteignent la dernière marche.

Black. Black, penché au-dessus d’un chaudron, en sueur et non rasé. Dans son laboratoire de potions. Severus est soudainement, violemment, furieux.

« Eh bien, Black, je n’avais pas idée que tu poursuivais un Master en potions, mais après tout, je suppose que tu dois bien faire quelque chose de tout ce temps libre dont tu disposes, » lance Severus d’une voix traînante, les poings serrés. Il n’est pas assez fou pour montrer sa rage à Black, pas quand Black est aussi maigre et hagard et qu’il semble ne pas avoir dormi depuis des jours, mais il n’a pas de problème à être le bon vieux connard sarcastique et caustique. « Ou peut-être que tu cherches juste de nouveaux moyens de prouver ton infinie incompétence. »

Black le dévisage avec ses yeux injectés de sang, de ce regard écarquillé d’un homme qui a été pris la main dans le sac. Puis, Severus le voit se remettre en place, cet habituel sourire de Black, celui qu’il a arboré toute leur enfance quand il devait couvrir ses arrières.

« Quoi ? Tu te crois le seul à être capable de faire une pathétique potion, Servilus ? »

Ce surnom des enfers ne rate jamais sa cible, aussi inarrêtable que sa Marque. Severus garde un œil sur la baguette de Black et de l’autre, observe son établi, son établi auparavant si bien rangé. Il voit des ingrédients si rares que Black y a probablement dépensé une véritable fortune de Gallions pour se les procurer. Ça a sans doute dû laisser des traces. Idiot irréfléchi.

« Eh bien, j’ai plusieurs ‘pathétiques’ potions qui doivent être brassées pour Albus, dont l’une se trouve être la Goutte du Mort-Vivant, aussi à moins que tu te sois vu doté d’une capacité à penser depuis la nuit dernière, bien qu’à mon avis la possibilité que le Seigneur des Ténèbres t’offre une petite fête d’anniversaire soit plus probable, tu devrais te tirer d’ici. »

« C’est ma putain de maison, Rogue, tu dégages d’ici. » Les lèvres de Black se retroussent en une grimace.

« Patmol, il doit faire des potions, » lance Lupin derrière eux.

« Non. Non ! J’ai supporté sa tronche prétentieuse pendant sept ans ! » Black crie à présent, son visage tordu dans cette expression frénétique qui lui rappelle cette nuit dans la Cabane Hurlante. Severus agrippe sa propre baguette si fort que ses ongles se plantent dans sa paume. « C’est ma putain de maison ! Je ne veux même pas vivre ici, alors pourquoi est-ce que je devrais accepter que des foutus Mangemorts y viennent ? »

Black donne un coup de pied au tabouret à côté de lui, et un instant, on dirait qu’il prévoit de renverser son chaudron. Avant que Severus ne puisse lancer un bouclier, Black attrape une fiole de quelque chose qui doit probablement être horriblement cher et la lance contre le mur, où elle explose, libérant une odeur très reconnaissable dans l’air. Severus sent son cœur s’arrêter. Du sang de Licorne.

« Sirius ! » La voix de Lupin claque comme un fouet, habitée par l’écho d’un hurlement de loup. « Monte à l’étage. Maintenant. »

C’est une marque de sa colère, songe Severus, qu’il n’appelle pas Black par cet horrible surnom. Le cabot a en effet l’air de s’être pris un coup de pied, et il fixe Severus et Lupin tour à tour, comme s’ils complotaient contre lui. Puis il ramasse un morceau de parchemin et passe entre les deux, cognant l’épaule de Severus au passage. Severus se force à rester aussi immobile qu’une statue, pour ne rien laisser paraître. Il ne reculera jamais, jamais devant cet homme. Il l’a terrorisé pendant sept ans. Severus ne le laissera plus faire.

« Patmol, s’il te plait, » essaye de l’apaiser Lupin, mais Black monte déjà les escaliers quatre à quatre, laissant son amant au pied de ces derniers, à fixer le vide devant lui. Pathétique.

« Putain mais à quoi tu pensais ?! » siffle Severus en avançant d’un pas vif vers l’établi qui semble avoir subi plusieurs explosions de chaudron. « Le laisser faire des potions est une chose, mais en faire des qui requièrent des ingrédients hautement illégaux en est une autre ! »

« Il ne me l’avait pas dit, » répond faiblement Lupin. « Pas avant que les ingrédients n’arrivent. Qu’est-ce que j’étais censé faire ? »

« L’arrêter ! » lance sèchement Rogue. « Du sang de Licorne, Lupin ? Du sang de Licorne ? Il n’y a aucune potion qui n’utilise le sang de licorne d’une façon qui ne soit pas considérée comme une abomination ! »

« Tu crois que je ne le sais pas ? » Les yeux de Lupin ont viré à l’ambre, glissent lentement vers l’orange. Il serre ses poings marqués de cicatrices.

« Dans ce cas, tu n’es pas juste inattentif et inconscient, tu es un complice ! » explose Severus.

« Je ne sais pas ce qu’il faisait comme potion ! » hurle Lupin.

« C’est ça ta défense ? » ricane Severus. « Que tu ne fais que laisser un fou furieux mijoter ses pitreries illégales et moralement répugnantes ? Pourquoi est-ce que ça ne me surprend pas, Lupin ? Tu as toujours préféré être le témoin des crimes. »

« Il est en train de perdre la tête, merde ! » Lupin est soudainement trop près de Severus, ses yeux de la couleur d’un soleil levant, un début de grognement dans ses mots. Severus attrape le bord de la table, reconnaissant que l’établi soit entre eux. « Dumbledore l’a enfermé, l’a tenu à l’écart de son filleul, le force à vivre avec des gens qui n’ont aucune idée de comment le gérer— »

« Le gérer ? Pourquoi est-ce que tu ressens le besoin de le gérer comme un enfant ? » grogne Severus. « Je n’aurais jamais pensé que tu avais ce genre de tendances, Lupin. »

« Est-ce que tu me prends pour un pédophile, Severus ? » Les yeux de Lupin brillent.  

« Je pense que tu as un besoin très étrange de cajoler un homme adulte comme si c’était un adolescent ! »

« Parce qu’il est un adolescent ! » explose Lupin. « Il est resté chien pendant douze ans, Severus, il est entré là-bas à vingt-et-un ans et n’a jamais grandi ! »

« Alors force-le ! » rugit Severus. « Souffrir n’est pas une excuse ! » 

Il ne peut pas supporter ça, il ne supporte pas les excuses insipides de Lupin pour un homme adulte, comme si Black était le seul qui avait souffert. Lily est morte. Regulus est mort. Severus est seul. Lupin le dévisage, le souffle court.

« Non, mais c’est une raison, » dit-il doucement. Comme si ça pouvait être assez. Severus souffle, un rire moqueur se répercutant dans le petit cellier.

« Tu es, et a toujours été, obscènement persuadé de ton bon droit, » ricane-t-il. « Chacun de vous, foutus Maraudeurs. Vous tous avez toujours semblé perpétuellement convaincus de cette idée erronée que la vie se devait d’être douce avec vous. Comme tous les Gryffondors, vous avez toujours cru que si vous étiez assez intelligents, assez pleins d’esprits, assez beaux— »

Lupin tressaille à ce mot mais Severus ne peut pas s’arrêter. Il les hait pour ça putain, James Potter encore plus que les autres. Il hait son fils aussi, qui a hérité de ce foutu optimisme que Dumbledore s’est assuré de cultiver en lui.

« —alors vous seriez épargné par les choses cruelles de la vie. Vous étiez naïfs à l’époque et c’était déjà insupportable, et Dumbledore laissait chacun de vous faire, mais maintenant que vous êtes adultes, que je ne suis pas à l’école, je n’ai aucune raison d’être indulgent ou de l’accepter pour une putain de seconde de plus ! »

Severus est à bout de souffle, les yeux fixés sur le visage de Lupin. La mâchoire de ce dernier tressaille. Severus voit les indentations que ses doigts ont fait dans son établi, et son estomac se tord devant cette démonstration subtile du pouvoir de la créature. Finalement, Lupin tord ses lèvres en un demi-sourire. C’est une étrange expression pour lui, sèche et sombre, une que Severus n’a pas vu depuis très, très longtemps.

« Tu crois que je me fais la moindre illusion sur comment la vie devrait me traiter ? »

Lupin penche la tête sur le côté. La longue et irrégulière cicatrice sur le côté de sa gorge brille à la lumière des bougies.

« Je m’attends à vivre la moitié de ta vie, si je suis chanceux. Je m’attends à ce que mes os se fragilisent peu à peu jusqu’à ce qu’un jour, une côte ne se reforme pas alors que je me transforme, et qu’elle me transperce le cœur. Je m’attends à me vider de mon sang tout seul dans une forêt, à être retrouvé nu plusieurs jours plus tard par des gens qui ne me connaissent pas, à être enterré dans une tombe inconnue sans aucune trace de reconnaissance. Et ça, c’est si tout se passe bien. C’est si je ne suis pas assassiné par un groupe de loups-garous ou arrêté par le Ministère ou que je ne meurs pas de faim parce que je ne peux pas travailler. » Lupin rit doucement et secoue la tête, une mèche grasse de cheveux bruns tombant devant son regard fatigué. « Oui, Severus, mes attentes pour cette vie sont en effet très hautes. »

Severus déglutit avec difficulté. Il ne se sentira pas désolé pour cet homme. Cet homme qui a eu deux parents aimants et un groupe d’amis se souciant de lui, qui était populaire et célébré et qui a récupéré son amant d’entre les morts. Certainement pas.

« Va donc retrouver ton sale cabot, » le dédaigne-t-il. « Laisse-le donc sécher tes larmes et écouter tes plaintes. Merlin seul sait à quel point je m’en fiche. »  

Lupin acquiesce rapidement, se retourne, et sort. Severus essaye de tout ignorer, de ne pas penser aux mots qu’il vient de prononcer.

Je m’attends à me vider de mon sang tout seul dans une forêt.

Est-ce un sort pire ou meilleur que ce que le Seigneur des Ténèbres a en réserve ? Severus ne pourrait le dire. Il commence à nettoyer le désordre de Black en se questionnant sur certains des ingrédients les plus étranges qu’il a vu depuis longtemps. Quelle potion pourrait bien nécessiter ‘les yeux d’un épervier aveugle’ ? Puis, il la trouve. En dessous d’une copie du Manuel Avancé de Préparation des Potions. Une lettre. Une lettre adressée à Potter. Severus n’est pas surpris. Il sait que Potter n’a pas été en mesure de recevoir de correspondance et comme l’a pointé une Granger très frustrée la dernière fois qu’il était là, c’est très suspect, mais il est surpris par le contenu. Black a envoyé Potter réclamer son Héritage parce qu’il voulait le Grimoire des Potter. Black, qui clame à corps et à cris aimer le Survivant, l’a envoyé sans aucune mesure de sécurité faire une course dans cette foutue banque.

« Crétin, » marmonne Severus. « Foutu débile. »

Severus sait que Gringotts n’encourage pas ses clients à prêter les Grimoires. Pour que Black oublie ou ignore délibérément ce fait, il devait être vraiment désespéré à l’idée de sortir. Puis Severus réalise quelque chose d’encore plus étrange. Les mots au bas de la page semblent y avoir été brûlés, et ne sont pas écrits de la main de Black.

Seuls les enfants qui ont le sang du Griffon et de Sleipnir peuvent toucher le Grimoire Sacré.

Potter a répondu à cette lettre. Ou quelqu’un l’a fait. Les mots ne font pas vraiment sens pour Severus, mais il les grave tout de même dans sa mémoire, au cas où. L’élément le plus important, cela dit, c’est qu’alors qu’il a reçu l’ordre de ne pas essayer de communiquer avec le sale gamin qui lui sert de filleul, Black a quand même réussi à le faire. Granger avait raison. Black a brisé les règles. Plutôt que de faire ressentir de la suffisance à Severus, cette pensée l’emplit d’une anxiété glaçante. Quand Black brise les règles, la vie d’autres gens est menacée. Il y a vingt ans, c’était celle de Severus.  

Foutu Black. Qu’il aille se faire foutre bien profondément. Si je meurs avant d’avoir trouvé mon héritier à cause de ses conneries, j’engagerai un nécromancien pour lier son âme à celle d’un ver de vase.

« Severus ? »

Il lève les yeux, Lupin a redescendu à moitié les escaliers et essaye de ne pas croiser son regard.

« Il faut que tu remontes. Le Professeur Dumbledore est là. »

« Y a-t-il une réunion ? » demande Severus en reposant discrètement la lettre là où il l’a trouvée.

« Non. » Lupin se gratte l’arrière des mains. Il ne fait ça que quand il est inquiet. « Il s’est passé quelque chose à Privet Drive. »

Severus comprend à ce moment-là que ça va être une nuit longue et très, très énervante.  

Notes:

... Et j'espère que je serai en meilleure forme jeudi pour le chapitre suivant ! A bientôt ;)

Chapter 12: Détraqueurs

Notes:

Note de l'auteur : TW : Attention, mention de violence et de langage haineux.

Note de la traductrice : j'ai survécu à mon rhume, wouh ! J'espère que le chapitre vous plaira :)

(See the end of the chapter for more notes.)

Chapter Text

Piers, ce putain de petit sadique, a réussi Dieu sait comment à se procurer un taser.

« Mon grand frère est flic maintenant, » lance Piers avec un sourire mauvais. « J’lui ai piqué ça. »

« Génial, comme ça il y aura quelqu’un pour arrêter ton sale petit cul, » tousse Harry. Ils lui ont ouvert le dos à nouveau avec leur jouet préféré, ces putains de barbares, et ça devient difficile pour lui de respirer. Sans parler de Dudley qui est assis sur lui, et lui presse la tête dans le gravier qui recouvre le sol de tunnel en sous-voie.

J’aurais dû laisser Théo me raccompagner à la maison.

Alors même qu’il songe ça, Harry sait que c’est une mauvaise idée. Théo les aurait tués tous les deux, sans en avoir rien à foutre du Code International du Secret Magique. Ils avaient passé une bonne journée, pourtant. Ils s’étaient donné rendez-vous pour vérifier que la potion fonctionnait toujours, Théo s’était moqué encore une fois des cheveux de Harry, ils avaient acheté des glaces au camion de glace dans le parc et Théo s’était émerveillé de la forme des pièces de monnaie moldues, tout comme l’avait fait Ron durant leur première année. Ç’avait été une bonne journée. Jusqu’à présent. Piers applique le taser sur sa nuque et tous les muscles d’Harry se figent et tremblent, la douleur et la paralysie pulsant par vagues en lui. C’est comme un Doloris à moitié voulu, mais ça le laisse quand même à bout de souffle. C’est à ce moment qu’Harry a une révélation à propos des sadiques. Seigneur des Ténèbres ou pas, ils sont tous chiants. Et il a la malheureuse chance d’être le point d’obsession d’au moins trois d’entre eux.

Piers, Voldemort et Vernon s’entendraient probablement très bien. Ils pourraient fonder un club sur ‘toutes les manières de tuer Harry Potter.’

Dudley n’est pas assez intelligent pour être un sadique, mais ça ne veut pas dire qu’avoir le poids de son corps qui écrase les poumons d’Harry tandis qu’il se débat n’est pas horriblement douloureux.

« Ce n’est pas moi le criminel, ici, » ricane Piers. « Comment est Saint-Brutus, Tête-de-Pot’ ? »

Dudley s’esclaffe. Harry lève les yeux au ciel. Même avec de véritables armes en main, Piers Polkiss ne pourrait pas inventer de vraies insultes même au péril de sa vie. Harry, par contre, a Rogue comme professeur depuis quatre ans. Et les jumeaux Weasley.

« Absolument merveilleuse, putain, » crache Harry. « Espèce de face de cul remplie de boutons et con comme sa bite ! » 

Il y a un moment de silence. Piers le fixe, bouche ouverte, comme s’il était étonné que de tels mots puissent même être prononcés. Malheureusement, Dudley est plus que familier avec le langage injurieux d’Harry. Quand ton cousin violent fait quatre fois ta taille et que tu ne peux pas faire de magie en dehors de l’école, les insultes cinglantes sont ta seule façon de te défendre.

« N’écoute pas cet abruti, Piers, » renifle Dudley en enfonçant son genou dans la colonne vertébrale d’Harry. Harry grimace en sentant ses hanches racler contre le béton. Harry pense à sa baguette, toujours dans sa main, et à tous les maléfices qu’il aimerait jeter à la figure de Dudley. « Qu’est-ce que tu sais des bites, hein Potty ? Toi et ton cher petit ami dont je t’entends gémir le nom toutes les putains de nuit ? »

« Quoi ? » caquète Piers. « Il se touche sur des mecs ? T’es qu’un pervers dégénéré, Potty ! »

Harry ne peut pas empêcher l’horrible embarras de monter jusqu’à ses joues, rouges et cuisantes. Il se sent, de façon totalement absurde, trahi par Dudley. C’est une chose que son cousin le torture avec Cédric, mais c’en est une autre, entièrement différente pour lui, d’en parler à Piers. La main d’Harry se referme furieusement sur sa baguette.

« Ouais, genre il gémit son nom ! » rit Dudley. « Cédric ci, Cédric ça— »

« C’est quel nom de tapette ça, Cédric ? » s’écrie Piers.

Harry n’a jamais eu autant envie de tuer Dudley Dursley. La rage s’infiltre dans son esprit, la rage visqueuse et extatique que Tom déverse dans ses cauchemars. Harry ne la repousse pas. Il l’attrape.

 « C’est un putain de nom de conte de fée, » souffle Dudley en se penchant au-dessus d’Harry, son haleine chaude contre la joue de ce dernier. « Parce que c’est tout ce que tu es, Potty. T’es tordu, t’es qu’un sale homo, une putain de péd— »

« Plus un seul putain de mot. »

La rage s’enflamme et Harry tord son bras et tout son torse douloureusement jusqu’à pouvoir planter sa baguette pile dans la mâchoire de Dudley. Les yeux de Dudley s’écarquillent de terreur.

« Tu peux pas, » souffle Dudley. « Papa te tuera. »

« Pas si je te tue le premier, » grogne Harry.

« Oh allez, Big D, c’est qu’un putain de bâton ! » raille Piers au-dessus d’eux. « Tu peux le battre ! »

« Toi ferme ta gueule ! » rugit Dudley à Piers en lui jetant un coup d’œil. Harry peut voir le souvenir de la queue de cochon et de la Praline Longue Langue dans les yeux de Dudley. Piers recule d’un pas en levant le taser comme si c’était la réponse. Harry retient un rire. Harry dispose de la brûlure d’un million de taser au bout de son ‘bâton’, et Dudley le sait.

« Dis à ta salope d’ami de se barrer, » chuchote Harry. « Fais-le, Big D, ou je te jure que Piers pourra décrire à tout le monde ta nouvelle tête d’âne. »

Le visage de Dudley pâlit. Il respire plus fort. Harry sait que ce que Dudley redoute encore plus que la magie, c’est une métamorphose embarrassante. Seulement parce qu’il ne sait pas quelle douleur pourrait lui être causée.

« Vas-y, Piers, » ordonne Dudley. « Laisse-le moi. C’est une… affaire de famille. »

Piers sourit méchamment. Une affaire de famille, c’est un code pour dire Vernon.

« Très bien. » Piers fait la moue en rangeant le taser. « Mais on doit encore tester ce truc. Je vais essayer de trouver un des chats de la vieille Figg. »  

Harry observe Piers s’en aller en priant que les nombreux chats de Madame Figg soient assez intelligents pour l’éviter.

Espèce de petit con sadique, un jour je vais te transformer en chat et te lancer des Doloris jusqu’à ce que tes yeux saignent, sale démon boutonneux—

Dudley interrompt l’impressionnante litanie d’injures sur Piers Polkiss en attrapant le bras qui tient sa baguette. Il l’enfonce dans le sol si vite et si fort qu’Harry hoquète. Et voilà pour l’autre poignet, putain.

« Tu crois que tu peux me menacer devant mes amis ? » grogne Dudley. « Sale petit con ! »  

« Il semblerait ! » Harry projette son genou aussi fort qu’il peut entre les jambes de Dudley, et ce dernier laisse échapper un cri de douleur suraigu. Harry essaye d’échapper à sa poigne, mais Dudley est inébranlable au-dessus de lui, une main remontant jusqu’à la gorge d’Harry.

« Tu vas tellement regretter ce que tu viens de faire, Potter, » grogne Dudley, son visage toujours tordu de douleur, mais ses doigts à présent refermés. Harry ne peut pas parler. S’il ne peut pas parler, il ne peut pas non plus jeter de sort. Merde.

« HARRY ! »

Soudainement, une botte en peau de dragon apparait de nulle part et projette le bras de Dudley loin de la gorge d’Harry. Dudley hurle. Harry roule loin de son cousin et avale de grandes goulées d’air.  

« Qu’est-ce que tu penses être en train de foutre, espèce de sale ordure moldue ? »

Harry, un peu perdu, fixe Théo Nott qui se tient au-dessus de Dudley Dursley, une botte pressée contre son entrejambe et sa baguette pointée sur lui. Théo a l’air plus furieux qu’Harry ne l’a jamais vu. Sa rage est comme un brouillard noir qui flotte autour de lui. Les lumières du tunnel clignotent, puis s’éteignent.  

Ouah, Théo doit être sacrément en colère.

« Arrête, pitié, » babille Dudley. « Tu… tu es en train de me geler à mort ! »

Maintenant qu’il y pense, il fait froid. Le souffle d’Harry fait de la buée devant lui. Tout comme celui de Théo, bien qu’il ne semble pas s’en rendre compte.

« Théo. Théo ! » Harry crie pour attirer son attention. Théo détache son regard d’acier de Dudley pour fixer Harry. « Inverse le sort. »

« Je n’en ai pas encore lancé, » répond Théo en fronçant des sourcils avant de jeter un coup d’œil aux ténèbres autour d’eux. Des ténèbres glissantes. Des ténèbres fuyantes, traînantes, gelées. Oh putain, non. Les yeux de Théo s’écarquillent. Ils se tournent tous les deux vers le bout du tunnel.

Des Détraqueurs. Des putains de Détraqueurs.  

« Cours, » souffle Harry.

Dudley se relève d’un bon et court comme un lapin vers le bout du tunnel qui n’est pas occupé par l’horrible représentation des pires cauchemars d’un sorcier. Théo et Harry le suivent de près, Harry se battant pour rester debout et Théo se dépêchant de glisser un des bras d’Harry autour de ses épaules pour l’aider.

« Pourquoi est-ce que tu es revenu ? » croasse Harry. Les doigts de Dudley, en écrasant sa trachée, lui ont pris sa voix.

« Sahara m’a forcé— »

« Il fait si froid, » siffle Sahara depuis l’intérieur de la veste de Théo.  

« Des Détraqueurs, » souffle Théo. « Putain mais comment— ? »

« Je ne sais pas, mais on doit sortir Dudley d’ici, » murmure Harry. « Tu connais le sortilège du Patronus ? »  

Un froid glacial s’abat sur eux, si soudain qu’il les fige tous deux sur place à la recherche de leur souffle. Devant eux, Dudley s’est effondré sur le sol. Harry peut voir pourquoi. Devant lui se glisse un autre Détraqueur, qui se penche au-dessus de lui comme un prédateur. Harry cherche frénétiquement sa baguette, prêt à jeter un sort, et puis ça surgit. Un flash vert envahit la vision d’Harry tandis qu’une douleur explose en une lumière hideuse derrière sa cicatrice.

Putain, Tom, pas maintenant.

Il tombe à genoux, incapable de combattre à la fois le froid intense et le feu dans sa tête. Théo balbutie des mots terrifiés au-dessus de lui mais Harry n’arrive pas à les comprendre. Il sent le sang sous ses doigts, qui coule de l’éclair sur son front, avant de succomber aux cris.

Tue l’autre.

Prends Harry et cours !

Pousse-toi, femme !

Tue l’autre.

Les yeux vides de Cédric. Le pull jaune tâché de Cédric. Cédric, mou entre ses bras, qui ne respire plus, qui ne rit plus, tandis que le stade explose en une nuée d’horribles applaudissements tout autour de lui.

Avada Kedavra !

Les cris de sa mère. La voix de James Potter. Le hurlement de chagrin d’Amos Diggory qui déchire l’air. Le froid dans ses poumons le noie, l’engloutit jusqu’à sa peau. Le visage de Cédric. Les yeux de Cédric.

Si je perds mon âme, est-ce que je perdrai Cédric aussi ?

« Harry. »

Une voix tout près le secoue, le tire loin de ces ténèbres teintées de vert. Théo est couché à moins d’un mètre de lui, il tressaille sur le sol, pâle comme la mort. Pâle comme Cédric. Ses yeux sont désespérément fixés sur Harry, des pupilles d’argent qui ternissent de seconde en seconde. Un Détraqueur flotte au-dessus de lui, penché sur lui, ses doigts osseux attrapant sa capuche pour la retirer.

Non.

De la vie surgit à nouveau en Harry, du feu et de la glace et des éclairs et du tonnerre dans ses doigts, et il lève sa baguette. J’ai besoin d’un gardien. Harry pense au sourire de Théo, à la main de Théo dans ses cheveux et à la chaleur de sa bague d’héritier contre son dos.

« Expecto Patronum, » murmure Harry.

Cornedrue bondit en avant, si solide et réel que ses sabots claquent sur le sol. Il balance sa magnifique tête et charge vers Théo. Le Détraqueur qui se retrouve prit entre ses bois ne fuit pas comme s’y attend Harry, il hurle. Harry le fixe. Le Détraqueur a été blessé. De la détermination et de la satisfaction surgissent en Harry comme de l’or liquide, et il lutte pour se relever.

« Occupe-toi d’eux, » croasse Harry, dont la voix a quasiment disparu.  

Les yeux de Cornedrue brillent d’excitation. Est-ce l’imagination d’Harry ou est-ce que le brouillard argenté dont il est habituellement formé est en train de virer à l’iridescent… voire au doré ? L’anneau des Potter chauffe de joie et Cornedrue fonce vers le Détraqueur de Dudley, passant au travers et le faisant hurler dans la nuit, d’une voix faite de milliers de gémissements mortels. Puis c’est fini. Théo se relève lentement, fixant le cerf scintillant devant lui. Cornedrue observe Théo puis Harry et incline sa grande tête dans leur direction avant de disparaître. Son absence retire soudain un peu de chaleur à Harry.

« Putain. » Théo observe les empreintes dans le gravier. « Ce… ce Patronus était réel. »

« Ça va ? » croasse Harry. Il essaye de ne pas perdre l’équilibre. Cornedrue lui manque.

« Maintenant, oui. » Théo observe Harry de bas en haut, visiblement ébahi. Ça fait réaliser à Harry juste à quel point Théo cache d’habitude ses véritables expressions derrière le masque qu’il a toujours porté.

« Allez. » Harry offre une main à Théo et le remet sur ses pieds, mais l’effort s’avère de trop. Il vacille, sent tout son sang lui monter à la tête, et soudain les bras de Théo l’enveloppent, forts et vivants et le gardant debout.

« Jeter un foutu sort du niveau des ASPIC, pas étonnant que tu sois exténué putain, » grogne Théo dans son oreille.

« Ouais, ouais, sauver ta vie, quelle impolitesse de ma part, » marmonne Harry en retour. « Occupons-nous de Dudley. »

« Ou on pourrait le laisser pourrir ici, vu qu’il était sur le point de te tuer, » répond sèchement Théo, mais il aide quand même Harry à marcher jusqu’à Dudley, qui est couché sur le sol, tremblant et le regard vide.  

« Allez, Big D, » grogne Harry en attrapant un de ses bras tandis que Théo attrape l’autre. « Retournons à la maison. »

Ensemble, ils trainent Dudley à travers Privet Drive jusqu’à le laisser tomber sur le pas de la porte du numéro quatre. Ils sont tous les deux à bout de souffle et transpirants dans la chaleur persistante d’août. Harry a l’impression d’être fiévreux mais ignore la sensation, farfouillant à contrecœur dans la poche de Dudley pour en tirer la clé de la porte d’entrée.

« Ils sont sortis, » explique Harry en voyant Théo hausser les sourcils. « Mais ils seront bientôt de retour. Il faut qu’on améliore son état avant qu’ils ne rentrent. »

Théo ne lui demande pas pourquoi, il se contente d’aider Harry à faire passer le seuil à Dudley. Dudley s’effondre dans le couloir en vomissant sur le tapis.

« Mon Dieu. » Harry passe une main tremblante dans ses cheveux. « Ça n’est pas bon signe. Que font les Détraqueurs aux moldus, au juste ? »

« C’est à moi que tu poses la question ? » Théo secoue la tête. « J’y connais que dalle en moldus. »   

« Son odeur est celle d’une âme faible, » siffle Sahara en sortant la tête du col de Théo. « C’est plus chaud, ici. »

« Merde. » Harry se rue dans la cuisine, fouillant les placards à la recherche de chocolat. Putain de régime de Dudley. À l’instant où il se dit que ça ne pourrait pas être pire, les lettres arrivent.

D’abord, il est renvoyé. Puis, quelques secondes plus tard, Arthur Weasley envoie une putain de note qui lui dit de ne pas quitter la maison ni ‘rendre sa baguette’.

« Comme si j’allais te laisser faire ça, » renifle Théo en froissant cette foutue note dans son poing, et Harry se sent un peu réconforté. Il essaye de penser, mais son corps tout entier est aussi léger que s’il était fait en papier. Renvoyé. Renvoyé, bordel. Magnifique.

« Et moi qui pensait que ça ne pouvait pas être pire que les Détraqueurs, » marmonne Harry.

Il essaye de se changer les idées en versant du Slim-Fast goût chocolat qu’il a trouvé dans le frigo dans la gorge de Dudley. Ce dernier grogne et hoquète, mais ça semble marcher. Puis, la deuxième lettre arrive. Harry la parcoure du regard puis la jette à Théo.

« Plus renvoyé maintenant. Juste en probation. »

Théo la lit, puis lève les yeux vers lui, sourcils haussés.

« Petit exercice de réflexion. » Théo penche la tête sur le côté. « Est-ce qu’être en probation en vue d’un probable renvoi est mieux ou pire que faire face à un Basilic ? »

Harry renifle dans un ricanement, soulagé. C’est une situation de merde, mais Théo est là, et ça améliore le tout. Puis Kreattur apparaît soudainement dans la pièce, un mot à la main.

« L’Héritier Black sent le vomi. » Kreattur plisse son long nez.

« Ouais, en effet, » répond Harry d’un ton fatigué. Kreattur observe Dudley, curieux.

« Est-ce que le moldu vicieux est mort ? » demande-t-il d’un ton plein d’espoir.

« Nous ne sommes pas si chanceux, Kreattur, » soupire Harry.

« Dans ce cas, qu’est-ce qui ne va pas avec le moldu vicieux ? » Kreattur appuie son doigt sur Dudley, qui ouvre les yeux, voit Kreattur, et gémit pathétiquement.

« Des Détraqueurs. » Harry prend le mot toujours dans la main de Kreattur.

« C’est de Black ? » demande Théo. Il a pris la relève pour verser le Slim-Fast dans la bouche de Dudley, et le fait avec le type de dédain qui indique qu’il espère que Dudley va s’étouffer avec.

Harry observe Kreattur, qui continue de pousser Dudley et de le faire gémir. Kreattur acquiesce distraitement. Harry ouvre le mot, et perd son sang-froid.

Harry, NE QUITTE PAS LA MAISON. Ne fais rien de stupide. Si tu fais encore de la magie, tu SERAS renvoyé. Lunard va venir demain. Patmol.

« Eh bien, c’est génial. C’est absolument génial, putain ! » Harry donne un coup de pied dans une des chaises, froisse la note et la jette contre le réfrigérateur.

Sirius, t’es qu’une merde.  

Théo tend la main et défroisse le papier, le lisant rapidement.

« Très chaleureux, » laisse-t-il échapper tandis que Sahara siffle contre le papier comme si celui-ci lui avait volé ses friandises.

« Il me dit de ne rien faire de stupide ? Lui ? Il m’a envoyé à Gringotts avec une saloperie d’elfe meurtrier, bordel ! » hurle Harry. « Sans vouloir t’offenser, Kreattur. »

« Kreattur n’est pas offensé, » marmonne Kreattur tout en continuant d’enfoncer son doigt dans le muscle du bras de Dudley. « Kreattur aura sa vengeance. »

« Tu vois ? » explose Harry en attrapant des poignées de ses cheveux, la sensation de tiraillement l’aidant à soulager un peu la douleur, celle que son parrain lui cause à force d’être un tel connard. « Il ne m’a pas écrit depuis des semaines bordel, et voilà tout ce à quoi j’ai droit ? Non, je vais bien, Sirius, merci de demander, ce n’est pas comme si j’avais vu mon petit ami se faire tuer, subit les trois putains d’Impardonnables, ai été abandonné dans un enfer moldu sans aucun putain de contact et ensuite ai été attaqué par des saloperies de DETRAQUEURS ! »

Sa bague des Black envoie des vagues glacées jusqu’à son poignet, comme si elle réclamait quelqu’un à maudire. Harry ne peut pas l’empêcher d’envoyer un éclair de lumière blanche de son doigt qui transforme le mot dans la main de Théo en poussière. Théo recule d’un pas, Kreattur siffle doucement et Dudley gémit. Harry crispe sa main tremblante dans un poing serré, la respiration haletante.

« Tu as survécu aux trois Impardonnables ? » demande Théo d’une petite voix.  

Harry s’effondre sur une chaise. « Un Impero, deux ou trois rounds de Doloris, et j’ai esquivé un Avada. » Harry lève trois doigts. « Jeu du Sorts aime faire le set complet. »

De la lumière verte. Des yeux vides. Des dents tachées de sang.

Il ne va pas penser à tout ça maintenant. Vernon n’est pas encore à la maison, ce qui signifie que les Détraqueurs ne sont peut-être pas ce qu’il aura à endurer de pire ce soir. Il se redresse, fixe Théo, comme s’il ne réalisait que maintenant qu’il est toujours là.

« Tu devrais y aller, » soupire-t-il à Théo. « Rapidement. Ils seront bientôt à la maison. »

Théo le dévisage.

« Si tu crois que je vais te laisser ici, alors t’as complètement perdu la tête, putain. »

« Peut-être, » renifle Harry avant de se lever et d’aller vers la porte d’entrée. « Mais je ne peux pas partir avec toi, et tu ne peux pas rester ici, du coup… »

« Quoi, tu reste ici parce que Black t’a dit de le faire ? » Théo attrape son bras, hausse la voix. « On l’emmerde ! Il faut que tu viennes avec moi, que tu me laisses te soigner— »

« Je vais bien, » lance Harry en ignorant superbement le fait que ses mains n’ont pas cessé de trembler.

« Tu tiens à peine debout, Harry ! » Théo le tire un peu plus près de lui.

« J’ai déjà vu pire, » répond faiblement Harry en se dégageant. Théo le fusille du regard, mâchoires serrées.

« Et tu penses que ça va m’aider à te laisser seul ici ? » grogne Théo. « Tu réalises qu’il va te tuer, n’est-ce pas ? Son fils est dans un état catatonique, putain, ce n’est pas un simple boa dans un zoo ou une assiette volante ! Tu crois qu’il ne va pas te punir pour ça ? »

Harry regrette d’avoir partagé toutes ses histoires de magie accidentelle avec Théo, là tout de suite. Surtout parce que Théo a totalement raison.

« Je ne peux pas partir, Théo ! » réplique sèchement Harry. « Je ne peux pas partir parce qu’il nous faudrait de la magie pour aller où que ce soit qui soit à l’abri des Mangemorts— », où je pourrais te protéger, et je ferais n’importe quoi pour te protéger à l’heure actuelle, « —et ensuite je serai renvoyé pour de bon ! Et Je ne peux pas être renvoyé, Théo. »

Harry le fixe. Il sait que Théo comprendra ça. Poudlard est un endroit sûr dix mois dans l’année. Poudlard est chez lui.

« Très bien. » Théo carre les épaules. Harry sent un doux soulagement. Tout est en train de merder, mais Théo sait. « Je pars. Mais je reviendrai plus tard. »

« Tu ne peux pas ! » 

Théo tend la main et touche doucement le cou d’Harry. Des mains froides contre une peau abimée, qui gonfle déjà sous l’apparition d’un bleu. Les yeux de Théo sont pleins d’argent liquide, ses lèvres étirées en une fine ligne blanche.

« Essaye donc de m’en empêcher, bordel. »

Il pose une paume contre la joue d’Harry, et Harry a l’impression que son esprit lui-même se presse contre sa peau. Il retient son souffle. Puis il entend le bruit d’une voiture qui se gare dans l’allée.

« Les compagnons de nid sont revenus, » siffle Sahara.  

« Va-t-en, » souffle Harry. « Par derrière. »

Théo acquiesce et se glisse derrière lui. Harry entend la porte de derrière se refermer dans un cliquetis, et sent une vague d’épuisement le traverser. Son dos lui fait souffrir le martyr, sa gorge est à vif. Il déglutit douloureusement, se tourne vers Kreattur.

« Il faut que tu partes aussi, Kreattur. »

« Kreattur restera caché, » répond Kreattur. Il observe Harry étrangement, tout en tirant l’oreille de Dudley avec deux doigts. Harry est trop fatigué pour argumenter. Putain, tout ça est bien trop épuisant. Il entend le murmure de voix. La voix de Vernon. Une panique pleine de bile le prend à la gorge.

« Hé, Kreattur, » croasse-t-il. « Ne le laisse pas me tuer, ok ? »

Kreattur hausse un sourcil et Harry sait qu’il doit être spécifique. Il n’a pas beaucoup d’énergie, mais il invoque une petite flamme de la magie des Black et offre ses termes.

« Je veux dire, après qu’il ait fait ce qu’il va faire, quand il aura… » Harry déglutit. « … fini, essaye de me garder en vie. Pas de magie qui puisse être tracée, rien qui ne me cause d’autres problèmes, et ne les tue pas, ne leur fais pas de mal, juste… garde-moi en vie. Ok ? »

Kreattur le dévisage. Harry entend le moteur de la voiture s’arrêter. Il a besoin de ce serment maintenant. Il plie le doigt dans l’espoir de faire bouger la magie, et voit la bouche de Kreattur se tordre d’agacement quand cette dernière le heurte.  

« Kreattur aidera à garder l’Héritier Black en vie, » marmonne Kreattur. « Mais seulement pour le tuer plus tard. »

Harry soupire de soulagement. Au moins, ça, c’est familier.

« Merci, Elfe Black. » Il se sent se détacher de tout ça, l’indifférence montant sous l’anticipation de la douleur à venir, mais il y a quelque chose de plus, à présent. Il n’est pas totalement seul. « Je suis content que tu sois là. »

Il voit les yeux de Kreattur s’écarquiller avant qu’il ne devienne invisible. Harry acquiesce et inspire profondément. Il entend la porte de devant s’ouvrir et ferme les yeux. Juste un autre ennemi, une autre horreur à endurer. Bizarrement, c’est la bague des Prince qui s’agite avec la dernière étincelle de son énergie. Aussi calme que l’océan le plus profond, pleine de promesses de ténèbres glissant sous la surface. Survis, semble-t-elle murmurer. Survis.

 

Notes:

NdT : En espérant que ça vous aura plu ! N'oubliez pas le kudo ou le commentaire, ça fait toujours plaisir, et à lundi <3

Chapter 13: L'autoroute M1

Notes:

Aaaaaah ce que je peux adorer ce chapitre ! J'espère qu'il vous plaira, bonne lecture ;D

(See the end of the chapter for more notes.)

Chapter Text

« Merde, merde, merde, pourquoi est-ce qu’il y a autant de sang ? »

Une voix chuchotée, quelque part au-dessus de lui. Ou près de lui. Où qu’il soit. Qui qu’il soit. Il essaye de bouger quelque chose du corps dans lequel il se trouve, mais n’y arrive pas.

« Le moldu grand et laid a piétiné les blessures du Maître après avoir fini de cogner son visage. »

« Quelles blessures ? » Une pression sous son épaule, le poussant et le faisant rouler sur le côté. Un grognement qui pourrait, ou pas, venir de lui. Des mains chaudes qui soutiennent son cou. Celui qui le tient est tendre et gentil et quelque chose lui fait penser que ce n’est pas normal.

« Putain de merde. Est-ce qu’il a essayé de le tuer ? »

« Kreattur pense que oui. »

Kreattur. Kreattur, l’elfe de maison meurtrier. Kreattur l’elfe de maison meurtrier de la Maison Black. Kreattur est son elfe de maison parce qu’il est l’Héritier Black. Parce qu’il est Harry putain de Potter et que son parrain ne sert à rien et que son oncle a essayé de le battre à mort. Harry grogne. Il sent un tiraillement dans ses doigts, la glace vacillante de sa bague des Black.

« Le Maître se réveille, Kreattur peut le sentir, » lance une voix râpeuse.

« Je vois ça. » Une main chaude l’attrape, tournant gentiment son visage vers le son d’une voix douce. « Harry ? Est-ce que tu peux m’entendre ? Qu’est-ce qui te fait le plus mal, Harry ? »

 Quelle putain de question. Ça demande à Harry de scanner son corps de son esprit vacillant et de réaliser que, merde, il n’y a pas grand-chose qui ne fasse pas mal en ce moment. Son visage pulse. Sa gorge ressemble à un étau, quand il déglutit ça fait un mal de chien, mais son dos, bordel de merde, son dos.

« Dos, » grogne Harry.

« Ok. Je vais te retourner, d’accord ? » Des doigts délicats relèvent son t-shirt au-dessus de sa tête. « Pour pouvoir t’aider. »

La voix est douce. Elle lui rappelle Hermione mais elle est plus grave, plus chaude que la sienne. Et puis, elle provoque une chaleur dans sa poitrine qui n’est jamais là avec Hermione. La voix de quelqu’un a fait ça pendant un temps, cela dit. Mais la voix de qui, déjà ?

« Cédric, » chuchote Harry. « Cédric ? »

Les mains sur ses épaules se figent un instant. Les longs, impossiblement longs doigts tordus qui glissent dans ses cheveux s’arrêtent aussi.

« Le Maitre parle de l’Héritier Diggory ? »

 « Harry ? » Les mains touchent son visage. « Harry, est-ce que tu sais où tu es ? »

« Avec Kreattur, » marmonne Harry. Ces longs doigts doivent être ceux de Kreattur, mais pourquoi est-ce qu’il touche ses cheveux ? « Kreattur, ne m’arrache pas les cheveux. »

Kreattur renifle au-dessus de lui. Il ne cesse pas pour autant de tenir sa tête. Tant pis, je serai chauve d’ici demain, alors.  

« Ça va faire mal, Harry, » chuchote la voix chaude de Cédric. « Je suis désolé. S’il te plait, ne crie pas. »

« Ne crie pas, ne crie jamais, » Harry secoue la tête. Pourquoi est-ce que Kreattur joue toujours avec ses cheveux ? « Voldemort a eu tous mes hurlements. »  

« Le Maître parle du Seigneur des Ténèbres, » marmonne Kreattur.

« Silence, Kreattur, » siffle la voix chaude. Pourquoi est-ce qu’il siffle ? Est-ce que Harry peut entendre un sifflement ?

« Tu es en train de mourir, » chuchotent les sifflements.

« Je sais. C’est pas grave. »

« Si, ça l’est. »

Les sifflements sont fâchés mais Harry ne sait pas pourquoi, et il n’a pas le temps d’y penser parce qu’une paume chaude est pressée dans le haut de son épaule et ça brûle.

« Douleur », siffle Harry. Il y a trop de douleur pour les mots, il ne reste que les sifflements et les grognements. « Douleur, douleur, douleur. »

La main s’éloigne, tout comme la pression, mais la douleur reste, s’étirant comme une lame faite de feu.

« Harry, parle-moi, dis-moi qu’est-ce qu’il se passe ? » La voix comme celle de Cédric a l’air inquiète, paniquée.

« Ça brûle. Ça fait mal. Ça brûle. Douleur. » 

« En anglais, Harry, s’il-te-plaît, » supplie la voix.

Il ne comprend pas ce que lui demande Cédric ou pourquoi il a l’air si triste. Il lève la main jusqu’à ses cheveux et trouve les mains de Kreattur, avec le désir qu’il comprenne, poussant de la glace à travers ses veines pour le faire comprendre.

« Ça brûle, ça brûle partout, trop de douleur, peux pas respirer. » 

Kreattur hoquète au-dessus de lui, ses petites mains serrées sur celles de Harry.

« Le Maître dit que ça brûle, » la voix de Kreattur tremble. « Qu’il y a trop de douleur, qu’il ne peut pas respirer. »

« Comment… comment as-tu fait ça, Kreattur ? »

La voix a l’air effrayée a présent. Harry veut rassurer Cédric, lui dire que tout va bien, tout va parfaitement bien, mais il tousse à présent et goûte du sang.  

« Le Maître a fait en sorte que ça arrive. » Kreattur maintient la tête d’Harry immobile et donne des ordres à Cédric. « Guéris le maître. Vite. »

La main appuie à nouveau et Harry siffle un peu plus, sans hurler parce que hurler n’est pas autorisé, jamais autorisé dans cette maison. Quand il vivra avec Sirius ce sera mieux. Où est Sirius ? Sirius a tenu sa main après le cimetière, Sirius a dormi sur son lit, son nez de chien humide pressé contre sa joue. Il le veut, il veut tellement Sirius que quelque chose se brise en lui.

« Sirius, » Harry sanglote à moitié, son souffle si court et douloureux dans sa poitrine. « Sirius, aide-moi. »

Kreattur hoquète au-dessus de lui.

« Qu’est-ce qu’il dit ? » demande la voix de Cédric, tremblante. La main appuie toujours, et Harry a l’impression que sa peau est douloureusement refermée, suturée avec un millier de petites aiguilles douloureuses.

« Le Maître appelle Lord Black pour qu’il l’aide, » murmure Kreattur.

« Tu le verra bientôt, Harry, » dit la voix de Cédric. « Ça ira mieux, je te le promets, continue juste de respirer. Elles… elles sont presque guéries. »  

Harry ne sait pas ce qu’elles sont, mais il a envie de dormir. Comme s’il pouvait se laisser tomber dans un océan de ténèbres douces et paisibles et ne plus jamais ressentir de douleur. Puis les sifflements se rapprochent et il sent un papillonnement rapide et humide contre sa joue. C’est plein d’étincelles qui l’ébranlent, lancent des frissons à travers tout son corps. Quelqu’un l’a récemment empli d’étincelles, lui a fait passer un millier de chocs électriques à travers la peau. Ça fait mal. Bon dieu que ça fait mal.

« Qu’est-ce que tu fais ? »

« Je te redonne ta magie, » murmure le sifflement. « Je te garde en vie. »

Vivant. Est-il vivant ? Est-ce que Cédric est vivant ? Où sont-ils, s’ils sont tous les deux ici ?

« Est-ce que ça en vaut la peine ? »

« Tu en vaux la peine, Cœur Vert. »

Cœur Vert. Sahara. L’apothicaire. Nott. Non, ce n’est pas ça, ce n’est plus tout à fait ça. C’est quelqu’un d’autre à présent. Quelqu’un de totalement différent. Puis Harry le sent, la fraîcheur d’étangs au printemps et la pluie d’été, qui se glissent sous la peau de son dos, éclaboussant le feu brûlant et l’éteignant. Il sent l’odeur de parchemins brûlés si proche de son visage, le goût des orages. Il se sent en sécurité.

« Théo, » chuchote Harry en léchant ses lèvres craquelées. Théo, pas Cédric. « Théo ? »

« Oui, Harry. » Théo a l’air soulagé. « Je suis là. J’ai… j’ai arrêté les saignements. »

« C’est… C’est bien, Théo. »

Harry se sent étourdi, comme s’il allait tomber dans les ténèbres, mais Sahara lui lance des étincelles de magie qui lui font l’effet de piqûres d’insectes. Il essaye de la repousser, sans être efficace.

« Arrête ça, » gémit-il. « Ça chatouille. »

« Reste éveillé, Cœur Vert. Reste réveillé, reste en vie. »

« Fatigué. Laisse-moi dormir. »  

« Le Maître ne doit pas dormir, » croasse Kreattur. « Le Maître doit rester éveillé. »

« Kreattur ? » Harry ouvre les yeux. Deux orbes jaunes le regardent d’en-dessus. Théo est assis à côté de lui sur le sol, la main serrée sur son épaule. Il est couché sur le côté dans la pénombre de sa chambre. « Tu peux comprendre le Fourchelangue ? »

« Non. » Kreattur secoue la tête. « Le Maître enfonce ses mots dans la tête de Kreattur, il utilise la magie d’Héritier. Le Maître doit arrêter. Ça fait mal. »

« Oh. » Harry fronce les sourcils. « Désolé, Kreattur. »

Il délie l’attache de glace qu’il n’avait pas réalisé avoir tissé entre eux, détendant le doigt qui porte l’anneau des Black jusqu’à ce que ce dernier ne soit plus rigide. Kreattur soupire, ses petites épaules s’abaissant.

« Kreattur remercie le Maître. »

Harry sourit lentement, observant l’elfe de maison maussade, une réalisation naissante le remplissant d’une satisfaction suffisante. Au moins, ça le distrait de la douleur.

« Et le Maître remercie Kreattur. »  

Kreattur se fige, fusillant Harry du regard avec un mélange de folie meurtrière et d’horreur. Théo soupire de frustration en direction d’Harry mais ne semble pas pouvoir s’empêcher de caresser avec douceur les cheveux d’Harry.  

« Ne t’inquiète pas, Kreattur, je suis profondément touché, » glousse Harry. « C’est si bon d’entendre tes véritables sentiments. »

Kreattur fait un bruit de dégoût et s’écarte d’eux, ses yeux jaunes pleins de haine et d’un tout petit peu de joie. La simple vision de tout ça revigore Harry et agrandit encore son sourire. Il y a de l’énergie qui pulse dans la bague des Black, lui donnant l’impression d’être plus vivant. La magie énervée de Kreattur a le même goût qu’un café trop noir et que le ressentiment.

« Kreattur aurait dû laisser l’Héritier Black se vider de son sang sur le sol comme le pauvre gamin bâtard qu’il est, » fulmine Kreattur.

« Je suis sûr que tu auras une autre chance, elfe Black, certainement grâce à toi, » sourit Harry, avant de tousser dans sa main. Il baisse les yeux. Voit du rouge. Vacille. « Oh. Merde. »

Sa tête lui tourne à nouveau. Il sent son énergie retomber comme une pierre et s’affaisse vers l’avant. Théo le rattrape doucement, l’aide à se rallonger sur le lit. Harry grimace lorsque son dos à nu rencontre les draps, mais c’est moins pire à présent. Théo a réussi à recoudre sa peau écorchée, ou au moins, il en a l’impression.

« Tu fais une hémorragie interne. Merde. » Théo essuie rapidement la main d’Harry avec le coin du drap. « Il faut qu’on te sorte d’ici. »

« Peux pas, » marmonne Harry. Pourquoi est-ce qu’il a l’impression que son corps tout entier est fait de fer, qui l’alourdit ? « Dois rester. Remus va venir. Au matin. »

« Tu seras mort au matin si je ne te ramène pas quelque part où je peux brasser des potions et faire de la magie, » répond sèchement Théo.  

« Je survivrai. Promis. » Harry sourit faiblement à Théo. « Je survis toujours. »

Il se rappelle de la colère de Vernon, de sa rage apoplectique. Comment il est arrivé dans la chambre d’Harry et a verrouillé la porte derrière lui et qu’Harry a juste su. Comment la bague des Prince d’Harry lui a chuchoté, encore et encore : Survis. Survis. Survis.

« Pas suffisant, » répond Théo. Il place sa main sur le côté de la tête d’Harry, tirant gentiment sur une de ses boucles. « Tu viens avec moi, Potter. Pas d’excuses. »

Harry ne peut pas s’en empêcher. Le soulagement qui l’envahit est trop puissant, trop écrasant pour qu’il puisse le supporter, et une larme glisse sur sa joue. Quelqu’un veut de lui. Quelqu’un veut le sauver. Quelqu’un veut qu’il vive.

 « Comment ? » Harry inspire douloureusement. « Pas… de magie. Renvoyé. Pas à l’abri. »

Il ferme les yeux. Il n’a pas assez d’énergie pour tous les mots qu’il veut dire. Ne risque pas ta vie pour la mienne, Théo. Ça n’en vaut pas la peine.

« On a besoin d’un moyen moldu pour t’emmener assez loin de Privet Drive pour que Kreattur nous transplane quelque part sans que ça ne soit suspect. Nos baguettes ont la Trace sur elles et toute magie qu’il ferait ici te serait imputée, mais ça ne sera pas le cas si on part assez loin. » Théo se mord la lèvre, faisant preuve d’un manque d’assurance inhabituel. Ça fait comprendre une chose à Harry. Théo est absolument mort d’inquiétude.

« L’horrible moldu a un wagon, » lance Kreattur.

« Une voiture, » le corrige Harry en fermant les yeux. Bon sang, sa tête tourne beaucoup trop.

« Utilisons ça, alors, » acquiesce rapidement Théo. « Comment est-ce qu’on l’invoque ? »

Est-ce que Théo prévoit vraiment de voler la voiture de Vernon Dursley ?

Harry n’aurait jamais pensé entendre un plan encore plus absurde que celui des jumeaux Weasley conduisant une voiture volante pour l’aider à s’échapper, et pourtant. Harry fait ce qu’il fait de mieux avec les plans absurdes, et embarque.  

« Pas invoquer. Déverrouiller. Conduire. » Harry soupire lourdement et ferme les yeux. « La chambre de Vernon. Oublie. »

Peu importe que leurs vies soient dans la balance, c’est trop dangereux de se glisser dans la chambre de Vernon. Harry est encore en vie en ce moment parce que Vernon est endormi. S’il se réveille, c’est fini.

« Kreattur a les clés. »

« Quoi ? » Harry rouvre les yeux d’un coup et fixe les clés de la BMW dans la petite main de l’elfe. « Comment ? »

« Kreattur ne pouvait pas faire du mal au gros moldu, » répond Kreattur en fronçant les sourcils. « L’Héritier Black l’a fait jurer. Donc Kreattur a pris ses affaires les plus précieuses. »

« Ses affaires ? » demande faiblement Harry. Kreattur acquiesce et fait apparaître de nulle part un porte-monnaie bien épais, un téléphone portable et un peigne pour moustache. Harry observe les objets. Vernon Dursley a été dépouillé par une créature magique. Puis il se met à rire, à rire jusqu’à tousser puis à tousser jusqu’à goûter à nouveau du sang, et Théo écarte ses cheveux de ses yeux doucement.

« Il faut qu’on y aille, » souffle Théo. « Tu es brûlant. »

« Mes affaires, » grogne doucement Harry. « Hedwige… »

Théo acquiesce et marche jusqu’à la cage d’Hedwige, laissant la magnifique chouette blanche en sortir. Puis Théo se penche pour lui murmurer quelque chose et après avoir penché sa tête dans sa direction, elle ébouriffe ses plumes et s’envole.

« Elle trouvera le chemin, » dit Théo. Kreattur est déjà en train de bouger dans la pièce avec une surprenante efficacité, remplissant la malle d’Harry et tapant sur la main de Théo lorsqu’il essaye de l’organiser. Sahara s’est enroulée doucement autour du poignet d’Harry, celui avec l’ancienne fracture plutôt que l’autre, et continue de le nourrir d’étincelles de magie à travers sa langue.

« Arrête ça, » lui siffle Harry.

« Non. Pas tant que tu ne pourras pas me les renvoyer, Cœur Vert. »  

« Je vais bien. »

« Pas du tout. Tu vas mourir si le Gris ne te sauve pas. »

« Ne le blâme pas s’il n’y arrive pas. » Harry lève un doigt lourd pour caresser faiblement sa tête. Il a l’impression d’avoir les paupières pleines de sable. « Est-ce que tu resteras avec lui, s’il n’y arrive pas ? »

« Je ne sais pas. » Sahara frotte ses narines contre son pouce. « Peut-être que je reviendrai ici pour tuer le compagnon de nid qui t’a fait du mal. »

« Je serais plutôt d’accord avec ça, » Harry se sent flotter, uniquement ancré par les étincelles de magie de Sahara et la dispute à voix basse de Théo et Kreattur. « Il y a un garçon, Piers Polkiss. Tu pourrais le manger pour moi. Si je suis mort, je veux dire. »

« Ce sera fait. »

Alors Harry peut mourir heureux. S’il ne peut pas tuer Tom Jedusor, il peut au moins s’assurer que tous les chats de Madame Figg échapperont aux festivités sadiques de ce putain de Piers Polkiss.

« Harry. » Théo s’agenouille près de lui, Harry tourne lentement la tête dans sa direction. « Je vais transporter ta malle, mais j’ai besoin que tu essayes de marcher, d’accord ? »

Ça a l’air impossible, mais c’était aussi le cas pour le fait de tuer le Basilic. Ou de faire face à un dragon. Ou de vivre après Cédric. Harry soupire et balance ses jambes au-dessus du bord de son lit, les reposant sur le sol. Sa tête lui donne l’impression d’être dans un manège de fête foraine. Il s’accroche au bord du lit.

« Bordel, » souffle-t-il.

« Kreattur va aider. »

L’elfe attrape soudainement la main d’Harry, le tire sur ses pieds avec une force surprenante, puis appuie la main tremblante de Harry sur sa tête ridée. Harry sent une vague d’énergie familière. La magie de Kreattur le maintient debout. Elle est amère et rancunière et fière et foutrement déterminée. Il fixe Kreattur un instant puis acquiesce. Théo ouvre la porte aussi doucement que possible. Ils forment un drôle de cortège, Théo transportant la malle d’Harry dans les escaliers (comme si elle ne pesait absolument rien, bordel, réalise Harry), Harry tremblotant à sa suite avec Kreattur qui bouge près de lui comme une canne très en colère, et Sahara qui remonte lentement le long de son bras. Aucun d’entre eux n’ose respirer ou parler jusqu’à ce que Théo ait utilisé son couteau pour déverrouiller la porte d’entrée et qu’ils se tiennent tous dans la moite chaleur d’une nuit d’août à Privet Drive. Théo déverrouille le coffre de la BMW, l’ouvrant doucement et sans bruit tandis qu’Harry et Kreattur restent là à l’observer. Harry peut sentir chaque ride sur le crâne de Kreattur.

« Tu as une tête bizarre, elfe Black, » chuchote Harry.

« L’Héritier Black n’est pas en position de dire que Kreattur est bizarre, » marmonne Kreattur. « L’Héritier Black tombe en morceau. »

« Au moins j’ai toujours des cheveux. Pourquoi est-ce que les elfes de maison n’ont pas de cheveux ? »

Kreattur le dévisage comme s’il était cinglé, puis ouvre une des portes arrière et pousse Harry, le faisant tomber sur la banquette dans un grognement.

« Ne le pousse pas ! » siffle Théo. « Il est presque mort ! »

« Il va l’être, » marmonne sombrement Kreattur, et Harry glousse dans les sièges en cuir, Sahara sifflant avec colère son opinion à propos des elfes qui sont particulièrement sensibles au venin de serpents arboricoles.  

« Est-ce que tu sais comment conduire, en fait ? » demande Harry d’une voix pâteuse en roulant sur le côté pour observer l’avant de la voiture. Théo monte sur le siège conducteur tandis que Kreattur se glisse du côté passager.

« Non. » Théo passe une main dans ses cheveux. « Et toi ? »

Eh bah merde. Ça va être drôle.

Harry a l’impression que sa tête va tomber de son cou à tout instant, mais s’ils ont la moindre chance de s’enfuir d’ici en un morceau, alors il faut qu’il se bouge.

« Ouais, écoute bien. » Harry ferme les yeux. « C’est comme conduire un bateau, comme le vaisseau de Durmstrang, d’accord ? C’est une automatique, donc tu n’auras pas besoin de t’inquiéter de l’embrayage— »

« C’est quoi un embrayage, bordel ? » La voix de Théo est un peu plus aigue que d’habitude. Il pourrait tout aussi bien être en train de crier.

« Ne panique pas, juste, écoute-moi. » Harry inspire doucement. Une fois que Théo aura tourné la clé de contact, Vernon risque fort de se réveiller. Ils n’auront que quelques minutes. Le volant en face de toi te permet de tourner, mais la puissance vient de la pédale de droite. C’est comme se pencher en avant sur un balai, d’accord ? Celle de gauche c’est pour freiner, comme redresser le balai. »

« Donc je suis supposé tourner cette chose et faire des trucs avec mes pieds en même temps ? »

« Tu fais la même chose sur un balai, » réplique sèchement Harry.

« Je ne vole pas comme toi, Harry ! » Théo se tourne pour le fusiller du regard. « Je lis des livres et je brasse des potions ! Je ne suis pas une foutue star de Quidditch ! »

« Oui, parce que t’es un geek, » répond Harry avec un sourire fatigué. « Mais même un geek peut conduire une voiture. »

« Kreattur peut faire les choses du pied, » intervient Kreattur en s’installant dans l’espace devant le siège tandis que Théo se fige de le voir si proche de lui. Harry sourit. Il se souvient probablement du désir de meurtre que Kreattur avait à son encontre pour avoir sali la vertu d’Harry. « L’Héritier Nott doit juste dire stop ou avance. »

« Stop ou avance, je peux faire ça, » marmonne Théo. « Comment on démarre ? »  

Harry inspire profondément. Il est si content que Vernon ait parqué la voiture en arrière plutôt qu’en avant. Au moins, ils n’auront pas besoin de faire de marche arrière.

« Mets la clé dans la serrure à droite du volant et tourne-là jusqu’à ce que ça rugisse. Puis appuie sur avance, Kreattur, d’accord ? Théo, ça va aller vite donc il faudra tourner aussi fort que tu peux le volant. »

Théo acquiesce. Tourne la clé. Le moteur s’allume dans un grondement et Kreattur appuie sur l’accélération avec ce qui semble être tout son corps. Les roues arrière crissent. De la lumière à l’étage illumine toute l’allée, mais ils sont déjà loin. Harry glisse vers l’avant, se cogne la tête sur le dos du siège passager puis repart en arrière tandis qu’ils descendent Privet Drive en trombe dans un crissement de pneus.

« Putain de merde c’est plus rapide qu’un Nimbus ! » hurle Théo, mais Harry n’écoute plus. Il laisse sa tête retomber contre le cuir et le fourmillement tiède des sièges chauffants sous sa peau. Il a quitté Privet Drive. Il est avec Théo. Il a volé la voiture de Vernon Dursley. Il se permet un sourire avant de glisser dans l’inconscience.

________________

 

« Harry ? Harry, réveille-toi ! »

Harry ouvre les yeux lentement et les lève. Théo est accroupi devant la portière ouverte, et observe Harry d’un regard plein d’inquiétude. Ce dernier s’adoucit quand Harry lui sourit. Il y a une forêt sombre derrière Théo, et Harry se tourne pour voir Kreattur marmonner sur le siège avant. Il semble avoir trouvé une carte routière et la fixe comme s’il voulait y mettre le feu.

« Ça va ? » croasse Harry.

« C’est moi qui devrais te demander ça, » sourit Théo. « Je veux vérifier tes blessures avant qu’on n’aille plus loin. »

« Oh, oui. » Harry se rassied en grimaçant. Théo attrape son épaule et guide Harry vers l’avant afin d’examiner son dos. Son toucher est doux mais Harry frissonne quand même, en pressant son front contre le siège couvert de cuir.

« Où sommes-nous ? » marmonne-t-il.

« Plus loin au Nord. Ça fait trois heures qu’on roule, » répond Théo. Harry sent le picotement frais de la bague des Nott lorsque Théo presse une paume douce sur l’endroit le plus douloureux. « Kreattur pense qu’on devrait aller aussi loin que possible à la façon moldue avant qu’il ne nous transplane derrière les protections. »

« On est en sécurité ? » siffle Harry entre ses dents tandis que la main de Théo descend jusqu’au milieu de sa colonne. Il se rappelle de la botte d’un homme, qui l’écrase encore et encore.

« Moins on utilisera de magie, plus on le sera. » Théo pose son autre main sur la taille à nu d’Harry, le caressant doucement. Harry soupire. « C’est presque impossible de suivre un sorcier qui se déplace comme un moldu. Il faut juste qu’on aille un peu plus au Nord. »

Harry acquiesce contre le cuir, déglutissant avec difficulté. Maintenant qu’il est éveillé, il est soudainement conscient du tourbillon de douleur qui engloutit différentes parties de son corps. Ça faisait longtemps qu’il n’a pas été aussi mal. Pas depuis que Fumsek a pleuré pour lui dans la Chambre des Secrets. Ça n’est probablement pas une bonne chose.

« Est-ce que je vais y arriver ? » demande-t-il d’une voix rauque. Pas la peine de prendre des gants.

« J’ai l’impression que c’est moi qui devrais te poser cette question. » La main de Théo s’est immobilisée. « Je… Je ne sais pas comment tu fais pour être encore en vie. »  

« Moi non plus. » Harry frotte sa cicatrice contre le siège et soupire. « Peut-être que Jeu de Sorts m’a maudit pour que seul lui puisse me finir. »

« C’est ta magie, » siffle Sahara. « Elle te soutient, mais pas indéfiniment. Tu as jusqu’à l’aube. »

Harry acquiesce. C’est mieux de savoir, se dit-il, même s’il n’a aucune putain d’idée de ce que ça signifie.  

« Sahara dit que j’ai jusqu’à l’aube avant que ma magie n’arrête de me maintenir en vie, » marmonne Harry. « Tu comprends ce que ça veut dire ? »

« Oui. » Théo tire gentiment Harry en arrière pour qu’il s’appuie contre le siège et que Théo puisse le regarder dans les yeux. « Ça veut dire que je vais conduire cette charrette moldue comme tu voles sur ton balai quand tu poursuis le Vif et que tu vas vivre, bordel, Harry Potter-Black-Prince-Serpentard. »  

« Comme tu veux, Héritier Nott. » Harry lâche un rire rauque puis grogne.

Théo acquiesce et caresse de son pouce la joue d’Harry. Harry lui sourit faiblement. Théo referme la porte et retourne au siège conducteur.

« Kreattur pense qu’on doit suivre la route Mun. » Kreattur froisse la carte furieusement. « Une grande route toute droite comme celle sur laquelle on a fui, avec beaucoup de charrettes. »

« C’est quoi comme nom, ça, Mun ? » marmonne Théo en démarrant la voiture. Harry se sent soulagé de voir qu’il a compris ce qu’étaient les phares, au moins.

« M1 », corrige Harry en réalisant soudainement ce que Kreattur raconte. « La M1, Kreattur. »

« Les runes moldues sont stupides, débiles, et Kreattur les hait, » marmonne Kreattur.

Harry soupire et lance un regard par la fenêtre. Le soleil se lèvera dans deux ou trois heures. D’ici là, il sera soit en sécurité, soit mort. Il se retrouve à souhaiter, soudainement et désespérément, qu’Hermione soit là avec lui. Ou Ron. Ou même Sirius, juste pour dire au revoir, si c’est effectivement le moment de dire au revoir.  Il s’est toujours retrouvé à souhaiter avoir le temps de dire au revoir, dans ces moments où il pensait que c’était la fin. C’est la seule occasion où il pourrait bien avoir le temps de le faire, vu qu’il n’est pas en train de fixer un Basilic, des Détraqueurs ou un Seigneur des Ténèbres. Juste le soleil levant et une autoroute vide. Tout à coup, une pensée lui vient.

« Hey, Kreattur, passe-moi le téléphone portable. »

« L’Héritier Black veut quoi ? » grogne Kreattur.

 « Une des choses précieuses de Vernon, pas le peigne ni le portefeuille. »

« La brique avec les boutons. Kreattur l’a. » Kreattur la jette à Harry puis retourne se terrer aux pieds de Théo. Théo fusille du regard l’espace entre ses jambes.

« Ne me pince pas les chevilles, Kreattur, je suis sérieux. »

« Si l’Héritier Nott ne veut pas être pincé, il doit donner des ordres appropriés ! »

Harry les laisse se disputer tandis que la voiture avance, bien plus fluidement que trois heures auparavant, et compose le numéro qu’il connait par cœur, mettant le téléphone près de son oreille et l’écoutant sonner.

« Bonjour, vous êtes sur le répondeur des Docteur et Docteur Granger, nous ne pouvons pas vous répondre pour le moment, mais laissez un message après le signal sonore. »

Harry est heureux qu’ils n’aient pas répondu, heureux qu’il ne les ait pas réveillés. Ça rend tout ça bien plus facile à dire.  

« Bonjour, Docteur et Docteur Granger, je ne sais pas si vous vous rappelez de moi, mais je suis Harry, » il déglutit. « L’ami d’Hermione de l’école. Je ne sais pas ce qu’elle vous a dit à propos de… tout ce qui se passe en ce moment, pourquoi elle doit être en sécurité, mais ouais. Il faut que je lui transmette un message, si vous pouvez, si ce n’est pas trop demander… »

Harry voit Théo le fixer dans le rétroviseur. Quand est-ce que Théo a appris à utiliser un rétroviseur ?

« Bref, j’ai… j’ai le sentiment qu’Hermione pourrait bien être inquiète à mon sujet dans les prochains jours, et je ne peux pas lui faire parvenir de message, donc si vous pouviez juste lui dire… »

La voix d’Harry s’éteint. Lui dire quoi ?

« Dites-lui que je n’ai pas fui. J’ai… Ils ont fait en sorte que ce soit impossible pour moi… pour moi de rester. Elle saura ce que ça veut dire. Elle saura pourquoi. »  

Harry grimace. Ses côtes lui font mal. Il prend une inspiration tremblante.

« Mais je… Je suis avec quelqu’un qui va m’aider à aller mieux et nous allons quelque part où nous serons en sécurité, et si on y arrive, si j’y arrive… »

Il ne fait pas exprès, mais il tousse. Il déteste le son que ça fait, si humide et malsain.

« Alors je… je trouverai un moyen de la contacter à nouveau. C’est promis. Et si je n’y arrive pas, si elle ne reçoit pas d’autres nouvelles de ma part, alors dites lui juste que… ce n’était pas ça. » Harry pense à la tour d’Astronomie. « Elle saura. Elle saura ce que je veux dire. Elle… elle sait toujours. »

La voix d’Harry se brise. Il a envie de dire qu’il l’aime, mais c’est trop étrange à dire sur le répondeur des parents de sa meilleure amie.

« Et Docteur et Docteur Granger, merci, putain, merci de… merde, désolé, vraiment merci d’avoir laissé Hermione venir à Poudlard. Elle… elle a sauvé ma vie cette année. Beaucoup trop de fois. C’est ma meilleure amie. Donc juste… juste, merci. »

Harry raccroche. Il baisse la vitre et lance le téléphone à l’extérieur. Théo hausse un sourcil tandis qu’il donne un coup de volant pour lancer la voiture sur l’autoroute. Harry aurait dû lui expliquer l’utilité des clignotants.

« Tu ne voulais pas garder la… brique de communication ? » demande Théo.

« Ils peuvent tracer sa position, » marmonne Harry en pressant son front brûlant contre le verre froid de la vitre. « Quand Dumbledore me cherchera, parce qu’il le fera, ils essayeront de la localiser. »

« Comme une baguette. »

« Ouais. Comme une baguette. » Harry observe les arbres qu’ils dépassent. Il n’a pas encore réfléchi à Dumbledore. En réalité, il ne veut pas du tout penser à Dumbledore, mais il y a quelque chose qu’il doit demander. « Est-ce qu’il sera en mesure de nous trouver ? »

« Non, » répond Théo avec assurance. Ça donne un peu d’espoir à Harry. « C’est incartable, foutrement protégé et personne ne connait l’endroit. »

« C’est quoi ? »

« C’était la maison de ma mère avant qu’elle ne se marie. » Théo regarde droit devant lui, les mains serrées sur le volant. « Père me l’a offert lorsque j’ai pris ma bague d’Héritier. »

« Est-ce qu’il peut nous trouver là-bas ? » demande Harry, une boule dans la gorge.

« Non. Je suis le Gardien du Secret. Je n’ai jamais donné sa localisation à mon père. »

Harry acquiesce. Il y a un instant de silence. Harry remarque que Kreattur les fait foncer à plus de 160 kilomètres heure. Il sourit en pensant à toutes les amendes que va récupérer Vernon.

« Tu sais ce qui est le plus bizarre dans tout ça ? » lance Harry en se rallongeant sur la banquette arrière et en laissant Sahara lui infliger de petites étincelles de magie pour le détendre. Les sièges chauffants sont très agréables sur son dos nu. Une vague pensée le traverse, lui chuchotant qu’il devrait se sentir bizarre d’être torse nu devant Théo, mais ce n’est pas le cas.  

« Quoi ? »

« Tu n’as pas l’âge légal pour conduire une voiture. »

Théo ne répond pas. Harry sourit dans le silence. Il sait exactement quelle expression arbore Théo en ce moment, et ça le rend heureux.

« Je ne pense pas que ce soit bizarre, » la voix de Théo est impossiblement serrée, comme elle l’est toujours quand il est au bord du rire ou de la rage. « Je pense que c’est à cent pour cent un foutu truc spécial Harry Potter. » 

« Si tu le dis, Nott, » Harry ferme les yeux en souriant. S’il doit mourir dans quelques heures, il est heureux que ce soit avec Théo, en fuyant les Dursley. Il est heureux que ça arrive alors qu’il est libre. « Si tu le dis. »  

 

Notes:

;_; Harry, you precious baby. On va faire en sorte que tu survives, hein ? Sinon les 73 prochains chapitres vont être un peu ennuyeux sans ta capacité à te mettre dans les ennuis x'D
J'espère que ça vous a plu en tout cas ! Merci à tous ceux qui laissent des kudos ou des commentaires, ça me chauffe le petit coeur <3 A jeudi !

Chapter 14: Cryptex

Notes:

Hello ! Le retour du rhume pour moi, j'ai une balle de golf dans la gorge maintenant. Snif. Heureusement que HHP est là pour me remonter le moral ;_;
Bonne lecture, en tout cas !

(See the end of the chapter for more notes.)

Chapter Text

Severus lance un regard de dégoût à Privet Drive.

« C’est ici que vit Potter ? » lance-t-il avec une grimace.

« Avec la sœur de Lily, oui. »

Severus hausse un sourcil.

« Avec Pétunia ? »

Voilà un nom que Severus n’a pas prononcé depuis des décennies. Il conjure instantanément une myriade de souvenirs d’une petite fille aux cheveux noirs et au visage furieux, qui les fusille du regard à travers le parc. Lupin lui lance un regard curieux et acquiesce.

« Je crois, oui. »

Severus fixe les haies immaculées, la pelouse sèche, la façon qu’a chaque maison d’être une exacte réplique de la suivante. Bien sûr que Pétunia vit dans un tel endroit. C’est si intensément, si désespérément conforme. C’est comme si les œillets parfaitement alignés de Pétunia avaient été créés pour hurler : Rien ici n’est comme Lily ! Bizarrement, Severus en ressent un manque poignant pour le jardin des Evans à Cokeworth. Des fleurs des champs en pagaille durant l’été, une pelouse digne des plus belles prairies et des buissons de rose odorants qui montaient sur les treillis de Madame Evans. La vague de chaleur s’est finalement brisée durant la nuit, et le petit matin est alourdi par des nuages d’orage. L’un dans l’autre, avec la répétitivité des maisons et de leurs jardins, tout ça offre un sentiment dépressif qui fait horreur à Severus. C’est le dernier endroit sur terre où il a envie de se retrouver à huit heures du matin. Et pourtant, il se retrouve là, sur les putains d’ordres de Dumbledore, à récupérer Potter comme si ce dernier avait besoin d’une garde d’honneur peu importe l’endroit où il se rend. Lupin prend la tête jusqu’à la porte d’entrée, et marmonne un sort pour ouvrir la serrure.

« La famille est sortie, » explique Lupin. « Distraits pour qu’on puisse venir chercher Harry en toute sécurité. »

« De toute évidence, » répond lentement Severus. « Parce que le petit protégé de Dumbledore en a bien besoin. »

« Vu qu’il a été attaqué par des Détraqueurs, oui. »

Severus renifle. Il a de sacrés doutes en ce qui concerne ces soi-disant Détraqueurs. Mondigus Fletcher jure qu’il les a vu attaquer Potter et son cousin moldu, mais Fletcher n’est qu’un fécalome qui a pris vie.

« Tu doutes de la parole de Dumbledore ? » demande Lupin tandis qu’il ouvre la porte et pénètre à l’intérieur.

« Je doute de sa capacité à ne pas tomber dans les pièges de Potter, » grimace Severus. « Tel père, tel fils. Ça a toujours été comme ça. »

« S’il te plait, ne parle pas de James devant Harry. » 

La voix de Lupin est douce, mais Severus entend le son graveleux du loup à l’intérieur. Severus ressent une vague d’irritation à l’idée que tout le monde ressente le besoin de protéger Potter de la vérité sur l’horrible humain qu’était James Potter, mais il acquiesce tout de même. Lupin peut bien poser des règles ici, mais Severus a toute une année de potions devant lui pour briser les petites illusions confortables de Potter.

Les enfants ne méritent pas qu’on leur mente au sujet de leurs parents.

C’est un fait qui a beaucoup agacé Severus ces derniers temps. Mais il n’est pas l’heure de penser aux Peverell et à l’improbable connexion qu’ils pourraient ou ne pourraient pas avoir avec son héritier.

« Harry ? » appelle doucement Lupin.

La maison est étrangement silencieuse, les lumières sont éteintes et le couloir est plongé dans la pénombre. Severus s’attendait à trouver Potter en train de regarder la télévision ou de jouer à l’un de ces horribles jeux vidéo moldus, avachi comme il l’est toujours, un enchevêtrement de membres dégingandés qui témoignent d'un athlétisme inhérent que Severus méprise. James Potter et Black étaient exactement les mêmes dans leur jeunesse. Severus voit un salon devant eux, s’attends à y trouver un enfant devant une télévision allumée, mais la pièce est vide et froide, ternie par la pâle lumière grise. Lupin allume sa baguette. Severus hausse les yeux au ciel et appuie sur l’interrupteur. Ah, les Sangs Purs. Il observe le petit meuble à côté du placard sous l’escalier. Il voit des photographies, et renifle devant l’atroce coupe de cheveux de Pétunia. Lily serait horrifiée. Il ne voit aucune trace de Potter, aucun bébé aux cheveux noirs et aux yeux verts à côté de l’énorme enfant qu’il suppose être la progéniture de Pétunia.

Peut-être qu’ils ont un horrible autel à la gloire du Garçon-Qui-A-Survécu quelque part.

« Il est probablement à l’étage, » chuchote Lupin, mais Severus a un pressentiment. Peut-être que c’est à cause des années d’espionnage ou des années à esquiver les poings de son père, mais il sait que quelque chose ne va pas. Il lance un homenum revelio silencieux et secoue la tête.

« Il n’y a personne ici, » souffle-t-il.

« Il doit être là. »

« Et pourtant, encore une fois, Potter a démontré son talent inné d’être, en tout temps, un horrible désagrément, » réplique sèchement Severus. « Peut-être que le Garçon-Qui-A-Survécu a simplement désobéi à nos instructions et est sorti de la maison avec sa famille. »

« Harry ne ferait pas ça. » Lupin secoue la tête. C’est une déclaration absurde. Le garçon fait sortir un dragon en douce de Poudlard durant sa première année.

« Pardonne-moi, Lupin, de ne pas considérer que toutes les façons qu’a eue Potter de démontrer sa désobéissance délibérée n’est pas une foutue preuve de sa personnalité. »

« Tu ne vois pas Harry tel qu’il est réellement, » répond sèchement Lupin. Severus hausse un sourcil.   

« Je l’ai parfaitement bien vu quand je me suis retrouvé littéralement entre lui et un loup-garou sauvage sous la pleine lune. »

Lupin tressaille et Severus sait qu’il a gagné. Il s’en fiche de savoir que la nuit de la transformation accidentelle de Lupin est de toute évidence un événement traumatique pour lui. Il s’en fiche bien.

« Il doit être à l’étage, » marmonne Lupin.

Lupin grimpe les marches à une allure bondissante, Severus soupirant avant de le rejoindre.

« Ce n’est pas le cas, » grogne Severus, mais il est trop fatigué pour faire autre chose que de suivre Lupin comme une espèce de dompteur de loup glorifié. Non seulement a-t-il passé la nuit à endurer les délires de Black et les pleurs de Molly Weasley, mais en plus, Dumbledore lui a ordonné d’aller parler aux Seigneur des Ténèbres des Détraqueurs pour remplir son rôle d’espion empressé.  Severus s’est vu confier la tâche de vérifier si le Seigneur des Ténèbres était impliqué, mais au vu de la tempête de colère et de sorts que Severus a dû endurer, il doute que le Seigneur des Ténèbres ait eu connaissance des escapades de Potter. C’est typique, putain. Severus prend note de tous les Crucios qu’il a enduré au nom du fils de James Potter, et quand il sera dans l’au-delà, il compte bien prendre sa revanche. Tout ce qu’il voulait ensuite était de ramper dans son lit, de prendre une potion pour ses nerfs et de passer en revue tous les noms des Peverell qu’il a glané pour trouver des indices. Mais voilà où il se trouve à la place. À chercher Potter.

Quand Dumbledore a pris mon serment, j’ignorais que ce serait pour un mandat à vie.

« Harry ? » appelle Lupin, en ouvrant et en refermant les portes.

« Il n’est pas ici, Lupin. » Severus lève les yeux au ciel. « Il n’y a personne. Il est de toute évidence parti pour je ne sais quelle aventure de casse-cou et— »

Severus se fige. Lupin se tient à l’entrée d’une des chambres. Il fixe le lit, ses mains serrées en poings, sa respiration bien trop rapide. Severus suit son regard, et sent son estomac se retourner.

Nom de Dieu.

Il y a du sang. Beaucoup de sang, et des meubles brisés. L’odeur âcre de la sueur et du vomi.

« Il s’est passé quelque chose, » souffle Lupin d’une voix râpeuse. « Quelque chose d’horrible. »

Sans déconner, le loup-garou.

« De toute évidence, » répond lentement Severus en dépassant Lupin pour se positionner devant le lit. Il agite sa baguette au-dessus de ce dernier, mais aucun signe de magie n’apparaît. Si Potter a été torturé par un sorcier, ça ne s’est pas passé ici. Ou bien peut-être n’est-ce pas le sang de Potter après tout, peut-être que c’est une mise en scène organisée par quelqu’un d’autre pour les induire en erreur. Il sort une fiole de ses robes, utilise sa baguette pour découper un bout de drap ensanglanté, le glisse dans la fiole et la scelle.

« Qu’est-ce que tu fais ? » lance sèchement Lupin.

« Ça pourrait ne pas être le sang de Potter. »

« Bien sûr que c’est son sang ! » grogne Lupin. « Tu crois que je ne reconnaitrais pas l’odeur du sang d’Harry ? »

« Je ne peux imaginer d’occasion où tu aurais pu acquérir cette information, » répond lentement Severus.

« Je connais l’odeur et le goût de tous ceux de ma meute ! » grogne Lupin dans sa direction. Ce son dresse des cheveux sur la nuque de Severus. « Je pourrais te trouver même dans une forêt humide, Severus, je sais que c’est le sang de Harry ! »

Severus hausse ses sourcils et décider qu’il n’a pas le temps de comprendre ce que veut dire Lupin par là.

« Ce n’était pas des sorciers, » marmonne Rogue.

« Bien sûr que c’en était bordel ! C’était des putains de Mangemorts et ils l’ont eu parce que Dumbledore ne m’a pas laissé venir le récupérer hier soir ! »

Lupin enfonce son poing dans le mur. Il se désagrège facilement, formant un grand trou dans le plâtre. Severus le dévisage. Il était avec le Seigneur des Ténèbres quand la décision a été prise d’aller récupérer Harry à Privet Drive. Il semblerait que Lupin ai été mis à l’écart et le mur de Pétunia en souffre. Severus prend plaisir d’avance à imaginer la grimace qui assombrira ses traits lorsqu’elle le découvrira. Mais pour l’instant, il a un Lupin enragé à gérer, et c’est la facette de Lupin qu’il aime le moins.

« Si on passe cet instant de bravade loup-garou-esque… » Severus s’arrête. Il lance un petit regard chagriné à Remus. « Si c’était une attaque de Mangemorts, ce n’était pas sur les ordres du Seigneur des Ténèbres. J’étais avec lui la nuit dernière. Il était… » Severus fait bouger son poignet. Ce dernier tremble toujours. « Occupé. »

« Mais alors, qu’est-ce qui s’est passé ? » Lupin lui lance un regard si sombre que Severus se sent mal à l’aise. Pourquoi serait-il celui qui a les réponses ? Il ne sait rien de la famille de Potter, ou de sa vie, pas plus qu’il en a quelque chose à faire. Pourquoi Black n’est-il pas là à fournir des informations ?

« Je ne sais pas, » réfléchit Severus. « Mais pourquoi un ennemi prendrait-il toutes ses affaires ? »

Severus observe la chambre. Ce n’est pas du tout ce qu’il s’attendait à voir chez Potter. C’est simple, à peine habité. Très peu de meubles et aucune décoration. Il fronce les sourcils devant les barres de métal à la fenêtre, jette un coup d’œil aux nombreux verrous sur l’extérieur de la porte. Peut-être que la famille de Potter utilise cette pièce pour loger des bouledogues enragés durant l’année scolaire. Peut-être que c’est une préférence sexuelle, qui sait ? Bien que son esprit entier frissonne d’horreur à l’idée de Pétunia appréciant une quelconque forme de déviance sexuelle.

Ou peut-être que Potter les effraie. Ils l’enferment parce qu’ils ont peur.

Mais alors, qu’est-ce que c’est que cette foutue chatière ?

« Est-ce que… est-ce que tu crois qu’il est en vie ? »

Severus ignore le ton suppliant de la question. Il observe la quantité de sang. Presque un litre.  

« S’il continue de saigner à ce rythme, alors plus pour très longtemps. »

 Severus recule d’un pas. Une latte du plancher craque sous sa botte. Il baisse les yeux, appuie son talon sur un des deux bouts. L’autre se soulève. Il se penche pour observer en-dessous. Des lettres de Granger et Weasley, un soldat en plomb et des bouts moisis d’un cake aux fruits, le genre qui doit toujours être servi dans le Poudlard Express, Severus en est sûr, enveloppé dans du papier d’aluminium. Quel genre de gamin bizarre est Potter pour cacher de la nourriture sous le plancher ? Cette pensée remue quelque chose en Severus, des pensées inconfortables auxquelles il ne veut pas penser. Des souvenirs de sa mère cachant des boites de haricots à son père, juste pour qu’ils puissent en avoir assez pour finir la semaine. Il les repousse. Ce n’est pas ça.

« Il faut qu’on reparte. » Lupin déglutit difficilement. « Il faut qu’on leur dise qu’il… qu’il n’est pas là. »

Severus acquiesce.

Le puzzle de la vie de famille de Potter devra attendre, tout comme son lit bien chaud et ses potions reconstituantes pour les nerfs. Ils vont devoir faire face à quelque chose de bien moins agréable. Quelqu’un va devoir dire à Black que son filleul a disparu. Severus se jure que ce ne sera pas lui.

« Il est vivant, » lance fermement Lupin tandis qu’ils referment la porte du numéro quatre derrière eux. « Je sais qu’il l’est. C’est mon louveteau. Je le sentirais s’il était… parti. »

Severus renifle, et Lupin a l’air blessé, mais Severus s’en fiche. Les mots de Lupin ne sont que folie. Il ne partage aucun sang avec Potter, juste une vague émotion guimauveuse, et pourtant il croit qu’il pourrait sentir la mort de ce foutu gamin ? Severus a un héritier vivant quelque part et, pendant un nombre inconnu d’années, il n’a même pas été au courant du simple fait qu’il respirait.

« Tu ne sentirais rien, » répond Severus dans un grognement. « Tout comme tu n’as rien senti la nuit dernière quand il se vidait de son sang comme un porc à l’abattoir. Ne romantise pas ta pseudo-parentalité, le loup. Si tu lui étais aussi dédié que tu le prétends, Potter n’aurait même pas eu à vivre dans ce qui parait être, selon toute déduction, un véritable enfer moldu ! »

Le visage de Lupin est blanc, mais ses yeux sont pleins d’une rage réprimée. Severus se rappelle le trou dans le mur de Pétunia.

« Ne commence pas à me parler des circonstances qui ont mené à ce qu’Harry doive vivre avec son oncle et sa tante, » répond Lupin. « Certainement pas. »

Ce n’est pas la haine hargneuse et narquoise de Black. C’est un sentiment glaçant, un avertissement de ne pas le pousser trop loin dans ses retranchements. Severus ne sait pas si la menace implicite est que Lupin pourrait briser la paix fragile et caustique qu’ils endurent tous les deux, celle qui leur permet de supporter un certain degré d’honnêteté sans se lancer de sorts, ou si Lupin est simplement en train de le menacer de le réduire en lambeaux, mais Severus acquiesce. Il laisse Lupin penser qu’il est le plus droit des deux en ne prononçant pas la phrase à voix haute. Severus comprend le sous-entendu très clairement, comme il l’entend chaque jour dans sa tête.

Si tu n’avais pas été là, Lily serait vivante et pourrait élever son fils elle-même.

« Après toi, Lupin, » répond sèchement Severus en se préparant à transplaner vers Londres, au Square Grimmauld, et malheureusement, vers Black.  

_________

 

 « Qu’est-ce que tu veux dire, il n’est pas là-bas ? » rugit Black en faisant les cents pas dans la cuisine. « Je lui ai dit de ne pas bouger ! »

« Je ne sais vraiment pas comment faire pour le dire en moins de mots afin que ton cerveau de cabot puisse comprendre, Black, » répond Severus dans un ricanement. « Le garçon n’est pas là-bas. Non seulement pas là-bas, mais en plus au vu de toutes les preuves, très proche de la mort. Je pensais que ce serait ta première inquiétude, plutôt que sa désobéissance flagrante. »

Comme si Black avait même le droit de faire des remarques en ce qui concerne la désobéissance flagrante. Severus songe à la lettre qu’il a trouvée dans le laboratoire de potions, la lettre qui n’aurait jamais dû être envoyée, en plus de toutes les foutues règles qu’il a brisées durant ses années d’étude.

« Ne me dis pas comment m’occuper de mon filleul ! » grogne Black en retour.

Il ressemble vraiment de plus en plus à sa forme animagus à chaque jour qui passe. Severus se demande vaguement si ce qu’on dit des individus au mental faible est vrai, qu’ils en viennent peu à peu à ressembler à leur équivalent animal. À dire vrai, jamais humain n’a plus ressemblé à un rat que Peter Pettigrow. Cela dit, personne ne ressemble moins à un adorable petit chat de gouttière que Minerva.

« Arrête, Patmol, s’il te plaît. Harry est vraiment blessé, on ne le trouvera pas en… en se battant, » Lupin le supplie en glissant sa main sur la nuque de Black. Black résiste en grognant, mais se rassied. Severus hausse les sourcils. Qui aurait pu penser que Lupin était en fait un petit loup alpha ?

Toi, tu aurais pu. Ou bien tu as oublié ce que ça fait de se faire presser contre un mur par ces mains ?

Severus chasse la pensée inappropriée et laisse son visage prendre le masque ‘spécial Square Grimmauld’. C’est celui qu’il utilise face aux Gryffondors depuis vingt ans. Le dédain et l’ennui.

« Dis-nous ce que tu as déduis, Severus, » lance doucement Albus.

Il est assis en bout de table, Molly et Arthur Weasley à sa gauche, et Bill Weasley debout derrière son épaule droite. Tous les Weasley ont sur le visage des versions légèrement différentes de la même colère réprimée. Celle de Molly est tempérée par la détresse, celle d’Arthur par la mélancolie, et celle de Bill par la curiosité. Severus ricane de les voir tous à ce point concernés.  

Oh combien ça doit être réjouissant pour Potter, d’avoir tant personnes à ce point concentrées sur son simple bien-être.

« Le garçon a subi plusieurs blessures importantes, cela dit si elles ont été infligées par magie, ce n’était pas dans la maison, » répond rapidement Severus en essayant d’ignorer le tremblement des lèvres de Molly. « Je n’ai aucune idée d’à quoi peuvent ressembler ces blessures, mais il a laissé quasiment un litre de sang derrière lui dans cette chambre. »

« Doux Merlin. » Molly presse ses doigts contre sa bouche. Arthur frotte le dos de sa femme. Albus ne fait rien, il hoche à peine la tête.

« Mais s’il a été emmené, c’était par un kidnappeur assez gentil pour récupérer toutes ses possessions, et s’il a été enlevé par un Mangemort— »

« S’il a été enlevé ? Si ? » aboie Black en fusillant Severus du regard. « Bien sûr qu’il a été enlevé bordel, Servilus ! »

Lupin attrape et serre les mains de Black lorsqu’il utilise ce foutu surnom, mais ce n’est pas comme s’il le réprimandait. La lèvre de Severus se retrousse.

« S’il a été enlevé par un Mangemort, alors c’était par quelqu’un qui ne suivait pas les ordres du Seigneur des Ténèbres, » réplique sèchement Severus. « Car il n’a pas formulé de tels plans. »

« Ou alors peut-être que tu n’es pas aussi proche de ton Seigneur des Ténèbres que tu le penses, » ricane Black. « Peut-être que tu es juste une merde dans ton boulot, Rogue, t’as jamais pensé à ça ? »

« Pas récemment, » répond avec douceur Severus. « Mais après, j’ai un travail à faire, moi, plutôt que de passer toutes mes journées à ne rien faire dans une maison. »

Il pourrait faire ça toute la journée. Laisser Black se défaire de ses railleries, de sa culpabilité et de son inquiétude inutile à propos de son filleul infernal. Severus est fait de pierre. Il ne bougera pas.

« Espèce de— »

« Assez, Sirius, » claque sèchement Lupin en tirant d’un coup sec sur la main de son amant. « Harry est blessé. »

« En effet, et ça devrait être le point focal de cette discussion, » intervient Arthur, ses yeux tristes passant de Lupin à Black et Severus.

« Bien dit, Arthur, » sourit Albus, alors que ses yeux bleus sont d’un froid glaçant. « Nous devrions renvoyer quelqu’un à Privet Drive pour questionner la famille d’Harry, peut-être qu’ils savent quelque chose à propos de là où— »

Mais avant qu’Albus ne puisse continuer avec son plan, il y a un fracas de nombreux pieds descendant les marches de la cuisine. Severus est béni d’une ouïe très fine aussi peut-il entendre Granger marmonner alors que les autres dans la pièce en sont encore réduits à simplement identifier la source du bruit.

« Contente-toi de lui demander si tu peux l’avoir, ne lui dis rien d’autre. » 

« T’inquiète, Hermione ! » C’est la voix d’un des jumeaux Weasley à présent, très agitée. « On sait ce qu’on fait. »

Puis, les deux Weasley en question glissent leur tête, l’une au-dessus de l’autre dans une présentation classique de leur supposée humour physique que tout le monde sur cette planète semble trouver charmante, dans l’entrebâillement de la porte.

« Désolé de vous interrompre, » lance le jumeau numéro un (George, suppose Severus, car il a toujours tendance à parler en premier et jure à corps et à cri être Fred).

« Papa, on se demandait juste si on pouvait vite passer par la cheminée pour aller à la maison récupérer quelque chose ? » ajoute le jumeau numéro deux (Fred, confirmé par sa façon de hausser les sourcils lorsqu’il pose une question).

« Oui, bien sûr les garçons, pas de problème, » répond Arthur, clairement trop distrait par la pensée d’un Potter potentiellement exsangue pour réaliser ce qui se déroule sous son nez. Les jumeaux sourient de soulagement et commencent à reculer.

« Stop, » lance sèchement Severus. « Restez. »

Les deux jumeaux s’arrêtent, ajustant leur masque d’’innocence’, mais Severus a enseigné à ces mécréants pendant six ans. Il peut sentir un Maraudeur à des kilomètres. Il les pointe tous les deux du doigt en les fusillant du regard.

« Vous savez quelque chose. »

« Absolument pas, » répond George.

« On est totalement inutiles, » ajoute Fred.

« Silence, » siffle Severus. Il peut entendre Granger renifler dans les escaliers. « Miss Granger, s’il-vous-plait, rejoignez-nous. Sur le champ. »  

Les autres adultes se lancent des regards et le fixent comme s’il était fou, à l’exception de Lupin qui (bien évidemment, bordel), peut sentir tout le monde dans cette fichue maison. Granger, Weasley et la fille Weasley se glissent dans la pièce, têtes baissées, regards nerveux échangés les uns avec les autres quand ils pensent qu’on ne les remarquera pas. Pitoyable.

« Miss Granger, qu’est-ce que vous avez demandé à Messieurs Weasley et Weasley d’aller chercher au Terrier pour vous ? » demande Severus d’une voix douce. « Et comment cela est-il lié à la disparition de Monsieur Potter ? »

« Severus ! » hoquète Molly. « Nous avions décidé que nous ne dirions rien aux enfants tant que nous ne serions pas sûrs— »

« Ce processus ne serait utile que s’ils ne disposaient pas déjà de l’information, » réplique sèchement Severus.  

Il fixe les yeux rouges et gonflés de Granger, la mâchoire serrée de la plus jeune Weasley. Il a déjà vu ces signes auparavant. Potter à l’infirmerie. Potter emporté par un portauloin durant le tournoi. Potter, toujours Potter, bordel.

« Mais vous l’avez déjà. N’est-ce pas, Miss Granger ? »

Granger le dévisage un instant, menton levé, puis acquiesce. Molly hoquète. Black les observe. Lupin se lève lentement et essaye d’avancer vers Granger.

« Hermione, s’il-te-plait, tu dois nous dire— »

Mais elle recule d’un pas, les deux mains serrées derrière elle et comme un étrange mur de Weasley, les autres s’avancent pour la cacher, quatre paires d’yeux bruns fusillant Lupin du regard entre eux tous. Les autres adultes les observent, choqués. Severus sourit. Est-ce que toutes ces supposées figures parentales, toutes ces mères et ces pères et ces parrains n’ont pas encore compris les moyens extrêmes que leurs enfants sont prêts à déployer pour protéger leur adoré, ami-héros Potter ? Seul Albus ne semble pas surpris. Il se contente de sourire avec cet habituel scintillement dans le regard.

« Je pense qu’on peut supposer qu’Hermione a reçu une lettre de ses parents, » dit doucement Albus. « Avec des nouvelles d’Harry, peut-être ? »

Molly hoquète. Black grogne. La main de Lupin se resserre sur son épaule. Severus observe.

« Les garçons. » Arthur observe ses enfants, désespéré. « Ginny, s’il-vous-plait. Nous ne voulons pas que quoi que ce soit de mauvais n’arrive à Harry, vous devez nous dire ce qu’il se passe. »

« Ginny, » chuchote Molly, ses yeux suppliants dirigés vers sa plus jeune fille, mais la demoiselle se contente de fixer son regard vers l’avant, attrapant celui de son plus vieux frère. Bill Weasley lève un sourcil.

« Nous avons besoin du lecteur de cassette qui est dans l’établi de Papa, » dit-elle fermement. « Si tu peux le prendre, amène-le ici, et on vous montrera ce qu’on sait. Mais on ne quittera pas la pièce. Surtout Hermione. Ce message est pour elle, pas pour vous. »

« Putain mais qu’est-ce— » explose Black, mais Lupin pince la main qui est toujours sur son épaule et le pousse dans son siège, et Black referme sa bouche en un claquement, surtout lorsqu’il voit comment Molly l’observe pour avoir osé jurer devant ses enfants.

« Avec toute la bonne volonté du monde, Ginny, ce n’est pas à vous d’en décider, » lance Lupin d’une voix tremblante. « Nous sommes les adultes ici, nous sommes responsables du bien-être d’Harry. »

« Mais il ne vous a pas envoyé le message, n’est-ce pas ? » répond Ron d’un ton bourru. « Il vous l’aurait envoyé s’il vous faisait confiance. Mais ce n’est pas le cas. Donc pourquoi devrions-nous le faire ? »

Pas le discours le plus élaboré, mais très certainement efficace, songe Severus en s’appuyant contre le mur tandis qu’un horrible silence s’installe. Lupin observe Ronald, la bouche grande ouverte, comme un poisson qu’on aurait sorti de l’eau. Black le dévisage comme s’il souhaitait avoir fait plus que lui briser une jambe une année auparavant.

« Ronnie ! » s’écrie Molly en se levant pour observer son fils. « Quelle horrible chose à dire ! Tu ne nous fais pas confiance ? »

« Pour Harry, » ajoute Fred Weasley en corrigeant avec prudence sa mère. « Nous ne vous faisons pas confiance pour Harry. C’est tout ce qu’il dit. »

« Je trouve remarquable de voir que vous semblez tous croire que vous avez un quelconque moyen de pression, » intervient Severus. Observer des enfants faire face à des sorciers adultes comme des faons est amusant, mais finit vite par le lasser. « Est-ce que vous pensez que nous n’avons pas la force, entre nous tous, pour simplement vous prendre ce message de force ? »

« Non. » La petite voix de Granger résonne dans la pièce. Ronald bouge légèrement pour qu’elle puisse être vue des adultes assis à la table. Elle tient quelque chose entre ses mains. Severus la dévisage. Pour la première fois depuis qu’il a rencontré cette prodigieuse Né-Moldue excessive et insupportable, Severus pense ces mots sans mépris :

Petite maligne.

« Qu’est-ce que c’est ? » demande Black.

« C’est un cryptex, » murmure Severus. « Ou quelque chose du genre. »

« Putain mais c’est quoi— »

« Sirius ! » Molly abat sa main sur la table et fusille Black du regard. « Il y a des enfants ! Assez ! »

« Je n’en ai rien à foutre, prenez-le-lui ! » ordonne Black et Severus se dit que c’est probablement la seule fois de leur existence que Black est d’accord avec un plan qui a franchi ses lèvres. « Qui en a quelque chose à foutre ? Accio— »

Mais Black se tait soudainement. Albus range sa baguette, le visage fatigué.

« Un cryptex est une invention moldue qui permet à un message secret ou, dans ce cas, un objet secret je suppose, d’être gardé en sécurité. Il ne s’ouvrira qu’avec un code particulier et complexe, et si le cryptex est forcé ou si le code est incorrect, même une seule fois, alors le dispositif libèrera de l’acide qui détruira le secret. » Albus sourit à Granger avec lassitude. « Ai-je raison, Miss Granger ? »

« Oui. »

Granger acquiesce fermement. Son visage est à la fois nerveux et déterminé. Severus se remémore soudain son énigme de potions pour la Pierre Philosophale. Merlin, sauvez-nous tous du courage et de l’intelligence d’Hermione Granger.

« Et mes parents ont détruit l’original. La seule façon pour vous d’entendre le message d’Harry est d’accepter nos termes. Les jumeaux tiendront le lecteur de cassette. Je lancerai l’enregistrement. Si quiconque tente de lancer un sort, je le détruirai. J’ai appris un maléfice. »

Bien sûr qu’elle l’a fait, bordel. Avec la chance qu’on a, ce sera le Feudeymon.

« Nous l’écouterons une fois et ensuite… » Granger déglutit, et Severus réalise quelque chose. Pour une raison ou pour une autre, elle pense qu’il s’agit des derniers mots de Potter. « … je le détruirai. Ce sont les termes. »

Le silence s’abat sur la pièce tandis qu’ils réalisent tous qu’ils sont tenus en otage par une née-moldue, avec un tour de magie moldue. Puis, Bill Weasley se met à rire doucement.

« Bon sang de bois, Hermione, » lance-t-il en secouant la tête. « Si tu ne te lance pas dans la justice magique après Poudlard, le monde sera bien sombre. »

« Je pensais à peu près la même chose, » ajoute Albus avec un sourire. « Est-ce que vous pourriez aller chercher le lecteur de cassette de votre père, William ? »

« Bien sûr. » Bill Weasley avance vers la cheminée, y lance une poignée de poudre de cheminette et disparaît, toujours en gloussant.  

Le silence règne dans la cuisine. C’est étrangement calme. Severus n’est pas certain de pourquoi jusqu’à ce qu’il réalise que le sort d’Albus qui a réduit Black au silence n’a toujours pas été levé. Il soupire de satisfaction et ferme les yeux un instant.

« Albus ? » la voix de Lupin interrompt sa rêverie. « Si vous pouviez… Sirius ? »

Ne le faites pas, Albus.

« Seulement sil peut se retenir d’agresser verbalement Miss Granger. » La voix d’Albus est sévère. « Elle n’est pas en faute ici. Elle essaye seulement de protéger Harry, comme nous tous. »

Et pourtant, c’est elle qui a sa sécurité en otage sous la notion absurde qu’elle et leur petit gang en savent tellement plus que leurs aînés.  

Albus lève le sort de silence. Un œil ouvert, Severus observe Black tressaillir, et fusiller du regard Granger et les autres.

« J’attendais mieux, » lance Black d’une voix tremblante. « J’attendais… mieux de vous tous. »

« Ne nous parle pas d’attentes. Nous avons entendu certaines choses, Sirius. » La plus petite des Weasley sourit doucement à Black, mais il y a une vague de colère dans ses yeux à laquelle Severus ne s’attendait pas. Qu’est-ce qu’elle sait ?

« Ginny ? » demande nerveusement Molly, qui pense clairement la même chose que Severus. « Qu’est-ce que tu veux dire par… ? »

Mais la cheminée s’enflamme de nouveau et Bill Weasley en ressort, marchant jusqu’au bout de table occupé par les enfants et pressant le lecteur de cassettes dans les mains de Fred Weasley. Ils se tournent dans un même geste, parfaite chorégraphie offrant un mur de silence qui cache Granger et son cryptex. Severus manque de hausser les yeux au ciel devant leur vigilance absurde, mais il ressent également un picotement de légitimation.

Qu’ils soient vigilants. Qu’ils soient paranoïaques. Il y a pire, là-dehors, qu’ils devront endurer. Laissons-les détromper leurs parents qui veulent les choyer avec leurs illusions. Laissons-les se préparer.

Ils se tournent à nouveau et Granger glisse la cassette dans le lecteur, aussi raide qu’un balai. Severus voit la petite inspiration qu’elle prend, voit Ginny Weasley lui serrer la main comme si elle avait besoin de soutient. Severus sent une autre vague d’agacement le traverser.

Que savent-ils ?

Puis, la voix de Potter emplit la pièce.

Notes:

Aaaaaaah ce que j'aime ce chapitre... et celui qui va suivre ! :D J'espère qu'ils vous plairont tout autant qu'à moi héhé. A lundi !

Chapter 15: Révélations

Notes:

Note de l'autrice : Celui-ci est long ! Parce que les copains de Harry ont beaucoup de choses à reprocher aux adultes de Harry.
Et pour ceux d'entre vous qui s'inquiètent que Sirius soit en train de dérailler... vous avez raison ! Parce que DOUZE ANS d'isolement en cellule, ça perturbe le cerveau. Mais ne vous inquiétez pas... Sirius a encore du chemin à faire.
Au prochain chapitre, nous retrouverons nos adolescentes Thelma et Louise (avec l'ajout d'un elfe de maison grincheux !)

Note de la traductrice : Oh. Dear. Que j'aime ce chapitre. :D

(See the end of the chapter for more notes.)

Chapter Text

Potter semble jeune. C’est la seule chose que Severus arrive à penser alors que ses mots résonnent dans la cuisine. Sans ce regard provocateur dans ses yeux verts et cette tignasse exaspérante des Potter à haïr, Severus ne peut qu’entendre sa voix pour ce qu’elle est. Celle d’un adolescent de quinze ans. Black a pris sa tête entre ses mains en entendant son filleul, Remus s’est rassis dans sa chaise, une faim dévorante dans les yeux. Les parents Weasley se tiennent l’un à l’autre, Bill Weasley enroule un bras autour des épaules de sa sœur. Albus appuie ses mains l’une contre l’autre en signe de réflexion et Severus… Severus écoute. Il écoute l’enfant parler.

« Bonjour, Docteur et Docteur Granger, je ne sais pas si vous vous rappelez de moi mais je suis Harry, l’ami d’Hermione de l’école. »

Granger a pressé sa main contre sa bouche, un rire triste à moitié étranglé à peine retenu. Tous les enfants Weasley sourient, attendris. Severus pensait que Potter se voulait drôle (bien sûr que ses parents se rappellent de ce foutu Harry Potter !) mais le visage de ses amis raconte une autre histoire. Ils sont amusés par son humilité, comme s’il faisait ça tout le temps. S’il le fait, Severus ne l’a jamais vu.

Ça ne veut pas dire que ça n’existe pas.

« Je ne sais pas ce qu’elle vous a dit à propos de… tout ce qui se passe en ce moment, pourquoi elle doit être en sécurité, mais, ouais. »

Severus commence à entendre l’inévitable douleur qui doit être présente. Le garçon a perdu presque un litre de sang. Il devrait être mort. Et pourtant, Severus entend une douleur dans la voix du garçon qui n’a rien à voir avec son corps. Ginny Weasley renifle et agrippe la main de Granger, et il réalise ce que c’est. Harry Potter se sent coupable que la vie de ses amis soit en danger. Comme si Potter, malgré son infinie sagesse, était responsable de l’ascension du Seigneur des Ténèbres. L’arrogance d’une telle pensée donne envie à Severus de se moquer.

« Il faut que je lui transmette un message, si vous pouvez, si ce n’est pas trop demander… »

Il y a une pause. Potter est clairement distrait par la personne ou la créature avec laquelle il se trouve. Severus se rappelle qu’ils ne savent toujours pas qui a emmené Potter, et écoute plus attentivement. Il peut entendre une voiture, qui roule à tombeau ouvert sur de larges routes. Putain mais comment Potter a-t-il trouvé une voiture ?

« Bref, j’ai… j’ai le sentiment qu’Hermione pourrait bien être inquiète à mon sujet dans les prochains jours, et je ne peux pas lui faire parvenir de message, donc si vous pouviez juste lui dire… »  

Une autre pause. Celle-ci est clairement due à la douleur. La voix de Potter semble tendue par le stress, un peu essoufflée. Severus observe Granger, note que ses yeux sont humides. La main de Ronald serre son épaule, sa mâchoire est tendue.

« Dites-lui que je n’ai pas fui. »

Granger sanglote. Severus observe.

« J’ai… Ils ont fait en sorte que ce soit impossible pour moi… pour moi de rester. Elle saura ce que ça veut dire. Elle saura pourquoi. »

Elle le sait clairement, bordel, songe Severus en observant la façon qu’a Granger de trembler des pieds à la tête. Fred Weasley a pressé son front contre l’épaule de la jeune fille. Pourquoi est-ce qu’ils semblent tous agoniser de désespoir ? Il jette un coup d’œil aux parents et au parrain, et bien qu’ils aient l’air tristes et inquiets, ils ont aussi l’air confus. Le message fait aussi peu sens pour eux que pour Severus. Mais les enfants ont l’air déchirés. Potter prend une inspiration tremblante. Severus imagine des plaies qui suintent, des côtes brisées, un nombre incalculable de tortures qui pourraient causer ce genre de grimace essoufflée chez un enfant.

« Mais je… Je suis avec quelqu’un qui va m’aider à aller mieux, et nous allons quelque part où nous serons en sécurité, et si on y arrive, si j’y arrive… »

La voix de Potter s’arrête. Il tousse. Severus repense à sa formation de guérisseur. Du sang dans les poumons. Seulement quelques heures à survivre. Bizarrement, Potter semble conscient de ça.

« Alors je… je trouverai un moyen de la contacter à nouveau. C’est promis. Et si je n’y arrive pas, si elle ne reçoit pas d’autres nouvelles de ma part, alors dites-lui juste que… ce n’était pas ça. Elle saura. Elle saura ce que je veux dire. Elle… elle sait toujours. »

La voix de Potter se brise. On dirait vraiment qu’il est en train de faire ses adieux. De façon incroyablement cryptique. Severus pourrait être impressionné par la vigilance de Potter, mais Granger gémit doucement, étouffant sa détresse en plaquant une main sur sa bouche et en fermant les yeux.

Qu’est-ce qu’elle sait ?

Severus dévisage Lupin pour avoir une réponse, mais Lupin le dévisage lui. Severus secoue légèrement la tête. Il n’a aucune idée de ce que Potter et Granger peuvent bien vouloir dire, et soudainement, ça l’inquiète. C’est le Garçon-Qui-A-Survécu, le petit protégé de la prophétie d’Albus. L’Ordre du Phénix sait tout de lui. Pourquoi est-ce que soudainement, Severus a l’impression qu’en fait, ils ne savent rien ?

« Et Docteur et Docteur Granger, merci, putain merci de… »

Black laisse échapper un bref aboiement de rire, mais Severus réalise qu’aucun des enfants n’esquisse même un sourire. Black n’a probablement pas réalisé qu’ils pensent que Potter ne reviendra pas, mais Severus oui.

« … d’avoir laissé Hermione venir à Poudlard. Elle… elle a sauvé ma vie cette année. Beaucoup trop de fois. »

Severus observe à nouveau Granger. Les dragons, le lac noir, le labyrinthe, à chaque fois Potter a utilisé des sorts qu’il n’aurait pas pu apprendre tout seul. Severus pensait qu’Albus y était pour quelque chose dans ces cours supplémentaires, mais à présent, il comprend. Granger. Il y a quelque chose d’autre, cela dit, Severus peut le sentir. Potter ne parle pas du Tournoi. Il y a quelque chose de plus sombre. Mais il n’y a pas le temps pour investiguer.

« C’est ma meilleure amie. Donc juste… juste, merci. »

Une étrange déclaration, songe Severus. S’il devait deviner qui est le ‘meilleur ami’ de Potter, il aurait proposé Ronald. Pas l’étrange fille qui semble leur coller aux basques depuis quatre ans, mais Ronald n’a pas l’air dérangé. Il se contente de baisser la tête pour frôler des lèvres les boucles noirs de Granger. Aha. Donc le manque de déception est du au fait qu’il est rassuré que Potter ne soit pas une menace pour l’affection de Granger. Granger renifle et sort sa baguette, faisant instantanément fondre la cassette sous les cris de détresse de Lupin et de Black. Severus hausse les yeux au ciel. La fille avait été pourtant claire sur ses termes.

« Hermione ! » crie Sirius. « Comment as-tu pu ? »

« Ça n’a pas d’importance, » l’interrompt Albus. « Severus et moi serons plus que capable de nous rappeler de chaque mot du message d’Harry. »

« Chaque mot, Rogue ? » Black le fusille du regard, et Severus hausse les yeux au ciel.

« Tout le monde n’a pas une passoire pour cerveau, Black. » Severus a une mémoire eidétique, mais ce n’est pas le propos.

« Oh, Harry, » murmure Lupin. « Qu’as-tu fait ? »

« Qu’a-t-il fait ? » Fred Weasley fusille son ancien professeur du regard. « Et pas qu’est-ce qu’on lui a fait ? »

« Une question intéressante, Monsieur Weasley, » intervient lentement Severus. « Vous semblez tous avoir une compréhension très précise de ce qui a réellement été fait à Potter. Peut-être pourriez-vous nous éclairer ? »

Tous les enfants le fixent.

« Il a dit qu’il n’avait pas fui, » grogne Black. « Fui quoi ? »

Les enfants continuent de les fixer. Severus remarque comment ils bougent tous légèrement de manière à être tous en contact. Ginny Weasley tient la main de Granger, Ronald son épaule, Fred Weasley son autre épaule, et George Weasley a la main sur le dos de Ronald. Ils sont littéralement uni contre les adultes, un mur de cheveux roux et noirs et de visages provocateurs. Foutus Gryffondors.

« Pourquoi est-ce qu’ils ne parlent pas ? » Black abat une main sur la table. Ils sursautent tous mais ne bougent pas. « Bon sang, Albus ! Ils nous cachent des choses ! »

« Nous sommes la famille d’Harry, » lance doucement Ron. « Nous le protégeons. »

« Il me semble que Monsieur Potter a déjà une famille, Monsieur Weasley, » répondit Severus. « Ou bien est-ce que je me suis aventuré dans la maison d’autres moldus ce matin ? »

C’est un étrange phénomène que d’avoir cinq paires d’yeux qui se tournent et vous fusillent du regard avec une telle férocité que Severus en est forcé de s’arrêter. Ah. Donc c’est un point sensible. La famille.

« Est-ce que nous devons en conclure, » intervient lentement Albus, « qu’Harry a quitté sa famille de sa propre volonté ? Et non dû à une pression extérieure ? Par exemple une attaque de Mangemorts ? »

« Harry ne partirait pas à moins qu’il le doive ! » hurle Black en sautant sur ses pieds. « C’était forcément des Mangemorts ! »

« Calme-toi, Sirius, s’il-te-plait. » Lupin a la tête entre les mains. Il a l’air aussi fatigué qu’après une nuit de pleine lune. « Mais je suis d’accord. Harry n’est pas aussi insouciant. Il ne quitterait pas la main après qu’on lui aie dit de ne pas le faire. Il prend sa sécurité au sérieux. Il n’est pas stupide. »  

Severus renifle. Ce n’est pas ainsi qu’il décrirait Potter, mais son opinion ne risque pas d’être très bien reçue dans cette assemblée.

« Non, » George Weasley fusille Remus du regard. « Il n’est pas stupide. »

Le silence retombe. Severus compte. Cinq, longues secondes. Puis, à point nommé, Black explose.

« POURQUOI est-ce que vous gardez tous ces secrets ? Pourquoi est-ce que vous me cachez mon filleul ? »

Il s’arrache de la poigne de Lupin, fusille les enfants du regard. Sa colère semble se concentrer sur Granger pour une quelconque raison, et tout à coup, Severus comprend. Comme un débile immature, Black est en réalité jaloux de la jeune fille de quinze ans qui connait son filleul mieux que lui.  

« Vous ne réalisez pas à quel point ça me rend fou, de ne pas le voir, de ne pas lui parler ? Vous ne réalisez pas dans quel danger votre STUPIDITÉ— » 

« Assez, Sirius. » Molly se lève lentement. Lupin tire Black en arrière et Albus le colle sans un mot à sa chaise avec un sort d’entrave, tout en observant avec attention. Molly se plante devant ses enfants.

« Vous êtes tous de merveilleux amis, » murmure-t-elle. « Harry est incroyablement chanceux. Mais vous devez nous laisser aider, à présent. Je ne sais pas pourquoi Harry ne nous fait pas assez confiance, mais vous êtes mes enfants. Faites-moi confiance pour l’aider. »

Les enfants Weasley gigotent, mal à l’aise sous le regard de leur mère. Severus est discrètement impressionné. D’habitude, Molly est une matriarche inquiète et prompte à hurler, mais il peut voir plus loin que ça à présent. Il y a une étincelle de quelque chose qu’il reconnait. Ça lui rappelle Narcissa.

« Hermione… » déglutit Ron.

Granger secoue la tête.

« On a promis, » murmure-t-elle.

« Moi pas, » annonce Fred Weasley.

« Fred ! » Granger se retourne pour l’observer, les yeux brillants.

« Eh bien quoi, j’ai rien promis. » Fred lève le menton. « Je répondrai aux questions. »

Severus reconnait la fenêtre d’opportunité pour ce qu’elle est et s’y engouffre.

« Pourquoi Potter a-t-il quitté la maison de sa famille ? » demande-t-il.

« Parce qu’il n’est pas stupide. » Les lèvres de Fred se retroussent et Severus réalise que ce Maraudeur Weasley a un plan qu’il veut suivre. Black grogne d’agacement mais Severus se dit qu’il pourrait être amusant de jouer le jeu. « Prochaine question ? »

« Il a dit qu’‘ils’ ont rendu impossible le fait qu’il puisse rester. De qui parlait-il ? » demande doucement Severus. Fred lui lance un regard prudent, puis observe la pièce.

« Il n’est pas stupide. Il sait mieux que quiconque ce qu’il y a au-dehors. Donc je pense que vous connaissez tous la réponse à ça, » dit-il, tout aussi doucement. « N’est-ce pas ? »

Severus ne sait pas, mais Molly Weasley elle, prend une soudaine inspiration.

« Oh, Harry, » chuchote-t-elle en fermant les yeux. Puis, étonnamment, elle tourne un regard furieux vers Albus.

« Je vous avais dit qu’il avait l’air maigre, » murmure-t-elle. « Je vous ai dit qu’il me demandait de lui envoyer de la nourriture. Vous avez dit qu’il allait bien. »

Severus sent une horreur lente et régulière monter en lui. Il ferme les yeux et repose la tête contre le mur derrière lui.

Oh merde. Le gâteau sous le plancher.

« Est-ce que quelqu’un pourrait m’éclairer ? » crie Black en se débattant contre les liens invisibles d’Albus. Lupin dévisage Fred Weasley, choqué, peut-être même trop choqué pour comprendre réellement ce qui est en train de se passer.

« Oui, » chuchote Lupin. « Est-ce que quelqu’un pourrait… ? »  

« Vous avez encore besoin d’explications ? » grogne Ginny Weasley dans une impressionnante imitation de Black. Pour une jeune fille de quatorze ans, c’est vraiment une petite chose vicieuse. « Vraiment ? Vous êtes le putain d’Ordre du Phénix¸ vous êtes la première ligne de défense contre Vous-Savez-Qui et vous n’êtes même pas foutus de comprendre qu’Harry Potter est maltraité ? »

Et voilà. 

Il y a une cacophonie de bruits, de cris et de Black qui essaye de se lever de sa chaise mais qui ne fait que tomber en avant comme un insecte renversé. Severus ne l’entend pas, pas vraiment. Il revoit la chambre de Potter. Le sang. Les serrures. Il la voit comme la chambre de ce garçon à la voix triste qui a laissé le message sur le téléphone. Il serre les poings, résiste à la réalisation, mais il sait.

Putain de bordel de merde.

« Ginny ! » hurle Granger.

« Quoi ? Je n’ai pas promis comme toi et Ron, » répond sèchement Ginny. « Et ils sont tous tellement stupides. »

« Pardonnez-nous, Miss Weasley, si nous n’assimilons pas la privation de nourriture à la maltraitance, » répond lentement Severus. Il combat ce savoir mais quelque part, il a besoin de l’entendre. Mal à l’aise, Black acquiesce vivement, ce qui n’améliore absolument pas l’humeur déjà dégringolante de Severus. Severus n’a pas jeté un seul coup d’œil à Albus et refuse de le faire. Parce que s’il regarde Albus, il verra si c’est vrai ou non. Et il ne veut pas que ce soit vrai.

« Je pense que ça dit probablement plus de chose à votre propos qu’à celui d’Harry, Professeur Rogue. » Bill Weasley secoue la tête. Severus sait que c’est de bonne guerre, mais ça ne l’empêche pas de froncer les sourcils. « Raconte-leur pour la deuxième année, Ron. »

« Pourquoi ? » Ron fusille Sirius et Remus du regard, tord son visage en une grimace qu’il lance à Severus. « Ils se contenteront d’ignorer. C’est comme Harry l’a toujours dit. Personne ne peut croire que ça lui arrive. »

Cela heurte Severus si fort que pendant un instant, il ne peut plus respirer. À qui est-ce que je pourrais le dire, Lily ? Personne ne me croira. Il est le Directeur de Serpentard. Il voit plus de cas de maltraitance qu’aucun autre membre du corps professoral, et il ne l’a pas vu. Il n’a pas vu le fils de Lily.

« Dis-le nous, » Remus se penche en avant, désespéré. « S’il-te-plait. S’il-te-plait, il faut qu’on sache. »

« On a sorti Harry de sa maison, l’été avant sa deuxième année, » lance furieusement George Weasley, la colère pulsant sous chacun de ses mots. « Avec la voiture volante. »

« Ah, oui, la voiture volante, » murmure Severus en jetant un coup d’œil à Arthur Weasley. Ce dernier ne dit pas un mot. Tout ce qu’il fait, c’est serrer les mâchoires.

« Il y avait des barreaux sur sa fenêtre. Ils l’avaient enfermé. Ils le nourrissaient à travers la chatière, un repas par jour s’il était chanceux. Ils avaient pris toutes ses affaires, ses livres, sa baguette, tout et ils avaient tout mis sous clé dans le placard sous l’escalier. »

« Il était si petit, » chuchote Madame Weasley. « Je – je pensais qu’il était juste stressé, avec tout ce qui était arrivé avec la pierre et le Professeur Quirrell, je pensais qu’il était trop nerveux pour manger. Je n’aurai jamais pensé qu’il… qu’on l’affamait. »  

« Harry mange, » Black n’est plus attaché, mais tout de même restreint physiquement, les bras de Lupin serrés autour de lui comme un étau. Il a l’air de trembler. « Harry n’est pas affamé, il mange. »

« Il mange tout, Sirius. » Molly se tourne vers Black avec des yeux tristes et sombres. « Il mange comme s’il n’y allait pas avoir de lendemain. Je le ressers deux, trois fois et il mange encore, il en met même dans ses poches pour plus tard. »

« Mange quand tu le peux, Sev, mais gardes-en toujours pour plus tard. »

La sagesse d’Eileen Prince, gardienne des enfants maltraités. Severus a froid, un sentiment de claustrophobie l’envahit, mais il ne peut pas bouger.

Potter, c’est toujours ce foutu Potter.

« Ça—ça ne veut rien dire. » Sirius secoue frénétiquement la tête. « Je sais, je saurais, je reconnaîtrais de la maltraitance, d’accord ? »

Severus essaye de ne pas grimacer. Il déteste qu’on lui rappelle l’enfance de Regulus. En partie parce qu’il connait l’autre côté de la tragique histoire de Black, l’histoire d’un grand frère qui a abandonné son petit frère en pensant que parce qu’il était un Serpentard, il ne subirait jamais la colère de leur mère. Il avait tort.

« Il y a plus. » Severus observe plus spécifiquement Granger. Elle ne croise pas son regard. « Presque un litre de sang. »

« Non. » Molly plaque sa main sur sa bouche. « Non, c’est pas possible. »

« Mais – mais ce sont des moldus ! » hurle Black en s’agitant contre ses liens loup-garou-esques. Lupin se contente de presser son front contre l’épaule de Black. Severus pense qu’il est peut-être en train de pleurer.

« Et c’était un enfant, putain ! » explose George Weasley. « Vous pensez que le fait que ce sont des moldus compte quand il a onze ans et que son oncle est un homme adulte ? »  

« Harry est fort, Harry est courageux, » marmonne Sirius. « Harry ne les laisserait jamais— »

« Les laisserait ? » Severus se sent outragé en entendant ça, lui aussi, mais c’est Ronald Weasley, avec tout le dégoût que Severus pourrait bien rassembler, qui parle. « Les laisserait ? »

« Il a combattu Voldemort ! » hurle Black. « Il a battu un dragon en plein vol, il est – il est— »

« Il a demandé à habiter avec toi quelques secondes après t’avoir rencontré, » marmonne Lupin contre l’épaule de Black. Quand il lève la tête, Severus voit sur ses trait le même genre d’anéantissement qu’il a ressentit en apprenant pour l’enfance de Regulus. C’est une chose de souffrir soi-même, mais c’en est une autre quand c’est quelqu’un que l’on aime qui souffre. « Tu te rappelles, Siri ? Tu as demandé, il venait juste de te rencontrer, il n’avait aucune idée de qui tu étais, et pourtant— » 

« Non ! » Black secoue la tête avec ferveur. « On aurait su. J’aurais su ! Quelqu’un aurait su, quelqu’un en aurait parlé ! » Black fusille à nouveau Granger du regard. « Harry en aurait parlé à quelqu’un ! Pourquoi tu ne l’as pas forcé à le faire ? »

Bizarrement, Granger ne regarde pas Black. Elle regarde derrière lui. Albus.

« Qu’est-ce que vous voulez que je dise ? » chuchote Granger.

Severus la sent. Cette rage aveuglante qui emplit chacun des adultes, y compris lui-même, tandis qu’ils se tournent pour fusiller du regard le vieil homme au bout de la table, qui soutient le regard de Granger avec des yeux pleins de regrets.

« Vous saviez, » lance platement Severus. Albus observe un instant Severus et Severus en profite pour envoyer ses mots à travers le vide de leurs esprits, comme seul un Legilimens doué peut le faire : Vous aviez promis que vous le garderiez en sécurité. Albus tressaille.

« Quoi ? » Lupin dévisage Albus avec étonnamment, avant que ses yeux ne passent à l’ambre liquide. Oh, merde. « Elle dit que vous saviez ? Est-ce que… est-ce que Harry vous en a parlé ? »

« Il a mentionné qu’il n’était pas heureux là-bas, » soupire lentement Albus en fermant ses yeux bleus. « Il a mentionné qu’il y avait peut-être un… manque d’amour. »

« Oui, eh bien, apparemment ce manque d’amour était suffisant pour sortir un litre de sang de son corps, » gronde Severus.

« Non ! Non, ça ne peut pas être vrai ! » Black est à nouveau libre, et c’est un problème parce que ça veut dire que Lupin est libre, Lupin et ses yeux brillants de loup-garou. Lupin attrape la table, laissant des creux en forme de doigts et se penche en avant pour gronder sur Albus.

« Vous saviez qu’ils lui faisaient du mal ? »

« Lupin, non ! » Severus s’est jeté au-dessus de la table avant de comprendre ce qu’il faisait et plaque Lupin contre le mur pour le tenir éloigné d’Albus.

« Enlève tes sales pattes de lui, Servilus ! » grogne Black derrière lui, mais heureusement, Bill Weasley a la force qui va avec son look de boxeur rock-star et a éloigné Black du dos de Severus.  

« Arrête ça, Sirius, calme-toi maintenant. »

Bill essaye de calmer Black avec une voix douce, ce qui n’a, selon Severus, jamais marché, vu qu’il continue de crier et de s’énerver comme le lunatique qu’il est. Severus se concentre sur Lupin et presse son bras sous sa gorge. « Comment est-ce que ça aiderait ton fameux louveteau ? Comment est-ce que ça pourrait le sauver ? »

« ASSEZ ! »

Étrangement, le rugissement ne vient pas d’Albus. Arthur Weasley se tient entre les enfants et les adultes qui se battent, son visage véritable réplique du tonnerre. Severus n’aurait jamais pensé qu’Arthur putain de Weasley pourrait être menaçant, mais il se dépêche de changer d’avis. Weasley est une Noble et Ancienne Maison après tout, même si une assez petite et appauvrie, et la bague d’héritier d’Arthur, une pierre bleue comme le ciel, brille d’une rage jaune. Ses enfants le dévisagent, les yeux écarquillés. Black et Lupin arrêtent tous les deux de grogner, et Bill observe son père avec une admiration non feinte. Severus se demande un instant, s’il trouve son Héritier, si ce dernier le regardera comme ça un jour.

« Ça suffit, » continue d’Arthur, sa voix soudainement plus calme. « Peu importe combien on veut le nier, peut importe combien on aurait aimé ne pas faillir, il est clair que c’est le cas. »

« C’est pas possible, » gémit Black en s’affalant contre Bill Weasley. « C’est pas possible. »

Lupin tremble contre le bras de Severus. Il imagine qu’il peut sentir le sang qui pulse à en lui, prêt à s’échapper. Severus essaye de ne pas reculer.

« Je crois mes enfants, » lance Arthur avec simplicité. « Je crois à ce que leur a dit Harry. Je crois Harry. Et vous ? »

Arthur Weasley est un homme courageux.

« Oui. » Lupin se détend sous la poigne de Severus, parle d’une voix étranglée. « Oui, je crois Harry. »

Severus le fixe. Il l’observe avec des yeux qui retournent lentement au brun. Ils sont remplis d’une horrible tristesse et, horriblement, cela lui rappelle cette nuit, il y a longtemps. 1982. Severus recule en évitant le regard de Lupin.

« C’est juste… » Black glisse le long du mur jusqu’à se laisser tomber au sol. « Je n’arrive juste pas à croire que je ne savais pas. »

Molly acquiesce, des larmes coulant sur son visage. Tout comme Lupin et Bill Weasley. Leurs visages sont l’image même de la culpabilité.

« On aurait dû savoir, » souffle Molly.

Je ne pouvais pas ne pas savoir, se dit Severus, avant de voir le visage de Granger. Elle le dévisage avec férocité et il ressent une vague de culpabilité.

« Vous saviez tous, » lance sèchement Granger, sa voix soudainement sévère. Les plus jeunes Weasley acquiescent sagement. « Vous ne l’avez juste pas vu. Vous ne le voyez jamais. »

En pensées, Severus voit les nombreux sursauts de Potter à chaque fois qu’il dépassait son établi, sa façon de fixer les portes et de faire face aux punitions avec provocation. Il sent son propre estomac se retourner. Il savait. Après tout, il faut en être un pour en reconnaître un autre. Et s’il ne savait pas avant, il a certainement su à l’instant où il est entré dans la maison de Pétunia. Severus revoit Lily dans son esprit, lorsqu’elle frottait de l’arnica sur un bleu, sur sa joue.

« Je te protègerai toujours, Sev. »

Mais qui a protégé Potter ?

Severus se gratte la gorge, observe la pièce. Les mots sévères de Granger ont atteint leur but fracassant sur Lupin, qui s’est laissé tombé au sol près de Black, laissant le cabot reposer sa tête sur son épaule. Molly pleure doucement et Arthur fixe ses mains. Severus ne regardera pas Albus.

« Rien de ça, malheureusement, ne nous dit où se trouve Potter en ce moment, » dit-il doucement. La culpabilité est glissante, réalise Severus. Comme une blessure infectée. Elle reviendra plus tard, le prendra à la gorge quand il essayera de dormir. Mais ça ne sert à rien pour l’instant. Ça ne leur sera pas utile, et Severus ne s’y vautrera pas. Pas comme le reste d’entre eux.

« Il dit qu’il est avec quelqu’un qui peut prendre soin de lui et le garder en sécurité, » chuchote Albus. « Est-ce que vous savez qui ça pourrait être, Miss Granger ? »

Granger secoue la tête, mais Severus plisse les yeux. Il y a quelque chose là, pas un mensonge, pas vraiment, mais quelque chose.

« Nous n’avons pas eu de ses nouvelles depuis des semaines, » hésite Granger. « A cause de… des protections. Et ensuite, on nous a dit de ne plus lui écrire. Et personne ne pouvait lui envoyer de lettres, donc je ne sais pas comment… à qui il pourrait faire confiance. »

Ses yeux glissèrent vers Black. Aha. Les soupçons de Granger. La lettre de Black.

« Je pense que c’est à ton tour de révéler les secrets de Potter, Black, » lance doucement Severus. « Miss Granger a raison, personne n’a réussi à atteindre Potter ni n’a eu de réponse à une lettre. Sauf toi. »

« Je ne sais pas de quoi tu parles, » répond automatiquement Black, mais Severus voit les yeux d’Albus étinceler dangereusement.

« Je parle de ton petit échange avec le garçon, de la course que tu lui as demandé de faire à Gringotts pour récupérer son héritage des Potter, pour que tu puisse avoir accès au… euh, au Grimoire des Potter, je crois ? » Severus prend plaisir à ça. Il sait qu’il ne devrait pas, mais c’est le cas. « Avec un elfe de maison, je crois. »

« Ferme ta putain de gueule, » gronde Black depuis le sol, mais Albus se relève lentement, fixant Black avec une sorte de rage que Severus n’a plus vu depuis qu’il a imploré la pitié d’Albus. Elle est glacée, comme se tenir au cœur d’une tempête de neige faite d’un feu bleu.  

« Sirius, est-ce que tu as envoyé ton filleul à Gringotts avec l’aide de ton elfe de maison ? »

Albus le demande doucement, mais Severus peut sentir la température de la pièce baisser de quelques degrés. Black lève les yeux vers Albus, le visage blanc. Il déglutit. Et acquiesce.

« Sirius ! » explose Lupin en repoussant son amant avant de se lever d’un bond. « Tu l’as exposé à un tel danger ? »

« Non, bien sûr que non, il n’était pas du tout en danger, » babille Black en jetant un regard désespéré à Lupin et en évitant les yeux bleus glacés d’Albus. « J’ai fait jurer à Kreattur qu’il ne lui ferait pas de mal et— »

« Kreattur ? Vous avez laissé ce monstre hideux et fanatique qui idéalise les Mangemorts près d’Harry Potter ? » explose Granger. Severus hausse les sourcils. Elle est la dernière personne qu’il aurait pensé voir s’opposer à un elfe de maison, vu qu’elle semble si horriblement obsédée à leur offrir un droit de vote.

« C’était un seul voyage ! » argumente Black, mais Lupin le regarde comme s’il n’était qu’un étranger, et Severus y trouve du plaisir là aussi.

« Est-ce que je dois comprendre qu’Harry a non seulement été à Gringotts, mais qu’il est en plus en possession du Grimoire des Potter ? » La voix d’Albus réussit à être à la fois aussi légère que l’air et acérée qu’un éclat de verre. « Qu’alors même que je t’ai dit de ne pas ignorer mes instructions à propos de la communication, parce que j’avais entendu des rapports disant que quelqu’un ressemblant à Harry Potter avait été repéré dans l’Allée de Traverse, tu ne m’as pas informé que ton filleul avait été là-bas et qu’il était en fait en possession de l’un des livres de sorts les plus convoités de toute l’histoire des sorciers ? »

« Oh bon sang, Sirius, » hoquète Lupin en pressant son visage entre ses mains.

« Je ne… Je ne voulais pas… » déglutit Black. Il a l’air aussi mal que la nuit où il avait failli recevoir le Baiser à Poudlard. Bien.

« Et Harry a répondu à cette lettre ? » demande Albus.

« Non », souffle Black.

Severus lève sa baguette.

« Accio la réponse d’Harry Potter à la question à propos du Grimoire, » lance Severus.

Elle vole en bas des escaliers et volète jusqu’à la table. Black n’essaye même pas de ralentir son vol. Albus la stoppe de sa main.

« Le sang du Griffon et de Sleipnir… » marmonne Albus, ses yeux parcourant les mots. Puis, il observe le petit groupe.

« Je pense que cette conversation se déroulerait mieux dans un cadre plus intime. » Albus regarde l’assemblée. « Molly, est-ce que vous pourriez être assez aimable pour faire remonter vos enfants, à l’exception— »

Albus lève une main tandis qu’une cacophonie de furie adolescente explose.

« —du plus jeune Monsieur Weasley et de Miss Granger. »

Granger acquiesce fermement, Ronald semble soulagé et de façon remarquable, tous les autres Weasley semblent calmés par ces mots. Molly fusille Black un instant (Severus songe avec bonheur à l’enfer qu’elle fera du Square Grimmauld pour Black après ça) puis observe son mari. Elle fait un doux geste de la tête.

« Bill peut rester, » chuchote-t-elle. « Il est dans l’Ordre. »

Arthur acquiesce et se lève, glissant un bras sur les épaules de sa fille. Il observe Black, puis Lupin, et enfin Severus. Il y a un avertissement dans ces yeux bruns habituellement doux. Tenez-vous correctement. Severus se sent bizarrement réprimandé. Arthur abat une main sur l’épaule de son fils aîné, puis quitte la pièce. Bill Weasley se place contre le mur près de Black, à l’opposé de Severus, à l’endroit approprié pour empêcher Black de s’enfuir et entre Black et Granger. Severus acquiesce, approbatif. Granger est peut-être une insupportable Miss je-sais-tout, mais elle ne mérite pas le ressentiment totalement inapproprié de Black.

Albus tend la lettre à Lupin, qui la lit rapidement. Puis Lupin la tend à Granger, peut-être dans un geste de réconciliation. Elle la lui arrache, la dévore, la rage se lisant sur ses sourcils.

« Tu étais le seul capable de lui parler, » lance froidement Granger, ses sombres yeux bruns fixés sur Black. « Et tout ce que tu as fait, c’est de le réprimander. »

Black sursaute, comme si ses mots étaient des mouches, et se met à se balancer en jurant. Bien évidemment, il joue au fou maintenant qu’il sait que son compte est bon.

« Est-ce que ç’aurait pu être un attrait pour les ennemis ? » demande doucement Lupin. « Le Grimoire ? »

« Possible, » répond Albus. « Avez-vous répondu à la réponse d’Harry ? »

« Non, » marmonne Black. « Il semblait énervé. Un commentaire si court, si… Sang-Pur. »  

Severus hausse les yeux. Comme si quiconque dans l’univers pouvait être plus de sang pur que le foutu Lord Black.

« Est-ce que vous avez à nouveau envoyé Kreattur ? »

« Non ! » Black lève les yeux. « Je ne suis pas fou ! »

Il y a un lourd silence, durant lequel Severus se retrouve à croiser le regard de Bill Weasley entre tous, les deux cachant un sombre rire derrière leurs bouches closes.

Black est certainement totalement fou s’il pense que c’est une justification valable.

« Où est l’elfe ? » demande doucement Severus. « Peut-être qu’il est la présence aidante dont Potter parle puisque tu les as poussés à interagir. »  

« Ce n’est pas vrai ! »

« Appelez-le, Sirius, » ordonne Albus.

Sirius déglutit difficilement.

« Kreattur ! »

Ils attendent. Rien ne se passe. Sirius jure dans sa barbe et recommence.

« Kreattur ! »

Toujours rien. Albus fronce les sourcils.

« Vous n’êtes plus son Maître. Intéressant. » Albus tapote ses doigts contre la table. « Sirius, est-il possible qu’un autre membre de la Maison des Black ait récupéré la propriété de Kreattur ? »

« Ils ne peuvent pas. Ils ne pourraient pas, à moins que… » Black pâlit.

« Il y a des choses qui ont disparu, » souffle Lupin. « La bibliothèque s’est vidée, les objets des Black, Sirius pensait que c’était peut-être Severus— »

« Parce que c’est le genre de chose qu’il pourrait faire ! » l’interrompt Black en fronçant les sourcils.

« En effet, mais c’est aussi le genre de choses qu’un autre membre de la famille Black pourrait faire, » gronde Severus. « Et si Kreattur s’est enfuit au profit d’un autre Black inconnu, ne penses-tu pas qu’un elfe qui a accès au Garçon-Qui-A-Survécu et au Grimoire des Potter pourrait être intéressant pour ce nouveau maître ? Et peut-être au Maître de ce Maître ? Genre, le Seigneur des Ténèbres ? »  

Black le dévisage pendant un instant puis, dans un mouvement si atrocement prévisible que Severus a envie d’en rire, Black se transforme en cet horrible chien et s’enfuit de la pièce, ses griffes grattant contre le carrelage de pierre.

« Je vais aller le chercher. » Lupin observe les autres en tremblant. Ses yeux tombent sur Granger. « Je vais… je vais tout arranger, Hermione. C’est promis. »

« Dites-le à Harry, » répond Ronald d’un ton bourru, son bras serré autour de la taille de Granger. Lupin acquiesce, tendu, puis sort. Severus a l’impression qu’il peut entendre ses épaules s’affaisser dès qu’il atteint les escaliers. Comment est-ce qu’on se sent, quand on sait qu’on a à ce point laissé tomber un enfant dont on aurait dû prendre soin ?

Severus devrait le savoir, réalise-t-il, puisqu’il l’a laissé tomber lui aussi.

« Harry est intelligent, » chuchote Granger en fixant son regard sur Dumbledore. « Il a survécu. Il ne serait pas parti avec quelqu’un dont il penserait qu’il est une menace, peu importe combien il était déjà blessé. Il a de bons instincts. Il faut lui faire confiance. »  

Severus essaye de ne pas ricaner. Si Potter a de bons instincts, alors il ne l’a jamais vu. Mais ensuite, le commentaire précédent de Granger revient le frapper en pleine poitrine. Vous ne l’avez jamais regardé.

« Merci, Miss Granger, » répond Albus en hochant la tête. « J’ai peur que ce soit tout ce qu’on puisse faire en ce moment. Mais… Si Harry tentait à nouveau de vous contacter, j’espère que vous nous ferez assez confiance pour nous le dire. »

Granger se raidit, mais acquiesce. Severus voit quelque chose de familier briller dans ses yeux. Elle n’a plus confiance en Albus. Une pensée intéressante traverse Severus. Peut-être que Potter n’a plus confiance en Albus. Ron la tire gentiment avec lui avant que Severus ne puisse examiner la pensée, et ensuite, il ne reste plus que lui, Bill Weasley et Albus. Les trois hommes s’observent en silence. Severus réalise que lui et Bill sont les deux moins impliqués émotionnellement, et que c’est pour ça qu’ils sont encore là. Albus, malgré toutes les accusations lancées contre lui, malgré toute la confiance brisée, a du travail pour eux.

Foutu Albus Dumbledore, toujours en train de faire des plans.

« J’ai parlé avec Arabella Figg, » dit doucement Albus. « Elle dit qu’il y avait un autre garçon à l’attaque des Détraqueurs. »

« Pas son cousin ? » demande Bill.

« Non. » Albus secoue la tête, s’arrête. « Il semblerait qu’Harry, en l’absence de ses compagnons, se soit fait un nouvel ami. Un garçon du coin, d’après Arabella. Quelqu’un du voisinage. Un… scout, apparemment. »

« Scout ? » Bill Weasley fronce les sourcils.

« Une organisation moldue, » acquiesce Severus. C’est une tâche, un fil à suivre pour le tirer loin de la culpabilité. Il a un héritier dont il ne peut prendre soin et Potter qui est peut-être en train de mourir quelque part, mais ça, il peut le faire. « Dans le message enregistré, Potter était dans une voiture moldue. Il est possible que son nouvel ami moldu l’ai emmené quelque part. Qu’est-ce que l’on sait de ce garçon ? »

« Il est plus grand qu’Harry, mais du même âge. Mieux bâti. Il a des cheveux bruns et est blanc. Arabella dit qu’il a un serpent. » Albus hausse les épaules. « Un vert. »

 « Bizarre. » Bill Weasley secoue la tête. « Est-ce que les moldus ont des serpents comme animaux de compagnie ? »

« Je connais un moldu dans ma ville natale qui avait une tarentule, » commente sèchement Severus. « C’est plus que possible. Surtout parmi les adolescents émotionnels. »

« Je peux aller dans le Surrey, » propose Bill. « Poser des questions. Les adolescents m’aiment bien. »

Severus renifle. Bien sûr qu’ils l’aiment bien. Il ressemble à un croisement entre David Bowie et un dompteur de dragons.  

« Merci, messieurs, j’apprécie votre professionnalisme, » soupire Albus en retirant ses lunettes et en frottant le haut de son nez. « Je vais retourner à Poudlard. S’il-vous-plait, prévenez-moi si Miss Granger reçoit un autre signe de la part d’Harry. »

Puis Dumbledore est parti, disparu dans la cheminée en laissant tout dévasté derrière lui. Comme il le fait toujours.

« J’irai dans le Surrey cet après-midi, » déclare Bill Weasley. « Je peux vous envoyer un hibou ? »

Severus acquiesce. Bill Weasley se dirige à l’étage pour rejoindre sa famille dans ce qui, sans doute, est une discussion désagréable avec Black et Lupin. Severus ne veut en aucun cas en faire partie. À la place, Severus fixe le feu vert mourant dans la cheminée et essaye de ne pas penser à la façon qu’avait Lily de lui ramener du gâteau de la cuisine des Evans quand sa mère ne pouvait pas faire tenir la nourriture assez longtemps. Il n’y pensera pas. Il observe la poudre verte. Ça lui rappelle quelque chose. Vert. Vert. Des cheveux sombres. Bien bâti. Puis ça le frappe, et il sent son cœur s’arrêter.

Oh putain de merde. Théodore Nott a un serpent arboricole.  

 

Notes:

Eeeeet c'est la fin ! Sacré morceau, hein ? :D J'espère que vous avez aimé ! On se retrouve jeudi pour le prochain chapitre ;)

Chapter 16: Dinosaures liquéfiés

Notes:

Ndt : Décidément, j'adore les titres de chapitres de cette fanfiction x'D

(See the end of the chapter for more notes.)

Chapter Text

« C’est une station-service. »

« Bordel mais c’est quoi, une station-service ? »

Harry ferme les yeux. Il a terriblement mal. Ils se sont arrêtés plusieurs fois dans les dernières heures pour que Théo puisse presser sa paume sur des parties variées du corps d’Harry, mais le pouvoir guérisseur de la bague des Nott semble avoir des ratés, allez savoir pourquoi. Harry pense que c’est parce que Théo est fatigué. Probablement parce qu’il n’a pas dormi, mais aussi et surtout parce que Kreattur n’a de cesse de le cogner et de le pincer.

« C’est là qu’on remplit la voiture, » soupire Harry avant de grimacer sous la vague de douleur que lui envoient son dos et son estomac. Sa voix croasse. Sa gorge est gonflée. Est-ce mieux ou pire que ce qu’il ressentait après le sort du Doloris ? Il ne saurait dire. S’il devait comparer, c’est probablement un peu comme cette fois, durant le huitième anniversaire de Dudley, quand Harry avait accidentellement fait voler le 29ème présent de Dudley, un nouveau modèle d’avion miniature à travers le salon. Vernon l’avait poussé en bas des escaliers. Dudley avait ri. Pétunia avait lancé du paracétamol et des attelles dans son placard et l’avait laissé là pendant trois jours.

« La charrette a besoin de combustible ? » demande Théo, les sourcils froncés. « Comme… du charbon ? Comme pour le Poudlard Express ? »

« Non, le carburant c’est du pétrole, c’est… comme du charbon qui aurait des milliers d’années, comme des os de dinosaures et ce genre de trucs, et c’est soumis à haute pression puis distillé et tout pendant des milliers d’années et ensuite ça brûle dans le moteur et ça produit… de l’énergie ? » Harry se plaque une main sur le front. Sa cicatrice le brûle, en plus de tout le reste, et bordel, il n’est pas mécano.

« Est-ce que c’est une question ? » Théo se retourne pour fixer Harry. « Est-ce que tu es en train de me demander si les charrettes moldues bougent vraiment à cause de dinosaures liquéfiés ? »  

« Putain, j’en sais rien ! » grogne Harry. Bon sang ce que sa gorge lui fait mal. « Ils n’ont pas exactement couvert ça durant l’école primaire. Écoute, ce qui est important, c’est qu’on doit remplir la voiture avec pour que la voiture continue d’avancer. »

« À la station-service ? »

« Oui. »

« D’accord alors, » acquiesce Théo. « En avant, s’il te plait, Kreattur. »

« Bien sûr que c’est ‘en avant’, Kreattur n’est pas stupide, » lui répond une voix venant de l’espace où sont ses pieds. « C’est l’Héritier Nott qui était stupide quand il n’a pas vu la charrette géante dans la ligne du milieu et qu’il n’a pas entendu la charrette géante lui hurler dessus. »

« C’est un klaxon, Kreattur, » marmonne Harry.

« C’est bruyant et désagréable et l’Héritier Nott est de toute évidence aussi sourd qu’un rat taupe-nu pour ne pas l’avoir entendu, » répond Kreattur d’un ton sec.

« Un rat-taupe nu, » renifle Harry. « Pas mal, celle-là, Kreattur. »

« Ne l’encourage pas, » soupire Théo avant de déplacer la voiture sur la voie de droite, allumant le clignotant (il a compris comment fonctionne les clignotants à présent) pour se diriger vers la sortie. Harry souffle doucement et se met en position assise afin de mieux guider Théo jusqu’à la pompe à essence. Par chance, ce dernier les y conduit de façon très fluide et Harry soupire, reconnaissant. Il est quatre heures du matin et l’endroit est désert, mais ça n’aidera définitivement pas leur folle échappée non-magique si Théo fait s’écraser la voiture.

Bien que ça ferait définitivement chier Vernon de retrouver sa BMW massacrée quelque part sur la M1.  

« Ok, » grimace Harry. Son dos, qui semblait aller mieux cinq heures auparavant, lui donne à présent l’impression d’être en feu. « Maintenant, il faut que tu sortes de la voiture, que tu ouvres le bouchon du réservoir de carburant, que tu mettes l’embout dans le réservoir, que tu appuies sur le levier, que tu remplisses le réservoir, et ensuite que tu ailles dans le petit magasin dans la station pour payer avec l’argent liquide de Vernon, sans faire quoi que ce soit de magique. D’accord ? »

Théo le dévisage un long moment. Kreattur fait apparaitre sa tête chauve de l’espace où sont les pédales.

« Est-ce que tout ça était constitué de véritables mots ? » demande platement Théo.

« Kreattur ne pense pas, » marmonne Kreattur. « Kreattur pense que l’Héritier Black a perdu le peu qu’il lui restait d’esprit. »

« Bien sûr. Les sorciers. » Harry se frotte le front, fusille Kreattur du regard. « Et les elfes de maison des sorciers. Totalement inutiles. »

« Kreattur n’a pas vu l’Héritier Black conduire le chariot moldu et sauver la vie de l’Héritier Black, » répond Kreattur en croisant ses petits bras noueux.

« Pas plus que l’Héritier Nott, » ajoute Théo avec légèreté, en tordant sa bouche pour montrer à Harry qu’il ne le pense pas vraiment.

« Oui, oui, vous êtes tous les deux merveilleux. » Harry lève les yeux au ciel, même si ça lui fait mal à la tête de le faire. « Bon. Il faut juste que je remplisse la voiture. »

« Tu peux à peine tenir debout. » Théo hausse les sourcils.

« Ça ira. » Harry grimace, prend la veste de Théo sur le siège passager et l’enfile avec précaution sur son torse nu.

« T’as l’air de quelqu’un qui est tombé de quinze mètres et qui a atterrit sur le visage. » Théo se tourne sur son siège pour fixer Harry dans les yeux. « Tu ne sortiras pas de cette voiture. »

« Si je ne remplis pas la voiture, je risque bien de ne plus jamais en sortir, » répond sèchement Harry. Sa tête commence vraiment à lui faire mal. Sahara siffle depuis là où elle s’est enroulée sur le siège en cuir, profitant de sa chaleur.

« Tu n’as plus qu’une ou deux heures, » siffle-t-elle.

« Je sais, pas la peine de me le répéter. »

« Tu t’affaiblis à chaque seconde. » Les yeux sombres et insondables de Sahara clignent. « Je peux sentir ta mort. »

« Eh, là tu es juste impolie. »

 « Et qu’est-ce qui se passe, si un moldu jette un seul regard à ton visage défoncé et en parle aux Aurors moldus ? » demande Théo.

« On a pas le temps, » chuchote Harry en appuyant son front brûlant contre le cuir du siège passager. « Je n’ai pas le temps. Allez viens. Tu peux me soutenir. »

« Très bien, » finit par dire Théo. « Mais si tu t’effondres ou si un moldu agit de manière louche, j’utilise ma baguette. »

« Et la Trace ? » lui rappelle Harry.

« J’emmerde la Trace, » répond Théo dans un froncement de sourcils. Harry ne peut s’empêcher de sourire. Théo a montré plus d’expressions au cours des cinq dernières heures que durant les trois semaines qui viennent de passer. Clairement, il y a quelque chose dans le fait de conduire à la moldue qui fait remonter ses émotions à la surface de son visage.

« Kreattur est d’accord avec l’Héritier Nott, » marmonne Kreattur, et Harry ricane.

« J’aurai parié que tu le serais. » Il ouvre la porte de la voiture et en sort. Le monde s’éloigne de lui un instant lorsque ses pieds touchent le béton, puis Théo est là, sa main ferme sur le coude de Harry, son odeur piquante (un peu de sueur, mais toujours pleine d’orages) dans les narines d’Harry.

« Merci. » Harry ravala sa nausée, ouvre le bouchon du réservoir et tend une main tremblante pour soulever la pompe. C’est lourd. Trop lourd pour Harry, qui a l’impression que ses bras sont en plomb. Harry manque de la laisser tomber, mais la main chaude de Théo se referme sur la sienne, et les deux la guident ensemble. Harry soupire tandis que le pétrole rempli le réservoir et se laisser une seconde aller en arrière pour s’appuyer contre la poitrine de Théo. Il grimace un peu à cause de la pression sur son dos abîmé, mais c’est trop bon et Harry est trop faible pour se dégager.

« Comment tu te sens ? Vraiment ? » demande doucement Théo contre l’oreille d’Harry. Avec le souffle de Théo sur son cou et son corps qui l’entoure, c’est encore plus confortable que les sièges chauffants.

« Comme de la merde, » murmure Harry. Comme si j’étais en train de mourir.

« Tu en as l’air. »

Harry renifle. Même quand la fin imminente d’Harry leur fonce dessus, Théo a toujours autant d’esprit.

« Enfoiré. »

Harry sent Théo sourire contre son épaule.

« Est-ce que ta cicatrice te fait mal ? »

« Ouais, » soupire Harry. Comme si la vie n’était pas assez dure avec un dos ouvert, une gorge gonflée et de possibles hémorragies internes, il y a les foutues émotions de Tom qu’il doit en plus gérer. Théo retire sa main du coude d’Harry pour venir la presser doucement sur son front. Harry se fige, dans l’attente de cette douleur brûlante qui accompagne normalement la magie de la bague d’Héritier, mais il n’en vient pas. Juste la fraîcheur de l’eau qui coule, qui calme son mal de crâne. Harry hoquète presque de soulagement.

« Oh mon dieu. » Harry laisse sa tête retomber contre l’épaule de Théo, appréciant pour un moment à quel point c’est génial que Théo soit plus grand que lui. « C’est incroyable. »

« Tant mieux, » murmure Théo en effleurant la frange de Harry. Harry soupire. Il n’a jamais fait ça avec Cédric. Il devait être fort, l’année dernière, tout le temps fort, même avec Cédric, surtout avec Cédric, qui était plus vieux et plus intelligent et plus malin sur tous les plans. Ce n’est pas comme ça avec Théo. Harry part en morceaux, est en train de mourir, putain, et Théo est juste là. Pas que Théo et Cédric soient pareils. Ils ne se ressemblent pas. Harry dévie ses pensées de cette piste de réflexion.

« C’est plein, » lance Théo en observant les nombres sur le petit écran. Harry sourit. C’est une des choses qu’Harry aime tant à propos de Théo – il apprend vite. Même avec les choses moldues.

« Allons payer. » Harry sort quelques billets froissés du portemonnaie de Vernon. Théo le dévisage.

« C’est quoi ? »

« De l’argent. »

« C’est du papier. »

« Oui. »

« Les moldus pensent que le papier a de la valeur ? » Théo touche les billets du doigt, curieux.

« Non, les moldus utilisent le papier comme une monnaie alternative, étant donné qu’il n’y a clairement pas assez d’or dans le monde pour des milliards de moldus, » répond Harry en levant les yeux au ciel. « Est-ce qu’on peut juste aller payer ? »

Mais il a sous-estimé la soif de Théo pour le savoir, n’importe quel type de savoir, et ce dernier fixe le papier avec le même genre de regard affamé qu’il avait lorsqu’il lisait la recette de la potion d’apparence.  

« Incroyable, c’est un symbole de crédit, un système entier construit sur une hypothèse d’or qui n’est jamais là, » marmonne Théo en frottant le visage de la Reine Elizabeth avec admiration. « Pourquoi est-ce qu’ils ne nous apprennent pas ça dans le cours d’Etudes aux Moldus ? »

« Attends, tu suis le cours d’Etude aux Moldus ? »

« Bien sûr que non. » Théo a l’air offensé. « Je me contente de lire tous les livres de cours. »

« Évidemment, bordel. » Harry tire sur le billet pour le récupérer et attrape Théo par le coude. « Maintenant, est-ce que tu peux arrêter d’être un tel Serdaigle deux secondes pour qu’on puisse se concentrer à nouveau sur le fait d’éviter ma mort ? »

« Ah, oui. » Le visage de Théo se lisse, et Harry ressent une étrange sensation de nostalgie. Il adore cet air d’excitation intense, presque fanatique qu’a Théo à propos de l’apprentissage. Ça lui rappelle Hermione. « Allons-y. »

« Laisse-moi parler, d’accord ? » marmonne Harry tandis qu’ils se dirigent vers la station, mais avant même qu’ils puissent y entrer, Théo s’arrête net, les yeux fixés sur les portes automatiques.

« Est-ce un sortilège ? » Théo les observe avec prudence. Putain mais y a quoi dans ces livres de cours d’Etude aux Moldus ?

« Oui, un sort moldu appelé motiono detectiono, » réplique sèchement Harry. « Allez ! »

Ensemble, ils remontent l’allée vide des bonbons et sucreries jusqu’au comptoir. Même s’il ne pourrait pas avaler le moindre truc, Harry attrape quelques douceurs pour Théo et Kreattur. Ils font tout le travail, après tout. Tout ce qu’a fait Harry, c’est dormir et essayer de ne pas mourir. Il y a une jeune fille avec un piercing à la lèvre, qui porte un uniforme jaune horrible et qui les fixe de derrière la caisse.

« Numéro quatre, s’il vous plait. » Harry observe les étagères derrière elle et a soudain une idée. « Et de l’aspirine, s’il vous plait. »

« ‘Marche. » Les yeux de la fille passèrent de Harry à Théo, puis revinrent sur le visage d’Harry. « Je vous ai vu dehors. Vous… vous êtes… ? »

« Non. » Harry sursaute, la panique l’envahissant tandis qu’il essaye de s’écarter de Théo, mais Théo agrippe son bras.

« Oui. »

« Théo ! » siffle Harry en le dévisageant. Théo hausse les épaules. Avant qu’Harry n’ait le temps de lui demander à quoi il peut bien penser, bordel, la fille derrière le comptoir leur sourit.

« Je m’disais bien, » chuchote-t-elle. « Ne vous inquiétez pas. J’comprends. Mon cousin, il est… comme ça. Est-ce que quelqu’un vous a vu ensemble ? C’est pour ça que… ? »

Elle fait un geste en direction du visage ensanglanté d’Harry.  

« Pourquoi quoi ? » demande Théo, confus. Harry serre les dents. Faites confiance à Théo pour annoncer un truc pareil à un moldu sans réaliser les putains de conséquences que ça amène.

« Oui, » répond Harry en esquissant un sourire sardonique. Il déteste ça, mais il pourrait l’utiliser à leur avantage. Après tout, beaucoup de gens très différents seront bientôt à sa recherche. « Ils nous cherchent, donc s’il vous plait, n’en parlez à personne, d’accord ? Si – si quiconque vient poser des questions… »

« Votre secret sera bien gardé avec moi, » répond la fille avec un clin d’œil en lui rendant sa monnaie. « Vive l’amour et tout ça. »

« Ouais, » Harry sourit faiblement. « Merci. »

Il met sa main sur le bras de Théo et enfonce la monnaie dans sa main.

« Allez viens, » grogne Harry.

« Donc on a payé avec du papier mais on récupère de l’or et de l’argent en échange ? » marmonne Théo en fixant la monnaie dans sa paume tandis qu’il aide Harry à boiter jusqu’à la voiture. « Fascinant. »

Donc ce n’est pas juste moi que le Choixpeau a laissé filer.

Une fois à l’intérieur de la voiture, Harry se laissant aller sur la banquette arrière et Théo refermant la portière du conducteur derrière lui, Harry se tourne vers Théo.

« Bordel mais c’était quoi ça, Théo ? » Harry lance les sucreries à Kreattur et s’acharne sur le paquet d’aspirines avec ses mains tremblantes. « Pourquoi est-ce que tu lui as dit… ça ? »

« Parce que j’ai pensé que ça semblerait plus étrange si on ne l’était pas, » répond Théo en haussant les épaules. « Vu qu’elle nous avait déjà vu… »

Nous soutenir l’un et l’autre. Rire ensemble. Comme un couple.

Harry repousse cette pensée. Il ne fait plus ça. Pas après Cédric.

« Est-ce que tu as oublié que les garçons ne sont pas supposés faire ça dans le monde moldu ? » répond sèchement Harry en extrayant les comprimés de leur enveloppe d’aluminium.

« Que sont ces petits enfants de sucre ? » croasse Kreattur en montrant un bébé en gelée (1) entre son index et son pouce.

« Des bébés en gelée, » répond Harry. « Ce sont des bonbons. Comme ceux de Honeydukes. »

« Les moldus mangent leurs enfants en gelée ? » Les yeux de Kreattur s’illuminent sous l’excitation. « Les sorciers ne font plus ça depuis des centaines d’années. »

« Ce ne sont pas de vrais bébés Kreattur, et ne leur arrache pas la tête ! »

« Donc ils ne crieront pas, » répond Kreattur, les lèvres saupoudrées de sucre tandis qu’il continue à décapiter les bébés en gelée avant de les laisser retomber dans le paquet.

« T’es tordu. » Harry lève les yeux au ciel. « Les rouges sont les meilleurs. »

« Les plus sanglants, » acquiesce Kreattur.

« Ce ne sont pas de vrais bébés ! »

« Est-ce que c’est ce pourquoi elle a pensé que tu avais été battu ? » Théo attache sa ceinture (il a compris cette partie là aussi) et se tourne pour regarder la boite dans les mains d’Harry. « C’est quoi ces trucs ? »  

« Des antidouleurs moldus. » Harry en laisse tomber sur sa langue sèche, grimace sous le goût amer et déglutit. Théo lui arrache le paquet des mains et en observe le dos. « Et oui, c’est pour ça que j’ai rétropédalé si vite après ce que tu as dit. »

« Donc les moldus tabassent les hommes qui sont avec d’autres hommes ? » Théo hausse un sourcil avant de lire la notice qu’il a sorti du paquet. « Harry, il y a de l’acide salicylique là-dedans ! »

« Non, Théo, les moldus tuent les hommes qui sont avec d’autres hommes, » répond sèchement Harry. « Donc ce n’est pas le genre de trucs que tu annonces aux étrangers comme ça, bordel ! »

« Donc les moldus sont des racistes fanatiques, qui en a quelque chose à faire ? De l’acide salicylique, Harry ! »

« Je ne sais pas ce que ça veut dire. » Harry regarde Théo puis secoue la tête. « Et comme si les moldus avaient le monopole du racisme fanatique. »

« Eh bien, nous n’arrêtons ni ne tuons pas les personnes à cause de qui ils aiment, » réplique sèchement Théo. « L’acide salicylique est ce qu’il y a dans l’écorce de saule, Harry. L’écorce de saule ! Pourquoi est-ce que tu as pris ça ? »

« Parce que je suis en train de mourir et que ça fait mal, putain ! » hurle Harry. « Et tu es en train de me dire que la suprématie du sang n’est pas du racisme fanatique ? »

« Eh bien maintenant, tu meurs plus vite ! » hurle à son tour Théo, ce qui est extraordinaire parce que d’habitude, Harry hurle et Théo le dévisage. À présent, c’est Harry qui le dévisage. « Parce que le salix, l’ingrédient dans l’écorce de saule, est un anti-coagulant. »

« Qu’est-ce que ça veut dire au juste ? »

Théo cogne sa tête contre le volant.

« Théo ? »  

« Ça veut dire que tu as pris une potion qui va faire circuler ton sang plus vite. Tu as une hémorragie interne, Harry. Tu vas saigner plus vite. Nous avons encore une heure avant d’être au bord de la forêt pour pouvoir transplaner. Tu pourrais… On pourrait ne pas y arriver à temps. »

La voix de Théo est épuisée. Harry sent une vague de froid l’envahir. Il fixe le paquet de comprimés que Théo a laissé retomber sur le siège passager. Non. Il ne peut pas mourir comme ça. Pas à cause d’une putain d’aspirine. Il ne peut pas. Pour la simple et bonne raison qu’Hermione se lancera sans aucun doute dans un rituel de nécromancie pour le ramener d’entre les morts juste pour le tuer à nouveau. Le Garçon-Qui-A-Survécu, tué par un médicament moldu. Ça c’est un sacré titre pour un article. Harry ne donnera pas cette satisfaction là à Rita Skeeter. Il déglutit avec difficulté.

« Alors… j’imagine qu’on va devoir conduire plus vite. » Harry se recouche sur la banquette arrière. « Et Sahara et moi allons trouver quelque chose pour me maintenir en vie jusque-là. »

« Trouver quelque chose ? » Théo lève la tête du volant pour lui sourire doucement. « Est-ce que c’est cette attitude qui t’a permis de survivre à la première tâche ? »

« Globalement, » rit Harry. Il est peut-être en train de mourir mais au moins, Théo est toujours drôle. « Kreattur, arrête d’assassiner des bébés en gelée et retourne vers les pédales. »

« Seulement si l’Héritier Nott me nourrit avec les jeunes en gelée. »

« Très bien, » répond Théo d’une voix fatiguée. Kreattur sourit, ses longues dents parsemées de corps en gélatine décimés, et retourne dans l’espace pour les pieds.

« Tu devrais manger quelque chose aussi, » lance doucement Harry. Il tend la main, casse un morceau d’une barre de chocolat au lait et l’agite sous le nez de Théo. Théo le dévisage comme s’il était incroyablement agaçant mais finit par ouvrir la bouche à contrecœur. Harry y dépose le chocolat, son doigt frôlant la lèvre supérieure de Théo au passage. Théo mâche par réflexe. Déglutit.

 « Alors ? » sourit Harry.

« Pas mal, » concède Théo. « Meilleur que ce pain italien aux fruits, en tout cas. »

Harry a quelques miettes de chocolat sur son pouce. Il le tend à Sahara, qui le lèche paresseusement. Même avec son dos qui le brûle et sa tête qui lui fait atrocement mal, c’est agréable. Ils pourraient être à nouveau dans la cabane des scouts, plutôt qu’à une station-service merdique dans le nord de l’Angleterre, avec Théo qui hausserait les sourcils devant une quelconque nouveauté moldue qu’Harry lui a ramené, à marmonner : « Et c’est quoi, ça ? ». Ce sont de bons souvenirs. Si Harry doit mourir dans les deux prochaines heures, il est heureux de les avoir vécus.

« On a une heure de route, » dit Théo. « Tâche de rester en vie jusque-là, d’accord ? »

« J’essayerai. » Harry soulève Sahara et la dépose sur son torse, où elle s’éveille en sifflant doucement. « Si tu admets que les puristes du sang sont des racistes fanatiques. »

« J’admets que certains en sont. » Théo démarre la voiture, Kreattur marmonnant tandis qu’il appuie sur l’accélérateur. Théo plonge sa main dans le paquet de sucreries, jetant un bébé en gelée sans tête entre ses genoux. « Si tu admets que les moldus sont arriérés dans leur conception des relations humaines. »

« Je l’admets, » répond Harry en caressant les écailles de Sahara. « Si tu me jures de ne plus jamais me faire sortir du placard en public comme tu l’as fait là. »

« Te faire sortir du placard ? » Théo renifle. « Les sorciers ne peuvent pas sortir du placard. »

« Les moldus oui. Les nés-moldus aussi, tout comme les sorciers élevés par des moldus. »

« Et alors ? »

Harry déglutit, crispe les paupières. Il sait qu’il ira bien, il sait qu’être gay dans le monde sorcier n’est même pas important, et que si Cédric n’avait pas été qui il était et qu’Harry n’était pas qui il est, alors leur relation n’aurait même pas existé, mais ça n’a pas d’importance. Il sent la vague de panique, la honte à cause des ricanements et des moqueries de Dudley et la douleur des poings de Vernon qui frappent toujours plus fort sur le mot ‘pédale’.

« Alors jure-le. »  

Il y a un long moment de silence. Puis Théo parle de la voix la plus douce qu’il ait jamais utilisée depuis qu’Harry s’est réveillé.

« Harry, je te jure que je ne te ferai plus sortir du placard. » Harry a l’impression de pouvoir respirer à nouveau. « Et j’admets que les sangs-purs peuvent être des racistes. »

« J’admets que les moldus peuvent être des cons homophobes, » répond Harry.

Théo renifle un rire.

« Plus de jeunes en gelée ! » aboie Kreattur depuis l’espace des pédales. Théo lève les yeux au ciel et laisse tomber un autre bébé en gelée sur la tête de Kreattur.

Harry essaye de se détendre tandis que la voiture accélère et que le son de l’autoroute fait vibrer les vitres. Une heure. Harry doit survivre une heure. Eh bien, c’est plus de temps que je n’en ai eu dans le cimetière.

« Je dois rester en vie, Sahara », siffle Harry. « Est-ce que tu peux m’aider ? »

« Je peux te nourrir de magie, » Sahara s’enroule gentiment autour du cou d’Harry.

« Tu as fait ça toute la nuit. »

« J’en ai d’avantage, » la voix sèche de Sahara résonne dans l’oreille d’Harry. « Mais ça va te faire entrer en hibernation. »

« Ça n’a pas l’air si terrible. »

« Ça ne l’est pas, » Sahara s’enroule un peu plus, « Mais tu seras froid pendant un moment. Tu ne parleras pas, excepté à moi. »

Harry pondère la chose. Ça pourrait mettre Théo en colère, mais il se dit que Théo serait encore plus en colère s’il mourrait. Et il ne veut pas que Théot se fâche. Une voix qui ressemble de façon suspecte à celle d’Hermione surgit dans sa tête.

Tu ne veux pas qu’il se fâche plus que tu ne veux pas mourir ?

Harry lève presque les yeux au ciel, avant de réaliser qu’il le ferait en réponse à une voix imaginaire. Il doit vraiment être en train de perdre les pédales s’il fait ça. Et peu importe ce que dit l’Hermione imaginaire, ou à quel point il est fatigué et endolori, il sait qu’il risquerait beaucoup pour que Théo soit heureux.

« Théo ? »

« Ouais ? »

« Sahara veut essayer quelque chose qui pourrait me donner un peu plus de temps, » dit-il en déglutissant. « Ça me ferait dormir, hiberner d’après elle. Je ne serais pas capable de parler. Je pense que c’est une bonne idée. » 

D’habitude, Harry prend ce genre de décision seul. D’habitude, il n’y a que lui et son sang et ses tripes et son instinct de survie impénétrable, qui prend les décisions pour rester en vie. Mais Théo est là. Théo le conduit à sa maison secrète. Théo essaye lui aussi de le maintenir en vie. Théo a le droit d’avoir une opinion.

« Et toi ? »

« Non. » Harry garde les yeux fermés. Il entend Théo déglutir. « Mais je pense que nous devrions le faire quand même. »

Le cœur d’Harry a un raté quand il entend Théo utiliser le mot ‘nous’. Dans le passé, Hermione et Ron étaient son ‘nous’. Lui et Cédric n’ont jamais eu l’occasion d’être un ‘nous’.

Théo et Cédric sont différents. Ça n’est pas pareil. Pas du tout.

« Cool. » Harry ravale toute pensée à propos de Cédric. « Garde les sièges chauffants allumés. »

Il s’installe aussi confortablement que possible sachant qu’il s’allonge sur un dos qui lui donne l’impression d’être plein de bris de verre, et soupire.

« Allons-y, Sahara. »

« Je vais devoir te mordre. »

Harry se redresse pour la dévisager.

« Tu n’avais pas mentionné ça. » 

« Je ne t’injecterai pas de venin, seulement de la magie. »

« Ma magie ? Celle que je t’ai donnée ? »

« Non, plus profonde que ça. » Les anneaux de Sahara autour de son cou se resserrent comme une corde. « De là où toutes les âmes des créatures sont faites, avec la magie de la vie et de la mort, où tous les animaux respirent et dorment et d’où ils tirent leur vie. Je peux l’en extraire parce que j’ai ta magie. »

« Ça n’a pas de sens. » 

« Tu n’as pas de sens, Cœur Vert. Pas encore. » Les narines de Sahara appuient contre la peau du cou d’Harry, toujours meurtri par les doigts de Dudley. « Mais tu en auras, un jour. »

Puis, aussi acérés que des aiguilles, les crocs de Sahara s’enfoncent dans sa chair. Un souffle soudain d’obscurité infinie envahit ses veines. Harry hoquète tandis que le monde tourne au noir et que toutes ses sensations lui échappent.

« Harry ! » entend-il Théo crier. « Kreattur, est-ce qu’il va bien ? »

« Le Maître est immobile, le Maître… » Kreattur prend une inspiration étranglée. « Le familier du Maître l’a mordu ! »

« Quoi ? Sahara l’a mordu ? Harry ! Harry ! »

« Dis-leur de ne pas s’inquiéter, » chuchote Harry dans les ténèbres. Sa bouche ne bouge pas, ou si elle le fait, il ne la sent pas. Il parle dans les ténèbres et sait que l’esprit de Sahara est là. Il l’entend siffler.

« On doit continuer, » dit Kreattur. « Héritier Nott ! On doit continuer. Le Maître sait ce qu’il fait. Parfois. »

Harry sent flotter un sentiment de satisfaction à entendre Kreattur admettre que parfois¸ Harry sait ce qu’il fait. Dans ce cas, cela dit, Harry n’est pas sûr de le savoir. Il ne voit rien à part des ténèbres, ne sent rien à l’exception d’un froid paralysant. C’est comme être endormi mais totalement conscient, et Harry se rappelle soudain cette affreuse sensation d’être attaché dans le cimetière. Il essaye de se débattre, mais il ne peut pas. Il se dit qu’il préfèrerait mourir que d’être coincé dans des ténèbres infinies.

« Ne panique pas, » murmure Sahara. Bizarrement, dans cet endroit, sa voix semble moins siffler et plus parler.

« Je suis coincé. Je dois sortir. »

« Tu n’es pas coincé. Tu es en train de te reposer. Calme-toi. Écoute. »

« Je les entends parler à propos de moi, s’inquiéter pour moi– » 

« N’écoute pas les humains. Écoute la magie. Il est temps d’apprendre, Cœur Vert. »

« Qu’est-ce que ça veut dire ? »

Sahara ne répond pas. C’est calme à l’intérieur des ténèbres. Tout ce qu’Harry entend, c’est le battement de son propre cœur, rapide et paniqué. Puis il entend quelque chose d’autre. Un fredonnement peut-être, ou même un chant. Différents fils de musique, une chanson rouge rubis, un roulement de tambour noir, un glissement de cordes vertes et puis un silence, riche et profond et qui anticipe tellement le son à venir qu’il en devient une mélodie en lui-même. Et en-dessous, il y a autre chose. Un bourdonnement un peu irritant, la couleur vert citron de l’Avada Kedavra. Puis, encore en dessous, bien plus profonde et plus pure, il y a une lumière qui résonne, dorée, comme le son d’un rayon de soleil.

« Qu’est-ce que c’est ? » s’émerveille Harry.

« Qu’est-ce que tu penses que c’est ? » lui demande Sahara.

Harry écoute. Il ne sait pas. Et pourtant le fait de ne pas savoir ne semble pas l’inquiéter. Il se laisse flotter dans les couleurs de cette chanson sombre tandis que la paralysie rapproche peu à peu les murs de sa conscience. Le temps passe et ne passe pas. La musique le mange, le transforme en chant. Les minutes passent ou peut-être les années et Harry perd tout souvenir de Voldemort ou de Dumbledore jusqu’à ce qu’ils ne soient plus qu’un roulement de tambour dans un fredonnement chuchoté. Puis, quelque part entre une seconde et une éternité, Harry entend une autre voix parler. Une voix douce qui traverse les chansons mais qui est si délicieuse à entendre. Il se rappelle ce son, qui provient d’une autre vie remplie de musique froide. Il est parfait. C’est Théo. Théo chuchote dans son oreille.

« L’adresse de la maison de ma mère est le Cottage de Fabiola, dans la Forêt de Kielder. »

Puis Harry entend une nouvelle chanson, faite de détermination qui a l’odeur du café trop infusé et sent une petite main d’elfe dans la sienne. Puis les musiques disparaissent totalement, tout comme le monde.

 

Notes:

(1) Cela n'existe pas vraiment chez nous, c'est une sucrerie anglaise qui s'appelle les "Jelly babies". Attendez-vous à découvrir pas mal de sucreries anglaises dans les prochains temps, je vous préviens xD

Ndt : Est-ce qu'on peut applaudir Harry et ses idées DEBILES, telles que 'Oh, je fais une hémorragie interne, et si j'avalais un truc qui fluidifie mon sang ?". Vraiment le facepalm est conséquent, là.
Bref, j'espère que vous avez aimé, revenez lundi pour d'autres suprêmes idioties ! xD

Chapter 17: Crin de licorne

Notes:

Ndt : Hey hey ! :3 On retrouve nos deux catastrophes (et demie), Harry va-t-il à nouveau s'enfiler de l'aspirine ? Vous le saurez en lisant /o/

(See the end of the chapter for more notes.)

Chapter Text

Théodore Nott est un guérisseur, pas un combattant. Les anneaux des Nott ont peut-être des pouvoirs de guérison, mais ce n’est que pour se défendre.

Uniquement pour qu’on puisse guérir plus rapidement au cœur de la bataille, Théodore.

Ils sont guerriers, comme le lui a toujours dit Apollonius. Théo s’en fiche d’être un guerrier. Mère, qui est morte, était une guérisseuse. Elle venait d’une lignée d’anciens guérisseurs qui remontent jusqu’à Fabiola, que les moldus voient comment une espèce de sainte. Quand Théo utilise la bague des Nott pour guérir Harry, c’est à sa mère qu’il pense.

« Harry ? Harry ? »

Mais ça ne marche pas cette fois. Ni les multiples potions de régénération sanguine et coagulantes qu’il lui donné de force.

« Qu’est-ce qui ne va pas avec le Maître ? » grimace Kreattur tandis que Théo relève difficilement Harry pour verser une autre potion dans sa gorge. Harry ressemble à un poids mort depuis que Sahara l’a mordu. L’a mordu, putain. Théo n’a pas encore eu le temps de réfléchir à ça correctement parce qu’il a dû apprendre à conduire une fichue voiture (plus compliqué et excitant que ce qu’il aurait pensé) puis fouiller dans la réserve de potion dans le cottage de Mère pour trouver quelque chose, n’importe quoi qui puisse ramener le pouls d’Harry à quelque chose ressemblant à celui d’un être humain vivant.

Parce que si ce foutu Harry Potter meurt dans la maison de Théo, alors Théo aura encore plus de problèmes à gérer.

« Le Maitre est un fou, voilà ce qui ne va pas, » marmonne Théo en arrachant sa veste du dos d’Harry. Conduire sur toute l’heure passée et voir Harry, allongé à l’arrière comme un foutu cadavre avec un serpent menaçant sur le torse n’a pas été très bon pour sa tension artérielle. Ou son contrôle de lui-même. Hibernation, avait dit Harry. Foutu Harry Potter, roi des sous-entendus. Le mec surnomme le plus sombre Seigneur des Ténèbres depuis Mordred le petit Tommy quand il pense que Théo ne l’écoute pas. Il n’est qu’un petit con sans cervelle et il n’a absolument pas le droit de mourir. « Le Maître a laissé un foutu serpent arboricole le mordre— »

Sahara siffle sur Théo de là où elle est allongée, à côté d’Harry, froide et enroulée, scintillante de magie. Théo ne peut pas penser à ça pour l’instant. Il la fusille du regard.

« Oui, je parle de toi, traîtresse, on avait un foutu marché ! Aucun de nous deux ne devait le tuer, tu te rappelles ? »

Il secoue la tête. C’était un marché à sens unique, fait avant que Sahara ne morde dans le portauloin, avant qu’ils ne se rendent dans le Surrey pour la première fois. Quand Harry était encore juste Potter, une distraction intéressante dans un été rempli de douleur.

« Tu es un mauvais serpent, » reprend Théo en continuant de l’assassiner du regard. « Si tu penses que je vais me démener pour te trouver de jolies tarentules à grignoter après ça, tu te fourres la queue dans l’œil. »

Sahara siffle avec ce qui semble être de l’indignation. Théo hausse les yeux au ciel dans sa meilleure imitation d’Harry, qui semble penser que le fait de hausser les yeux est l’épitome des gestes pour afficher son déplaisir. Théo sait que Sahara n’avait pas l’intention de plonger Harry dans ce qui semble être, à toute fin utile, une sorte de putain de coma, mais il ne peut retenir son agacement. Il est agacé. Il a passé la plus grande partie des dix dernières heures à maintenir Harry en vie. S’il meurt, Théo sera agacé.  

Il assassinera également l’abject oncle d’Harry. Et son cousin. Et cet atroce gamin maigrichon qui, Théo le sait, a eu l’idée du fouet en fil de barbelé. Il traquera également Sirius Black pour lui lancer un Impero, le faire marcher jusqu’au Ministère de la Magie et le faire jeter à nouveau à Azkaban pour sa putain d’inutilité à priori illimitée. Il brûlera tous les livres de Dumbledore, se fera servir la tête de Lucius Malfoy sur un plateau, Théo déchaînera peut-être même sa rage sur le Seigneur des Ténèbres puisque si quiconque est susceptible d’envoyer des Détraqueurs dans le Surrey, ça doit être lui. Beaucoup de personnes mourront si Harry Potter meurt, et Théo ne considèrera pas ça comme une vengeance juste. Il ne considérera sa revanche accomplie que lorsque le monde aura brûlé.

Voilà pourquoi Harry Potter ne mourra pas aujourd’hui.

« Ouvre-lui la bouche, Kreattur. »

Le petit elfe s’exécute, avec une obéissance qui surprend Théo jusqu’à ce qu’il se souvienne qu’Harry peut lier les âmes sans même y penser. Bien sûr que Kreattur lui obéit. Théo repousse cette pensée, la stocke près de toutes les autres choses auxquelles il n’a pas encore eu le temps de réfléchir, et se concentre sur la surveillance des signes de vie d’Harry. Il lui a donné une potion qui est habituellement réservée aux gens qui sont aux portes de la mort, et qui souffrent de défaillance de plusieurs organes. Théo veut être un guérisseur mais il n’en est pas un, pas encore, et il ne sait pas si Harry souffre de défaillance de plusieurs organes. Il ne sait pas, parce qu’il n’est pas un Fourchelangue.

Harry Potter va peut-être mourir parce que je ne suis pas un Fourchelangue.

Tandis que Théo scrute les cils noirs d’Harry à la recherche du moindre tressaillement, il prend la résolution que même si ça n’a jamais été fait, même si tous les livres qu’il a déjà lu lui ont dit que c’était impossible, il apprendra à comprendre le Fourchelangue.

« Tu vas m’apprendre à te comprendre, » lance Théo en fusillant Sahara du regard. Elle agite la langue et cligne sombrement des yeux. « Je m’en fiche si tu penses que c’est au-delà de tes capacités, ou que c’est un langage sacré que seuls les rejetons de Serpentard devraient connaître, je n’en ai rien à foutre parce que ça n’arrivera plus jamais. Tu vas m’apprendre, c’est compris ? »

« Kreattur comprend que l’Héritier Nott perd l’esprit s’il pense que le vilain familier du Maître peut le comprendre, » marmonne Kreattur en berçant la tête de Harry. Juste comme il le faisait quand Théo est arrivé à Privet Drive la veille. Il s’était introduit dans la maison stérile, avait sentit le sang dès le bas des escaliers. Dans l’obscurité de la chambre d’Harry, il avait trouvé deux orbes de lumière jaunes, les yeux de Kreattur, écarquillés et pleins de désespoir, tandis qu’il tenait entre ses petites mains son Maître en train de se vider de son sang. La peau d’Harry, si pâle et exsangue. Le sang d’Harry, noir dans la pénombre et tout autour de lui. Partout.

Non. Je ne dois pas penser à ça maintenant.  

« Ce n’est pas son familier, » répond Théo avec détermination. « C’est notre animal de compagnie. On a une garde partagée. »

Kreattur lui lance un regard plein de pitié. « L’Héritier Nott n’est pas seulement un mauvais conducteur, c’est un idiot. »

« Tu es impoli. » Théo refuse de parler à l’elfe comme le fait Harry, basculer dans le langage des elfes est totalement indigne de lui.

« Le Maître n’a pas fait promettre à Kreattur d’être gentil avec l’Héritier Nott. » Kreattur sourit d’une manière qui rappelle à Théo tous les morceaux d’Histoire des elfes qu’il a lus à propos des soulèvements des elfes préhistoriques. Les anciens elfes aiguisaient leurs dents pour abattre de plus grosses proies. « Seulement de le protéger. »

« Kreattur, ne menace pas Théo, » marmonne Harry. 

« Maître ! »

« Harry ? » Théo plaque ses mains de chaque côté de ce visage fin, se réjouissant de chaque tressaillement des muscles sous la peau. « Tu es avec nous ? »

Les yeux d’Harry bougent lentement sous ses paupières, ses longs cils papillonnent doucement. Pourquoi est-ce que ses cils sont si longs ? Théo ravale son envie de les caresser. Harry acquiesce à contrecœur.

« On a réussi ? » Sa voix est toujours ce râle affreux, sa gorge est toujours assombrie par des empreintes de doigts. Dudley Dursley doit mourir.

« On l’a fait. » Théo déglutit, repousse la frange d’Harry de son front avec ses doigts tremblants. La cicatrice d’Harry est rouge et enflammée sur sa peau pâle. Il a plusieurs horribles bleus qui fleurissent sur ses yeux et son nez. Théo pense qu’on lui a probablement marché dessus. L’Oncle d’Harry.

J’extrairai les dents de cet homme une par une. Je briserai chacun de ses doigts puis je marcherai dessus jusqu’à ce que ses os ne soient plus que poussière.

« Mais tu es… tu n’es pas dans un très bon état et je ne peux pas… »

Théo prend une profonde inspiration. Il déteste ça. Il déteste ne pas savoir. Le savoir est plus précieux que le pouvoir. Le savoir, c’est l’espoir.

« Je ne sais pas ce qui ne va pas. »  

Les yeux d’Harry vacillent. Théo voit un éclair de vert. Ses yeux, qui ont plus la couleur de l’herbe avec la potion plutôt que leur couleur émeraude dans son visage naturel, sont vitreux. Il essaye de lever un doigt.

« Grimoire, » croasse Harry. « Page… deux cent. »

Théo fait un signe de tête à Kreattur, qui décampe vers la malle d’Harry, en sort le Grimoire et revient le lâcher sur la poitrine d’Harry. Harry grogne.

« Kreattur, » siffle Théo. Il a supporté ce démon malveillant qui se déguise en elfe pendant une nuit entière d’enfer, de bébés en gelée dévorés et de chevilles pincées, et sa patience arrive vraiment au bout. « Ne le lâche pas sur sa poitrine. »

« T’va bien, » croasse Harry.

Il pose sa main gauche sur le Grimoire et Théo observe le scintillement dans la bague rouge des Potter tandis qu’il s’ouvre. Il est impressionné qu’Harry ait encore le pouvoir de faire quoi que ce soit à l’instant. Kreattur se dépêche de tourner les pages jusqu’à la bonne, puis soulève la main d’Harry au-dessus de cette dernière.

« Dites le nom de l’Héritier Nott, » aboie Kreattur. Théo se hérisse. Il ne peut s’en empêcher. Harry est peut-être habitué à ce que son elfe de maison lui donne des ordres, mais ce n’est pas le cas de Théo.

« Théodore Nott, » murmure Harry en grimaçant.

Théo observe la bague des Potter scintiller et l’encre surgir de la page en devenant visible. Ce n’est pas une potion. C’est un sort de diagnostic. Un sort d’une précision inquiétante. Théo sait qu’habituellement, les sorts de diagnostic ne peuvent rapporter les problèmes qu’ils trouvent qu’en des termes très basiques. Ils sont souvent reliés à des plumes spéciales qui produisent des rapports détaillés. Théo se rappelle avoir observé un rouleau de deux mètres se dérouler au chevet de Mère. Les murmures des guérisseurs qui l’enveloppaient d’un horrible sentiment d’inutilité. Fais quelque chose ! Théo se débarrasse du souvenir. Ce sort est différent. Il ne fera pas que diagnostiquer, il révèlera également les problèmes émergeants.

Ça m’aidera à garder Harry en vie.

« Ouah, c’est parfait. »

Même sans sommeil et avec la capacité d’Harry à réussir à aggraver la situation, (de l’écorce de saule !), il est excité. Ça, il peut le faire. Il peut apprendre un nouveau sortilège et le lancer à la perfection. Il attrape un morceau de parchemin de l’établi de potions de Mère. Ça lui prend plusieurs essais, puisqu’il n’est pas prodigieux avec les chants grecs, mais il finit par y arriver.

« O Asklipiós apokalyptei symyoulí therapeftikís odigías O Asklipiós… »

Il ressent le sort dans chaque partie de son corps, des mots anciens que les Potter ont gardés cachés pendant des milliers d’années. La famille des Nott est aussi ancienne que celle des Potter/Peverell (un nom que Théo n’avait jamais entendu avant de le lire en haut de la recette dans la cabane scout) et il se sent presque jaloux des secrets qui doivent être cachés dans le coffre des Potter. Une encre bleue apparait de nulle part, de la même couleur que sa bague d’Héritier, et s’inscrit d’elle-même sur le parchemin. Théo la fixe.

« Ah. » Il essaye de garder sa voix calme. Déglutit avec difficulté. « Petit problème. »

« Quoi ? » La voix d’Harry est ensommeillée. Théo fixe les mots sur le parchemin. C’est en grec, putain.

« Rien, » chuchote Théo. « Rien qu’un… sort de traduction ne puisse régler. »

Maintenant il faut juste que j’en apprenne un.

« L’Héritier Nott est inutile, » grince Kreattur en claquant des doigts. Soudainement, le parchemin est en anglais et Théo pousse un petit soupir de soulagement. Il ajoute quand même le fait d’apprendre un sort de traduction à sa liste mentale. Une liste qu’il n’a commencée que quand il s’est mis à traîner avec Harry. Des recherches qui incluent, mais pas seulement, des glamours, des sortilèges de défense, les liens d’âmes, les héritages, les sièges du Magenmagot, les Patronus corporels, le fourchelangue et maintenant, des foutus sorts de traduction. Pas étonnant qu’Hermione Granger passe autant de temps dans cette fichue bibliothèque.

« Lis-le à voix haute, » grince Harry.

Théo acquiesce. Il remarque en lisant les premières lignes que le parchemin est en train de grandir, et devient peu à peu un rouleau. Heureusement, il ne liste que les blessures immédiates. Théo ne pense pas avoir l’estomac ou le self-contrôle pour lire chaque acte brutal dont Harry a pu être victime au cours des années.

« Morsure magique d’un serpent arboricole, » lit Théo à voix haute en jetant un coup d’œil à Sahara, qui siffle. « Pas une menace. »

Sahara siffle et a l’audace de paraître fière. Harry siffle en retour.

« Pas sa faute, » dit-il à Théo en souriant, de ce sourire de travers auquel il sait que Théo ne peut résister.

« Mais quand même putain d’irresponsable, » grogne Théo en passant à la ligne suivante. « Poignet fracturé, pas une menace. Saignement dans l’abdomen, » Théo déglutit à celui-ci. « Menace légère – possiblement létal dans douze heures si pas soigné—, »

« Oh, cool, douze heures de plus. » Harry hausse les yeux au ciel. « C’est généreux. »

« Je peux te donner une potion pour ça, » le rassure Théo en commençant à avoir l’impression qu’il pourrait bien contrôler tout ça.

« Wouhou, » répond Harry en agitant faiblement les mains. « J’essayerai de ne pas la vomir. »

« Je n’ai pas fini. » Théo se concentre à nouveau sur le parchemin. Prend une profonde inspiration. « Côtes brisées, pas une menace, clavicule fracturée, pas une menace, nez cassé, pas une menace, pommette fracturée, pas une menace, épuisement magique dû à une exposition à des Esprits de Mort— »

« Détraqueurs, » marmonne Harry. « On devrait les appeler des Esprits de Mort. Plus précis. »

« Tais-toi, » répond Théo en fronçant les sourcils. « C’est quoi ça ? Brûlures et chocs d’énergie aux tissus cardiaques, menace – est-ce que le sort de traduction ne fonctionne pas ? »

« L’Héritier Nott est offensant, » répond sèchement Kreattur.

« Non, c’est pas ça. » Harry lève les yeux au ciel. « Il n’y a juste pas de mot ancien pour… taser. »

« C’est quoi un taser ? » demande brièvement Théo en agrippant le papier. Les blessures sont horribles mais sont écrites à rebours, lui montrant ce que l’oncle d’Harry a fait quand Théo est rentré, quand Harry l’a forcé à retourner chez lui et à le laisser seul à Privet Drive. Ces ‘brûlures d’énergies’ sont quelque chose que Théo ne comprend pas.

« C’est un appareil moldu, » chuchote Harry. Il respire lourdement, comme si c’était dur à faire. Probablement ces foutues côtes brisées. « Ça inflige de l’électricité dans tes os. » 

« De l’électricité, » lui fait écho Théo. Il parcourt rapidement sa librairie mentale, y trouve une définition. L’électricité est une énergie moldue qui se déplace à travers les métaux précieux plutôt que les baguettes. « Comment une énergie peut te faire du mal ? »

Harry hausse les sourcils. « Les Moldus sont exécutés sur des appareils électriques en Amérique. Ça peut te faire fondre le cerveau. »

Théo le dévisage. Harry a raison. Les livres de cours d’Étude des Moldus sont pleins de conneries.

« Ça fait quel genre de sensation ? » demande Théo. Il n’y aucune mention d’un cerveau fondu dans son rapport, donc ça ne doit pas être ça.

« Comme un Doloris. » Harry ouvre ses yeux verts. De façon insensée, ils semblent demander pardon. « Un petit. »

Théo acquiesce, cachant sa rage. Dudley Dursley doit mourir. Lentement. Dans la douleur. Théo la ravale. Il ne montrera pas à Harry cette furie qui a pour cible cette terreur moldue de la taille d’une baleine. Peu importe combien il veut s’énerver, Théo ne laissera pas Harry porter le fardeau de sa colère. Il la gardera pour lui, la chérira, jusqu’à ce qu’elle puisse être relâchée sur les bonnes personnes. Il se concentre à nouveau sur le parchemin.

« Dos écorché, os à vif. » Théo déglutit avec difficulté. « Perte de sang. Létal. Mort imminente due à des plaies ouvertes. » C’est ça. Théo s’arrête de lire, lève les yeux pour fixer Harry. « Eh bien, maintenant, on sait. »

« Ouais. » Harry ferme les yeux.

Théo l’observe. Il voit le conflit sur son visage. C’est son dos. Son foutu dos. Ce n’est pas les Détraqueurs ou encore cette foutue écorce de saule. C’est le fait d’avoir été fouetté, de façon répétée, par ces horribles moldus dégoûtants.

« Donc. Mon dos, » croasse Harry jetant un coup d’œil à la bague d’Héritier de Théo. « Est-ce que tu peux… ? »

« Ça ne marche pas. » Théo serre le poing. « C’est une blessure moldue, donc ça… ça ne marche pas aussi bien. »

Harry hausse les sourcils. Théo soupire. Explique.

« La bague des Nott est faite pour soigner les blessures magiques, pour en extraire le maléfice et s’en débarrasser. »

« Comme du venin de serpent, » murmure Harry. Sahara s’enroule autour de son bras.

« Oui, comme ça. » Théo fusille le serpent du regard. Elle n’est pas encore pardonnée. « Mais avec les blessures moldues, ça ne les soigne pas, pas vraiment. »

« Mais elle l’a fait la dernière fois, » s’exclame Harry.

« Oui, mais la dernière fois, la blessure était fraîche. » Théo frotte la pierre de sa bague. Ce sont des secrets qui ne sont transmis que de Lords en Héritiers. Il n’arrive même pas à imaginer la réaction d’Apollonius. Cela dit, Théo a vu Harry faire plus de merveilles avec ses bagues d’Héritiers que n’importe qui d’autre, qu’il en ait entendu parler ou lu à leur propos. « C’est comme une espèce de retourneur de temps, si la blessure est assez récente, elle peut la régénérer jusqu’à son état passé, intact. Mais à l’heure actuelle… »  

Harry acquiesce en refermant les yeux. « C’est pour ça que ça ne marche pas maintenant, » chuchote-t-il. « Parce que c’est… c’est la deuxième fois. »

« Oui. »

Parce que ces bâtards moldus se sont acharnés sur le dos à peine guéri d’un adolescent affamé de quinze ans avec un fouet en fil de barbelé. Il n’y a aucune magie à extraire, aucune peau intacte dont la bague puisse se souvenir. Il n’y a que des flagellations par-dessus d’anciennes flagellations. Azkaban serait trop bien pour ces merdes.

« Est-ce qu’il y a… une potion ? » soupire Harry.

Théo secoue la tête. Il aurait aimé qu’il y ait une potion. Théo est bon en potions. Les sorts raccommodent la peau et conservent le sang à l’intérieur du corps, pas les potions, et Théo ne connait pas ces sorts.

Il faut que j’apprenne de nouvelles choses.

« Harry, est-ce qu’il y a un sort de guérison dans le Grimoire ? Un… un qui permette de recoudre la peau ? » demande Théo.

Harry secoue faiblement la tête. « Je ne les ai pas tous lus, » tousse-t-il. Si Harry ne les a pas lus, il ne peut pas les rendre visibles pour Théo. Merde.

« Je… je ne… »

Je ne sais pas quoi faire. Théo déglutit avec difficulté. Il peut sentir la nausée remonter dans sa gorge, et la ravale. L’inutilité. Une inutilité brutale et inébranlable menace de le dévorer de l’intérieur. Le dernier souffle de Mère. Sa propre écrasante faiblesse, ses propres limitations d’enfant, et l’incapacité exaspérante d’Apollonius. Fais quelque chose !

« Hey. » La main d’Harry attrape mollement celle de Théo, rappelant son attention à ces yeux verts. « Ça va aller. »

Théo n’arrive pas à répondre. Harry dans toute sa splendeur. Qui achète des douceurs dans la station-service alors qu’il est en train de saigner à mort. Qui envoie un message à Granger après avoir été tabassé. Qui offre du réconfort quand il n’a presque plus rien à donner. Théo serre la main d’Harry. Il la reconnaîtrait entre mille, à présent. Des bleus sur le dos de la main, des cals sur ses paumes, et le métal froid et chaud de ses bagues à ses doigts. Ses longs doigts. Impossiblement élégants pour un garçon qui arrache les mauvaises herbes et attrape des vifs d’or. Chaque fois qu’il a touché les mains d’Harry, lui est venu cette étrange réflexion : une force gracieuse.

« Ça ne va pas, » répond Théo, la voix tremblante. Si tu meurs, alors rien n’ira jamais plus. « Je ne sais pas comment te soigner, Harry. »

« Alors… alors ne me soigne pas. » Harry serre faiblement sa main. « Rafistole-moi. »

« Qu’est-ce que ça veut dire ? »

« C’est… pas un truc magique, n’est-ce pas ? » Harry cligne lentement des yeux. Théo peut voir son épuisement à la façon dont ses paupières semblent lui peser. Le drap sous son dos est humide de sang. Il continue de saigner. Le saignement, l’infection, tout ça va le tuer, juste sous le nez de Théo. « Répare-moi à la moldue. »

« Et comment est-ce que les moldus arrangent ça ? » Théo n’arrive pas à imaginer comment les moldus soignent ce genre de choses. Les notes de Mère contiennent d’anciennes recettes moldues pour des cataplasmes, mais elles ne sont utilisées que sur des blessures déjà refermées. La seule façon de refermer des blessures, c’est la magie.

« Des points de suture. » Harry grimace, s’avançant avec précaution pour poser ses coudes sur ses genoux, sa tête entre eux. Son dos à vif se retrouve exposé. « Re… recouds-le. »

« Le coudre ? » Théo le dévisage. « T’es pas sérieux ? »

Harry acquiesce faiblement. Théo fixe Kreattur.  

« As-tu déjà entendu parler de ça ? » demande-t-il. Kreattur acquiesce lentement.

« Les elfes de maison qui ont des maîtres sangs-de-bourbe en parlent. » Kreattur plisse le nez. « Les rejetons sangs-de-bourbe reviennent d’hôpitaux moldus avec des points de suture à la tête »

« Et ça marche ? » demande Théo, dans l’incrédulité la plus totale. Kreattur acquiesce avec dédain.

« C’est primitif et dégoûtant, » renifle Kreattur. « Mais les blessures moldues peuvent guérir comme ça. »

« D’accord, alors, » acquiesce Théo. C’est quelque chose, et Théo doit faire quelque chose. Même si c’est les conneries les plus dingues qu’il ait jamais entendu. « Kreattur, trouve une aiguille. »

« Tu peux pas le faire ? » hoquète Harry en fixant Théo. Son visage est transpirant. Théo fait une prière pour tous les dieux, pouvoirs et autres êtres mythiques que ça marche, parce qu’Harry n’a pas l’air bien.

« Je ne sais pas coudre, » admet Théo. Bordel, pourquoi est-ce que je sais pas coudre ?

« Kreattur recoudra le Maître, » croasse Kreattur d’une façon si inquiétante que Théo se dit que c’est totalement inutile.

« Mon cul qu’il le fera ouais, » grogne Harry et Théo se dit que c’est totalement raisonnable. « Théo, s’il te plait… il va me planter comme une poupée vaudoo. »

Le sourire de Kreattur leur fait savoir qu’il adorerait faire ça, et Théo essaye de penser à quelque chose qui puisse atténuer les mauvaises intentions de Kreattur et, observant les herbes et les ingrédients qui pendent au-dessus de leurs têtes, il est soudain frappé d’inspiration.

« Là ! » Il attrape un écheveau de crins argentés. « Recouds-le avec ça, Kreattur. »

Kreattur plisse les lèvres de dégoût mais l’attrape quand même en levant ses yeux globuleux au ciel. Il semblerait que Théo est le seul qui n’ai pas adopté l’habitude d’Harry.

« C’est du crin de licorne. » Théo touche l’épaule d’Harry pour le rassurer. « Il ne peut pas être malveillant avec du crin de licorne, c’est trop pur. Est-ce que tu le laisseras… te recoudre ? »

Harry plonge dans les yeux de Théo comme il le fait parfois quand il cherche des mensonges. Ou des menaces. Ou des histoires. Théo essaye de faire quelque chose qui est dur pour lui. Il essaye de laisser l’honnêteté transparaître dans son regard. Harry acquiesce lentement.

« D’accord, alors. » Théo hoche la tête en direction de l’elfe de maison et s’assied sur le lit, devant Harry, en attrapant ses mains moites. « Kreattur, commence à… » Il secoue la tête, incrédule à l’idée de devoir utiliser ce mot dans ce contexte. « Coudre. »

Kreattur monte sur le coussin derrière les épaules d’Harry, et passe un long crin de licorne dans une petite aiguille brillante.

« Ça va faire mal, Maître, » croasse Kreattur. Harry renifle faiblement.  

« Donc Kreattur va apprécier, » dit Harry d’une voix presque aussi rauque que celle de Kreattur, avant de laisser tomber sa tête sur ses mains, jointes à celle de Théo. Théo résiste à une impulsion soudaine et inexplicable de se pencher pour presser ses lèvres sur cette masse de cheveux ondulés en désordre. Il les a gardés bouclés parce que j’ai dit que je les aimais. Puis les épaules d’Harry se tendent. Théo lève les yeux, juste à temps pour voir Kreattur enfoncer une foutue aiguille à coudre dans le dos d’Harry Potter.

« Putain, » marmonne en frottant son front froid et moite sur leurs mains jointes. « Putain. »

Ça, a remarqué Théo, c’est la façon qu’a Harry de gérer la douleur. Il jure. Il se roule en boule. Il endure. Souvent, il presse sa cicatrice contre quelque chose, comme si la douleur venait en fait de là.

« Tout va bien. » Théo libère une de ses mains et la presse contre la tête d’Harry, ses doigts glissant automatiquement entre les boucles noires. Harry se contente de serrer sa main, son cou rendu aussi solide qu’un chêne par la tension. Théo envoie un peu de volonté dans son anneau d’héritier, libérant un peu de ce pouvoir guérisseur qu’Harry semble trouver si reposant. Harry frissonne, mais ne hurle pas.

Voldemort a eu tous mes cris.

C’était une des plus atroces choses qu’ai dit Harry lorsqu’il délirait. Les gens comme Harry et Théo subissent leurs punitions en silence. Théo sait combien ça a dû être dur pour que Voldemort ait réussi à le faire hurler. Les trois Impardonnables.

« Tout va bien, » chuchote Théo en essayant d’ignorer à quel point il se sent inutile.

« Tout ne va pas bien, putain, » marmonne Harry. Théo sourit. Si quelqu’un lui avait dit, un mois plus tôt, qu’Harry Potter avait un sens de l’humour terriblement noir et sarcastique, il ne l’aurait pas cru. À présent, il s’en délecte.

« Tout ira bien. » Théo glisse ses doigts contre la nuque d’Harry, l’entend soupirer de soulagement. Peau chaude. Doigts froids. Harry respire plus lentement.

« Kreattur a fini. »

L’elfe s’éloigne du dos d’Harry. Théo s’inquiète de voir ses petites mains crochues couvertes de sang.

« Putain, merci, » soupire Harry avant de se laisser tomber vers l’avant, son front retombant lourdement contre l’épaule de Théo.

« Merci, Kreattur, » chuchote Harry. L’elfe ne répond pas, il semble juste surpris et suspicieux, comme à chaque fois qu’Harry se montre gentil. Théo pose la main sur le cou d’Harry et observe son dos. Il ravale une montée de bile. C’est hideux. La peau en lambeaux était déjà à vif et sanglante avant mais à présent, recousue avec des crins de licorne, elle rappelle à Théo les plus sombres livres de la bibliothèque d’Apollonius, ceux fait de peau humaine et cousus ensemble avec des cheveux. Ça laissera une cicatrice, et elle sera horrible. Théo caresse son cou, presse sa joue contre la tête d’Harry.

Mutilé. Mutilé mais vivant. Ses lèvres caressent distraitement la cicatrice d’éclair enflammée. Ça devrait être son surnom. Pas ce merdique ‘Garçon-Qui-A-Survécu’.

« Maître ! » Soudainement, près d’eux, Kreattur est plié en deux, ses mains sanglantes agrippant son petit linge.

« Kreattur ? » marmonne Harry, tournant le visage vers son elfe.

« Kreattur… est… appelé, » articule Kreattur entre ses dents serrées.

« Black l’appelle, » comprend Théo. La panique, qui s’était calmée pendant quelques instants merveilleux tandis qu’Harry appuyait sa tête sur son torse, revient avec une force terrifiante. « Il ne peut pas le rejoindre, Black pourrait lui demander n’importe quoi ! »

Il pourrait lui dire n’importe quoi. Il pourrait lui parler de la bague des Prince d’Harry. De la potion. De moi.

« Non, je l’ai lié, » croasse Harry.

« C’est pour ça qu’il n’a pas encore disparu, les liens doivent l’en empêcher, mais ils ne sont pas assez forts, n’est-ce pas Kreattur ? » Theo déplace sa main jusqu’à la taille d’Harry, le tenant pour qu’il puisse fixer Kreattur. L’elfe les fusille tous les deux du regard, tressaille horriblement, et secoue la tête.

« Qu’est-ce qu’on peut faire ? » Harry bouge la main avec la bague des Black lentement. Il y a énormément de pouvoir à l’intérieur, Merlin sait que Théo en a conscience, mais pas plus qu’un Lord avec sa bague de Lord. En tout cas, pas encore.

« Je ne sais pas. » Théo réfléchit rapidement, passe en revue tout ce qu’il sait à propos des liens d’elfes de maison : les Maîtres peuvent être rejetés par leurs propres mots, mais pas les mots des autres. « Quel ordre Black t’a-t-il donné à propos d’Harry, Kreattur ? »

« Le Maître Black m’a ordonné de protéger l’Héritier Black. » Kreattur tord douloureusement ses oreilles. « Le Maître appelle… Le Maître appelle… »

« Mais tu ne peux pas le rejoindre, parce que ça ne pourrait pas être sûr pour moi. » Harry tapote ses doigts sur le genou de Théo. C’est un signe qu’il réfléchit à toute vitesse.

« Non, le Maître Black a son propre serment. Il est un parrain, » grogne Kreattur.

« Il ne peut pas te faire de mal, » réalise Théo. Le serment de parrain empêche d’infliger quoi que ce soit à l’enfant. « Black ne peut pas te faire de mal donc ça ne peut pas l’empêcher d’appeler Kreattur, parce que Kreattur sait qu’il n’est pas une menace pour ta sécurité. »

« Kreattur doit y aller, Kreattur doit y aller ! » Kreattur croasse de plus en plus fort et commence à se frapper sur la tête, laissant des empreintes de main sanglantes sur son crâne chauve.

« Non, non, attend ! » Harry tend une main tremblante en avant. « Je t’ai aussi ordonné de protéger Théo ! Donc… donc tu ne peux pas rejoindre Sirius, parce que Sirius le traitera de Mangemort et – et le tuera ! N’est-ce pas Kreattur ? Tu ne peux pas y aller si Sirius a des chances de lui faire du mal, n’est-ce pas ? »

Théo est impressionné. Harry n’est peut-être pas fait pour être un Serdaigle, mais il est suffisamment rusé pour être un Serpentard, si le fait d’être le littéral Héritier de Serpentard n’est pas une lettre de recommandation suffisante. Kreattur arrête de se frapper. Il dévisage Théo. Théo dévisage Kreattur. Il peut sentir les picotements de la magie de l’elfe de maison autour de lui, piquante, tandis que l’elfe teste leur lien. Théo sent Harry agripper sa main, sait qu’il se prépare à invoquer la magie des Black si besoin. Théo secoue la tête, place sa main sur celle d’Harry et le froid diamant des Black. Ça n’en vaut pas la peine. Harry arrive à peine à respirer. Il n’a pas besoin d’en plus utiliser cette magie insensée dont il a été doté.

« Oui, » chuchote finalement Kreattur. Ses yeux passent de ceux de Théo à ceux d’Harry. « Oui, Maître. C’est… suffisant. »

Théo et Harry poussent un grand soupir de soulagement et Harry tourne le nez pour venir l’enfoncer dans la poitrine de Théo.

« Il m’appelle à nouveau Maître, » glousse Harry contre le t-shirt de Théo. Théo essaye de ne pas profiter de cette sensation, de ce souffle chaud contre sa clavicule. « Force-le à arrêter. »  

« Kreattur n’arrêtera jamais, » répond Kreattur avec un sourire mauvais. « Si le Maître ne lui fournit pas d’autres jeunes préservés. »

Harry rit faiblement contre Théo.

« Tu as ma permission pour voler des bébés en gelée dans les magasins moldus, Kreattur, » lance Harry. « Tant que tu me ramènes aussi des Curly Wurly (1). »

Kreattur sourit de ce sourire démoniaque qu’il semble si bien maîtriser et disparait. Théo a une pensée pour la supérette moldue qui se trouve près du lac voisin, dans la forêt, et pour le pauvre garçon moldu qui subira la disparition soudaine de tout son stock de bébés en gelée et de Curly Wurly.

« Eh bien, j’aurais probablement dû m’attendre à ça, » ricane Harry. « Il va décapiter des bébés en gelée pendant des jours, maintenant. La prochaine fois, il éventrera des oursons en gélatine. »

« C’est quoi un Curly Wurly ? » demande Théo.

« Du chocolat moldu, » marmonne Harry, ses yeux papillonnant à nouveau. « Ça a une drôle de forme. Du caramel. Bon goût. »

« Tu es fatigué, » sourit Théo.

« Sans déconner. » Harry n’a pas bougé de la poitrine de Théo. Théo ne veut pas qu’il bouge.

« Viens. »  

Théo se déplace jusqu’à ce son dos repose contre le mur. Harry le suit lentement, ses jambes fines repliées entre eux, son jeans déchiré et plein de sang. Sa poitrine est couverte de bleus et ses bras fins et musclés sont couverts d’écorchures mais malgré ça, son front repose contre l’épaule de Théo et il soupire de contentement. C’est peut-être la chose la plus miraculeuse à propos d’Harry, ce qui fait que l’esprit de Théo scintille d’excitation, comme l’éclat nacré que prend la Goutte du Mort-Vivant. Harry aime qu’il le touche. Théo a observé Potter pendant des années (un effet secondaire de vivre avec Draco Malfoy) et il a remarqué la façon qu’avait Potter de tressaillir et de se raidir. Il reconnait cette attitude. Théo n’aurait jamais pu imaginer que c’était des moldus qui étaient à l’origine de ça, il s’était dit que ses rencontres régulières avec le Seigneur des Ténèbres étaient plus que suffisantes pour crisper ainsi quelqu’un. Mais à présent, il n’est plus Potter, il est Harry, et il est bien plus qu’une personne qui a souffert comme lui. À présent, Théo sait à propos des moldus et du taser et de cette foutue putain-mais-qui-nourrit-un-enfant-ainsi chatière, et tout ça rend ce toucher encore plus précieux. Peut-être que c’est cette valeur qui crée une dépendance, parce qu’il sent qu’il devient accro. C’est la seule explication pour que Théodore Nott, qui déteste toucher les autres et a souvent menacé ses camarades de maison de son couteau quand ils osaient le toucher, laisse Harry Potter s’appuyer contre lui tout en caressant avec bonheur ses cheveux corbeau.

« Hey, » chuchote Harry. Un souffle chaud sur sa joue. Des boucles douces, qui sentent la sueur, chatouillent sa joue. Heureux. Ça me rend heureux. « Je ne suis pas mort. On y est arrivé. »

Théo sourit. Il presse son visage contre le haut de la tête d’Harry. Il ne l’embrasse pas, Théo ne ferait pas ça, pas alors qu’Harry est épuisé et à bout et certainement pas alors que Diggory flotte comme un fantôme dans les pensées d’Harry, mais il laisse son visage et ses lèvres s’appuyer contre le dessus de la tête d’Harry. Il s’autorise à inspirer l’odeur de ses cheveux, à les sentir contre ses lèvres et à sentir son propre battement de cœur ralentir. Vivant. Harry Potter est toujours vivant et le monde n’aura pas à brûler.

« Oui, on l’a fait, » murmure Théo. « Dors, maintenant. »

Notes:

(1) Ce sont des espèces de petits biscuits chocolatés au caramel, disponibles aussi sous forme de barre chocolatée.

Ndt : Il VIT guys ! En tout cas jusqu'au prochain chapitre ;D Rendez-vous jeudi pour lire la suite !

Chapter 18: Runes et Monster Munch

Notes:

Ndt : Bon sang mais ce TITRE. Je m'en remets pas. xD
Et je ne me remets pas de mon rhume non plus, d'ailleurs... trois semaines qu'il dure et je rame encore T_T

(See the end of the chapter for more notes.)

Chapter Text

Quand Harry rêve à présent, il n’y a plus uniquement Voldemort. Maintenant, il y a de la musique. Il rêve du cimetière. Les hurlements de Voldemort sont les mêmes, suraigus et hideux, et Harry se sent déchiré sous les doloris mais il peut entendre ça, aussi. L’endoloris sonne comme un cri d’animal et sent la chaire brûlée.

Toute magie a une odeur, un goût, un son et une mémoire.

Les sifflements de Sahara sont dans sa tête.

Ça a une mémoire ?

Harry voit la lumière dorée du Priori Incantatem qui surgit de sa baguette et de celle de Voldemort. Il sent la brûlure de son pouvoir dans sa main et son chant dans ses cheveux mais cette fois, il entend sa voix aussi. C’est comme un chœur, peut-être une chorale de murmures mélodieux. Il pense qu’il peut le goûter, aussi. Comme des cendres, du miel et des souvenirs.

Bien sûr. C’est vivant.

Puis le visage de Cédric. Les yeux morts de Cédric. Il n’y a pas de musique, là. Pas de voix. Seulement du silence. Cédric n’est pas seulement mort, sa magie l’est aussi.

« Non ! » Harry se réveille d’un coup.

Il cligne des yeux sous les rayons du soleil. Il est allongé dans le coin de verdure juste à l’extérieur du cottage de Fabiola, non loin de la bordure marécageuse du lac. Derrière lui se trouve le jardin médicinal, envahi de mauvaises herbes, et la façade couleur crème du cottage, avec sa porte d’entrée peinte en vert et ses fenêtres à volet. C’est petit. Il n’y a qu’une pièce avec un petit lit de camp contre le mur du fond et un établi de potion, l’intérieur est empli de la fumée des potions et de l’odeur des plantes qui sèchent et Harry n’a jamais plus aimé une maison.

« Donc, veux-tu cette souris ? »

Harry roule avec précaution sur le côté (ça fait trois jours qu’il ne fait quasiment que dormir et son dos est toujours douloureux) et observe Théo. Il est assis près de lui dans l’herbe, tient une souris stupéfixée au-dessus de la tête de Sahara, et a un carnet ouvert sur son genou et une plume calée entre ses doigts pleins d’encre.

« Je vais te tuer si tu ne me la donne pas, » siffle Sahara.

« D’accord, ça m’a l’air d’un sifflement affirmatif. C’est le cas ? » Théo écrit quelques mots.

« Je vais dévorer tes os si tu ne me la donnes pas. »

« Définitivement affirmatif, donc. » La voix de Théo est basse et concentrée.

« Elle menace de te tuer, Théo. » Harry sourit paresseusement et ferme les yeux. « Ce n’est affirmatif que si tu lui demandes de t’assassiner. »

« Intéressant. »

Harry renifle. Typique de Théo. Plus intéressé par la théorie du Fourchelangue que par le fait que Sahara veut dévorer ses entrailles.

« Donne-lui la souris, Théo. »  

Harry entend les bruits révélateurs de Sahara qui brise de petits os d’animaux avec sa mâchoire puissante. Il entend la plume de Théo gratter sur son carnet. Puis le son doux de l’eau du lac qui vient lécher le rivage, un son qu’il associera toujours au Lac Noir. Être couché sur le côté avec Cédric, l’ombre de Poudlard sur eux, à rêver de l’été. À faire des projets.

Eh bien, tout est tombé à l’eau, n’est-ce pas ?  

Sous ses paupières, entre les rayons rouges et or du soleil, il voit les yeux morts de Cédric. Il gonfle ses poumons d’un souffle tremblante. Frissonne.

« Mauvais rêve ? » La voix de Théo interrompt ses pensées.

« Ouais. »

Théo l’a vu se relever de cauchemars chaque fois qu’il a posé sa tête sur un oreiller, à l’exception des quelques fois où Théo a insisté pour qu’il prenne une potion de Sommeil Sans Rêve.

« Mais Diggory… n’était pas avec Chang ? »

Harry rouvre brusquement les yeux et fusille Théo du regard, mais les yeux de ce dernier sont remplis de cette quête de savoir innocent contre laquelle Harry ne peut se fâcher. Et pourtant, cette fois-ci, Harry est presque sûr que ce n’est qu’une façade. Théo cherche des infos. Ou essaye de le distraire. Harry n’a la patience pour aucun des deux.

« Non, » répond platement Harry. « À moins que tu ne penses que je suis ‘avec’ Patil parce que je l’ai emmenée au bal de Yule. »  

« Patil de Gryffondor ou Patil de Serdaigle ? »

« Bon sang, quelle importance ? » Harry se rassied, en grimaçant, pour pouvoir le fusiller du regard plus efficacement. « Et toi, qui avais-tu invité ? »

« Greengrass. »

« Et est-ce que toi et Greengrass… ? »

Harry dévisage Théo. Peut-être que Théo lui a menti la dernière fois. Peut-être que ce n’est pas que ce putain de Zabini dont Théo aime la compagnie. Il est surpris de découvrir qu’il a du mal à respirer. Théo dit que ses côtes sont encore en train de guérir.

« Non. » Théo secoue la tête. Harry relâche lentement sa respiration. Il frotte ses côtes en grimaçant.

« Bien, » répond-il. Théo hausse les sourcils, sans aucun doute en train de surveiller l’état d’Harry, comme toujours.

« Mais je ne sors pas avec les filles. Toi oui, non ? En dehors de Diggory, je veux dire. »

Harry en reste bouche bée. Théo parle de façon absente, toujours en écrivant ses notes sur le fourchelangue. Foutu multi-tâche. Harry pense qu’il bluffe.

« Tu sais, si tu as des questions à propos de Cédric, tu peux les poser. »

« Très bien. » La plume de Théo continue de griffonner. « Tu l’as baisé ? »

J’aurais dû la voir venir, celle-là.

« Théo, bon sang ! » Harry grogne et se laisse tomber dans l’herbe, en ignorant l’éclair de douleur vive que lui envoie son dos toujours en guérison et le sursaut dans son ventre, totalement inattendu, dû à la question de Théo. Putain, c’était quoi, ça ?

« Quoi ? » Théo ne le regarde même pas, ses yeux gris scannent les notes qu’il a déjà prises.

Harry soupire. Il aurait dû s’y attendre. S’il laisse carte blanche à Théo pour poser des questions, il devrait s’attendre à ce qu’il en pose. C’est un foutu rat de bibliothèque. Pire qu’Hermione, avec cette fichue bouche qu’il a. Heureusement, quatre années à gérer la soif vorace de savoir d’Hermione l’a préparé à faire face à Théo.

« Non, » soupire Harry. Les réponses monosyllabiques sont une tactique classique de Ron. « Question suivante. »

« Ça faisait combien de temps que vous étiez ensemble ? »

« Sept mois, » répond sèchement Harry. « Question suivante. »

« Est-ce que tu l’aimais ? »

Harry dévisage Théo, qui a cessé d’écrire frénétiquement et le dévisage en retour, ses yeux gris durcis par la détermination.

Non. Il ne se laissera pas y penser. Harry laisse sa rage s’accumuler derrière ses yeux, laisse le pouvoir gonfler dans ses bagues d’Héritier et ne dit rien. Il entend la tonalité de la chanson autour de lui s’élever et Sahara se redresse, les écailles scintillantes. Elle peut le sentir. Harry pense que Théo peut le sentir aussi. Il est immobile, les muscles de ses poignets crispés sur son carnet et sa plume, comme un animal qui fait le mort devant un prédateur. Harry ne lui offre aucun réconfort. Théo a besoin de savoir que ce n’est pas bien. La rage à l’intérieur de lui est un brasier étriqué de choses mélangées, entre la fureur visqueuse de Tom et quelque chose de plus profond, à vif, et fait d’une lumière brûlante. Puis Harry détourne le regard, ferme à nouveau les yeux et expire lentement.

« Question suivante, » dit-il doucement. L’air autour d’eux s’adoucit, la chanson redevient un chuchotement, les anneaux d’Héritier retournent à leur température normale. L’impression rampante de dégoût de lui-même remonte le long des membres de Harry. Il peut presque sentir les yeux bleus pleins de déception de Dumbledore, qui le fixent tristement à des centaines de kilomètres. Ce sont nos choix, Harry, qui montrent qui nous sommes vraiment. Et puis une autre rage inexplicable, plus profonde.

« Harry. »

« Oui. » Harry n’ouvre pas les yeux. Putain, mais c’est qui Dumbledore pour savoir qui je suis vraiment ?

« Je suis toujours là. »

Harry entend les mots qui ne sont pas prononcés. Même si tu m’as menacé. Il soupire.

« Je sais. »

« Je suis… désolé, » prononce Théo avec précaution, et Harry déteste ça. Il aime comment c’était, au début. Est-ce que tu me laisseras… te guérir ? Harry ne sait pas comment arranger ça. Comment faire un autre choix.

Gardant les yeux fermés, Harry fait glisser sa main dans l’herbe sèche jusqu’à trouver le genou de Théo. Puis, miraculeusement, Théo attrape sa main. Ses doigts sont osseux, forts, et adoucit par la cire d’abeille qu’il met pour les protéger des potions. Harry soupire de soulagement, et sent un picotement derrière ses yeux.

« Pardonné, » déglutit Harry.

« Tu pardonnes trop facilement, Potter. » Le ton distant et narquois de Théo est de retour. C’est réconfortant.

« On me l’a déjà dit. » Harry se sourit à lui-même. Théo serre ses doigts. « Je suis désolé, aussi. D’être… tu sais. »

« Une terreur porteuse de magie scintillante de proportions foutrement cosmiques ? » rit Théo. La poigne forte qu’il a sur la main d’Harry adoucit ses mots.

« Ouais. » Harry déglutit difficilement. Il doit faire plus que juste s’excuser. « Je t’en parlerai, un jour. Juste… »

« Pas maintenant. »

Harry fait confiance à Théo. C’est le cas. Juste pas encore assez pour ça. Il n’est même pas sûr de se faire assez confiance à lui-même.

« Ouais. » Harry prend une profonde inspiration. « Question suivante. »

Pendant un moment, ils respirent juste ensemble. L’eau du lac frotte contre le limon et les galets à la lisière des vagues. Sahara siffle dans l’herbe.

« C’était un préfet… » Théo a l’air de réfléchir lentement. « Est-ce qu’il t’a jamais donné des points pour des faveurs sexuelles ? »

« Théo ! » 

Harry rit, roule jusqu’à lui et lui sourit. Tout est normal à nouveau quand Théo fait une blague. Théo lui sourit et serre son poignet, poussant Harry à se rapprocher pour déposer sa tête sur ses genou. Harry soupire tandis qu’il pose sa joue et son menton contre la cuisse de Théo, la rugosité réconfortante de son pantalon en laine l’aidant à relâcher les épaules. Ses yeux se referment tandis que Théo glisse lentement ses doigts dans les cheveux d’Harry. Réconfort. Douceur. Des choses qu’il n’a jamais eues que de la part de Cédric ou Hermione. Des choses qu’il conserve précieusement avec Théo.

« Il n’avait pas peur de toi, » siffle Sahara dans l’oreille d’Harry en enroulant son corps autour de sa main.

« Si, il avait peur. »

« Pas comme tu as peur de son seigneur. Ou d’un de tes compagnons de nid. » La langue de Sahara s’agite contre sa peau. Il sent une petite étincelle de sa magie. Il peut la goûter, à présent, aussi. L’air sec du désert. « Il avait peur de toi comme un homme a peur d’un loup. Comme un serpent a peur de l’oiseau-tonnerre. »

Harry y pense. « Un prédateur. »

« Le pouvoir. »

Harry acquiesce doucement. Il ouvre les yeux et les lève vers Théo. Il ne veut pas que Théo ait peur de lui.

« Théo. »

Théo relève les yeux de ses gribouillis, s’arrête de jouer avec les cheveux d’Harry. Il hausse un sourcil de curiosité. Harry lève lentement sa main vers le visage de Théo. Son expression ne change pas. Harry passe son pouce au-dessus de la lèvre de Théo, pense à la chanson de la magie dans ses rêves. Il se rappelle des mots de Théo quand il a rencontré Sahara la première fois. Les gens normaux ne nourrissent pas quoi que ce soit de magie.

Eh bien. Je suppose que je suis de manière certifiée pas normal.

Une étincelle passe du bout de son pouce à la lèvre inférieure de Théo. Les yeux de Théo s’écarquillent mais il ne bouge pas. Son regard est fixé sur Harry et Harry voit tout dans ses yeux d’argent. L’étonnement. La peur. La faim. Tout. Sahara a raison.

« N’en ait pas peur, » chuchote Harry. « S’il-te-plait. »

Il ne peut pas dire ce qu’il a envie de dire, mais il le pense, il le pense si fort que s’il le pouvait, il l’enverrait par magie dans l’esprit de Théo. N’ait jamais peur de moi. Quoi que je devienne, n’ait jamais peur. Théo l’observe avec prudence, puis lève la main, attrape la sienne, et entrelace leurs doigts. Les bagues d’Héritier d’Harry chantent doucement.

« Je n’ai pas peur, » chuchote Théo à son tour. Harry le croit.  

__________

 

Harry fixe ses nouvelles cicatrices dans le petit miroir suspendu à la porte du placard. Son regard scrute les trois longues coupures maintenues ensemble par des crins de licorne argentés. Atroce. Ça lui rappelle le Monstre de Frankenstein, et même Théo a compris cette blague quand Harry l’a faite, parce qu’apparemment, Mary Shelley était une Cracmol. Harry a très hâte de le dire à Hermione. Il observe le livre de runes posé sur le tabouret à côté de lui.

« Hé Théo, » appelle-t-il en jetant un coup d’œil par-dessus son épaule.

« Oui ? » Théo passe la tête de derrière l’une des poutres du cottage. Il est en train de brasser plus de potion coagulante pour Harry. Les saignements internes se sont améliorés, mais Théo semble penser qu’avoir un stock de ces potions pourrait être utile. Il ne cesse de marmonner à propos de ‘désastres de Quidditch fréquents’ et Harry ne peut pas le contredire.

« Est-ce que tu n’as pas l’impression que ça ressemble à Ansus à l’envers ? » Harry lève le livre.

« Tu penses que tes cicatrices ressemblent à la rune Ansus à l’envers ? » Théo hausse un sourcil. « Tu ne suis même pas le cours de runes. »  

« Je sais lire, Théo. » Harry lève les yeux au ciel.

Ça fait cinq jours, et tout ce qu’il peut faire à l’heure actuelle, c’est lire. Surtout vu que Kreattur le laisse à peine aider dans la cuisine parce qu’il pense que les ‘talents de moldu du Maître sont une insulte à la Maison des Black’ et que Théo ne le laisse ni s’occuper du jardin ni voler. En conséquence, Harry n’a jamais lu autant dans sa vie. Il lit tout ce qu’a Théo à propos des personnes détenant à l’heure actuelle des sièges au Magenmagot (où il n’y a pas de Maison des Prince) et des vieilles familles de Sang Purs, il a fait tous ses devoirs et a relu Le Quidditch a travers les âges et à présent, il a besoin de faire quelque chose. Harry tend une main en arrière pour toucher un bout de crin de licorne qui brille, attaché à sa peau, et grimace en sentant la suture s’étirer. Un croc de Basilic. Une cicatrice à cause du couteau de Pettigrow. Sa cicatrice du sort de mort. Et maintenant ça.

Et avec ça, je suis attirant ?

« Mais j’ai raison, non ? Ça ressemble à Ansus, et je me disais… »

« Oh non. Mauvais signe. » Théo s’appuie contre la poutre et croise les bras. Harry le fusille du regard, puis pointe le livre.

« Eh bien, avec Ansus à l’envers, il y a ce sort qui se concentre sur les problèmes de communications. Ça rend l’objet intraçable. Du coup, j’ai pensé— »

« Je sais à quoi tu as pensé, et non, bordel de merde. » Théo se rapproche et s’arrête derrière Harry, penchant la tête pour observer les cicatrices de ce dernier. « Pourquoi est-ce que tu voudrais être intraçable, de toute façon ? Nous sommes dans un lieu incartable et les protections sont inouïes. En plus, tu as une cape d’invisibilité. »

« Oui, mais la semaine prochaine je vais devoir me rendre à Londres, bordel, et je ne veux pas que quiconque puisse me suivre sur le chemin du retour jusqu’ici, ou jusqu’à toi, » répond sèchement Harry. Parfois, l’intelligence de Théo n’est pas attirante, elle est énervante. « Donc j’ai observé ces cicatrices totalement horribles et je me suis dit qu’au moins, je pourrais les rendre utiles. D’accord ? »

Théo le dévisage, mais avant qu’il ne puisse répondre, Kreattur apparait entre eux, le visage caché par une montagne de sucreries volées.

« Kreattur a des nouvelles, » croasse-t-il.

« Bon sang mais où as-tu mis la main sur des Fizwizbiz (1) ? » Harry commence à désempiler la tête de Kreattur de certaines friandises. « Et est-ce que ce sont… des Kinder Surprise ? »

« Le Maître a demandé des œufs moldus. » La voix de Kreattur est étouffée. Harry se dit qu’il doit être en train de déguster certaines douceurs là-dessous.

« Je parlais d’œufs de poule, Kreattur ! » Harry lève les yeux au ciel et regarde Théo, qui a attrapé les Fizwizbiz (apparemment, les Curly Wurly sont ‘dégoûtants’) et un autre paquet en papier, plus petit, qui a été lancé dans sa direction par une petite main émergeant de la montagne de sucreries.

« Je l’ai envoyé à Traverse, » explique Théo. « J’avais besoin de plus de chrysopes. »

« Tu vois ? » Harry fait un geste en direction de son dos nu. « Une rune intraçable pourrait être pratique pour les trucs de ce genre ! »

« Kreattur est déjà intraçable, » répond Kreattur en croquant dans quelque chose. « Il n’est pas un sorcier inutile comme le Maître. »

« Ok, qu’est-ce que tu caches là-dessous ? » demande Harry en ramassant tous les paquets et les boites pour les poser sur l’établi à potions, ignorant au passage les grognements mécontents de Théo.

Harry le fixe. La bouche de Kreattur est couverte d’une poussière orange. Il sent les cornichons. Au bout de chacun de ses longs doigts, il a des petites mains orange en pomme de terre.

« Est-ce que ce sont… des Monster Munch (2) ? »

« Les petites mains de créatures sont délicieuses. » Kreattur tapote ses lèvres fines. « Comme des mains de gnomes. »

« Des mains de gnomes ? » Harry se passe une main sur le visage. Les aventures culinaires de Kreattur commencent à devenir sacrément bizarres, du moins si l’on prend en compte ce que ça révèle des habitudes alimentaires des elfes au cours des siècles. « Est-ce qu’au moins, tu m’as ramené mon pot de nouilles ? »

Kreattur acquiesce et lui tend un gobelet (à présent couvert d’une couche de poussière de Monster Munch). Harry soupire de bonheur. Les pots de nouilles sont une de ces nourritures dont Harry a terriblement envie quand il est à Poudlard, la seule nourriture qui était toujours assez bon marché pour qu’il puisse l’acheter lorsqu’il était un enfant, avec les quelques centimes trouvés dans l’aspirateur ou derrière les coussins après avoir nettoyé. Il pouvait toujours s’arranger pour mendier de l’eau bouillante à Madame Figg et les avaler derrière la cabane du jardin. C’est sa nourriture de réconfort.

« Le Maître peut avoir son petit chaudron d’horribles drogues moldues. »

« Il y a de la drogue moldue là-dedans ? » Théo lui enlève le pot et fixe l’arrière du paquet tandis qu’Harry fusille Kreattur du regard. « Monosodium Glutamate ? »

« C’est bon, les moldus en mangent tout le temps. » Harry essaye de le récupérer, mais Théo est plus grand que lui et tient les nouilles hors de sa portée. « S’il te plait, Théo. »

« Si on considère que la dernière fois que tu as pris un produit moldu, ça a failli te tuer— »

« J’allais très bien ! »

« —je pense que la réponse sera non, » termine lentement Théo en rendant le pot de nouilles à Kreattur.

Harry le fixe avec un regard de prédateur. Il plisse les yeux en direction de Kreattur. Il se penche vers lui lorsque Théo se tourne vers son chaudron en ouvrant les Fizwizbiz, abat sa main sur la tête de Kreattur et le force à comprendre le fourchelangue. C’est ainsi qu’Harry communique avec Kreattur sans que Théo puisse l’entendre.

« Ne mange pas mes nouilles, » grogne Harry. « Où je te transforme en Monster Munch. »

Sahara glisse sur le sol en direction de Kreattur, intriguée.

« Qu’est-ce qu’un Monster Munch ? »

 « Un repas fait de mains de créatures. »

« Délicieux. »

Kreattur grimace, se débarrasse de sa main et se frotte furieusement le crâne. Il déteste quand Harry fait ça et Harry sait qu’en guise de revanche, tous ses Curly Wurly vont finir brisés en petits morceaux dans leur emballage.

« Kreattur a des nouvelles, » annonce-t-il à Théo en détournant les yeux du regard meurtrier d’Harry. « À propos de l’audience du Maître. »

Harry pense à la lettre de convocation que Théo a accrochée au-dessus de leur lit avec quelques brins de romarin. Une audience pour décider de s’il est ou non renvoyé de Poudlard. Son cœur se serre. Les doigts de Théo ont cessé de jouer avec le paquet de chrysopes. Il fixe Kreattur.

« Dis-nous. » 

« Des rumeurs passent entre les elfes de maison, des rumeurs à propos d’Harry Potter. » Kreattur lance un autre coup d’œil à Harry, sourit méchamment. « Puisque tant de Maîtres le cherchent. »

« Tu m’étonnes qu’ils le cherchent, bordel, » renifle Harry. Dumbledore. Sirius. Lucius Malefoy. Voldemort. Tant de Maîtres, dehors, qui cherchent ce foutu Harry Potter.

« Kreattur a entendu de l’elfe de la Maison Bones que l’audience du Maître est en fait un procès. » Kreattur a l’air satisfait de lui, et croque une autre chips entre ses dents jaunies. « Un procès devant le Magenmagot. »

Harry et Théo dévisagent Kreattur. Puis ils se dévisagent l’un l’autre. Un procès devant le Magenmagot. Comme celui Barty Croupton Junior. La chaise en métal, placée devant des rangs de sièges, remplis de visages haineux et froids. Les chaines d’or qui le maintiennent en place. Père, pitié ! Harry tressaille lorsqu’il réalise que s’il criait ça à voix haute aujourd’hui, il ne saurait même pas qui il appellerait.

« Eh bah merde, » lance Harry. Théo acquiesce.

« J’ai une idée. » Les yeux de Théo se sont perdus dans le lointain, comme il le fait à chaque fois lorsqu’il parcourt sa librairie mentale. « Je pense… je pense qu’il faut que je soumette une preuve au Magenmagot. Et… il faut que tu prétendes être Lord Serpentard. »

Harry dévisage Théo. Comment un seul cerveau peut-il contenir autant de livres ? Il est un peu terrifié à l’idée de ce qu’il se passera quand Théo et Hermione finiront par se rencontrer. Est-ce que tant de savoir mental devrait seulement être dans une seule et même pièce en même temps ?

« Je ne comprends pas le lien entre ces deux choses. » Harry secoue la tête. « Quoi ? »

« On doit s’assurer qu’ils ne te… ne te déclareront pas coupable. » Théo semble trébucher sur les mots. Harry déglutit avec difficulté. Coupable. Coupable de quoi ? D’être renvoyé ? De la mort de Cédric ?

« Et comment on fait ça ? » bégaie Harry, son cerveau tournant à mille à l’heure. Pas coupable. Pas coupable. Pas coupable. Puis, ce souvenir.

Le sourire doux et sexy de Cédric. Deux mains qui se tendent vers la coupe. La voix d’Harry : « Ensemble. »

« Je leur enverrai un souvenir de l’attaque des Détraqueurs. » Théo est en train de marmonner, de cette façon qu’il a de le faire lorsqu’il pense trop vite pour parler correctement. « Une preuve irréfutable. »

« Ils ne peuvent pas savoir que tu étais là, Théo ! » Harry attrape ses mains, essaye de le secouer pour lui remettre les idées en place. « Que feront Malefoy et Greengrass et ton putain de père en te voyant trainer mon cousin moldu à travers tout Privet Drive ? »

« Je les modifierai, pour ne pas y apparaître. »

« Est-ce que c’est légal ? »

« Plus ou moins. »

« Plus ou moins ? »

« Oui. Pour les adultes, pas vraiment, mais je suis un mineur donc il y a une faille. » Théo acquiesce d’un air décidé, puis se tourne vers Kreattur. « Il nous faudra déposer ce souvenir sur le bureau de quelqu’un. Il nous faudra un elfe pour ça. »

« L’elfe des Bones, » croasse Kreattur.

« Bones ? Susan Bones ? » Harry dévisage Théo. « Qu’est-ce que… ? »

« Sa tante est à la tête du Département de la Justice Magique, » acquiesce Théo. « Ça fera l’affaire. »

« D’accord, d’accord, minute papillon. » Harry lève les mains, son regard passant de son ami à son elfe, qui en savent tous les deux tellement plus que lui. « Pour être clair, tu veux… laisser une preuve à la Tante de Susan Bones pour prouver que l’attaque des Détraqueurs a bien eu lieu ? »

Théo acquiesce. Harry s’arrête. Réfléchis. C’est de la falsification, mais c’était la même chose quand ils ont utilisé le Retourneur de Temps pour libérer Sirius. Il peut supporter cette idée.

« D’accord. » Harry hausse les épaules. « Mais toute cette histoire de clamer être Lord Serpentard… »

« Ouais, en fait tu ne peux pas dire que tu l’es puisque tu n’as pas dix-sept ans, mais et si… Et si on utilisait ta bague d’Héritier pour… » Théo bouge les sourcils. « Envoyer un message ? »

« Théo, parle anglais ! » aboie Harry. Théo aurait dû être un Serdaigle, mais il parle en Serpentard à l’heure actuelle – subterfuges, sournoiseries, discussions implicites – et ce n’est pas le langage d’Harry.

« Eh bien, tous les représentants sombres du Magenmagot, Malefoy et tous les autres, ils pensent que le Seign… que ‘Jeu du Sort’ est l’Héritier de Serpentard, » explique rapidement Théo. « Donc si j’envoie un message à mon père en lui suggérant que l’Héritier de Serpentard veut qu’ils votent non coupable… »

« Tu es en train de suggérer que je prétende être Vol – Tom Jedusor ? » Harry le dévisage. « Et que j’ordonne à ses adeptes de voter non coupable ? »

« Non, je suggère que toi, en tant qu’Héritier de Serpentard, tu suggère qu’ils fassent quelque chose qu’ils voudront faire parce qu’ils pensent savoir qui est l’Héritier de Serpentard. »

« C’est – c’est…. Merde, je ne connais même pas le mot pour ça ! » Harry passe sa main dans ses cheveux. Il pense à Hermione. « Du plagiat ! C’est du plagiat ! N’y a-t-il pas une quelconque peine à Azkaban pour ça ? »  

« Pour ceux qui se font attraper, probablement. » Théo plisse le nez. Harry rit. Typique. Théo est un garçon qui se balade avec un couteau peu importe où il va. Théo ne se fait pas attraper. Pas comme Harry, qui se fait régulièrement prendre, mais qui essaie quand même.

« Eh bien, c’est peut-être quelque chose à prendre en compte, Théo. » Harry secoue la tête en gloussant. « Après tout, il n’y a pas de livres à Azkaban. »

« Ah. C’est à prendre en considération. » Les lèvres de Théo se retroussent. « Mais je pense quand même que ça vaut le coup. »

Harry le dévisage, le cœur battant. C’est lui le plus intelligent dans cette histoire. Harry est celui qui se retrouve dans des situations impossibles et qui se débat pour s’en sortir. Théo, c’est celui qui a brassé la potion et qui a pensé à le recoudre avec du crin de licorne.

« Tu veux sérieusement faire ça ? Falsifier mon procès ? » Harry déglutit avec difficulté. « Pour moi ? »

Théo acquiesce, décidé.

« Oui. »

Harry déglutit difficilement. Essaye d’ignorer le son de Kreattur qui dévore des Monster Munch et qui grogne sur Sahara, qui l’a escaladé comme un arbre et lèche à présent sa tête. Il évalue ses options. Un procès. Un putain de procès. S’il est renvoyé, alors il n’aura plus nulle part où aller. À l’exception des Dursley, et il ne peut pas retourner là-bas. Il n’y retournera pas. Et Hermione et Ron seront à Poudlard. Avec Théo.

« D’accord, » acquiesce Harry. « Tu peux le faire. Mais seulement si tu m’aide à lancer ce sort. »

Harry fait un geste en direction de son dos, de ses cicatrices qu’il veut transformer en runes. Il faut qu’il fasse quelque chose. Théo soupire et lève les yeux au ciel.

« Très bien. Deviens intraçable. Qu’est-ce que j’en ai à faire. » Il finit par sourire.  

Harry sait que c’est un échange de bons procédés. Une chose à laquelle Théo veut penser et planifier, contre quelque chose qu’Harry veut faire. Ils ont tous les deux besoins de ça, réalise Harry, de sentir qu’ils contrôlent quelque chose, d’une façon. Mais de façons différentes. Harry observe ses cicatrices dans le miroir, capte le regard de Théo, et lui sourit.

« Ne t’inquiète pas, » dit-il. « Sahara me trouvera toujours. »

« Toujours, Cœur Vert. »

Théo sort sa baguette et vient se placer derrière Harry, jetant un coup d’œil au livre. Il marmonne les mots du sort, tapote avec sa baguette. Harry sent la magie de Théo, aussi fraîche que des orages d’été. Harry grince des dents, presse son front contre le miroir. Il peut sentir le crin de licorne briller, réagir à la magie. Ça fait mal, mais c’est supportable parce que ça signifie quelque chose. De la magie est tissée dans sa chaire et elle chante d’une ancienne voix nordique qu’il ne peut comprendre, mais il a l’impression que le chant des baleines pourrait y ressembler. C’est de la douleur, mais ce n’est pas une douleur inutile. C’est quelque chose.  

« Bizarre, » marmonne Harry. « Je me sens mieux, en fait. »

Théo retrace la cicatrice à présent changée en rune du bout du doigt. Harry frissonne.

« Je pourrai toujours te retrouver, » chuchote Théo. « Tout ce que j’aurai à faire, c’est suivre le chaos. »

Harry tourne la tête pour observer le visage de Théo. Son sourire est doux.

« Tu peux parler, » sourit en retour Harry. « Allons planifier l’infiltration du Magenmagot. » 

Notes:

(1) Pour ma part je me souvenais plus, donc je vous le note là, il s'agit d'une confiserie sorcière, des boules de sorbet qui permettent de s'élever dans les airs quand on les lèche.
(2) Petit détail qui permet une meilleure compréhension : si chez nous les Monster Munch ont une forme de petit fantôme... au Royaume-Uni, ils ont la forme de petites mains, en fait ! Comme quoi, on en apprend tous les jours xD

Ndt : On part pour une nouvelle aventure folklorique là j'ai l'impression... rendez-vous la semaine prochaine pour voir de quoi il en retourne ! :D N'oubliez pas de jeter un petit commentaire, ça fait tellement plaisir <3

Chapter 19: Opération Infiltration

Notes:

OURF j'ai bien failli vous oublier, pardon T_T mais me voilà ! (Toujours malade par contre... vous me croyez si je vous dit que ça dure depuis bientôt un mois ?!). J'espère que le chapitre et Harry qui joue au petit con vous plaira ;D

(See the end of the chapter for more notes.)

Chapter Text

Théo est réveillé par un tapotement sur la fenêtre. C’est un dormeur léger, encore plus léger à présent qu’il partage un lit avec un adolescent blessé qui semble avoir des cauchemars, des terreurs nocturnes ou d’horribles visions chaque fois qu’il ferme les yeux.

« Quesséssé ? » marmonne Harry en bougeant une épaule. Théo tend immédiatement la main pour le calmer comme il le fait toujours. Une caresse douce sur le front d’Harry, en écartant sa frange de la cicatrice qui a toujours l’air sur le point de saigner.

« Tout va bien, » chuchote Théo. « Rendors-toi. »

Harry marmonne à nouveau et roule sur le dos. Ça fait une semaine, et il peut dormir sur le dos à présent. Les runes ont l’air d’aider. Elles guérissent de mieux en mieux aussi, prennent une couleur argentée. Kreattur a expliqué que les moldus coupent souvent les sutures lorsque la chaire s’est refermée, mais Théo sait qu’ils ne seront plus capables de faire ça, à présent. Le crin de licorne a réagi avec le sort d’une façon qu’ils n’avaient pas anticipée. Théo sait que ça ne servira probablement à rien de faire des recherches dessus. Il sait au fond de lui que c’est quelque chose de nouveau. À 100% un foutu truc spécial Harry Potter. Le tapotement continue. Théo lève les yeux à travers la pénombre du petit matin en direction de la petite fenêtre. Il y a un hibou là-dehors.

« Merde, » marmonne Théo.

Il se glisse au-dessus d’Harry pour s’extraire de sous les couvertures. Harry n’arrive pas à dormir contre le mur pour des raisons qu’il n’a pas eu besoin d’expliquer à Théo. Il s’étale en dormant, un fait auquel Théo ne se serait pas attendu de la part d’un garçon ayant grandi dans un placard, mais Théo aime le fait qu’Harry puisse dormir ainsi avec lui. Arrêté au-dessus de lui, ses deux mains encadrant le visage endormi d’Harry, Théo sourit. Harry a relevé un de ses bras fins au-dessus de sa tête, les deux cicatrices parfaitement rondes et blanches des crocs de Basilic parfaitement visibles sur son muscle. Sa tête est tournée sur le côté, ses boucles légèrement humides de la sueur d’avoir dormi si proche d’une autre personne, ses sourcils noirs froncés. Quand il observe Harry comme ça, Théo a presque l’impression de voir à travers la potion de Glamour. Il peut voir la couleur de sa peau, entre le miel et le frêne, sous le teint de porcelaine qui imite James Potter. Il peut voir la façon qu’ont ses cheveux d’essayer désespérément de revenir à ces boucles noires naturelles. Il peut voir la finesse de ses pommettes sous la peau jaunie par les os fracturés, sa mâchoire plus allongée, ses yeux un peu plus grands. Il est toujours capable de voir Harry.

Je suis le seul à réellement savoir à quoi il ressemble.

Il y a un hululement à l’extérieur de la fenêtre. Kreattur s’assied avec un reniflement, se cognant la tête contre le dessous de la table basse en grognant. Harry souffle et se tourne, emportant presque Théo avec lui, mais Théo sort rapidement du lit et enfile son t-shirt. Il n’enlève son haut que lorsqu’Harry est déjà endormi. Harry ne l’a jamais dit, mais il a capté les regards à la dérobée qu’il lance à Théo quand ce dernier s’occupe des blessures d’Harry. Sa façon de serrer les mâchoires quand il regarde ses cicatrices runesques dans le miroir. Bien que personne ne puisse jamais le deviner vu sa façon de traverser la vie, les membres ballants, Harry est gêné par son corps. Théo n’aggravera pas les choses en le laissant comparer son corps éblouissant, couvert de cicatrices de survivant à celui, propre et camouflé par le Glamour, de Théo.

« Il y a un hibou, » grogne Kreattur d’une voix endormie. « Il est bruyant. L’Héritier Nott devrait le tuer. »

Théo lève ses yeux vers le ciel et ignore l’elfe. Si on l’écoutait, Kreattur et son nid fait de paquets de bonbons et du plus vieux et plus horrible des t-shirts de Dudley Dursley finiraient rangés dans le placard. Harry est contre cette idée, pour d’évidentes raisons. Aussi l’elfe démoniaque a-t-il construit son nid sous la petite table branlante où ils posent leurs tasses de thé. Ce n’est pas idéal, ne serait-ce que parce que Kreattur semble penser que tout ce qui est posé sur la surface de la table devient sa propriété par droit de squattage. Théo y a perdu un grand nombre d’ingrédients de potions. Et de sucreries.

« J’ai entendu, j’ai entendu, » marmonne Théo en voyant l’oiseau hululeur battre des ailes derrière la fenêtre. Son estomac commence à faire des nœuds. Il n’y a que deux personnes qui ont accès aux protections de cet endroit, et uniquement pour la communication, pas pour les visites. Théo n’a pas particulièrement envie d’avoir de leurs nouvelles, ni de l’un, ni de l’autre. Il ouvre la fenêtre et prend la lettre à la chouette effraie. Sahara siffle à cette présence et disparaît sous l’une des couvertures à côté d’Harry, qui siffle en réponse dans son sommeil. C’est une autre chose bizarre. Le fourchelangue endormi. Définitivement un point à rajouter sur la liste de recherche.  

« Kreattur, nourris la chouette, » murmure Théo. Kreattur grommelle mais roule hors de son nid, un paquet de chips moldues collé à l’oreille. C’était la pire décision qu’Harry n’ai jamais prise, songe Théo, de laisser son elfe avoir accès à de la malbouffe moldue. Kreattur offre à contrecœur un spaghetti à la fraise à la chouette, et Théo lit sa lettre.

 

Neveu,

J’espère que tu profites de ta visite annuelle à la masure de ta mère. Je ne souhaite pas m’immiscer dans les vacances d’ermite que tu t’es imposées, simplement te faire savoir que le Professeur Rogue a arrangé son habituelle ‘visite à domicile’ pour aujourd’hui, en fin de journée. Je ne doute pas que tu feras un écart à ta retraite pour te présenter, en bonne santé et d’apparence satisfaisante, à son inspection.

Salutations,

Ta Tante

 

« Merde. » Théo écrase la lettre dans son poing. « Par le trou du cul de Merlin, bordel de saloperie— »

« Théo ? » Harry s’assied, totalement réveillé et baguette en main, Sahara enroulée autour de ses épaules et ses yeux verts remplis de pouvoir. Théo admire un instant ses réflexes.

« Tout va bien, » le rassure Théo. Tout ne va pas bien, mais ce n’est pas une question de vie ou de mort, et c’est ce que cet Harry hyper-alerte, à peine réveillé et enthousiaste à l’idée de maudire quiconque a besoin d’entendre. « C’est juste une lettre. De ma Tante. »

« Oh. » Harry se détend, frotte ses yeux d’une main. Il lui faudra s’habituer à porter ses fausses lunettes avant Poudlard, même s’il les déteste. S’il retourne à Poudlard. Théo ne s’autorise pas à penser à ça. Il envoie sans un mot les lunettes dans la main d’Harry, un sourcil haussé. Harry soupire et les enfile. « Que veut-elle ? »

« Ce n’est… pas très bon. » Théo lance un regard à l’extérieur de la fenêtre. Le ciel au-dessus du lac est toujours d’un bleu d’encre. L’aube d’août ne le caressera pas avant encore une heure. Tout est magnifique ici, tout est simple. Le cottage de Fabiola est le seul endroit du monde où Théo ait jamais eu l’impression qu’il pouvait vraiment être lui-même. À présent, Harry est là aussi, mais Harry vient avec des complications.

Ça en vaut la peine, se dit Théo. Ça en vaut la peine, de ne pas être tout seul.

« Dis-moi. » Harry est à présent levé, en train d’enfiler son t-shirt, l’un de ces t-shirts moldus hideux qui sont vingt fois trop grands pour lui et le font paraître tout petit. Théo en ressent une vague pointe d’agacement. Harry n’est pas petit. Harry est un cyclone de chaos et d’une magie qui coupe le souffle, un cyclone qui traverse l’univers avec insouciance. Théo hait tout ce qui diminue, même un peu, ce qu’Harry est réellement.

« Le Professeur Rogue vient me rendre visite chez moi. »

« Putain de merde, » Harry prend la lettre des mains de Théo et, dans un mouvement qui continue toujours d’abasourdir Théo après tout ce qu’ils ont vécu, il le laisse faire. « Il fait ça ? Rendre visite aux Serpentard ? »

« Une visite pour s’assurer qu’on va bien. » La voix de Théo est tendue. « Il fait ça avec tous les Serpentards qui… »

Théo n’a pas besoin de finir sa phrase. Harry comprend.

« Vraiment ? » Harry secoue la tête, ricane sombrement. « Le seul sorcier de l’école qui m’ait jamais rendu visite, c’était Hagrid. »

 « Ce qui nous dit tout ce qu’il y a à savoir sur pourquoi les Gryffondors font des managers particulièrement incompétents, » lance Théo d’un ton sec. Mais intérieurement, son esprit est glacé par la fureur qu’il ressent à l’idée que McGonagall soit si présomptueuse qu’elle suppose ne pas avoir le moindre enfant maltraité dans sa Maison.

« Des bons combattants, cela dit, » répond Harry en haussant les épaules. Théo le dévisage. De son expérience, les Gryffondors ne sont pas de bons combattants, vu qu’ils sont effrontés et téméraires et foncent dans le tas sans réfléchir, mais il n’a jamais réussi à battre un spectre du Seigneur des Ténèbres avec deux copains de onze ans. « Qu’est-ce qui se passe si tu n’y vas pas ? »

« De la douleur. » Théo le dit d’un ton léger mais son poignet, brisé et re-brisé par elle tant de fois qu’il en a perdu le compte, tressaille. « Et un Professeur Rogue suspicieux. La douleur, je peux gérer, mais… »

« Ouais. Cet homme est comme un foutu bouledogue, » grimace Harry. Théo se demande ce qu’il y a en particulier avec les bouledogues, pour qu’Harry les déteste tant. Est-ce qu’il va falloir que je me venge sur chaque bouledogue ?

« Mais si j’y vais… » Théo pousse un soupir lourd. « Il pourrait me soutirer la vérité s’il le voulait. C’est un Legilimens. »

« C’est un quoi ? » Harry le fixe d’un regard vide.

« Il peut voir les pensées et les souvenirs. »

« C’est un putain de télépathe ? » explose Harry en se mettant à faire les cents pas, la lettre de Théo froissée dans sa main. Théo sait qu’Harry et le Professeur Rogue n’ont pas une relation des plus amicales, mais c’est une furie que Théo ne comprend pas. Pas encore. « Ce bâtard diabolique ! »

« C’est illégal de pratiquer la Légilimencie en dehors de quelques situations approuvées par le Ministère, pour apprendre ou pour interroger, ou en temps de guerre, » ajoute rapidement Théo. « C’est pour ça qu’il y a tant de peur autour… de Jeu du Sort. »

Harry s’arrête de marcher. « Tom est un télépathe ? Un… Legilimens ? »

« Et célèbre pour ça, » acquiesce Théo. Harry fixe le sol. Ah, le voilà. C’est ce regard qu’a Harry lorsque ses souvenirs l’envahissent, qu’il se perd dans le passé.  

« Harry ? » l’appelle doucement Théo. Reviens vers moi.

« Il savait, » marmonne Harry. Il lève les yeux vers Théo, son regard vert plus sombre que d’habitude.  « Quand j’ai menti à propos de la pierre, il le savait. »

La Pierre Philosophale. Putain de Dumbledore. Théo sait qu’il doit changer de conversation, pour sortir Harry du piège de ces horribles souvenirs d’un enfant qui se bat désespérément contre un mégalomaniaque.

« Le Professeur Rogue n’est pas un imbécile, il n’utilise pas son don sur ses étudiants, » continue Théo. « Bien qu’il soit capable de renifler un mensonge à des kilomètres. »

« M’en parle pas, » marmonne Harry. « Saloperie de branchiflore. »  

Théo hausse les sourcils. Ça, ce sera pour un autre jour. Concentrons-nous. C’est le problème avec Harry Potter. Il est une appétissante bibliothèque de souvenirs et d’aventures fantastiques, une tapisserie de magie ancienne et inattendue revenue à la vie, encore mieux qu’un conte de fée. Parfois, ça demande tout le self-contrôle de Théo de ne pas coller Harry à une chaise avec un sortilège pour lui refiler du Véritaserum juste pour entendre chaque histoire. Mais Théo ne le fera pas. Pas même si le Seigneur des Ténèbres le menaçait de sa baguette. Il veut entendre ces histoires, oui, il chérira chacune d’entre elle, mais il veut les mériter.

« Et s’il pense que je mens, il pourrait s’en servir… » Théo déglutit. L’idée de subir de la Légilimencie lui inflige une nausée violente. « Surtout s’il pense que je t’ai enlevé. »

« Pourquoi ? » Harry le dévisage, les sourcils froncés. « De toutes les personnes sur terre, Rogue est celui qui en a le moins à foutre de moi ou de si je suis vivant ou mort, je peux te le jurer. »  

Théo n’y croit pas une seconde. Harry était dans le cimetière, il est le seul témoin en dehors du premier cercle et de leurs familles à savoir exactement qui sont les Mangemorts actuellement au service du Seigneur des Ténèbres. Et puis, Théo se rappelle. Il était à Poudlard.

« C’est un Mangemort, Harry, » lance doucement Théo, en s’attendant à une explosion de rage et plus de marche à travers le salon – mais aucun des deux ne se produisent.

« Oh. Ouais. » Harry se gratte l’épaule, là où le haut de ses runes le démangent. Théo claque de la langue avec impatience et lui attrape les doigts. Est-ce qu’il ne peut rien laisser guérir correctement ? « Mais peut-être… peut-être qu’il n’en est… pas un ? »

Théo le dévisage. Putain, quoi ? Parfois, Théo se retrouve persuadé du fait que d’entre eux deux, il est celui qui comprend réellement ce monde dans lequel ils vivent. Harry est simplement un ouragan qui le traverse. Et à d’autres moments, Théo a le sentiment troublant qu’il ne sait rien du tout.

« Explique, » ordonne-t-il.

« Je ne peux pas. » Harry secoue la tête, l’air abasourdi. C’est ulcérant.

« Tu peux », Théo tient toujours les doigts d’Harry, et les serre dans un avertissement. Harry les écarte d’un coup sec.

« Je ne peux vraiment pas. » Harry détourne le regard. « Je ne devrais pas. »  

« Peut-être que tu ne devrais pas, » répond sèchement Théo en attrapant le menton d’Harry pour le forcer à le regarder. Il ne sera pas mis à l’écart. Pas maintenant. « Mais tu vas le faire. »

Théo essaye de faire ce qu’Harry lui fait parfois, de charger son regard de pouvoir pour lui montrer son déplaisir. Il n’est pas bon à ça, il sait qu’il ne l’est pas parce qu’il est un sorcier, pas un sauveur du monde sorcier ou peu importe ce qu’est vraiment Harry, mais il sait aussi que s’il fixe assez longtemps Harry dans les yeux, il arrivera à faire passer son message.

Tu me le diras parce qu’on est coincés là-dedans ensemble, ou pas du tout.

« Très bien, bordel, je vais te le dire. » Harry baisse la tête pour échapper à la poigne de Théo et ose même pincer le dos de la main de Théo avec ses dents.  Théo la retire d’un coup sec, observe Harry lui lancer un sourire sans aucune trace de culpabilité, totalement fier de lui. Le cœur de Théo tambourine dans sa poitrine. Il m’a mordu. Théo sait qu’Harry ne réalise pas ce qu’il fait, que dans ce jeu minutieux de pouvoir, où ils se cachent puis se révèlent, où ils se suivent et se dirigent, Harry trouve toujours moyen d’être vainqueur.

Les mots d’Apollonius dans sa jeunesse font écho dans la tête de Théo. Nous sommes des suiveurs, Théodore. Même ceux qui disent qu’ils ne suivront personne suivent une version d’eux-mêmes. Tous les sorciers suivent quelqu’un. Si tu as la moindre parcelle de caractère, tu suivras le pouvoir, toujours.  

« C’est… disons que, » reprend Harry, totalement inconscient des troubles que sa petite morsure a causé dans l’estomac et l’esprit de Théo. « Quand j’étais dans l’Infirmerie, après le retour de Jedusor, Rogue était là. Et Sirius. Ils se sont regardés, et Dumbledore leur a dit qu’ils devaient travailler ensemble. »

Harry hausse les sourcils. Théo acquiesce. Il a suffisamment entendu parler de la haine passée entre ces deux hommes pour comprendre la signification de tout ceci. Et pour comprendre également que Sirius Black n’est qu’un imbécile de proportions astronomiques et Théo espère que le parrain d’Harry ne s’est approché de personne d’autre.

« Puis Dumbledore l’a envoyé quelque part, il l’a… renvoyé. Il lui fait confiance. Il s’attend à ce qu’il travaille pour lui. » Les yeux d’Harry se perdent à nouveau dans le vide. « Et il n’était pas… il n’était pas dans le cimetière. Il n’était pas là. » Les yeux d’Harry se tournent à nouveau vers Théo. Il voit le vert à l’intérieur les illuminer doucement. Il est sur le chemin du retour à présent, de retour des enfers. « Jedusor a dit qu’il y en avait deux qui manquaient, cette nuit-là. Un qui était le plus loyal d’entre tous, et un autre dont il pensait qu’il l’avait quitté pour toujours. »

« Croupton et le Professeur Rogue, » souffle Théo. Son cœur tambourine à nouveau, mais cette fois à cause du savoir. C’est probablement le plus de choses qu’Harry lui a raconté du cimetière de façon consciente. Quand il est endormi, Théo entend d’autres choses, mais la plupart sont trop épouvantables pour qu’il les écoute. Des cris. Des pleurs. Le nom de Diggory.

« Ouais. » Harry frotte sa cicatrice, pensif. « Dumbledore n’est pas ma personne favorite en ce moment, mais c’est un général de guerre. Il n’enverrait pas Rogue là-bas s’il n’avait pas confiance en lui pour revenir. »

« Tu penses que c’est un espion. » Théo n’arrive pas à l’imaginer. Il pense à son Professeur âpre, qui a la langue la plus acérée que Poudlard n’ait jamais vue. La personne qui s’assure que certains Serpentards ont un check-up annuel quand ils descendent du train et qui leur laisse des petits pots sans étiquettes de crème pour les bleus sur leurs tables de nuits. Quel genre d’homme prend un tel risque ?  

« Ouais. Peut-être. » Harry hausse les épaules. « Pas que j’en sache grand-chose. Ça avait l’air d’être, genre, une drôle d’équipe. Un peu comme les X-Men ou quelque chose du genre. Ils sont tous ensemble en ce moment, ça j’en suis sûr. Les Weasley, Hermione, Remus… Sirius. »

Théo hait le ressentiment dans la voix d’Harry, hait cette envie. Théo n’a aucun autre endroit qui lui manque. Juste ici. Juste Harry. Il déglutit avec difficulté.

« Qui sont les Exmen ? »

« Oh. » Harry sourit. « Des superhéros moldus. Dudley avait l’habitude de les regarder les samedis matin. »

« C’est quoi un superhéros ? » Théo fronce les sourcils.

« J’imagine que c’est une sorte de moldu vraiment, vraiment puissant. » Harry hausse une nouvelle fois les épaules. « Un superhéros c’est un peu comme genre… Merlin, tu vois ? Mais un supervillain, c’est comme Jeu du Sort. Ils se combattent. C’est marrant. »

« C’est marrant ? » Théo dévisage Harry. « Pas étonnant que tu te sois lancé à la poursuite de la Pierre Philosophale. Est-ce que toutes les histoires moldues se moquent de la guerre ? »

« Les guerres moldues sont bien pires qu’un Seigneur des Ténèbres qui en affronte un de la Lumière. » Harry secoue la tête. « Dans la dernière grosse guerre moldue, septante-cinq (1) millions de personnes sont mortes. »

Théo le dévisage. Il se sent soudain très étourdi. C’est un nombre si grand, il n’en a même pas vraiment de sens. C’est plus de sorciers qu’il n’en existe probablement en ce moment. Il a envie de dire à Harry qu’il a tort, mais Harry a sorti ce nombre si rapidement, si facilement, que Théo sait que ce n’est pas un mensonge.  

« Par les couilles de Merlin, bon sang, mais qu’est-ce que Charity Burbage enseigne dans les Etudes des Moldus ? » grogne Théo. « Quel genre d’éducation, quel genre de compréhension est-ce que Poudlard s’attend à ce que ses élèves acquièrent en refusant de leur enseigner quoi que ce soit de l’Histoire moldue après la chute de Charles Premier ? Pour quel genre de monde est-ce qu’ils préparent même les étudiants s’ils ne comprennent pas— »

« Ok, Théo, on se calme. » Harry a posé ses deux mains sur les épaules de Théo, et il lui sourit doucement. « Respire profondément. Tu peux mener un coup éducationnel quand on sera de retour à Poudlard, c’est promis, il faut juste qu’on s’assure que Rogue ne te grille pas le cerveau avant ça. »

Théo acquiesce. Il repousse ses questions et son indignation pour plus tard. Ajoute des choses à sa liste de recherches. Guerres moldues. Armes qui peuvent tuer septante-cinq millions de gens.

« Donc, le Professeur Rogue. » Théo soupire. « Tu ne penses pas qu’il me mettrait sous Imperium pour me forcer à te remettre à Jeu du Sort ? »  

« Correct. Kreattur, non ! » Harry doit se lancer vers la fenêtre et arracher une petite barre de chocolat à l’emballage violet et blanc des doigts de Kreattur. « On ne nourrit pas le hibou avec mes curly wurly ! »

« Le Maître doit arrêter de faire entendre les sifflements à Kreattur ! »

« Arrête d’être une petite merde ! »

« Mais tu penses qu’il pourrait me jeter un Imperium pour te remettre à Dumbledore ? » Théo parle plus fort pour se faire entendre malgré leur dispute. Harry arrache son précieux chocolat malformé des doigts de Kreattur et se baisse quand Kreattur lui lance un œuf moldu à la tête.

« Correct également. » Harry attrape l’œuf avec ses agaçants réflexes, le déballe et l’écrase, chocolat et horrible jouet en plastique compris, sur la tête de Kreattur. Théo lève les yeux au ciel. Parfois, c’est comme vivre avec des enfants de trois ans. Théo fixe l’établi de potions, la potion dérivée du Poussoss qu’il est en train de faire pour aider cette fichue fracture de la clavicule d’Harry à guérir. Il a besoin d’un plan pour attirer le Professeur Rogue, l’homme de Dumbledore, de leur côté. Du côté de Harry. Théo est bon avec les plans.

« Et si je lui demandais de l’aide ? » s’interroge Théo à voix haute.

« Quoi, genre, ‘Désolé Rogue, est-ce que vous pourriez m’aider à cacher l’élève que vous détestez le plus à la barbe du directeur pour le plaisir ?’ » Harry renifle.

« L’Héritier Nott est encore plus stupide qu’il n’en a l’air, » ajoute Kreattur. Derrière lui, Théo peut les entendre bricoler cet horrible jouet de l’œuf moldu. Comment ils font pour passer des tentatives de meurtres à la construction de figurines en plastique inutiles ensemble, Théo ne le saura jamais. C’est la plus étrange relation elfe-Maître qu’il n’ait jamais vue.

« Non, je pourrais lui montrer ça. » Théo soulève le rouleau de parchemin horriblement long. Le report de diagnostique d’Harry, à qui il a fallu trois putains d’heures pour être complet. Aucun des deux ne l’a lu.

« Quoi, pour que Rogue puisse se taper une bonne barre à mes dépends ? Il adore faire ça. »

Harry lève les yeux du minuscule chariot moldu qu’il est en train de construire. Kreattur lèche le chocolat moldu de sa propre tête avec son horrible longue langue. Sahara siffle son opinion (en tout cas, c’est ce à quoi ça ressemble pour Théo), mais c’est dur à dire puisque la phrase ‘te dévorer’ semble être la phrase la plus récurrente de Sahara.

Harry Potter et sa ménagerie meurtrière. Je pourrais vendre des tickets.

« Non, pour que je puisse prouver que tu es trop fragile pour bouger, » explique Théo. Harry fronce les sourcils. « Il comprendra. S’il est vraiment l’homme de Dumbledore et qu’il hait vraiment Black, il saura à quel point c’est risqué de t’envoyer autre part alors que tu tiens à peine debout. »

« Hé, je vais bien ! »

« Être en vie, ce n’est pas aller bien. » Théo lève les yeux au ciel. L’incapacité d’Harry à rester tranquille et à guérir est toujours un sujet de disputes entre eux. « C’est un guérisseur, Harry, ou en tout cas il l’a été. Il comprendra. »

« C’est un connard, » répond sèchement Harry.

Théo hausse un sourcil. Il y a là-dessous plus que la simple haine du Professeur Rogue envers le bon-à-rien de parrain d’Harry, mais il ne sait pas quoi. Et jusqu’à ce qu’il sache, il lui faudra travailler avec sa priorité. Garder Harry en vie.

« Les gens peuvent être deux choses, » répond lentement Théo. « Par exemple, tu es à la fois téméraire et un petit con à la langue bien pendue. »

Harry lui sourit, de cette façon qu’il a de sourire quand Théo l’insulte.  

Ce sourire va m’attirer tellement d’ennuis.  

« Tu penses vraiment que ce sera suffisant ? » demande Harry. « Tu es le fils d’un Mangemort. Il pourrait penser qu’Apollonius est derrière tout ça. Ça prouvera juste que tu as accès à moi et que je suis blessé, pas que je te fais confiance et que je suis ici de mon plein gré. »

Théo fronce les sourcils. La perspicacité d’Harry continue de le prendre au dépourvu, mais il a raison. Le plan a besoin d’une autre couche.

« Et si… Et si je demandais son aide en écrivant à Granger ? » réfléchit Théo à voix haute. « Elle a des parents moldus, je pourrais être inquiet à l’idée d’où envoyer un hibou… »

« Pourquoi est-ce que tu voudrais écrire à Hermione ? » demande Harry en fronçant les sourcils.

« Je ne le voudrais pas, » sourit Théo. « Mais toi oui. Et il sait ça. Il saura que cette lettre est de toi. Il la lira, et verra que tu me fais confiance. »

« Euh. » Harry arrête de jouer avec le plastique et l’observe longuement. Théo l’observe se mordre la lèvre inférieure. Il ne peut arrêter de penser à cette étincelle de magie qu’Harry lui a transmis dans le jardin, deux jours auparavant. Ses propres lèvres le picotent encore. « Ouais, j’imagine que ça peut marcher. Et j’avais dit que j’écrirais à nouveau à Hermione quand je serai en sécurité. Il vaut mieux que je lui dise au moins que je serai au procès. C’est un bon plan. »

Harry penche sa tête sur le côté, et offre à Théo son meilleur sourire en coin narquois. « Mais c’est risqué, cela dit. »

Théo sourit à son tour. Il a un souvenir modifié déjà stocké dans une fiole, prêt à être amené par Kreattur à l’elfe de la Maison Bones. Il a les instructions falsifiées de l’Héritier de Serpentard écrites avec une dicta-plume et scellées avec la magie de la bague de Serpentard dans son carnet. Il a la lettre pour son père, la première qu’il a écrite depuis des années, posée sur son bureau. Il nage dans le risque.

« En quoi c’est nouveau ? » sourit Théo.

Harry hausse les épaules et essuie ses mains pleines de chocolat, contournant la table basse pour venir se placer à côté de Théo, devant l’établi de potions. Il prend le rouleau de ses mains et déchire ce dernier, séparant la partie qui date d’avant l’été.

« Il n’a pas besoin de voir tout ça, » lance Harry. « Il me fait assez chier comme ça. »

Harry bouge la main pour placer le reste du rouleau dans les flammes bleues sous le chaudron de Théo.

« Non, attends ! » Théo tend la main pour arrêter Harry.

« Pourquoi ? » Harry le dévisage.  

« C’est des preuves. » Théo déglutit. Il pense aux cicatrices transformées en runes sur le dos d’Harry qui ont failli le tuer. Il pense au moment où il a trouvé Harry et Kreattur à l’étage, dans la pénombre de cette chambre transformée en cellule de prison, quand ils pataugeaient dans le sang d’Harry. « Pour plus tard. »

Harry le dévisage puis recule lentement la main et malgré le hoquet de Théo, il offre son historique de maltraitance aux flammes.

« Je n’ai pas besoin de preuves, » répond doucement Harry. « Ils sont déjà coupables. Quand le temps viendra, j’aurai déjà tout ce qu’il faut. »

Théo observe le parchemin se transformer en cendres grises, les douces flammes orange dévorant les mots. Ce n’est pas la réponse classique d’un Gryffondor qu’avait imaginée Théo. Mais Harry n’est rien de classique. Théo sent une étrange sensation de paix l’envahir à cette pensée. De clarté. Harry n’attend pas de justice. Il n’en a pas besoin. Qui mieux qu’Harry lui-même pour décider du destin des Dursley ? Théo acquiesce.

« Ecris à Granger, » lui dit-il.

Harry acquiesce, puis effleure la lettre de Théo à son père, qui est juste à côté du chaudron. « Termine ça et répond à ta Tante. Dis lui que tu viendras. Prends Sahara avec toi, aussi. »

Théo acquiesce.

« Kreattur doit partir, » croasse Kreattur, son visage toujours plein de chocolat brun et blanc. « L’elfe Bones sera au marché en avance pour rencontrer Kreattur. »

Théo tend la fiole de souvenir avec une note attachée qui dit ‘Pour référence dans le procès d’Harrison James Charlus Potter, lundi 14 août 1995’. Kreattur la prend et disparait dans un craquement.

« Et voilà, » murmure Harry. « L’Opération ‘évitons le renvoi’ est en route. »

Théo lui lance un sourire.

« Est-ce qu’on devrait pas lui donner un nom plus discret ? » blague-t-il. Harry sort une dicta-plume et un autre morceau de parchemin de sa malle.

« Opération ‘Théodore flirte avec une sentence à Azkaban’ ? » Harry lui sourit. Le cœur de Théo fait un bond. Harry est la seule personne dont Théo supporte de l’entendre l’appeler par son nom entier. « Opération ‘Niquons le Ministère’ ? »

« Très discret. » Théo sourit sèchement. « Pourquoi pas quelque chose de plus court ? ‘Opération Infiltration’ ? »

« Ou bien l’infiltration de l’Opération, » sourit Harry en ouvrant la porte du cottage. « J’aime bien. »

Théo sait qu’il va aller s’asseoir près du lac, son endroit favori du cottage, pour écrire à sa meilleure amie. Théo n’est pas le meilleur ami d’Harry. Il ne sait pas ce qu’il est, mais il sait que Granger n’est pas ici, et que lui oui. Ça devra suffire.

Théo prend la lettre un peu froissée de sa Tante (une des bagues d’héritier d’Harry en a roussi les bords, mais Théo n’a pas vu laquelle) et y gribouille : « Je serai présent comme prévu », au bas du message. Puis, il se tourne vers la lettre à son père. Il la relit.

 

Cher Père,

Si vous avez encore une once de tendresse paternelle envers moi, vous suivrez mon conseil en ce qui concerne le futur procès du Magenmagot pour un mineur. Je suis entré en possession des instructions ci-jointes de l’Héritier de Serpentard et je vous suggère, pour votre propre sécurité et pour la mienne, que vous les suiviez.

 

Théo fixe les mots. Il a peu à ajouter, mais une idée s’installe dans son esprit. Il repose sa plume sur le papier.

 

J’ai trouvé mon pouvoir, Apollonius. J’ai l’intention de le suivre.

Votre fils,

Théodore

 

Notes:

(1) Désolée les gars, vous êtes coincées avec une traductrice suisse qui refuse de renier ses origines x'D Septante-cinq = soixante-quinze. 75, si vous préférez :p

J'espère que ça vous a plu ! On retrouve normalement notre ami le super-espion d'ici jeudi ! :) Et moi je retourne travailler T_T

Chapter 20: Visite de courtoisie

Notes:

Le retouuuur de notre professeur préféré et de son langage terriblement châtié :D J'espère que ça vous plaira, bonne lecture !

(See the end of the chapter for more notes.)

Chapter Text

Severus se tient dans le salon de réception du Manoir Nott. Jezebel Nott est assise dans un fauteuil imposant près de la cheminée, à fumer une cigarette à l’horrible odeur. Tout le Manoir en empeste. Cela rappelle à Severus les cigarettes bon marché de son père. Et les atroces cigarettes à la menthe que Black fumait dans tout Poudlard dans l’espoir de prouver qu’il était moins pur.

Espèce d’odieux bâtard poseur.

« Il sera bientôt là, » annonce Jezebel avec lenteur. « Il est parti dans cette horrible maison de sa mère. »

Severus acquiesce. Il sait que pendant quelques semaines chaque été, Théodore gagne un peu de répit de l’épouvantable tutelle de Jezebel en retournant non pas près d’Apollonius mais à une petite propriété incartable et lourdement protégée, qui a appartenu autrefois à Médéa Nott.

Ce qui pourrait être l’endroit parfait pour Apollonius pour cacher non seulement son fils, mais également Potter.

Severus observe la pièce autour de lui avec dédain. Il déteste se rendre au Manoir Nott. Depuis qu’Apollonius s’est exilé au château Nott en Irlande, après le décès de Médéa, Jezebel en a profité pour exhiber son obsession dégoûtante pour le style français des Nouveaux Riches. Severus ne comprend pas comment une fille de la Maison Nott, une ancienne Maison Nordique qui fait également partie de cette absurdité que sont les Vingt-huit Familles Sacrés, puisse être à ce point obnubilée par l’idée de s’habiller comme Marie-Antoinette. Même Lucius, le Lord d’une maison qui fait réellement partie de l’Aristocratie Française, ne manque pas de grâce à ce point.

Quoi que, la cane avec un diamant gravé frise le mauvais goût.

Il n’y a rien dans ce Manoir qui puisse suggérer qu’un adolescent vit ici, ce qui, suppose Severus, est vrai. Théodore Nott, l’enfant en question, n’occupe pas cette maison. C’est l’Héritier Nott, forgé dans l’acier par les mains de son horrible Tante, qui vit ici. L’Héritier Nott qui entre dans la pièce, un serpent arboricole aux écailles d’un vert brillant enroulé autour de son cou.

« Théodore, je vois que vous avez apporté votre… animal. » Jezebel souffle cette horrible fumée dans la pièce. Severus tousse. Très fort et délibérément. Théodore lui lance un regard gris impassible. Severus a toujours admiré le calme du garçon, qu’il semble avoir appris malgré les enseignements de sa Tante. « Votre Professeur est ici pour votre entretien annuel. Je vous fais confiance pour être… concis. » 

« Il parlera aussi longtemps que je le jugerai nécessaire, Jezebel, » grince Severus en croisant les bras. « Comme toujours. »

Pendant les quatre dernières années, ils ont joué cette même danse. Jezebel lance ce qu’elle pense être des menaces voilées et subtiles à son neveu et Severus les ignore. Aujourd’hui, il est particulièrement impatient. Surtout vu qu’il pense que Théodore sait où se trouve Potter. Jezebel le fixe de ces yeux sombres et flasques. Ses cheveux couleur noisette sont tirés en arrière dans un chignon sévère. Elle souffle un peu plus de cette atroce fumée dans l’air.

« Très bien. » Elle se lève dans un mouvement qu’elle s’imagine sûrement élégant. Narcissa pourrait littéralement lui danser sur le ventre. « Je vais donc vous le laisser, Professeur Rogue. »

Elle quitte la pièce. Severus dévisage Théodore. D’habitude, le seul regard de Severus est suffisant pour réduire des adolescents en larmes, mais Théodore est l’un de ses Serpentards les plus impressionnants. Lui et Daphné Greengrass sont les deux futurs Cinquième Années les plus prometteurs selon Severus. Ils sont tous les deux des piranhas, tranquilles, se mouvant au ralenti jusqu’au moment de l’attaque. Ils sont concentrés, intelligents et, d’après Severus, exactement le genre d’étudiants qui pourraient rester en dehors des ennuis et à l’écart de la guerre à venir, et faire la plus impossible des choses : survivre. Severus ressent un intense sentiment irrationnel d’agacement à l’idée que Théodore se soit écarté du chemin de la sécurité.

S’il s’est, d’une façon ou d’une autre, approché de Potter, il est aussi loin de la sécurité qu’il est possible de l’être.

« Comment s’est-elle comportée ? » demande Severus en commençant avec les questions usuelles.

« Comme d’habitude. »

Severus acquiesce. Il plonge la main dans une poche et en ressort une potion de guérison des os et un petit pot d’onguent extra-fort pour les bleus. Il les pose sur la table. C’est tout ce qu’il peut faire pour Théodore, et tout ce qu’il peut faire pour beaucoup de ses Serpentards. Leurs parents sont trop puissants et ces foutus Vingt-Huit Sacrés se protègent entre eux. Théodore acquiesce avec gratitude. Il n’attend rien de plus.

« Vos glamours sont impeccables, » commente Severus. Théodore a l’air remarquablement en bonne santé pour quelqu’un qui vit avec une femme aimant le brûler avec ses cigarettes.

« Je me suis entraîné. »

Severus acquiesce. Théodore est excellent en Sortilèges. Il excelle dans toutes ses classes académiques, mais en pratique, il est vraiment doué en Sortilèges et, bien sûr, en Potions. C’est un héritage en quelque sorte, puisque Médéa était connue pour être douée, mais Théodore est en plus très appliqué. Severus en ressentirait bien de la fierté, s’il n’était pas furieux que Théodore ait prouvé à quel point il était un foutu fou pour se retrouver pris dans les déboires de Potter.

« Vous avez un serpent arboricole. » Severus fait un petit geste du menton en direction du serpent enroulé à son cou.

« Un présent d’Apollonius. » Théodore caresse le cou du serpent. C’est affectueux. Severus hausse les sourcils. Théodore n’est, de façon absolument catégorique, jamais affectueux. Le garçon se balade avec un couteau, pour l’amour de Merlin !

(Severus ne devrait pas l’autoriser, mais il le fait, parce que le couteau est un outil magnifique qu’il peut utiliser pour débiter des ingrédients de potions en morceaux. Enfin c’est le raisonnement que Severus utilise pour se convaincre lui-même. De plus, Théodore n’a jamais poignardé que des Serpentards qui le méritaient. Severus comprend la nécessité de s’imposer dans sa propre Maison. De prouver que l’on n’est pas faible.)

« Avez-vous beaucoup voyagé, en dehors de la maison de votre mère ? » demande Severus. Théodore hausse un sourcil. Ce n’est pas une des questions habituelles.

« J’ai été jusqu’à Londres pour récupérer Sahara, » répond calmement Théodore. Puis il caresse son serpent.

Sahara ? Quel nom étrange. Les Nott ont plutôt tendance à nommer leurs familiers après des noms de Dieux Nordiques. Sahara, ça sonne… presque moldu.

« En dehors de là, où pourrais-je bien aller ? »

Dans le Surrey. Êtes-vous allé dans le Surrey ?

« Avez-vous parlé à votre père ? » Severus décide de changer de tactique.

« Je lui ai écrit aujourd’hui, » répond Théodore calmement.

« Pas d’autre communication ? »

Il ne vous a pas demandé de vous rapprocher d’Harry Potter pour ensuite le kidnapper loin de sa famille moldue ?

« Aucune. » Théodore secoue la tête. « Apollonius n’est pas très… bavard. »

Ça ne pourrait être plus vrai. Comme tout bon Directeur de Maison qui se respecte, Severus garde un œil sur le courrier de ses élèves. Théodore ne reçoit aucune lettre ni de son père ni de sa tante au cours de l’année scolaire et passe chaque temps de vacance au Château ou à rendre visite à ses camarades Serpentards. Donc pourquoi Apollonius voudrait-il soudainement ordonner à son fils de mener une mission aussi risquée ? Severus sait qu’il doit soumettre Théodore à plus de pression, mais il doit le faire avec précaution. De ce que savent Apollonius, ses Serpentards et Théodore, Severus est fidèle au Seigneur des Ténèbres.

« Théodore, » commence-t-il doucement en baissant la tête vers son Serpentard. « Si Apollonius devait vous soumettre à une… quelconque pression, sachez que vous pouvez vous confier à moi. Si vous réalisez avoir besoin… d’aide. »

« Merci, Professeur. » Théodore continue d’une voix calme : « J’ai en effet besoin d’aide. »

Severus le dévisage. Putain, merci. Il le dévisage, et Théodore se redresse.

« Très bien. Comment puis-je vous aider ? »

« J’aurai besoin de potions pour aider un de mes amis. »

Théodore n’hésite pas. Il sort un morceau de parchemin et le tend à Severus. Ce dernier le lit. Et cesse de respirer en voyant les mots ‘épuisement magique dû à une exposition à des esprits de mort’. 

C’est le diagnostique de Potter.

« Des Détraqueurs, » marmonne Severus.

« Malheureusement. » La voix de Théodore est totalement plate. Il sait que personne ne sait pour les Détraqueurs de Little Whinging. Il sera un Lord Nott formidable, un jour.  

Severus comprend plusieurs choses coup sur coup. Premièrement, Théodore sait qui détient Potter. Deuxièmement, Théodore a dit de Potter que c’était ‘un ami’. Troisièmement, c’est le genre d’informations qu’Apollonius ne laisserait jamais son fils partager. Apollonius n’est pas le genre de Mangemort qui utilise son enfant pour se vanter. Si Apollonius a quoi que ce soit à voir avec le kidnapping de Potter, s’il croit qu’il peut utiliser le garçon d’une façon ou d’une autre pour avoir plus de liberté ou de pouvoir, il l’aurait fait en gardant Théodore à l’abri. Donc Théodore se met lui-même en danger. Soit pour protéger son père, ou Potter, ou lui-même. Peut-être même les trois à la fois.   

Severus doit décider qui il veut protéger. Il a juré de sauver Potter, donc la logique voudrait qu’il amène Théodore à Albus. Qu’il priorise le Garçon-Qui-A-Survécu. Mais Severus ne fera pas ça.

Où en tout cas, pas juste ça.  

Peut-être que c’est parce que Severus ne peut pas pardonner à Albus d’avoir laissé le fils de Lily endurer tout ça. Peut-être que c’est parce qu’il garde déjà tant de secrets au nez de ses Maîtres qu’un autre pèse à peine plus lourd qu’une plume. Lentement, il plonge les mains dans ses poches. Il en sort une petite fiole de potion argentée.

« Votre ami ingère régulièrement des potions anti-coagulantes pour les blessures faites à ses organes ? » demande-t-il.

« Oui, » répond doucement Théodore. « Tous les deux jours. »

« Ceci l’aidera. Il n’aura plus besoin que d’une potion anti-coagulante une fois par semaine. » Severus écrit quelques notes sur un morceau de parchemin. Il fait confiance à Théodore pour suivre ses instructions. Pas comme Potter. « Ressent-il encore des douleurs à cause des fractures ? »

« Celle de la clavicule et de sa pommette, oui. »

Severus sent ses poings se serrer. Putain de moldus. Un manque d’amour, en effet. Il ajoute une deuxième fiole de potion pour soigner les os sur la table. « Une pour vous, une pour lui. »

« Merci, Professeur. » Théodore les place toutes dans sa poche. Severus pense à la chambre de Potter, aux draps pleins de sang. Pas étonnant que Théodore ait développé une familiarité avec le garçon.

« Il a perdu beaucoup de sang, » reprend Severus. « Est-il léthargique ? »

Les coins des lèvres de Théodore de soulèvent.

« Plus depuis le troisième jour. Plus du tout. »  

Severus le dévisage. C’est plus que de la simple familiarité créée par des enfants maltraités, piégés dans les jeux de pouvoir de sorciers adultes. C’est de… l’affection ? Théodore semble réaliser qu’il a laissé échapper quelque chose, parce qu’il s’avance d’un pas vers Severus, sa voix à présent à peine plus haute qu’un souffle.

« J’espère que vous réalisez, Professeur, qu’il n’est pas en assez bonne santé pour être déplacé. » Théo s’arrête un instant. « Pas du tout. »

Il veut que je lui fasse confiance. Il veut que je lui fasse confiance sur le fait qu’il ne fera pas de mal à Potter pour que je n’essaye pas de le déplacer vers le Square Grimmauld.

Severus sent une poussée irrationnelle d’agacement. Mais qu’est-ce qu’il a, ce foutu gamin, pour créer ainsi des protecteurs partout où il va ?

C’est toujours, toujours, ce foutu Harry Potter.

Severus repousse l’amer ressentiment qu’il ressent. Il plonge dans les yeux de Théodore. Gris. Clairs. Mais insondables. En cet instant, il hait Harry Potter. Il hait Albus Dumbledore. Il hait la guerre, il hait le Seigneur des Ténèbres, et se hait lui-même et cette personne que la tragédie a fait de lui. Mais Severus est le Directeur de la Maison Serpentard. Il garde les secrets de ses élèves.

Et pourquoi est-ce que je devrais sortir Black de sa misère en lui rendant son précieux filleul ?

« Du bœuf. Du foie. Des épinards, » lance doucement Severus. « Priorisez de la nourriture avec du fer à l’intérieur. »

« Oui, Professeur. » Théodore recule d’un pas. « J’espérais que vous pourriez m’aider pour un autre problème. »

« Bien sûr. »

Je mens déjà au Seigneur des Ténèbres et au Meneur de la Lumière, alors pourquoi pas, bordel ?

« J’ai une question pour une autre élève sur notre devoir d’été d’Arithmancie, mais je ne sais pas comment lui remettre ma lettre. » Théodore offre ladite lettre à Severus. « C’est une Née-Moldue, d’où mon hésitation. »

Severus fixe le nom sur le devant de la lettre. Hermione Granger. Théodore Nott veut écrire à Hermione Granger.

« Miss Greengrass suit les cours d’Arithmancie avec vous, n’est-ce pas ? » demande lentement Severus.

« Oui, Professeur. »

« Et pourtant, vous souhaitez parler à… Miss Granger ? » 

La meilleure amie de Potter ?

« En effet. » Théodore agite la lettre. « Avez-vous une suggestion sur comment je pourrais la lui faire parvenir ? »

Severus comprend, mais il n’arrive pas à y croire. Théodore pourrait bien ne jamais être en sécurité, mais s’il ne se trompe pas, il ne sera jamais un Mangemort non plus. Malgré sa frustration, Severus est fier.

« Les hiboux postaux de Poudlard seront en mesure de livrer votre lettre. »

Severus prend la lettre. Discrètement, il laisse sa bague des Prince glisser sur le parchemin pour vérifier qu’elle ne contient aucun portauloin. L’ombre argentée de sa magie retourne dans son anneau. Il lève les yeux vers Théodore, qui fixe sa main, abasourdi.

« Est-ce que je peux vous aider, Monsieur Nott ? » lance sèchement Severus. Ah, les adolescents. Il déteste quand quelqu’un remarque sa bague.

« Non, Professeur. » Théodore ne bégaie pas, c’est un Nott après tout, mais Severus voit l’inconfort et les mensonges aussi facilement qu’un faucon voit sa proie. Quelque chose a déstabilisé le garçon.

Aurait-il reconnu la bague des Prince ?

Severus repousse cette pensée, puisqu’elle n’a aucun sens, et passe à la suite. Il a une lettre à remettre au Square Grimmauld.

« Autre chose, Monsieur Nott ? » demande Severus.

« Oui. » 

Severus s’arrête alors qu’il est en train d’enfiler à nouveau son manteau sur ses épaules. Il hausse les sourcils en direction de son élève.

« Est-ce que le Directeur le savait ? » Les yeux de Théodore passent du rapport de diagnostique dans la main de Severus au visage de ce dernier. Severus sait qu’il ne devrait pas transmettre cette information à Théodore, mais il sait également qu’Albus mérite ce blâme. Un piranha le pourchassant serait plus qu’approprié.

« Oui, » acquiesce Severus.

Les yeux de Théodore se solidifient comme de l’argent. Comme des écailles de poisson. Son serpent siffle.

« Merci, Professeur, » acquiesce Théodore. « J’apprécie toute votre aide. »

Théodore s’incline gracieusement, en se penchant un peu plus que d’habitude, puis se retourne et quitte le manoir.  Pour retrouver Potter, sans aucun doute, et enfoncer un peu d’épinards de force dans l’estomac de ce foutu garçon. Severus sourit, appréciateur. Ce n’est que lorsqu’il sort de la cheminée du Square Grimmauld qu’il réalise quelque chose d’un peu étrange. La révérence plus basse de Théodore. Ce n’était pas un geste de gratitude. C’était le geste approprié d’au revoir réservé aux Lords.

Comment est-ce que Théodore peut savoir que ma bague est une bague de Lord ?  

 __________

« Où est Granger ? » demande Severus en entrant dans la librairie quasi vide des Black. Son esprit fourmille de questions et est alourdi par ces nouveaux secrets, et tout ce qu’il souhaite est de pouvoir rentrer chez lui pour brasser des potions, mais il doit d’abord délivrer cette lettre à Granger. Personne ne lui a jamais dit qu’espionner consisterait à imiter un foutu hibou postal. Lupin est assis au bureau, à examiner la dernière lettre de Black à Potter, des lunettes sur son nez. Un agaçant souvenir le traverse.

Lupin qui enfile ses lunettes durant la classe d’Arithmancie. Severus qui l’observe en songeant à quel point il aimerait enlever les lunettes de Lupin pour caresser sa joue.

Severus ressent une autre pointe d’agacement. Les souvenirs de Lupin sont devenus de plus en plus fréquents depuis leur discussion à propos de 1982. Et ils sont toujours malvenus. Pas maintenant.

« Lupin ? » relance-t-il sèchement.

« Elle est dans sa chambre, je crois. » Lupin ne relève même pas les yeux de l’énorme livre de références qui est ouvert près de lui, un stylo moldu dans la main.

« J’ai besoin d’elle, » grogne Severus. « Va la chercher. »

« Va la chercher toi-même, » marmonne Lupin. Severus en hausse les sourcils. Lupin a été comme ça toute la semaine. Sec comme le désert, son loup trop proche de la surface au goût de Severus. C’est sans doute dû à l’effritement continu de Black, mais Severus trouve ça à la fois amusant et agaçant. Et ça lui rappelle 1982. Il faut que ça s’arrête.

« J’ai une lettre pour elle. » Severus la sort de ses poches, et la plaque au-dessus de la lettre de Black malgré le grognement de Lupin. « Possiblement de Potter. »

Les yeux de Lupin se lèvent vers lui. Ils ont pris la couleur de l’ambre brûlé et sont pleins d’un espoir totalement prédictible, sans aucune aide.

« Vraiment ? »

« Je le pense, » acquiesce sèchement Severus. « Et si j’ose ne serait-ce que mettre le pied à l’étage supérieur, je risque bien de me retrouver face à un foutu cabot prêt à se battre, aurais-tu l’amabilité d’aller la chercher ? »  

« Bien sûr, Severus, pardonne-moi. »

Certainement pas, songe mollement Severus.

Lupin se relève rapidement et quitte la pièce, toute sa déférence habituelle restaurée, laissant le loisir à Severus d’observer la librairie éventrée des Black. Avec l’aide d’Albus utilisant la bague de Lord que Black ne daigne pas porter (comme si c’était une putain de déclaration de bonne volonté que de ne pas porter une bague de Lord), ils ont réussi à retracer les livres jusqu’à Gringotts, mais peu importe les menaces, le Manitou Suprême n’a pas réussi à faire bouger les gobelins. Severus en sait quelque chose. Serracier continue de répéter en boucle la même phrase à propos de la virtuosité des goblins et leur confidentialité à chaque fois que Severus le questionne sur le coffre d’Héritier des Prince.

Ils ont intérêt à aussi bien garder les secrets face à Black que face à moi.

Severus se retourne en entendant le fracas des pieds d’adolescents qui se dirigent vers la bibliothèque. Il se prépare à faire face à l’inévitable assauts de Gryffondors bien trop pressés et grimace lorsque ce fichu cabot haï et hargneux au poil noir débarque.

« La lettre, » croasse Black. Il ne s’est pas rasé, a l’air aussi fou que lorsqu’il venait d’échapper aux griffes d’Azkaban. Il pue le whisky. Severus recule d’un pas en réprimant sa répugnance. Les souvenirs de Tobias Rogue menacent de faire surface.

Non. Cet homme est peut-être mon harceleur, mais ce n’est pas mon père.

« Elle ne t’es pas adressée, Black, » ricane Severus en faisant jouer la lettre dans ses mains, dans un mouvement qu’il espère alléchant. Il ne peut pas s’empêcher de jouer avec le chien errant. « Elle est pour Miss Granger. »

« C’est mon filleul ! » grogne Black.

« Sirius, s’il te plait, retourne à l’étage. »

Severus lance un regard par-dessus l’épaule de Black. Lupin est appuyé contre le cadre de la porte, la tête affalée contre cette dernière, les yeux fermés. Il a franchement l’air de quelqu’un qui aurait aimé ne pas se lever ce matin.

Comment est-ce que ça peut valoir le coup de s’occuper d’un amant qui vous fatigue pour de si mauvaises raisons ?

Severus ne peut pas imaginer que ces deux-là baisent encore. Il lance un regard en coin de dégoût à Black. Une peau couleur olive, graisseuse, couverte de tatouages criards, des cheveux bouclés totalement emmêlés et sales, qui dégagent une mauvaise odeur. Qui aurait envie de coucher avec ça ?

Lupin. Toujours. Et c’est la seule raison pour laquelle il a couché avec toi. Parce que tu étais tout autant un remplacement pour Black qu’il n’en était un pour Lily.

« Professeur Rogue ? » Granger entre dans la pièce, en enroulant une boucle sombre entre ses doigts, inquiète. Sans surprise, Ronald est sur ses talons, avec sa grande taille et sa tête rousse qui s’appuie à l’opposé de Lupin dans l’entrée. « Il y a une lettre d’Harry ? »

« Elle a été livrée à Poudlard, » ment Severus sans efforts et contourne Black, en ignorant le grognement sourd qu’il émet, pour tendre la lettre à Granger.

Elle la lui arrache, va à toute vitesse jusqu’au bureau pour s’y asseoir, en étalant le papier sur le bureau. Black se jette en avant, un air affamé sur le visage, mais avant que Severus n’ait même le temps de tirer sa baguette, Ron a bougé, aussi rapide qu’un spectre, pour se tenir entre l’homme adulte et l’enfant, les mâchoires serrées.

« Elle va la lire à voix haute, Sirius, » lance doucement Ronald.

Severus s’attend à ce que Black n’explose en entendant ça, mais il n’en fait rien. Miraculeusement, il recule, se tassant sous le regard brun de Ronald et se laissant tomber dans un vieux fauteuil en cuir poussiéreux près de la cheminée. Il agite la baguette, faisant apparaître un décanteur en cristal et un verre. Il remplit ce dernier mais ne regarde aucun d’entre eux. Il boude, mais ne rage pas.

Eh bien, c’est nouveau ça.

Severus hausse un sourcil en direction de Lupin, et bouge jusqu’à se tenir à côté de lui dans le cadre de la porte.

« Arthur a établi quelques règles, » murmure Lupin pour lui expliquer. « Pas de cris, ni d’intimidation sur les enfants. »

Severus dévisage Lupin. Ne peut-il pas voir à quel point c’est irraisonnable que son amant ait besoin de telles règles ? Lupin referme à nouveau ses yeux ambrés.

« Je sais, » murmure-t-il. Puis, il reprend, plus fort : « Pourrais-tu nous la lire, Hermione ? »

« Elle est très courte. » La voix de Granger est serrée, elle retient des larmes de soulagement.

« Cher rat de bibliothèque,

Je suis en sécurité. J’espère que Patmol et Lunard ainsi que le Maître d’échecs vont tous bien. Sache que je compte bien tenir mes engagements. Ne t’inquiète pas, nous serons réunis bientôt. Dis-lui de ne pas s’inquiéter pour moi en attendant. Il ne me trouvera pas. C’est tout ce que je veux. Ne t’inquiète pas, pas de rebords. Je t’aime.

Numéro Quatre. »

« Ce n’est même pas de lui, » renifle Black, le décanteur cliquetant contre le cristal. « Quelqu’un nous joue une blague stupide. »

« Tu ne peux pas arrêter de boire ? » lance sèchement Rogue.

« C’est ma putain de maison, » grogne Black contre le rebord du verre. Ses yeux sombres sont pleins de haine. Oh, Severus peut sentir à quel point Black a envie de lui jeter des sorts, mais heureusement, il n’y est pas autorisé. Putain, merci Arthur Weasley et ses règles basiques.

« Si tu ne peux même pas discerner les motifs dans le langage, peut-être que tu devrais changer d’avis, » renifle Severus.

« Comme si tu pouvais le faire ! » souffle Black.

« Le rat de bibliothèque c’est Granger, de toute évidence, le Maître d’échecs est Monsieur Weasley, une référence à peine voilée à sa médiocre performance au test de McGonagall pour la pierre philosophale. Vos propres petits surnoms de Maraudeurs sont aussi clairs que le jour, et Numéro Quatre est une référence au statut de Quatrième Champion du Tournoi des Trois Sorciers. » Severus décompte chaque surnom sur ses doigts tout en fusillant Black du regard. Granger acquiesce en rythme. Ronald semble pâle, et un peu agacé.

« Médiocre ? » marmonne-t-il dans sa barbe.

« Un Serpentard aurait pu gagner cette partie sans avoir à se sacrifier, » répond Severus dans un ricanement.

« Avec trois pièces vivantes ? » marmonne Ronald en retour.

« La référence à ce ‘il’, cela dit, je ne la comprends pas, » les interrompt Lupin. « Parle-t-il de Voldemort ? »

« Non. » Granger secoue la tête.

« Potter ne laisserait jamais passer une telle opportunité de donner un nom de code immature au Seigneur des Ténèbres, » répond lentement Severus. Il hausse un sourcil en direction de Ronald, dans l’expectative.

« Face de serpent, » admet Ron. Severus fait un geste en sa direction, les yeux fixés sur Lupin.

« Mais alors qui… ? »

« Dumbledore. » Granger ferme les poings. « Il parle du Directeur. »  

« Non, pas du tout. » Black sourit et secoue la tête comme s’ils n’étaient que des idiots. Pour avoir craqué un code que tu n’avais même pas reconnu. « Harry ne parle pas comme ça d’Albus. »

« Comment ? » répond lentement Severus. « Comme s’il l’avait laissé dans une maison où on le maltraitait pendant quatorze ans ? »

Lupin tressaille. Ronald et Granger acquiescent.

« Sans respect. Comme toi, Rogue. » Black lui lance un regard sombre avant d’avaler d’un trait son whisky. « Ce n’est pas comme ça que mon Harry parle. »

Son Harry. Comme s’il y avait une version de Potter à laquelle seul Black avait accès. Une version qui n’est que dans sa propre tête, songe Severus.

« Ce n’est pas comment il avait l’habitude de parler, » marmonne Granger. « Il a le droit de changer. »

Granger ne se tourne pas pour regarder Black, mais ses épaules sont tendues. Il semblerait que le déplaisir grandissant de Black envers Granger n’est pas totalement à sens unique. Ronald place une main sur son dos, le frotte gentiment. Severus a vu tout ce qu’il lui fallait voir. Granger n’a pas confiance en Albus. Elle n’a pas confiance en Black. Potter n’a peut-être plus confiance ni en l’un, ni en l’autre.

Eh bien. Soit tout ça va être très intéressant, soit on est tous foutus.

« Qu’est-ce qu’il veut dire par ‘pas de rebords’ ? » demande Lupin. Granger lève les yeux et Severus voit le mensonge y danser.

« Un truc de Quidditch. » Elle rebaisse le regard vers le parchemin. « Pas important. »

Donc pas un truc de Quidditch. Très important. Quelque chose dont il faudra parler plus tard.

« Et la suggestion sur le fait qu’il tiendra ses engagements ? » reprend lentement Severus. Il n’attirera pas l’attention sur son mensonge devant Black. Quelle étrange sensation que de se retrouver dans une collaboration muette avec Hermione Granger, le cœur de Gryffondor. Très étrange. « Est-ce qu’on doit en conclure que Potter nous fera grâce de sa présence à son audience ? »

« Oui. Poudlard compte plus aux yeux d’Harry que n’importe quoi d’autre. Il sera là. » Granger se relève, plie proprement la lettre et observe Severus comme s’il est l’adulte de la pièce auquel il est naturel qu’elle se réfère. « Peut-on y aller, Professeur Rogue ? »

Severus jette un coup d’œil à Lupin, qui semble encore plus fatigué. Apparemment, Lupin n’en a pas encore fait assez pour récupérer la confiance de Miss Granger.

« Oui, mais je garde la lettre. » Severus tend la main pour la récupérer. « Le Directeur va avoir besoin de la voir. »

Le visage de Granger se tend. Lupin soupire.

« Je peux la copier pour toi, Hermione, » dit-il doucement. Granger lui jette un regard puis acquiesce.

« S’il vous plait. » Elle part de la pièce d’un pas bien trop plein de dignité et de dédain pour une fille de quinze ans. Ronald adresse une grimace à Lupin et hausse les épaules.

« Elle a juste besoin de temps, Remus. » Il pose une main sur l’épaule de Lupin dans une bonne imitation de son père. Bien que Ronald soit encore trop raide pour réellement y arriver. Gamin idiot, qui essaye de jouer les adultes. Comme si ça allait les sauver. Puis Ronald jette un petit regard en direction de Black. « Loin de… tout ça. »

À ces mots, Black se jette sur ses pieds, lance son verre dans la cheminée et les fusille de son regard fou. Avec horreur, il voit ses yeux se remplir de larmes.

Oh doux Merlin, sauvez-moi de ces accès de bipolarité.

« Tu crois que c’est la seule qui aie besoin de temps ? » croasse Black. Ses mains tremblent. « Que c’est la seule qui veut s’éloigner de tout ça ? Elle est coincée loin d’Harry, à s’inquiéter pour lui pour quoi, six semaines ? Il me manque, j’ai besoin de lui près de moi depuis treize ans ! Et pourtant c’est elle qui a de ses nouvelles, c’est elle que tout le monde traite comme si elle était faite en verre, putain ! Treize ans ! Elle ne sait rien, vous tous ne savez rien de ce que c’est que de le perdre ! »  

« Sirius. » Lupin avance d’un pas, les épaules basses, mais Black lève une main tremblante. Il porte à nouveau sa bague de Lord, mais Severus peut voir d’un seul coup d’œil que Black y résiste. Comme s’il résistait à la vérité. Comme toujours, putain.

« Elle a également quinze ans, Black, » ricane Severus. « Alors que toi— »

« Severus, s’il te plait ! » le coupe sèchement Lupin, lui lançant un regard brûlant avant de se tourner à nouveau vers son amant. « Sirius— »

« Rien de tout ça n’a d’importance. » Black passe une main sur son visage. « Rien ne tout ça n’a d’importance. Harry n’est pas là. Il est de nouveau pas là et je suis… je suis enfermé. »

Avant qu’aucun d’entre eux ne puisse répondre, Black les a tous dépassé pour partir en courant dans les escaliers. Ils peuvent entendre le claquement de la porte de l’Hippogriffe, le raclement des serres sur le plancher du dessus. Ronald inspire lentement, profondément, puis hausse les épaules et quitte la pièce. Il jette un regard plein de sagacité à Severus en passant. Severus a l’étrange sensation qu’il est en quelque sorte en probation. Que le sixième Weasley ne lui fait pas confiance. Bien.

« Merde, » chuchote Lupin en cognant à nouveau sa tête contre le cadre de la porte. « Merde, merde, merde. »

Severus l’observe. Il n’a vraiment pas l’air bien. Est-ce qu’il a mincit ? C’est la potion Tue-Loup ? Alors que Severus considère les altérations qu’il pourrait faire à la potion Tue-Loup qui puisse contrecarrer la perte de poids arrivant aux alentours de la pleine Lune, Lupin retourne s’affaisser derrière le bureau, soupirant en tirant la chaise et en se concentrant sur la lettre de Potter.  

« Pourquoi est-ce que tu lis ça ? » demande Severus. Il parvient à empêcher sa voix d’être dédaigneuse ou énervée. Peut-être que c’est parce qu’il pense aux ingrédients de potion, mais Lupin le remarque, et il lui lance un regard curieux avant d’esquisser un sourire.

« Parce que j’essaye de comprendre la référence du Griffon et de Sleipnir. » Lupin secoue la tête, et se tourne vers l’énorme livre. « Le Griffon est évident, après tout. Les Potter sont des descendants de Gryffondor… »

« Oh, oui, » renifle Severus. « Potter a toujours adoré parler de cette anecdote historique. »

« Oui. » Lupin sourit. « Il semblerait que ceux d’entre nous qui ont des ancêtres célèbres ne peuvent s’empêcher d’en parler entre eux. »

Severus sait qu’il pense au Seigneur des Ténèbres. L’Héritier de Serpentard. Severus voit subitement un souvenir du Seigneur des Ténèbres avant sa première ascension. Des yeux rouges. Des cheveux sombres. Magnifique. Énigmatique.

Est-ce que je serais resté auprès de lui, s’il n’avait pas si abruptement plongé dans la folie ?

Non. Il ne serait pas resté. Parce que même si le Seigneur des Ténèbres était resté sain d’esprit, Lily aurait quand même été Née-Moldue. Severus lance un regard à la bibliothèque clairsemée.

« Pas de nouvelles de l’elfe de Black, du coup ? » demande-t-il en se glissant derrière Lupin.

« Aucune. » Lupin soupire. « Andromeda est en train d’étudier l’arbre généalogique de la famille, elle prévoit d’utiliser des runes pour essayer de localiser Kreattur, mais s’il s’est lié à un autre Maître qui peut cacher son identité, il n’y a pas d’espoir. »

« Et aucune chance que Black n’ait pu donner naissance à un quelconque horrible rejeton durant ses jours les plus rationnels ? » demande lentement Severus en posant avec légèreté sa main sur le dossier de la chaise de Lupin. Subtilement, il peut sentir les arrêtes fermes de la colonne vertébrale de Lupin. Définitivement sous-alimenté.   

« C’est possible, » soupire Lupin. Severus est stupéfait qu’il n’ait pas l’air furieusement jaloux. Si Regulus avait été le père d’un enfant avec une autre personne durant le temps où ils avaient été ensemble, Severus aurait eu des envies de meurtres. « Mais c’est encore plus dur à retracer, vu que Sirius était ivre sur quasiment toute la fin des années septante, et a passé toute la décennie suivante à Azkaban. Et sa très chère mère l’a fait sauter de cette foutue tapisserie donc la magie ne peut même pas nous aider sur le coup. »

« N’a-t-il pas nommé d’Héritier ? » demande Severus.

« Harry, » acquiesce Lupin. « Mais ce dernier ne le sait pas encore. On voulait attendre ses dix-sept ans. Pour ne pas lui encombrer l’esprit avec ça. »  

Severus lève les yeux au ciel. Il déteste la façon qu’ils ont tous de dorloter Potter, comme si la nature publique de ses tragédies les rendait pire. Ce n’est pas le cas.

C’est bien pire, et de loin, de souffrir horriblement de quelque chose et que personne n’en ait rien à foutre.

« Et pourtant il l’a envoyé à Gringotts pour récupérer l’Héritage des Potter, » marmonne Severus.

Lupin tressaille. Ne répond pas.

Il va bien falloir que tu fasses mieux que ça, le loup.  

« Black, » lance Severus. Il ne semble pas avoir besoin d’en dire plus. Le simple nom de l’homme suffit à faire remonter tous les problèmes qu’il cause.

« Je sais, » soupire Lupin en se laissant aller en arrière, pressant sa colonne vertébrale noueuse contre la main de Severus, la piégeant. Severus veut retirer sa main, mais réalise qu’il ne le peut pas. Il veut également cesser de poser des questions, cesser de dire ces choses qui semblent suggérer qu’il en a quelque chose à faire de ce foutu loup, mais il n’arrive pas à le faire non plus.

« Il te faut être prudent, » Severus se retrouve à baisser la tête jusqu’à ce qu’elle soit parallèle à celle de Lupin. Ses longs cheveux effleurent l’épaule de Lupin. Lupin se raidit. Severus l’ignore. C’est de la tension à cause de leur animosité d’enfance, c’est tout. « Il est encore plus instable qu’avant, et des enfants vivent ici. »

« Je le sais, Severus. »  

« Ah bon ? » crache Severus, sa main attrapant l’épaule de Lupin tant il a besoin que ce dernier le comprenne. « Si tu souhaites tant que Potter soit à nouveau confié aux soins de Black, il te faudra faire plus d’efforts pour stabiliser Black ! »

« Pas la peine de prétendre que tu te soucie d’Harry, Severus. Les mensonges ne te vont pas au teint. » La voix de Lupin est froide, il y retrouve la langue acérée qui lui rappelle tant leur quatrième année. Quand Lupin était plus que le laquait de Black et Potter.

« Ce n’est pas un mensonge de souhaiter que le prodige de Dumbledore survive assez longtemps pour avoir une chance de faire face au Seigneur des Ténèbres. » Severus serre durement son épaule. « Est-ce que tu penses que Potter y survivra, si Black devient un autre adulte le maltraitant ? »

« Sirius ne pourrait jamais— ! »

« Il le pourrait. Il aurait pu me tuer. Il aurait pu tuer Pettigrow. Il le pourrait. » Severus coupe sans pitié les pathétiques excuses de Lupin. Ce dernier le dévisage, consterné. « Tous les hommes sont capables des pires choses. Un homme avec si peu de contrôle sur sa propre folie, un homme qui a l’impression que l’enfant qu’il semble aimer est en train de lui échapper ? Il pourrait faire bien pire. »

« Et tu sais de quoi tu parles, Severus. » La voix de Lupin est revenue à ce ton froid et insensible. Celui qu’il utilise quand il se retire dans sa colère, qu’il doit combattre le loup. « Est-ce que tu t’es arrangé pour renvoyer quelqu’un d’autre, ces derniers jours ? »

Severus se redresse. Cette conversation est décidément terminée.

« Comme je le disais, ma priorité est que le garçon survive. » Severus garde sa voix plate, réarrange ses robes. « Je me fiche de savoir que Black le terrorise puis s’enfonce dans un marasme de chagrin à cause de ça, mais je me demande comment une telle tournure des événements t’impacterait, Lupin. » Severus sourit, mesquin. « Tu as toujours préféré te tenir à l’écart et observer le crime se dérouler. »

« Ah oui, ton accusation favorite. » Lupin ramasse sa plume. Se remet au travail. « Elle a moins d’impact à présent que nous sommes tous les deux à nouveau dans une guerre secrète et que l’on commet des crimes chaque jour, je dois dire. »

Severus ne peut rien faire quand Lupin est comme ça, quand ses insultes rebondissent sur son visage implacable et froid. Quand Lupin est en colère, quand son loup remonte à la surface, c’est bien plus facile de lui arracher la vérité. Mais comme ça, Lupin se rapproche plus d’une huître. Severus aimerait blâmer Black pour ça, il a besoin de le blâmer, mais il se demande si Lupin ne s’est pas refermé comme une huître depuis aussi longtemps que Severus.

  1.  

Severus essaye de se distraire. Il observe la lettre sur laquelle Lupin est en train de gribouiller quelques notes.

« Sleipnir ? » demande-t-il.

« La monture aux huit pattes d’Odin, qu’on représente souvent comme l’Etalon de la Mort— »

« Oui, il se trouve que je connais la mythologie Nordique, merci Lupin ! » s’agace Severus. Il remarque le sourire tendu de Lupin, se déteste de lui avoir remonté le moral par inadvertance. « En quoi cela a-t-il un lien avec les Potter ? »

« Je ne sais pas encore, » soupire Lupin. « Je suppose que le Griffon est un ancien symbole de l’une des Maisons dont dérive la lignée, mais j’ai des difficultés à trouver quoi que ce soit qui y corresponde. Albus m’a prêté ce livre d’anciens titres et blasons— » Lupin pose une main couverte de cicatrices sur la page ouverte, « —et ce que j’ai trouvé de plus proche, c’est la suggestion que Sleipnir est le plus ancien des Sombrals, donc peut-être qu’un blason avec un Sombral… »

Severus fixe l’endroit où Lupin a posé ses doigts, sur une gravure ancienne de Sleipnir à côté du dessin d’un Sombral. Un Sombral. Une partie de son plus récent échange épistolaire avec Narcissa lui revient à l’esprit, alors qu’il est en ce moment au sein de sa poche, faisant trembler ses mains.

Les Peverell disparaissent au 13ème siècle. Tout ce qu’il reste d’eux est leur Blason, un Sombral se cabrant et un symbole qui n’est pas sans rappeler celui de la marque de Grindelwald. Ce sont des points qu’il reste à confirmer, mais à mon avis, la lignée mâle de Peverell a disparu, et n’a été continuée que grâce à une fille non-enregistrée. Il nous faudra trouver le nom de l’individu avec qui cette lignée a été mariée pour pouvoir progresser dans la recherche de ton Héritier.

Le Blason avec le Sombral. Théodore Nott qui reconnaît sa bague de Lord. Théodore Nott qui fait une révérence que l’on réserve à un Lord. Théodore Nott qui connaît son Héritier.

Hadrian Peverell. L’enfant du Griffon et de Sleipnir.  

Harry putain de Potter.

Notes:

TUN-DUN-DUUUUUUUUN
Rogue va-t-il enfin voir la lumièèère ? Vous le saurez au prochain chapitre ! Ou à celui d'après, qui sait... ;D

Et sinon pour la saga 'votre traductrice est malade' : vous saviez qu'il est possible de se fêler une côte quand on tousse trop ? Ouais... ouais moi non plus, je le savais pas. Avant.
Spoiler : une côte fêlée, ça fait MAL. Surtout quand on tousse T_T

Chapter 21: Le Rasoir d'Occam

Notes:

Devinez qui pensait ENFIN en avoir terminé avec son rhume-grippe-bronchite... et qui a senti ses ganglions à nouveau gonflés hier ? Pitié mais que quelqu'un m'achève T_T
... Enfin, quand j'aurai fini de vous traduire cette merveille x'D Bonne lecture ! <3

(See the end of the chapter for more notes.)

Chapter Text

Severus a deux pensées qui le traversent simultanément lorsqu’il sort du Square Grimmauld et transplane jusqu’au Manoir Malefoy. Premièrement, son enfant ne peut pas être Harry Potter. Et deuxièmement, qui que puisse être en réalité son héritier, il joue à un jeu étrange.

Tout ça est parfaitement intolérable.

Il traverse tout le Manoir, connaissant chaque passage dissimulé qui mène au laboratoire secret de Narcissa, les elfes de maison couinant et disparaissant sur son passage. Il toque à la porte, attend le ‘Entrez’ musical de Narcissa, et obéit.

« Severus. »

Narcissa a défait ses cheveux et est penchée sur son établi de potions, en train de prendre des notes. Quelque chose mijote dans le chaudron. Elle lève les yeux, ces derniers teintés d’un certain agacement. Narcissa fait ses propres onguents pour les bleus, ses toniques de beauté, ses propres médicaments, et elle déteste être interrompue.

« Est-ce que je t’attendais ? »

Severus ne s’embête pas à répondre puisqu’ils savent tous les deux que ce n’est pas le cas.

« Lucius ? » demande-t-il en refermant la porte avec soin derrière lui.

« À Little Hangleton. »

Narcissa reporte son attention sur ses notes. Puisque le Seigneur des Ténèbres s’appuie grandement sur le déni pur et simple des témoignages d’Albus et Potter de la part du Ministre, il a conservé Little Hangleton comme son centre des opérations. Severus se demande pourquoi Lucius a été appelé, et est reconnaissant de ne pas l’avoir été, puis s’inquiète que ce n’ait pas été le cas.

« Drago ? » Severus se débarrasse de sa robe d’extérieur, en sort plusieurs morceaux de parchemins de ses poches. Il s’approche de l’établi.

« À un rendez-vous. » Narcissa fronce le nez. « Avec la fille Parkinson. »

« Tu ne l’aimes pas ? » Severus est surpris. Il pensait Lucius en pleine discussion au sujet d’un mariage avec Lord Parkinson.

« Elle n’a aucune grâce, » renifle Narcissa. « Je préfèrerai largement la fille Greengrass, mais Daedelus nous résiste. Il a des plans pour sa… Severus ? »

Severus a lancé les sorts les plus puissants qu’ils connaissent pour s’assurer que leur conversation reste entre eux et posé une copie de la page du livre que Lupin lisait par-dessus les notes de brassage de Narcissa. Puis, il place par-dessus une copie de la lettre de Potter. Narcissa fixe les deux, ses yeux passant d’une page à l’autre et ses doigts retraçant le mot ‘Sleipnir’. Elle lève les yeux vers Severus et, si possible, semble encore plus pâle que d’habitude.

« Ton héritier est Harry Potter ? » souffle-t-elle. Il voit dans ses yeux toute la peur de ce que cela signifierait. Toute la souffrance qu’ils endureraient tous les deux si cela devait être vrai.

Ça n’est pas le cas.

« Non. » Severus secoue la tête. « Ce n’est pas possible. Cela doit être une blague sans goût ou une quelconque menace voilée. Peut-être que mon héritier connait ma haine des Potter, peut-être qu’ils… »

« Les Potter sont les Peverell. » Narcissa a cet agaçant air qu’elle aborde quand les pièces s’emboitent les unes dans les autres dans son esprit. « Le garçon a réclamé son héritage et sa bague, ton héritier a donné le nom Hadrian Peverell— »

« Ce n’est rien de plus qu’un indice, une simple mauvaise piste— », proteste Severus.

Rejette-la. Rejette tout ça et renvoie-moi. Dis-moi que c’est impossible.

« Ou bien, c’est une réponse organisée de telle façon que seul quelqu’un qui cherche vraiment la trouve ? » Les yeux bleus de Narcissa sont devenus deux morceaux de glace. « Le Rasoir d’Occam, Severus. »

« William d’Occam a peut-être été un sorcier intelligent mais son principe ne peut pas prendre en compte ce foutu Harry Potter ! » explose Severus. « Est-ce que je dois te rappeler que pour être son père, il me faudrait avoir donné de la semence ?! »

Je pourrais quitter le pays. Je pourrais retourner à Paris, ou dans une autre ville où personne ne saurait qui j’ai baisé durant mes années d’étude.

« À moins qu’Harry Potter soit en réalité âgé de dix-neuf ans, je ne pourrais pas l’avoir engendré ! » grogne Severus. « Fais le calcul, Narcissa, s’il te plait. »

L’agaçante femme en face de lui lève les yeux au ciel comme s’ils étaient en train de parler d’ingrédients de potion intéressants et non pas de la folle possibilité qu’Harry putain de Potter puisse être son héritier.

« Il y a des sortilèges, Severus. » Sa voix est abominablement légère. « Des sortilèges d’hibernation utérine qui étaient utilisés par les concubines des Tsars de l’Empire Ottoman— »

« Tous ces charmes reposent sur l’hypothèse d’une insémination ! » Severus abat une main sur l’établi de potions. Son visage le brûle horriblement. Narcissa le dévisage.

« Toi et Evans… » elle parle doucement. « J’ai toujours supposé qu’elle avait été ta première. »

Elle aurait dû l’être. Elle aurait pu l’être. Sans ce foutu James Potter.

« Regulus. » Severus déglutit avec difficulté. Même prononcer son nom est trop douloureux dans ce contexte. Il ferme les yeux. Oh Merlin, si seulement ç’avait pu être l’enfant de Regulus. Si seulement.

Les souvenirs prennent d’assaut Severus. Des mots et des images qu’il enterre d’habitude si profondément derrière ses boucliers d’Occlumencie qu’il peut à peine les rappeler flottent à présent à la surface, doux comme le pollen, amer comme du vermouth.

 

Embrasser le cou de Lily dans un placard à balais.

« Nous pourrions prendre une maison à Cokeworth, si on voulait, » souffle Lily. « Près de Maman et Papa. »

 

Pousser Regulus contre le mur, ses mains enfoncées dans ses cheveux noirs et brillants.

« On pourrait tout abandonner, » souffle Regulus dans un soupir. « Je connais quelqu’un à New York. Quand tu auras ton diplôme, emmène-moi avec toi. On construira une vie ensemble. »  

 

Toutes les fois où Severus avait dit non quand il aurait dû dire oui. Il agrippe le rebord de la table à potions, penche la tête vers l’avant et essaye de respirer. Les longs doigts de Narcissa, avec leurs ongles durs, grattent gentiment sa nuque. C’est une tactique qu’ils ont développée lorsqu’ils brassaient ensemble des potions pour le Seigneur des Ténèbres, quelque chose qu’elle faisait toujours pour le calmer. Ça marche. Il grogne, penche un peu plus la tête vers l’avant. Elle était une excellente partenaire de potions, mais avant tout, c’est une excellente amie.

« Pour moi, c’était Antonin. » Narcissa parle doucement. Severus renifle. Narcissa était quatre années en-dessus de lui, à Poudlard, et Dolohov faisait partie de son année. Il la suivait partout comme un chiot, lançait des sorts à des Sixièmes années pour l’impressionner. Elle était une étoile filante là où il n’était qu’une vulgaire luciole. Et pourtant, Severus ne peut imaginer Narcissa offrir sa première fois à quelqu’un qui ne la vénérait pas.

« Je suis sûr que ça a dû enrager Lucius, » lance sèchement Severus. « Vous avez toujours orbité l’un autour de l’autre, même à cet âge-là. »

« Comme toi et Evans. »

« Non. » Severus secoue la tête, repousse le bras de Narcissa. Elle est une excellente confidente, la seule qu’il ait vraiment, mais personne ne peut comprendre ce que lui et Lily avaient.

« Tu es en train de me dire que tu n’es jamais retourné vers elle, après que les choses se soient terminées entre vous ? »  

« Je ne dis rien du tout, » grogne-t-il. Lily est à lui, et à lui seul. Dans la mort, il la garde bien plus proche qu’il n’aurait jamais pu le faire lorsqu’elle vivait.  

« Severus, » le reprend Narcissa en repoussant une mèche de cheveux de son épaule. « Attache tes cheveux dans le laboratoire, gros bêta. Combien de fois devrais-je te le dire ? »

Il adore et hait tout à la fois quand elle lui parle comme ça, sur un ton à la fois possessif et condescendant. De la sécurité et une prison. La sécurité gagne, et il sourit.

« Obéis à tes propres règles, milady. » Severus tire sur une mèche de cheveux argentés. Peut-être que c’est toutes ces discussions sur leurs anciennes relations, sur ce temps où Narcissa était une préfète hautaine qui arrangeait son apparence avec des pinces à cheveux et que Severus était à la fois nerveux et reconnaissant, mais il laisse échapper quelques fragments de vérité. « Et non, je ne suis jamais retourné vers elle. »

« Je ne te crois pas. » Narcissa s’éloigne, tire un ruban noir de son carnet de note et le lui tend. Il attache ses cheveux et attrape les figuedor qu’elle a alignés, les coupant en morceaux avec efficacité. C’est ainsi qu’ils auraient dû commencer leur conversation, en débutant dans un langage qui les calme tous les deux. Couper. Effiler. Mélanger. Compter. Le rythme plaisant du brassage de potion.

« Tu crois que je serais incapable de lui résister ? » lance lentement Severus avec une pointe de douleur. Servilus. Bâtard graisseux. Chelou. Lily Evans, la princesse des Gryffondors. Sa plus ancienne amie. Son âme-sœur.

« Je pense que la guerre nous fait faire à tous d’étranges choses, » répond Narcissa en haussant les épaules.

« Ça ne peut pas être elle, Cissa, » soupire Severus, cette fois sans que les mots ne l’enragent. Peut-être que c’est le doux bouillonnement de la potion anti-nausées de Narcissa, mais il se sent juste vidé. Il est trop fatigué pour ne pas laisser les pensées douloureuses de vies non vécues transpirer dans son esprit.

À quel point cette vie aurait-elle pu être différente si lui et Lily avaient passé ce pas lors de leur sixième année ? Si elle avait porté son enfant ?

Est-ce que ç’aurait été assez pour le détourner du chemin du Seigneur des Ténèbres ?

Est-ce que la promesse d’une vie avec elle et un enfant aurait pu être aussi motivant que sa mort ?

« J’ai vu ta petite liste, Severus. » Narcissa hausse ses sourcils blonds. Severus regrette cette partie de leurs recherches communes qui a nécessité qu’il lui montre ce document en particulier. Il essaye de ne pas rougir de la façon dont Narcissa a ri de lui. De la Barre et Cadière ? Ensemble ? « Tu as un blanc significatif en 1980. »

« Potter est né en juillet 1980. » Severus lève les yeux au ciel. « À moins qu’il n’ait été aussi miraculeux in-utero qu’il ne l’est ex-utero, il ne peut pas avoir conçu cette année-là. »

« Oui, il est né un mois après Drago, et pourtant tu t’es dépêché de venir me demander si Drago était de toi, pourquoi donc ? » Narcissa cesse de couper de la peau de serpent arboricole pour le dévisager. « Est-ce que notre relation est la dernière chose dont tu te rappelles ? »  

« Et qu’est-ce que ça ferait si c’était le cas ? » demande Severus, sur la défensive. Il n’est pas fier de lui-même. Il n’a jamais été prude ou effacé, il s’est réjoui de coucher avec qui il le voulait et de pouvoir le faire quand il le voulait, mais il n’est pas fier du néant d’auto-destruction dans lequel il est tombé après la disparition de Regulus.

« Tu étais une ruine, cet été-là. » Narcissa secoue doucement la tête. « La mort de Regulus… »

« Je sais. » Le ton de Severus est mordant, il repose le couteau. Plie les doigts pour s’empêcher de les serrer trop forts. « Trop d’absinthe et de magie noire. »

« Est-ce que tu ne considère pas possible qu’au milieu de tout ce désordre, tu puisses avoir trébuché dans son lit ? » 

« Non. »

« Pourquoi pas ? »

« Parce que je m’en serais souvenu ! » Severus ne peut retenir le cri qui sort de sa bouche. Il y a une horrible douleur dans sa poitrine, il peut sentir un bouclier éclater dans son esprit, le bruit du verre brisé. « Parce que je ne pourrais jamais l’oublier ! »

Les cheveux roux de Lily. Les lèvres douces de Lily. Lily lui demandant de vivre avec elle à Cokeworth après l’école. Inoubliable.

« C’est très romantique Severus, » répond Narcissa en ignorant son cri. Elle continue de couper en morceaux son serpent comme s’il n’avait fait que commenter la consistance de sa potion. « Mais ça ne prend pas en compte la réalité dans laquelle une personne pourrait avoir perdu des souvenirs, ou même avoir été sujette à un sortilège de mémoire— » 

« Est-ce que tu t’entends parler ? » ricane Severus.

« Je ne pense pas que ce soit irraisonné de la part d’une femme comme Lily Potter de retirer par la force les souvenirs d’une relation adultère avec le némésis de son mari de ton esprit, » répond Narcissa en fronçant les sourcils. « Elle était une guerrière, pas une fleur délicate. Si les souvenirs que tu avais étaient un risque pour son mariage, n’importe quelle femme intelligente les aurait effacés. »

« Elle n’était pas comme ça, elle n’était pas comme toi, Narcissa ! »  

La voix de Severus s’élève. Lily était faite de formes dans les nuages, de fleurs volant dans le parc. Elle était les sortilèges près du Lac Noir et un premier baiser dans la brise près du Saule Cogneur. Elle avait le goût du miel, des rayons de soleil et du thé chaud par une journée froide. Elle ne ressemblait en rien à Narcissa.

« Elle s’est cachée du Seigneur des Ténèbres pendant deux ans, c’était une femme rusée. » La voix de Narcissa est dangereusement basse. Severus sait qu’il paiera pour l’insulte plus tard. « Il y a des procédures d’Occlumencie que nous pouvons exécuter pour déterrer des souvenirs cachés, tu le sais, la seule chose qui t’empêche de le faire est ta propre arrogance. »

« Et le fait que ce n’est pas, ça ne peut pas être Potter ! » Severus la fusille du regard. « Ce garçon n’est pas de moi ! C’est une réplique miniature de James Potter, c’est un idiot téméraire et hargneux, il est la raison même de la mort de sa mère ! Mon héritier n’est pas ce foutu Harry Potter ! »

Severus inspire rapidement plusieurs fois. Il baisse les yeux vers sa main. Il a agrippé l’outil si fort qu’il s’est ouvert le bout de l’index avec le manche du couteau. Du sang goutte sur les figuedor.

« Merde, » marmonne Severus. « Inutiles. »

Il pousse les figuedor ruinées dans le seau sous l’établi, sort un mouchoir et le presse sur sa blessure. La brûlure est plaisante. Réconfortante. Elle extrait un peu du poison de son cœur.

Les yeux verts de Lily, sans vie alors qu’il prend son corps froid contre lui, qu’il la berce contre son cœur dans la tempête d’Halloween. L’enfant qui pleure derrière lui, le front dégoulinant de sang. Horriblement, injustement, toujours vivant.

« Je hais ce gamin, » marmonne Severus en secouant la tête. « J’ai souhaité, et je souhaite toujours, qu’il ne soit jamais né. »

Le silence emplit l’air entre eux. Severus le laisse s’épaissir. Au cours de leur relation, de l’entichement de Severus pour Lucius suivi par son adoration de Narcissa qui vacillait entre l’amitié, l’amour et les confidences, Severus a entendu toutes les pires confessions de Narcissa dans ce petit laboratoire privé. Le chagrin déchirant dû aux trois frères et sœurs de Drago qui n’ont jamais survécu à leurs premières semaines dans ce monde. Le ressentiment brûlant de Narcissa envers Lucius pour n’avoir jamais souffert de leur perte comme elle. L’horrible soulagement de Narcissa lorsque sa sœur chérie avait été incarcérée. L’exil de son autre sœur et Narcissa, dévastée en secret. Severus avait tout entendu. À présent, c’était au tour de Narcissa d’entendre les siennes. Il soupire et lève les yeux vers elle. Il ne s’attend pas à de l’absolution. Ce n’est pas ce qu’ils offrent à l’autre.

« Est-ce que tu te sens mieux ? » Narcissa hausse un sourcil. « Maintenant que tu t’es puni ? »

« Oui, merci, » répond Severus d’une voix toute aussi plate. Narcissa secoue la tête.

« Très cher insensé. »  

« Je croyais que tu ne devais plus jamais m’appeler ainsi, » commente Severus avec légèreté. Ses surnoms sont faits de souvenirs, de pitié rémanente de ce temps où elle avait pitié de lui, quand Regulus venait de mourir et qu’elle avait choisit Lucius. Il n’a pas le temps pour la pitié de Narcissa.

« Je pense que tu es assez grand pour cesser de te mentir à toi-même. Dis-moi maintenant, est-ce que c’est vraiment totalement impossible qu’Harrison Potter soit ton enfant, ou est-ce que tu souhaites seulement que ce ne soit pas le cas ? » Les sourcils blonds de Narcissa sont froncés. « Il n’y avait aucune promesse dans cette quête, Severus. »

Son véritable nom est Harrison ? Severus repousse la pensée, toutes les pensées de ‘Harrison’, de ce garçon qui a laissé ce message doux et stoïque sur le répondeur, loin derrière ses boucliers.  

« Qu’est-ce que ça veut dire ? » réplique sèchement Severus. « Aucune promesse ? »

« Tu ne peux pas nier que ton Héritier existe simplement parce que tu ne l’apprécie pas. » Narcissa secoue la tête, commence à déchirer les copies qu’elle a amenées, et laisse les flammes de son chaudron les dévorer en des gestes courts et énervés. « J’ai juré de protéger ton Héritier naturel. Je ne risquerai pas ma vie pour un faux. »

« Tu penses que je suis simplement dans le déni ? » Severus peut sentir la rage s’accumuler sous la surface de sa peau, comme ça n’a pas été le cas depuis des années. Elle est liquide, faite de lave et de nitrogène, glaçante et brûlante à la fois. Ses propres mots, prononcés un an auparavant, lui reviennent en mémoire.

Vous êtes incroyablement comme votre père, Potter, lui aussi était d’une arrogance sans limite…

Non. Ça n’arrivera pas. Il n’aura pas le rejeton abusé et condamné de Potter désigné comme étant le sien. Il ne l’acceptera pas.

« Tu ne veux même pas envisager une récupération de souvenirs, tu es hargneux et accusateur— »

« Je suis toujours hargneux et accusateur. »

« Je pense que tu as peur de la vérité, aussi ne veux-tu même pas considérer les possibilités. » Les yeux bleus de Narcissa le transpercent, sa perception aussi affûtée qu’un couteau, mais Severus se contente de hausser les épaules pour avec réticence.

« De quoi devrais-je être effrayé ? » ricane Severus. « Ce n’est pas comme si j’avais un Héritier inconnu qui se balade dans la nature et un Maître qui lui porte un intérêt loin d’être sain ! »  

« Tu as peur de l’avoir oublié, ou d’avoir été forcé à l’oublier. » Narcissa le fixe sans état d’âmes, ses cheveux d’argent brillant dans la lumière qui brille par la petite fenêtre. « Et tu as peur des conséquences qu’il y aura si ce garçon est de toi. »

« Il n’est pas de moi. »  

« Tu ne le sais pas. »

« Comment ne pourrais-je pas le savoir ? » crie Severus, sa rage prenant feu en lui. Elle parle comme si elle savait, mais comment pourrait-elle savoir ? Son fils à elle est en sécurité, son fils est à un rendez-vous. Son fils n’est pas perdu ou pire que perdu, possiblement un enfant maltraité qu’il a haït pendant quinze ans.

« Comment pourrais-je avoir enseigné à un enfant, pendant quatre ans, l’avoir eu juste sous mon nez, l’avoir rabaissé et raillé et avoir été en colère contre lui et l’avoir haï, et ne pas le savoir ? Ce n’est pas possible ! Je le saurais. Je le saurais. »

Il se souvient de ses propres mots lancés à Lupin lorsque le loup était devenu lyrique sur le fait qu’il aurait dû savoir pour les mauvais traitements sur Potter, parce que quelque part, il aurait dû le sentir. Tu ne sentirais rien du tout.

Dans son esprit, il voit sa mère. Son corps qui se laisse aller. La fiole de potion dans sa main, la mousse blanche à ses lèvres. La courte lettre laissée derrière un cercle de sel. Comment ai-je pu ne pas le voir venir ?

« Ce que tu savais ou ne savais pas n’a pas d’importance. » Narcissa attrape sa main blessée, lève sa baguette, et referme gentiment la coupure d’une lumière orangée. « Il n’y a qu’une seule question qui vaille la peine, ici. Est-ce que tu souhaites trouver ton Héritier ? »  

Severus fixe la bague des Prince à sa main. Il y a un Héritier Prince quelque part là-dehors, quelqu’un qui héritera du titre de Lord lorsqu’il sera mort. Un futur vers lequel il peut se tourner, après avoir observé si longtemps le passé.

Mais Potter est une part du passé. Mon pire souvenir, qui vit et qui respire.

« Pas si c’est Potter. » Severus déglutit.

« Ce n’est pas Potter, » réplique sèchement Narcissa. « Si Harrison est ton fils, il n’est pas Potter. »

« Il est toujours lui. » Severus ferme les yeux. « Et je suis toujours moi. »  

Un espion. Un Mangemort. L’homme qui a causé la mort de Lily. Pas un père.

« Il ne t’est pas demandé d’être différent. » Narcissa serre ses doigts, juste assez fort pour la coupure fraîchement guérie commence à le brûler. « Il t’est seulement demander d’investiguer. De chercher la vérité. S’il n’est pas de toi, alors nous serons un peu plus proches du moment où nous trouverons ton véritable Héritier. C’est logique. »

« Logique, » lui fait écho Severus. Pas d’émotions, ici. Juste des décisions rationnelles. Le Rasoir d’Occam.

Sauf qu’on parle de ce foutu Harry Potter.

« Donc, » Narcissa hausse un sourcil blond. « Est-ce que tu me laisseras t’aider à fouiller pour trouver des souvenirs cachés ? »

« Est-ce que tu le protègeras quand même ? » ricane Severus. « Si mon enfant est… le sujet des obsessions meurtrières du Seigneur des Ténèbres ? Respecteras-tu quand même ta promesse si c’est le cas ? »

« Oui. » Narcissa le regarde calmement, un petite sourire serein dansant sur ses lèvres.

Severus fixe Narcissa un moment. Son visage est légèrement transpirant dans la vapeur des potions. Il y a des rides au coin de ses yeux qui n’étaient pas là quinze ans auparavant. Sa force a changé. Quelque part au long du chemin, sa maternité et son chagrin ont fait d’elle une Furie. Elle a grandi et Severus se sent tout simplement vieux. Et pourtant ils sont là, à essayer de survivre à une autre guerre, en refaisant les mêmes choses. Severus a besoin de changement.

« Alors oui, » acquiesce-t-il. « Je vais avoir besoin de ton aide. »

Mais ça n’a pas d’importance, songe Severus. Parce que ça ne sera pas Potter. Ça ne peut pas être Potter.

Notes:

Mesdames et Messieurs : LE. DENI.
C'est magnifique hein ?

Et vouss avez ce qu'il y a d'encore plus magnifique ? Le chapitre 22 qu'on retrouvera jeudi ! ;) A bientôt !

Chapter 22: Fidélité

Notes:

Comment Harry va-t-il prendre l'annonce pour Rogue ? Héhéhéhéhé. Vous. n'êtes. pas. prêts :D
Bonne lectuuure !

(See the end of the chapter for more notes.)

Chapter Text

« Harry ? »

« Ouais. »

« Est-ce que tu m’as entendu ? »

« Ouais. »

Théo le dévisage. Harry a conscience que Théo le dévisage, mais il a du mal à faire la moindre connexion dans son esprit, parce qu’il pense que Théo vient juste de lui dire que ce foutu Severus Rogue est le Lord Prince et en toute honnêteté, il attend juste de se réveiller. Sahara lui envoie une étincelle de magie brûlante sur son poignet.

« Quoi ? » siffle Harry en frottant ce dernier.

« Parle à ton Gris, il s’inquiète. »

« Je vais bien, » lance Harry automatiquement. Sahara se rapproche en se tortillant, grimpant à l’intérieur de son bras, en direction de son cœur.

« Ta magie a l’air à vif. »

À vif. Est-ce que c’est ça, le meilleur mot pour ce qu’il ressent ? Il ne sait pas. Ses oreilles sifflent.

« Tu vas bien ? » Théo le dévisage. « Je te dit que le Professeur Rogue est un Légilimens et tu perds les pédales, mais quand je te dis qu’il est ton père— »

« Je vais bien. »  

Harry se lève. Il était assis dans l’herbe près du lac avec Sahara, à faire le brouillon d’une lettre pour Gripsec à propos des différentes façon qu’un sorcier pourrait avoir à investir des morceaux de Basilic tout en gardant un œil sur Hedwige. Elle est de mauvaise humeur parce que Sahara est toujours dans le coin et qu’elle n’a pas le droit de la manger. Harry a essayé d’encourager une amitié entre elles, mais les deux ont exprimé un dégoût prononcé à cette idée. Hedwige en refusant de descendre faire face à Harry depuis la branche de l’orme au-dessus d’eux, et Sahara en sifflant quelques vagues menaces d’éventrement. Harry passait un bon moment. Il s’était trouvé un endroit tranquille dans l’univers où il était à peu près en sécurité, et comme un putain d’idiot il avait commencé à espérer que peut-être, il sortirait de ce procès en un morceau et que peut-être, tout irait bien.

Idiot.

Harry déglutit. Des pensées commencent à se former, des lettres et formes tirées de cette zone à vif en lui.

La première est : Peut-être que ç’aurait été mieux si ç’avait été Voldemort.

Et la seconde : Sirius ne me le pardonnera jamais.

« Eh bien, je suppose que je n’utiliserai jamais ce portauloin, » blague Harry en agitant le doigt qui porte son anneau des Prince. « Est-ce que Kreattur est rentré ? Devrait-on manger ? »

« Harry. »

Théo attrape sa main. C’est un geste étrange. Ils se touchent de mille façons différentes chaque jour, en s’attrapant le bras, en se caressant les cheveux, en lavant les plaies, par bousculades ou chatouilles, leurs corps s’entremêlant par accident quand ils dorment, mais ils ne se tiennent pas la main, pas de façon aussi intentionnelle. Il y a eu des fois où un poignet attrapé s’est transformé en mains entrelacées lorsqu’ils se trainaient mutuellement à travers Privet Drive, mais ça, c’est différent. Théo entoure doucement la main d’Harry, touche l’obsidienne noire de la bague des Prince de son autre main. Contrairement aux autres bagues d’Héritier, la pierre n’est pas parfaitement taillée en une forme rectangulaire. Ses bords sont mal dégrossis. L’argent de l’anneau semble saigner pour les retenir et contient la pierre de telle façon qu’on croirait la gemme grattée hors du métal. De  toutes les bagues d’Harry, c’est celle qui en fait le moins. Et à cause de ça, c’est la bague préférée d’Harry. Enfin, c’était le cas jusqu’ici.

« Tu n’es pas obligé de me le dire. » Théo caresse doucement l’obsidienne. « Tu n’as pas à être ou à faire quoi que ce soit, mais tu ne vas pas bien. »

Harry déglutit. Sahara se redresse et s’enroule autour de son cou. Sa magie est chaude comme l’herbe sèche autour d’eux.

« Tu es stressé. »

« Oui. »

« Pourquoi ? »

« Mon vrai géniteur est mon ennemi. »

« Je le tuerai. »

Harry éclate de rire, incapable de se retenir tandis que les gloussements lui échappent, tout comme la folie de la situation. C’est beaucoup trop drôle putain, tellement typique, bordel, qu’il ne peut plus en respirer.

« Harry ? »

« Oh putain ! » Harry se plie en deux, mains sur les genoux, se fichant éperdument de la douleur des runes dans son dos qui s’étirent sous l’effort tandis qu’il tousse un peu. « Oh mec, c’est tellement… Sahara veut tuer Rogue ! »

Harry s’effondre, même plus capable de rester debout à présent. Il se laisse aller dans l’herbe, fixant Théo qui porte ce qu’Harry pense être ses ‘robes de bon petit Héritier’. Elles sont faites de velours bleu sombre, absolument inappropriées sous cette chaleur étouffante, et Théo le fixe comme un Lord de Sang-Pur observerait un misérable moldu. La pensée fait rire Harry encore plus fort.

« Oh, mon Dieu, c’est beaucoup trop drôle, putain ! » soupire Harry en refermant les yeux. « Je devrais juste la laisser le manger, ça résoudrait tous mes problèmes ! »

Il imagine Sahara disloquer lentement sa mâchoire pour avaler un Rogue immobilisé. Il imagine Rogue le fusiller du regard, la moitié de son corps déjà enfoncé dans celui de Sahara, impossiblement étiré. Il imagine les piques grimaçantes habituelles de Rogue, qui accompagneraient la scène : Typique, Potter, utiliser un animal pour me vaincre, votre père était exactement pareil. La pensée le fait à nouveau exploser de rire. Ses yeux fermés, ses mains s’enfoncent dans ses cheveux et Sahara siffle dans ses oreilles tandis qu’il rugit de rire, son estomac prit de crampes à force d’hilarité.

Bien sûr, putain, bien sûr que c’est Rogue.

Il sent Théo s’asseoir dans l’herbe près de lui.

« Tu ris, » fait remarquer Théo.

« Parce que c’est hilarant, putain, » souffle Harry en observant l’orme au-dessus d’eux. Hedwige a tourné sa tête dans la direction de son rire. C’est la pose qu’elle prend quand elle est inquiète.

« Ah bon ? » demande Théo d’un ton léger.

« Bien sûr ! Bordel, c’est absolument TYPIQUE ! » crie Harry en direction du ciel. Hedwige le lui reproche de ses yeux ambrés, Sahara siffle à propos de meurtres et Théo se contente de s’asseoir à côté de lui.

« Explique, » lance Théo.

« C’est toujours comme ça ! » Harry frotte ses yeux avec ses paumes. « ‘Hé, Harry, devine quoi ? Finalement tes parents n’étaient pas des alcoolos de merde qui t’ont abandonné mais HA ! Ils ont été assassinés, putain !’ ou bien ‘Hé Harry, tu as un parrain, mais en fait non, parce qu’il est en fuite, que c’est un lunatique et que tout le monde pense que c’est un foutu MEURTRIER !’ »

« Respire, Cœur Vert, » siffle Sahara.

Harry respire, laisse la rage fondue en lui retrouver sa place dans ses os. Théo reste simplement assis. Harry peut sentir sa magie. Aujourd’hui, elle a l’odeur de l’air qui frémit avant un orage, celle qui a le même goût que les nouvelles feuilles. Elle est réconfortante. Harry soupire.

« ‘Hé, Harry’, » Harry garde les yeux fermés. Respire. Puis continue doucement : « ‘Devine quoi ? Ton père n’est pas ton vrai père, en voilà un autre. Mais attends ! C’est l’homme qui te hait le plus dans ce foutu monde.’ » Il laisse échapper un souffle tremblant. « Le Noël quand j’avais cinq ans, les Dursley ont prétendu que le Père Noël allait venir. Ils m’ont laissé accrocher une chaussette à côté de celle de Dudley et tout. Et puis, cette nuit-là, j’ai entendu Vernon descendre pour les remplir, et j’ai vu qu’il remplissait la mienne avec du charbon. Ça a toujours, toujours été comme ça. »

« Tu as l’habitude d’être déçu, » répond Théo.

« Sans déconner. »

Harry s’est perdu dans ses souvenirs. Le grattement d’une plume sur son parchemin, un étrange professeur qu’il n’a jamais rencontré, qui le fixe avec une grimace méchante qu’il ne comprend pas.

« Monsieur Potter. Notre nouvelle… célébrité. »

Rogue le fusillant du regard, les poings serrés, dans son bureau durant la troisième année, tout en démontant l’idée qu’Harry avait de James comme si c’était un écheveau de fil, juste parce qu’il le peut. Juste parce que ça le rend heureux.

« Je détesterai vous voir partir avec une fausse idée de qui était votre père. Vous aviez imaginé un quelconque acte d’héroïsme glorieux ? Il n’y avait rien de courageux dans ce qu’il a fait. »

Les yeux brillant de Dumbledore tandis qu’il offre la vérité pure et simple de la familiarité entre Rogue et James, comme si ce n’était qu’un jeu d’enfant, pas quelque chose qui allait marquer la scolarité d’Harry avec de l’humiliation et de la dégradation pour les quatre années à venir.

« Ton père a fait quelque chose que Rogue n’a jamais pu pardonner. Il lui a sauvé la vie. »

Harry pense aux choses impardonnables qu’il a faites à Rogue. Être le fils de James Potter en est probablement une. Être celui de Rogue en est probablement une autre. Harry sait, comme il sait que la magie reposant au fond de lui est en train de devenir quelque chose d’autre, que Rogue ne veut pas de lui. Ne voudrait pas de lui, même dans un million d’années.

« Parle à ton Gris, » Sahara appuie son nez contre son cou.

Harry ouvre les yeux et jette un regard à Théo, qui le fixe avec attention. Il a cette petite ride entre ses sourcils, celle qui n’apparait que quand il est inquiet. Ses robes d’apparat s’étalent autour de lui et avec son blason derrière lui, il ressemble à un sorcier des temps médiévaux, ou bien à un personnage des livres d’Hermione. Puissant. Parfait. Harry attrape la main de Théo, la tire vers lui. Si Théo peut initier ce genre de geste, alors Harry le peut aussi. Il caresse la pierre sur l’anneau des Nott. Elle est lisse, une sphère parfaite enchâssée dans un anneau d’or, engravé de runes nordiques. Elle est si différente de l’anneau des Prince.

« C’est de la labradorite, » dit doucement Théo. « Bleu nuit. Une pierre rare. Norvégienne. Elle est dans ma famille depuis le 11ème siècle, quand nous étions encore en Scandinavie. »

« Elle est magnifique. » Harry la caresse du pouce. Il peut sentir la magie qui en émane, l’odeur des parchemins brûlés. Pendant une seconde, une étincelle de magie bleue s’allume sous son pouce et, comme s’il avait éveillé une vision, Harry peut sentir le sel de la mer du Nord, sentir la brise glacée d’immenses vagues. Il hoquète.

« Qu’as-tu fait ? » demande Théo, son regard passant de sa bague au doigt d’Harry.

« Je crois… que j’ai vu d’où venait la pierre. » Harry secoue la tête. « Bizarre. »

« Très. »  La voix de Théo est si sèche qu’Harry ricane. C’est ce qu’il aime avec Théo. Il est toujours si peu impressionné. Théo serre gentiment les doigts d’Harry. Ce dernier plonge dans les yeux gris. Comme les falaises des Côtes du Nord. Que je peux à présent reconnaître, allez savoir pourquoi.

« Dis-moi, » souffle Théo.

Harry ne peut pas s’empêcher de sourire. Cela fait un bon moment que Théo ne lui a pas dit ça. Qu’ils n’en ont pas eu besoin. Harry réalise que depuis qu’ils sont au cottage, il dit tout à Théo. Donc pourquoi est-il soudainement si difficile de parler de son professeur de potions maléfiques slash donneur de sperme naturel ? La dernière conversation de ce genre qu’ils ont eue était sur le tourniquet. Harry soupire et tire un peu sur la main de Théo, haussant ses propres sourcils et jetant un coup d’œil au carré d’herbe à côté de lui puis à la position assise de Théo. Certaines choses sont plus aisées à dire en étant couché à côté de quelqu’un plutôt qu’en l’observant. Théo hausse les yeux au ciel.

« Très bien. »

Il se débarrasse de ses robes, dévoilant en dessous une chemise et une cravate noire. Il défait ses manchettes et remonte ses manches jusqu’aux coudes. A présent, il rappelle à Harry ces garçons au look gothico-romantique qu’il a déjà vu dans le Londres moldu lorsqu’il était allé au zoo avec les Dursley. Harry se rappelle à présent du long regard qu’il leur avait lancé, un étrange sentiment lui retournant les tripes tandis que Vernon marmonnait ‘foutus pédés’ dans sa barbe. Les poignets de Théo sont toujours couverts du glamour, magnifiquement pâles en comparaison avec ses vêtement sombres, mais les bleus manquent étrangement à Harry. Théo est encore plus admirable lorsqu’il est à cent pour cent lui-même.

« Voilà, » souffle Théo en s’allongeant près d’Harry et en glissant abruptement son bras sous la nuque de ce dernier. « Maintenant, dis-moi. »

Ils sont allongés côte à côte, la tête d’Harry appuyée contre le bras de Théo qui sent les herbes poussiéreuses et la sueur. Harry soulève leurs mains encore jointes. Les bagues des Prince, Serpentard et Nott scintillent sous les rayons du soleil. Harry inspire lentement.

« La seule personne en vie qui me hait encore plus que Rogue, c’est Jedusor, » murmure Harry. « Je n’exagère pas, c’est simplement la vérité. »

« Pourquoi ? »

« À cause de James. Il hait James. Et à cause de Sirius et Remus, parce qu’ils m’aiment et qu’ils sont impossiblement loyaux à James. Et parce que je suis un Maraudeur de deuxième génération. » Harry ferme brièvement les yeux. « Ou bien j’étais un Maraudeur de deuxième génération. Il me hait aussi, j’imagine, pour la… génétique. »

« Ils l’ont… harcelé ? »

« C’était des petites merdes, » renifle Harry. « Tout le monde me dit qu’ils étaient géniaux, et ils l’étaient, mais c’était aussi des cons. Genre, un niveau de connerie digne de Malefoy. »

Théo renifle, appréciateur. « À cause du… truc à propos des loups-garous ? »  

« Ouais. » Harry soupire. Il est en réalité plutôt content d’avoir raconté cette histoire à Théo. Ça rend les choses plus faciles. « Sirius a essayé de tuer Rogue quand ils avaient notre âge, et ensuite, durant notre troisième année, Rogue… Rogue aurait tué Sirius, si je ne l’avais pas arrêté. »

Harry se rappelle la joie frénétique dans les yeux de Rogue, cette nuit-là, du pur plaisir d’avoir enfin sa revanche sur quelqu’un l’ayant tourmenté. Donne-moi une raison. Harry connait ce sentiment. Et pourtant, le connaître n’a pas empêché Harry d’envoyer Rogue voler contre un mur.  

« Je suppose qu’il n’a pas été très reconnaissant pour ça. »

« Reconnaissant ? Il était livide, bordel. » Harry laisse échapper un bref éclat de rire. « Quirrell m’a dit que Rogue n’avait jamais voulu ma mort, en première année. Je ne peux pas en dire autant à présent. »

« Harry. »

« Non, vraiment. » Harry songe à la joie de Rogue lorsqu’il est puni, à l’excitation lorsqu’il subit des retenues. Ce connard se réjouit de sa douleur parce que c’est la sienne, c’est la douleur de James et c’est lui qui peut exercer cette délicieuse vengeance, encore et encore. Harry soupire. Pourquoi les adultes sont-ils si épuisants ?

« Même s’il me pardonnait miraculeusement d’être le fils de James, ou d’être un Gryffondor, ou d’être célèbre ou de m’attirer des ennuis, ou pour la coupe des Quatre Maisons en première année, ou d’être le plus jeune Attrapeur depuis un siècle— »

« Tu t’es sorti de tellement de situations merdiques, tu sais. »

« —Il ne me pardonnera jamais pour Sirius. » Harry ignore Théo. Parce que Théo a raison et que c’est agaçant. « Pas que ça ait la moindre importance. »

« Comment ça pourrait ne pas en avoir ? »  

« Parce que rien n’a changé, » soupire Harry. Théo agrippe fermement ses doigts. « Une heure auparavant, j’étais juste un idiot avec des parents morts et un père que je ne considérais pas comme un père. C’est toujours vrai. »

« Mais à présent, tu as un père en vie. »

« Vraiment ? » Harry tourne la tête pour observer Théo. Il s’est rasé ce matin, la peau de son cou est toujours un peu rose à cause de la lame de rasoir. Harry résiste à l’envie de la caresser. « Est-ce que tu sais qu’il n’y a pas de mots pour père, en fourchelangue ? »

« Non, pourquoi tu ne m’as pas fait part de ça ? » Théo claque la langue, agacé, ses yeux glissant jusqu’au cottage. Harry sait qu’il aimerait avoir son carnet.

« Sahara appelle James mon faux-géniteur. Maman est ma mère-de-nid, les Dursley sont mes compagnons-de-nid, mes amis sont mes familiers et Cédric est—, » Harry déglutit, « était mon partenaire. »

« Partenaire ? » Les yeux de Théo s’assombrissent.

« Essaye donc d’expliquer le concept de petit copain à un serpent. » Harry lève les yeux au ciel. « Donc Rogue n’est pas mon père. C’est mon géniteur. C’est tout. »

 Le visage de Théo se tord sous une étrange combinaison d’agacement devant le fait qu’Harry l’a tenu à l’écart d’un savoir sur le fourchelangue, et de quelque chose qui semble bizarrement tendre.

« Ce n’est pas tout. » Théo roule sur le côté, ramène leurs mains jointes vers lui. Il lève la main d’Harry, celle qui a la bague des Prince, entre leurs visages, la tapotant avec insistance. « Les Héritiers comptent. Je ne pense pas que tu comprennes ce que signifie être un Héritier dans notre monde, Harry. »

« Non, en effet, parce que même après quatre ans, je n’en fais pas vraiment partie, » répond sèchement Harry. C’est quelque chose qu’il ne dit pas souvent, qu’il se laisse rarement penser, mais cette conversation est en train de mettre à découverts toutes ses parts les plus sombres. « Je ne suis qu’une putain de mascotte, Théo. Je ne suis pas… pas réel. Pas à leurs yeux. »

« Tu es tout à fait réel aux miens. » Théo pince le dos de sa main, hausse les sourcils. « Et tu pourrais en faire partie. C’est cela que signifie être un Héritier. Quand tu es un Héritier, tu possèdes les traditions, tu fais partie d’une histoire dont tu es responsable. Perdre un Héritier, pour un parent, puis le retrouver… Cela signifie quelque chose, Harry. »

« Hermione pense que ce n’est que des conneries de Sang-Purs élitistes et sexistes. » Harry fronce le nez. Ça a l’air de conneries de Sang-Purs élitistes et sexistes.

« Eh bien, désolé de ne pas être d’accord avec Granger, » Théo lève les yeux au ciel. « Mais ce n’est pas le cas. Regarde Greengrass. C’est autant une Héritière que moi. »

« C’est une Sang-Pur. »

« Oui, mais ça contre l’argument sexiste, » raisonne Théo. « Quant au reste, regarde-toi. Ou le plus âgé des Weasley. »

« Bill ? Mais il est tellement… » Harry fronce les sourcils. Quand il compare ce qu’il sait d’un Héritier (c’est-à-dire Théo, à vrai dire) au dieu du sexe couvert de cuir que semble être Bill Weasley, il ne voit pas beaucoup de similarités.

« Tellement… quoi ? Canon ?» Les doigts de Théo sont serrés sur la main d’Harry, mais son sourire est doux et joueur. « Est-ce que ton Weasley sait que tu as un crush sur l’Héritier de sa famille ? »

« Ce n’est pas le cas, » Harry lève les yeux. « Il est juste… Disons. Il ne te ressemble pas. »

Théo se raidit. « Oh. »

« Pas comme ça, » bredouille Harry. Il ne sait pas pourquoi il ressent le besoin de corriger ses paroles, mais c’est le cas, et il continue sans réfléchir. « Rien de grave, rien qui ne soit… c’est juste qu’il est très rock’n’roll et tu es très… Serpentard. Mais c’est bien ! Serpentard est canon à sa façon, je veux dire, Serpentard est… cool. »

« Arrête de parler, » siffle Sahara.

Harry grimace, se mord la lèvre. Crispe les paupières. C’est encore pire que la fois où je lui ai dit que j’aimais les filles mais ‘pas en ce moment’.

Bordel.

« Tu es embarrassé. » Sahara agite la langue. Elle a même l’air d’être en train de rire.

« Tu pourrais finir en nourriture pour hibou. »

« Donc je suis… cool ? »

Harry peut entendre la taquinerie dans la voix de Théo, son sourire plus qu’évident. Il garde les yeux fermés, attend que l’atroce rougissement sur ses joues prenne fin. 

« Oui, tu es cool, bordel, la ferme maintenant, » grogne Harry. Théo rit, tire sur la main d’Harry jusqu’à ce qu’elle soit sur la poitrine de Théo. Harry peut sentir le battement de son cœur, le chant de son sang. C’est intriguant et ça lui fait un peu tourner la tête. Harry pense qu’il pourrait y avoir de la magie là, s’il essayait juste de l’atteindre.

« Non, » l’avertit Sahara. « N’essaye pas de goûter à la magie de son sang. »

« Pourquoi pas ? »

« Tu n’es pas prêt. » Sahara envoie une étincelle d’avertissement dans le lobe de son oreille, là où elle sait que cela fera le plus mal. Harry grimace. « Et lui non plus. »

« Ce que je voulais dire, » lance Théo en interrompant la leçon impromptue de magie de Sahara, « C’est que les Héritiers sont vraiment importants pour nous, peu importe ce qu’il se passe dans la famille. Regarde pour moi. »

« Toi ? » Harry ouvre les yeux, l’humiliation perdant enfin du terrain. Les yeux gris de Théo brillent toujours d’amusement, mais sa bouche est redevenue une ligne pleine de sérieux.

« Apollonius ne peut pas supporter d’être dans la même pièce que moi, mais il ne m’a pas répudié. Il continuera de me protéger. » Théo hausse les épaules comme si huit années de négligence pouvaient simplement être jetées comme ça. « Le Professeur Rogue accordera certainement de la valeur à un Héritier, surtout un qui a été perdu si longtemps. Si tu expliques qui tu es— »

« Il va en perdre sa putain de tête, » termine platement Harry. « Ecoute, j’ai compris, d’accord ? J’ai compris que les héritages étaient importants, mais si Rogue cherche un Héritier, je te garantis qu’il ne veut pas que ce soit moi. Il préfèrerait se transformer lui-même en navet. »

Théo ricane. Harry sourit.

« De plus, » continue-t-il d’une voix plus douce. « Personne ne peut me protéger. Pas vraiment. Personne ne devrait avoir à le faire. Rogue est déjà un putain d’espion. »

« Est-ce que tu le défends ? » Théo hausse un sourcil. « C’est surprenant. »

« Je ne veux juste pas que d’autres personnes meurent pour moi, » répond Harry en fronçant les sourcils. « Ça craint, putain. »

« Mais les gens meurent, Harry. » Théo tire un peu sur leurs mains jointes pour qu’elles reposent directement sur son cœur. Harry essaye de garder l’avertissement sifflé de Sahara à l’esprit. Ne pas goûter à la magie du sang. Pas encore prêt. « Ils ont le droit de choisir pourquoi ils meurent. Pour qui ils meurent. »

« Nope, pas pour moi. » Harry secoue résolument la tête. « Plus jamais. Je n’accepte plus aucune position pour des Gens Morts Très Importants. J’en ai eu assez. Personne n’a plus le droit de choisir de mourir pour moi, d’accord ? Est-ce qu’au moins on peut tous être d’accord sur ça ? »

Il y a un long silence.  

« Je ne pense pas qu’on puisse être d’accord sur ça. »

Ce sont les pire mots qu’Harry ait entendu aujourd’hui, et ça, ce n’est pas rien.

Harry fusille Théo du regard. Ça lui parait soudainement très important.

« Je ne rigole pas, Théo. Jure-moi que tu ne me choisiras pas, » demande Harry. « Jure-le. »

Théo inspire brusquement par le nez.

« Tu sais que tu essaies de faire cette chose, n’est-ce pas ? » Théo tourne lentement la tête pour fixer les feuilles au-dessus d’eux. « Le truc avec le lien d’âme. Je peux le sentir. C’est un peu comme si on tirait dessus, comme le début d’un portauloin. »

« M’en fiche, » répond sèchement Harry. « Jure-moi que tu ne me choisiras pas. »

« Est-ce que tu fais ce coup-là à tous tes amis ou juste à moi ? » répond lentement Théo.

« Seulement parce que je ne peux pas les en empêcher. »  

Harry se penche au-dessus de Théo pour fixer directement ces yeux gris, en appuyant sa main sur son cœur. Il obéit à Sahara, il n’essaye pas de sentir ou de goûter à la magie qui chante dans le sang de Théo, mais il a besoin de ça. Il a besoin que Théo comprenne.

« Hermione est Née-Moldue et Jedusor connait son existence, il a fait le choix pour elle. Ron et sa famille sont des traitres à leur sang et leur famille se battait déjà, leur choix a été fait durant la dernière guerre. Je ne peux pas les empêcher de choisir de se battre avec moi, crois-moi, j’ai foutrement essayé durant la première année, mais ils n’ont pas voulu… »

Harry inspire en tremblant. Est-ce que ça nous couvrira tous les trois ? Ils avaient jeté la cape d’invisibilité sur leurs épaules, suivi son cul d’abruti jusqu’à la trappe et s’étaient jetés dans le danger avec lui à onze ans.

Harry ne laisserait pas Théo faire la même chose. Il le fixe au fond des yeux.

« Mais tu es le fils d’un Mangemort, tu pourrais trouver un moyen de rester en dehors de ça plutôt que de choisir un camp. »

« Je pense qu’Apollonius, les autres Mangemorts et Celui-qui-aurait-dû-être-Lord-Serpentard ne seraient pas d’accord avec toi. »  

« Ça n’est pas le sujet, » chuchote Harry. « Tu n’as pas besoin de me choisir, Théo. Les gens meurent quand ils me choisissent. Il ne faut pas. S’il te plait. Ne me choisis pas. »

Harry tremble un peu de devoir garder sa magie dans son propre corps. Il a envie de forcer Théo à le faire, de le forcer à comprendre, et la bague Serpentard est impatiente de donner des ordres. Harry a le sentiment que s’il devait un jour jeter le sort de l’Imperium, sa bague Serpentard adorerait. C’est un anneau qui adore le savoir, le pouvoir, et garder les choses en sécurité, peu importe le prix. Elle veut une armée et elle veut que Théo en fasse partie. Théo le dévisage. Harry voit un fragment de cette même chose qu’il avait vu dans les yeux de Théo lorsqu’il avait laissé sa magie surgir et l’effrayer. C’est le même regard que Théo lançait à Cornedrue.

Une crainte mêlée d’émerveillement.

« Harry. » Théo inspire longuement. « Tu ne comprends pas. Je ne peux pas. ‘Tu protèges ce qui me protège’, tu te souviens ? »

« Le serment de protection de Kreattur ? » Harry fronce les sourcils. « Je ne comprends pas. »

« Je sais, » soupire Théo. Il place sa main par-dessus celle d’Harry, la bloquant contre son cœur. C’est un geste bizarre, un geste qui fait penser Harry au sarcophage égyptien qu’il avait vu, au musée d’Histoire britannique, lors d’un voyage scolaire à l’école primaire. Un roi immortalisé pour toujours, dans un geste d’une dignité humble. « Je te l’ai dit à ce moment-là, tu te souviens ? Tu ne comprends pas et c’est… c’est quelque chose. Tu nous as liés tous les trois, pas seulement lui pour qu’il me protège, mais aussi… »

Théo déglutit avec difficulté. Il est nerveux. Harry observe sa pomme d’Adam s’agiter de bas en haut, et sent la peur lui geler les entrailles.  

Putain mais qu’est-ce que j’ai fait ?

« Tu as aussi scellé magiquement notre… amitié. C’est un lien de fidélité. »

Harry repense à ses mots à l’époque, réalise qu’il peut s’en souvenir sans difficulté. Il sent une étincelle de glace dans l’anneau des Black, comme la caresse d’un flocon de neige.

Tu protègeras sa vie et ses secrets, implicites comme explicites, tout comme je le protège et qu’il me protège.

« Tu m’as dit que c’était rare. » Harry déglutit. « Rare comment ? »

« Je ne pense pas que tu veuilles savoir ça. »

« Oh je pense que si, bordel. »

« Oh que non. »

« Nott. » 

« Potter. »

Harry grogne, agacé. Théo sourit avec cet air taquin auquel Harry ne peut résister à répondre par un sourire. Un peu de la tension sort de son corps, et Sahara attrape avec sa langue les étincelles qui dansent le long de son bras. Ça ne sort plus juste de ses bagues d’Héritier et de ses doigts. Parfois, il a l’impression d’être un foutu feu d’artifice.

« Très bien, mais ne dis pas que je ne t’ai pas prévenu, » soupire Théo. « Le dernier lien de fidélité créé remonte à Uther Pendragon et ses suivants. »

« Uther… tu veux dire le putain de Roi Arthur ? » Harry le dévisage. « Attends, le Roi Arthur était un sorcier ? »

« Merlin, Harry ! Tu n’es donc pas attentif durant l’Histoire de la Magie ? »

« Mais personne n’est attentif ! » s’exclame Harry, sur la défensive. « Donc, il en était un ? »

« Non. Merlin, Harry. » Théo agrandit les yeux significativement. « Merlin était le sorcier qui a créé ces liens de fidélité. »

Harry le dévisage un moment. Il pense à Vernon, qui riait devant Le Sacré Graal des Monty-Python.

Nope.

« Putain. » Harry laisse tomber sa tête sur la poitrine de Théo, entendant Théo lâcher un ‘ouf !’ surpris avant d’extraire sa main de sous la joue d’Harry. « Bordel. Je… je suis tellement désolé, merde. T’as raison, je… je ne suis qu’un con irresponsable. »  

Théo laissa échapper un bref éclat de rire surpris.

« Eh bien, aussi appréciable qu’il soit de t’entendre le dire, » ricane-t-il, « c’est bon. »

Sauf que ça ne l’est pas, putain. Harry ne laissera pas faire. Il ne laissera pas une personne qu’il a littéralement liée à lui le protéger. Surtout quand cette personne est un petit malin de Serpentard qui risque bien de finir en nourriture pour Nagini juste parce qu’il est son ami, et ne parlons pas d’autre chose. Les cauchemars d’Harry sont remplis de Voldemort qui lance des doloris à tous les gens qui comptent pour lui. Harry crispe les paupières, repousse les souvenirs des yeux morts de Cédric.

« Eh bien, si je t’ai lié à moi, je peux te délier. » Il frotte inconsciemment son nez contre le tissu de la chemise de Théo. Nomme les plantes qu’il peut sentir ici. Du romarin. De la valériane. Du thym.

« Je ne doute pas que tu en serais capable, théoriquement. Merlin a certainement révoqué certains liens lorsque ce fut nécessaire, » réfléchit Théo, sa main glissant naturellement dans les cheveux d’Harry pour les caresser. Il fait ce truc où il tire un peu sur les boucles sur la nuque d’Harry, et ça donne l’impression à Harry de se sentir comme Sniffle quand il se fait gratter derrière les oreilles. « Mais tu ne le feras pas. »

« Pourquoi ? » répond Harry, un peu endormi. Pourquoi est-ce qu’il a l’impression que Théo est en train de le bercer pour le faire plier ?

« Parce que pour être délié, tu aurais besoin de l’accord de ma magie, et je ne te le donnerait pas. »

Bien sûr qu’il ne le donne pas.

« Espèce de con, » grogne Harry en cognant son visage contre le sternum de Théo. « Pourquoi pas, putain ? »

« Parce que c’est mon choix. » Théo tapote ses cheveux, conciliant. « Désolé. »

« Tu n’as pas l’air désolé. »

« Non, je ne le suis absolument pas. »

Harry tourne son visage jusqu’à pouvoir voir Théo. Sa mâchoire est figée. Ses yeux brillent de colère et de quelque chose d’autre.

« Pourquoi pas ? »

« Parce que personne n’a créé de lien de fidélité depuis Merlin, Harry. »

« De ce qu’on en sait, » contre Harry. « Je parie qu’il y a des tonnes de gens qui en font plein en secret partout. »  

« Depuis Merlin, Harry ! Il n’y en a pas une tonne, comme tu le dis. C’est un niveau inégalé de magie. » Les yeux de Théo dansent avec la même excitation qui apparait lorsqu’il brasse une potion et qu’il découvre quelque chose d’inédit. Ou quand il lit quelque chose de fascinant qu’il ne savait pas déjà. Harry n’a jamais pensé qu’il serait observé un jour par Théo avec ce regard-là. Il a l’impression qu’il ne le mérite absolument pas.

« C’est un accident bizarre, » renifle Harry. Et on met l’emphase sur le mot ‘bizarre’. « C’est juste comme ce truc du Garçon-Qui-A-Survécu, n’essaye pas de mythologiser ce qui vient de m’arriver, Théo. »

« Harry, tu projettes littéralement des étincelles de magie, » répond Théo d’un ton plat. « Je ne pense pas que je suis irréaliste dans mes attentes sur ce point. »

« Tant que tu n’as pas d’attentes pour moi, » Harry a soudain envie de s’éloigner de Théo. Ça commence dangereusement à avoir le même écho que les gens qui pensent qu’il est spécial. « Tu as vu mon dos, Théo. Rien n’est d’un niveau inégalé en magie de ce côté-là. »

« Je m’en fous de cette merde, ce qui m’importe, c’est ça. » Théo resserre ses doigts sur la main d’Harry, comme s’il savait qu’il essaye de reculer. Il se penche sur ses coudes pour se rapprocher de lui. « Ça vient juste de m’arriver aussi, et je ne comprends pas non plus comment tu l’as fait, mais c’est incroyable et j’en fais partie. Je n’y renoncerai pas. »

Harry ne peut pas lui prendre ça. La joie dans les yeux de Théo est trop précieuse pour être reniée. Ce serait comme bannir à jamais Hermione de la bibliothèque.  

« Urh, très bien. » Harry détourne le visage, frottant en cachette sa joue contre la poitrine de Théo comme pour se rappeler que rien de mauvais n’est arrivé. Théo enfonce à nouveau son dos dans l’herbe et soupire. Théo est vivant. Il est là. Il ne lui est rien arrivé de grave parce qu’il est l’ami d’Harry.

Pour l’instant.

« Donc garder les secrets et protéger l’autre, » résume Harry. « C’est un peu comme le marché avec Hermione et Ron. Du coup j’imagine que ça passe. »

« Oui, je suis fou de joie à l’idée d’être la troisième roue du carrosse dans votre joyeuse bande d’aventuriers imprudents, » répond Théo.

« Arrête de les appeler comme ça. »

« Arrête de te jeter dans des missions peu recommandées en te basant sur des croyances morales. »

Harry renifle. Il se dit que tout va très bien, que Théo est juste comme ses autres amis, mais il y a un tintement dans la bague des Black, dans sa magie, qui lui dit que c’est différent.

« Tu es inquiet, » siffle Sahara.

« Ce n’est pas grave. »

« Tu mens, » siffle Sahara en glissant sur son bras puis dans l’herbe.

« Tout le monde ment. »

Harry inspire profondément. Il doit encore poser cette dernière question.

« Si c’est possible sur le moment, si tu peux l’éviter, est-ce que tu me promettras de ne pas me choisir ? Comme l’ont fait mes parents, comme… » Il ne dira pas le nom de Cédric. « Tu peux me le promettre ? »

Il y a un long silence. Il entend la respiration tranquille de Théo. Ce dernier tire un peu sur les cheveux d’Harry.

« Non. »

Tout le monde ment, sauf Théo.

« Est-ce que tu me forceras ? » demande Théo. Ses mains sont immobiles. Harry se dit qu’il pourrait probablement le faire. La bague de Serpentard a envie de le faire, et la magie des Black adore lier des trucs. Il pourrait probablement le faire et être aussi imprudent en le faisant qu’il l’était quand il a fait son premier serment avec Kreattur. Harry sait qu’il en est capable.

« Non, » soupire Harry. Il est fatigué. « C’est ton choix. »  

Une autre personne pour laquelle se battre. Une autre personne à sauver.  

« Le Gris t’a sauvé plus que tu ne l’as sauvé », siffle Sahara entre deux bouchées d’un criquet. Harry considère ce fait. Elle n’a pas tort.

« Peut-être que ça pourrait aussi être le choix de Lord Prince, » chuchote Théo. « Est-ce que tu le lui diras ? »

« Non. Je ne peux pas. Je ne le ferai pas. »

Il imagine les réactions des gens. L’horreur de Ron, la terreur d’Hermione. Il peut facilement s’imaginer la façon dont le visage de Remus se froissera, comment le sourire de Sirius se changera en rage. La pitié de Dumbledore. Pire que tout, il peut facilement s’imaginer Rogue. C’est le même visage qu’il a vu pendant les quatre dernières années : un dégoût grimaçant. Il ne peut le dire à personne. Il lève les yeux vers Théo.

« Est-ce que toi, tu lui diras ? »

« Non. » Théo recommence à caresser ses cheveux. « Ta vie et tes secrets, tu te rappelles ? »

« Je protège ce qui me protège. » Harry lui lance un sourire sardonique.

Personne ne peut le protéger. Pas Harry Potter. Dumbledore est occupé, suppose Harry, à rassembler des gens qui se battront sous la bannière du témoignage d’Harry contre l’armée que lève Voldemort, qui se battront pour le Garçon-Qui-A-Survécu. Harry leur en est reconnaissant, mais se sent aussi très coupable. Mais Théo a brassé sa potion, soigné ses blessures, l’a aidé à échapper aux Dursley et a même trouvé son vrai père. Théo n’a pas de statut de sang ou de procès avec Azkaban ou une famille pour laquelle se battre contre Voldemort. Si Théo se bat, réalise Harry, il se battra uniquement pour Harry.

Ça pourrait être bien, se dit Harry rêveusement en écoutant le chant du battement de cœur de Théo.  

Notes:

Sacré Harry, à penser que les gens ne voudraient pas tout faire pour le protéger =') Baby, you need therapy.
J'espère que ça vous a plu en tout cas, et rendez-vous lundi pour la suite ! :D

Chapter 23: La défense de Cornedrue

Notes:

Pardooooon je voulais vous poster le chaptire ce matin mais en ce moment je fais plus la brasse coulée dans le boulot qu'autre chose T_T
Bref, bonne lecture !

(See the end of the chapter for more notes.)

Chapter Text

Harry est couché dans le lit lorsqu’il se laisse enfin aller à y penser. Demain, il doit aller au Ministère de la Magie pour se battre pour le droit d’aller à Poudlard, et il doit le faire seul. Il prend une profonde inspiration en tremblant.

« Revoyons le plan encore une fois. »

Théo soupire près de lui dans l’obscurité, les ronflements bas mais puissants de Kreattur faisant écho dans la petite chaumière. Ils ont revu le plan vingt fois durant la soirée, il est à présent deux heures du matin, et Harry ne peut pas dormir. Donc Théo ne le peut pas non plus. Kreattur, lui, n’a aucun problème à le faire.

« Kreattur te fera apparaître à l’entrée moldue du Ministère, puis il transplanera à Gringotts pour transmettre tes lettres et s’assurer que tes biens sont protégés, » murmure Théo d’une voix ensommeillée. « Tu iras au bureau d’Arthur Weasley pour qu’il puisse assurer au Directeur que tu es bien arrivé. »

« Tu resteras ici au lieu de retourner chez ta Tante, juste au cas où je devrais partir rapidement, » déglutit Harry. Il ne veut pas penser aux circonstances qui pourraient conduire à une telle éventualité. Être au bout de la baguette de Lucius Malefoy pourrait en être une. « Je t’enverrai Kreattur pour te tenir au courant de ce qu’il se passe, quel que soit l’issue du procès. » 

Renvoyé, ou pas.

« Si on t’ordonne de retourner dans ta famille, je viendrai te chercher et nous retournerons tous les deux ici jusqu’à la rentrée, » continue Théo en marmonnant, la voix lourde comme s’il était en train de s’endormir. « Si on te place avec ton parrain ou la famille Weasley, tu m’enverras Kreattur et je resterai chez ma Tante jusqu’à la rentrée. »

« Et si je suis renvoyé… »

Harry n’arrive pas à terminer la phrase. S’il est renvoyé, il est mort. À côté de lui, dans l’obscurité, il peut sentir que Théo est maintenant entièrement réveillé. Après bien des nuits à partager un lit, Harry peut sentir quand Théo est éveillé. C’est subtil, il ne se réveille pas en sursaut comme Harry le fait quand il s’éjecte de ses cauchemars. Souvent, il s’éveille et prétend être encore endormi, mais Harry peut entendre sa respiration. Théo est attentif.

« Tu ne seras pas renvoyé. » La voix de Théo n’est ni pleine de confiance ni apaisante, juste factuelle. « Si les factions Sombres et Grises votent comme je pense qu’elles le feront, comme Lord Serpentard leur a demandé de le faire, il n’y a aucune chance pour qu’ils te condamnent. »  

« Mais si je le suis, » insiste Harry. « Parce que les choses qui ne devraient normalement pas arriver ont tendance à être mon putain de quotidien— » 

« Si tu es renvoyé, alors tu peux revenir ici. » Théo se tourne pour lui faire face, le visage plongé dans un rayon de lune. Ils n’ont pas décidé de ça. Harry a l’impression qu’il flotte à la dérive, se noie dans un océan de précarité.

« Dumbledore me trouverait, » chuchote Harry. « Et Voldemort aussi. Au bout d’un moment. »

S’ils me trouvent, ils te trouveront aussi.

« Le Directeur a probablement une sorte de refuge à l’esprit, » bâille Théo. « Mais vu que son idée d’un refuge, c’est la maison de ta famille… »

« Exactement. »

Harry fixe les herbes suspendues au-dessus de lui, essaye de se rappeler de leur nom. Romarin. Thym. Valériane. Armoise. Harry pense à son futur, s’il n’a plus de baguette. S’il ne peut pas retourner chez lui, à Poudlard, et apprendre la magie. Il sera vulnérable face à Voldemort. Incapable de protéger les autres. Mais aussi incapable de les mettre en danger, s’il n’est plus là.

« Je pourrais partir. » Harry chuchote les mots, presque incrédule à l’idée de les prononcer. « Je pourrais… juste partir. Les envoyer chier. Envoyer chier Voldemort. Il y a des gens qui font ça, non ? Vivre en tant que sorciers sans… Poudlard. »

Cela semble absolument impossible. Et pourtant, il sait quelque part que le pouvoir dans ses bagues d’héritier ne diminuerait pas si on brisait sa baguette. Il sait également que la magie dans ses os ne peut pas en être extraite. Il n’aurait pas d’apprentissage, bien sûr, mais il ne serait jamais complètement banni.

« Ta magie est autant une part de toi que ton sang, » siffle Sahara depuis là où elle est, enroulée sur elle-même sur son oreiller.

« Je sais. »

« Tu pourrais, » réponds Théo d’une voix plate. « Certains gens le font. La plupart du temps dans un autre pays. »

Un autre pays. Harry n’arrive pas à l’imaginer. Sortir du Ministère de la Magie demain et juste… disparaître. Laisser Voldemort à Dumbledore et Rogue à Sirius et Malefoy à Ron et tout laisser derrière lui. Les laisser tous mener leurs propres guerres.

« Tu ne me haïrais pas, si je faisais ça ? » chuchote Harry. « Si je partais ? »

« Non. » Théo marque une pause. « Mais… je pense que toi, tu te haïrais. »

« Pourquoi ? »

« À cause de Ginny Weasley. »  

« Quoi ? » Harry tourne la tête pour dévisager Théo. Dans l’obscurité bleutée, les yeux de Théo ne sont pas gris. Ils sont pleins d’étoiles et de rayons de lune.

« Tu as débarqué dans la Chambre des Secrets en furie pour sauver une petite fille agaçante qui n’avait fait que t’embarrasser en demandant à des gnomes de chanter pour toi. Et pourtant, tu es allé la sauver. Tu es… plein de compassion pour la souffrance des autres. »

« Ah bon ? » Harry recommence à fixer les herbes, pensif. Marjolaine. Eucalyptus. Millefeuille. « Dumbledore le pense aussi. »

« Et pas toi ? »

« Je crois que j’étais juste terrifié à l’idée de retourner chez les Dursley. »  

« Je vois. » Théo réfléchit. « Eh bien, alors peut-être que tu es vraiment un petit con égoïste. »

« Ouais, » renifle Harry. « Je me disais, aussi. »

Ils restent allongés là, dans le silence, à écouter Kreattur ronfler. Le futur, inconnu et impossible s’étire entre eux.

« Tu gardes Sahara, » chuchote Harry. « Elle te protègera. »

« Tu gardes Kreattur, » chuchote en retour Théo. « Il essayera probablement de tuer. »

Harry rit. C’est un son essoufflé, secret, qui bizarrement le rend encore plus conscient de l’obscurité dehors et de la chaleur entre eux. Il se penche en avant et pose une main sur la poitrine de Théo, sent son cœur.

« Dors, » murmure Harry.   

Théo acquiesce et roule sur le côté, la main d’Harry bougeant pour venir caresser son épaule un instant. Harry pousse un long soupir et plonge en lui-même pour en extraire la froideur de l’Indifférence, endormie, inutilisée depuis deux semaines. La bague des Prince le chatouille. Elle connait l’indifférence. Harry ne pense pas à ce que ça signifie, mais laisse le chatouillis se transformer en un engourdissement familier. Il peut entendre le souffle tranquille de Théo qui prend le rythme du sommeil. Il peut sentir sa magie. Pendant un court instant, il ferme les yeux et se laisse aller à la goûter. Quand Théo est endormi, elle sent comme une grosse pluie d’été sur l’asphalte. Harry inspire profondément cette odeur, essayant de la graver dans sa mémoire pour demain.

« Je protègerai ton Gris, Cœur Vert. »

« Merci. »

Elle manquera à Harry. Le cottage lui manquera, et ce lit inconfortable dans lequel il n’a jamais si bien dormi. Demain, il devra redevenir le Garçon-Qui-A-Survécu, et c’est chiant. Aussi prend-il une dernière inspiration de l’odeur de Théo et se laisse-t-il plonger dans l’ndifférence jusqu’à ce qu’il soit totalement engourdi, des pieds à la tête. Il est prêt.

________________ 

 

Harry et Kreattur apparaissent à l’entrée moldue du Ministère. C’est une cabine téléphonique. Harry lève les yeux au ciel.

« Putain mais c’est quoi ce bordel ? » marmonne Harry. « Les sorciers sont ridicules. »

« Le Maître doit composer le numéro, » croasse Kreattur en appuyant sur les nombres avec un de ses longs doigts. « C’est le Maître qui est ridicule. »

Kreattur fourre le récepteur téléphonique contre la gorge d’Harry, lui cognant douloureusement la mâchoire au passage. Il entend une voix agaçante de femme, qui lui demande de déclarer les raisons de sa venue.

« Harry Potter, ici pour cette merde de Magenmagot, » répond sèchement Harry. « Et Kreattur, ici pour faire chier et se marrer. »

Deux badges apparaissent et Harry renifle en les lisant.

Harry Potter – Emmerder le Magenmagot  

Kreattur – Toilettes et Hilarité

« Kreattur n’entrera pas, » croasse Kreattur. « Les elfes de Maison ne peuvent pas être invisibles dans le Ministère de la Magie. »

« Bien joué, Elfe Black. » Harry accroche son badge sur sa chemise, et lance le sien à Kreattur avec un sourire. « De quoi j’ai l’air ? »

Harry étend ses bras autant qu’il est possible de le faire dans une cabine téléphonique. Kreattur le regarde de bas en haut, ses yeux pleins de malice.

« L’Héritier Nott a très bon goût pour les robes, » sourit Kreattur. « Mais le Maître n’est qu’un misérable négligé et même les robes de l’Héritier Nott ne pourraient le sauver. »

« Des mots pleins de réconfort de la part de Monsieur Toilettes et Hilarité. » Harry se déplace, mal à l’aise dans ces robes vert bouteille enfilées par-dessus un pantalon et une chemise noire. Théo dit qu’il a l’air ‘puissant’, mais Harry se sent bizarre et Kreattur le sait. « Donc si je finis là où peut bien se trouver Sirius après ça, il faudra que tu te fasses discret, d’accord ? »

« Kreattur sait où se cacher dans la maison du Parrain. » Les yeux de Kreattur scintillent. Harry sait que Kreattur a hâte de retourner au siège des Black s’il le peut.

« Très bien. » Harry joue avec la bague des Black à son doigt, pense à leur lien. « Est-ce qu’on doit le faire encore une fois avant de se quitter ? Ou ça va aller ? »

« Est-ce que le Maître veut prendre le risque ? » Le sourire de Kreattur se fait carnassier.

« Très bien. » Harry lève les yeux au ciel, attire à lui la magie des Black, qui est gelée ce matin, impatiente d’agir. « Kreattur, tu ne feras pas de la merde de façon à mettre en danger ma vie ni celle de Théo ni… » Harry envisage un instant d’inclure Sirius, mais se ravise. « … celles de Ron ou d’Hermione, ni n’en fera un enfer à vivre durant mon procès, et tu ne feras rien qui ne puisse mettre en danger mon procès. Compris ? »

La magie des Black surgit, petits pics de glace qui passent de l’un à l’autre et Kreattur frissonne, puis lance à Harry un regard pensif. « La magie du Maître est stressée aujourd’hui. »

« Ah bon, tu crois ? » Harry hausse un sourcil, puis pousse un soupir. « Ok. J’y vais. »

Kreattur acquiesce, s’apprête à presser le bouton pour l’envoyer sous terre (Harry était ébahi quand Théo lui a annoncé ça) mais Harry n’est pas sûr d’être prêt. Son estomac gronde.

« T’as pas un truc à manger ? »

« Kreattur en a. » Le doigt de Kreattur s’arrête, il fusille Harry du regard avec un sourire carnassier.

« Passe-moi ça. » Harry tend la main. « Je n’ai pas mangé ce matin. »

Kreattur fait lentement apparaître un curly wurly de nulle part, mais quand Harry essaye de l’attraper, ce dernier flotte hors de sa portée.

« Kreattur l’échangera contre des jeunes préservés que le Maître a caché, » siffle-t-il.

« Kreattur, non. Tu es accro— »

« Le Maître veut manger, donc le Maître acceptera le marché. » Les oreilles tombantes de Kreattur se soulèvent sous l’excitation.

« Très bien ! » Harry sort le paquet froissé de Bébés en Gelée de sa poche arrière. Lui et Théo l’ont changé de place dans toute la chaumière ces deux derniers jours, une fois qu’ils ont réalisé qu’un Kreattur drogué au sucre était absolument terrifiant. Il le plaque dans la main de l’elfe.  « Ne le dis pas à Théo. »

« Kreattur ne jurera pas, » sourit Kreattur avant d’appuyer sur le bouton et de disparaître dans un éclat de rire malpoli. Harry s’accroche au téléphone tandis que la cabine s’enfonce dans le sol.

Ça n’est pas du tout inquiétant.  

_______________

 

« Harry ! »

La voix d’Arthur Weasley l’accueille au moment où il quitte l’ascenseur, tandis qu’il agite les bras avec agacement pour chasser les mémos qui flottent autour de sa tête. Harry arrive à peine à sourire. Il est énervé. Tout le monde n’arrête pas de le dévisager, le sorcier qui a vérifié sa baguette ressemblait à un Colin Creevey adulte et il déteste les ascenseurs. Ils lui rappellent les portauloins, et depuis Cédric, il n’en est pas fan.

« Bonjour, Monsieur Weasley. »

Harry enfonce ses mains dans les poches de son pantalon. Enfin, dans le pantalon de Théo. Monsieur Weasley se tient à côté d’un grand homme qui a d’impressionnantes pommettes et des robes bleues resplendissantes. Derrière les deux, il voit un signe qui indique ‘Département des Aurors’.

« Harry, on était tellement inquiets pour toi. » Arthur avance d’un pas, offre sa main à Harry qui la serre avec réticence. La dernière fois qu’il a eu des nouvelles d’Arthur Weasley, c’était une courte note qui ne s’était pas très bien accordée avec le reste de sa soirée. Il ne se sent pas très généreux. « Mais où étais-tu donc passé ? »

« Oh, vous savez, » répond Harry en haussant les épaules. « Par ci, par-là. »

« Par ci, par-là ? » Monsieur Weasley a l’air abasourdi. « Harry, je ne crois pas que tu comprennes— »

Harry ne s’intéresse pas à tout ça. Il observe l’autre homme, qu’il suppose être un Auror, et se dit que puisqu’il a techniquement des problèmes avec le gouvernement et que les Aurors sont, basiquement, des policiers, ça ne pourrait pas faire de mal de faire bonne impression.

« Je suis Harrison Potter, mais la plupart des gens m’appellent Potter. » Harry tend sa main, puisque c’est ce qu’a fait Monsieur Weasley. « Qui êtes-vous ? »

Il espère qu’il n’a pas ignoré une quelconque étiquette sorcière. Il faut que je demande à Théo de m’expliquer l’étiquette sorcière. Bordel, je vais en entendre parler des siècles.

« Kingsley Shacklebolt. » Shacklebolt prend sa main, son visage hésitant entre l’amusement et la confusion. « Chef des Aurors. »

Il lance un regard à la main d’Harry, et le cœur de ce dernier rate un battement, mais il observe simplement la bague des Potter. Harry s’est concentré ce matin pour cacher à nouveau l’existence des autres au reste du monde, mais lui peut toujours les voir. C’est bizarre, et ses mains lui semblent un peu trop lourdes. C’est un autre truc qui l’agace.

« Sympa comme job, » acquiesce Harry. Il pense à tous les épisodes de NCIS qu’il a pu regarder par la porte du placard à l’époque. Scanne ses souvenirs pour trouver quelque chose à dire. « Vous avez des affaires sympas ? »  

« Euh, oui. » Le regard de Shacklebolt passe de Monsieur Weasley à Harry, et Harry a l’impression qu’il a manqué quelque chose. « Je travaille sur les affaires de fugitifs. »

Shacklebolt hausse les sourcils avec emphase. Harry comprend. Il sait pour Sirius.

« Ah ouais, ça a l’air cool. Mais ça doit être crevant cela dit, non ? De courir partout après les gens comme un chien ? »

Monsieur Weasley tousse et rougit, mais Shacklebolt sourit.

« C’est clair que ça l’est, » glousse Shacklebolt. « Dites, Potter, vous avez besoin d’une escorte jusqu’à la salle d’audience ? »

« Euh, pas vraiment, non. » Harry dévisage l’Auror derrière eux qui les fixe avec une fascination évidente. Qu’est-ce que tu me veux, sale con ? « Vu que ce n’est pas une audience, mais un procès du Magenmagot. »  

Harry tapote son badge. Monsieur Weasley et Shacklebolt le dévisagent.

« Quoi ? » chuchote Monsieur Weasley. « Comment est-ce que tu sais ça ? »

« Je l’ai entendu. » Harry hausse les épaules. Il peut sentir la panique de Monsieur Weasley l’atteindre par vagues. « Monsieur Weasley, devez-vous envoyer un message ? »

Il hausse les sourcils avec emphase. Dites-le à Dumbledore.

« Pas besoin, Potter. » Shacklebolt agite sa baguette et un brouillard argenté explose, s’éloignant d’eux à toute vitesse. Harry pense que c’est un Patronus, mais pas totalement formé. « Donc, puis-je vous escorter jusqu’à la salle du procès ? »

Harry essaie de ne pas grimacer en entendant le mot. Barty Croupton attaché à une chaise. Qui implore son père. Instinctivement, Harry crispe le doigt portant la bague des Prince. Je n’en ai rien à faire. Rien du tout.

« Pas de problème. » Il hausse les épaules, se retourne vers l’ascenseur et résiste à l’envie d’envoyer une décharge électrique de magie de Serpentard à l’Auror bien trop curieux qui le fixe, appuyé sur le dossier de sa chaise. « À plus tard, Monsieur Weasley. »

« Je vais venir avec vous, » bégaie Monsieur Weasley en entrant dans l’ascenseur près d’eux. Il est vide, Dieu merci, et Harry laisse le doux bruissement des mémos volants combler le silence.

« Kingsley. » La voix de Monsieur Weasley est sèche et, du coin de l’œil, Harry voit Shacklebolt tirer sa baguette. L’ascenseur s’immobilise.

Merde.

Harry se tourne pour que la porte se retrouve dans son dos, baguette dressée, ses bagues d’héritier pulsant à ses doigts. Il sait qu’ils ne peuvent les voir, mais il peut entendre la bague de Serpentard siffler et ne peut s’empêcher de siffler en retour. Shacklebolt a sa baguette sortie, mais Monsieur Weasley a levé les mains, fixant Harry comme si une deuxième tête lui avait poussé.

« Harry ? » demande Monsieur Weasley avec prudence. « Harry, qu’est-ce qu’il y a ? »

« Il a sorti sa baguette. » Harry fait un geste de la sienne en direction de Shacklebolt.

« Oui, c’est le cas, » sourit Shacklebolt. « Excellents réflexes. N’avez-vous jamais songé à ce que vous vouliez faire après Poudlard ? »

La bague Serpentard veut le maudire, et Harry trouve ça un peu trop ironique.

J’ai hâte de voir la réaction de Théo quand il saura que c’est la bague de Serpentard et pas celle de Gryffondor qui a envie de se battre.  

« Survivre, avant tout, » répond sèchement Harry. Il fusille Monsieur Weasley du regard. « Il a sorti sa baguette. »

« Oui, pour lancer un charme de confidentialité, » dit lentement Monsieur Weasley. « Et pour arrêter l’ascenseur, afin que l’on ait une conversation privée. »

« Vous savez, Maugrey Fol-Œil-Croupton dirait que c’est très suspect. » Harry hausse un sourcil. « Qu’est-ce que vos fils ont fait à mon cousin, l’été dernier ? »

« Maugrey Fol-Œil-Croupton ? » Shacklebolt hausse un sourcil à son tour. « Vraiment ? »

« Comment est-ce que vous appelleriez un Professeur Mangemort, sinon ? » Harry le fixe d’un œil entendu avant de se concentrer à nouveau sur Monsieur Weasley, qui a la bouche grande ouverte. « Monsieur Weasley ? »

« Ils ont donné à ton cousin une de leurs inventions, une… une praline longue-langue. » Monsieur Weasley observe la baguette d’Harry. « Autre chose, Harry ? »

Il ne ment probablement pas. Harry baisse sa baguette et fait un signe de tête à Shacklebolt.

« Allez-y. »

Shacklebolt agite sa baguette pour lancer le sortilège puis la range, un mouvement délibéré de confiance, mais Harry remarque la curiosité qui brille dans ses yeux.

« Vous savez, c’est vous qui avez disparu depuis presque trois semaines. » Shacklebolt croise les mains sur son abdomen. « C’est nous qui devrions vous interroger. »

Essaye donc, tiens.

« C’est votre droit. » Harry hausse les épaules. « Allez-y. »

« Harry. » La voix de Monsieur Weasley est tendue. « Où est-ce que tu étais ? »

« Je vous l’ai dit, par-ci par-là. » Harry observe Shacklebolt. « Est-ce que vous me connaissez assez pour questionner mon identité ? On s’est rencontrés quoi, il y a deux minutes ? »

« Je suis plutôt connaisseur en ce qui concerne Harry Potter, » sourit Shacklebolt. « Que vous est-il arrivé après la Troisième Tâche ? »

Harry le dévisage. Il déteste l’idée que cette histoire soit devenue publique. Il ne sait pas exactement qui en a eu connaissance (qui sont les potes de Dumbledore, en fait ?) mais il ressent une soudaine et intense répulsion pour Shacklebolt si ce dernier connait les détails du cimetière.

Je m’en fiche. Totalement.

« Moi ? Oh juste un petit tango sadique avec un superméchant ressuscité, » lâche Harry dans un souffle. « Un peu une question de merde, cela dit, Shacklebolt. Vu qu’il y a au moins vingt bâtards de Mangemorts qui m’ont vu être torturé là-bas. »

« Harry, » murmure Monsieur Weasley. Il le regarde comme s’il allait se mettre à pleurer, et Harry ne comprend pas pourquoi.

« Je suppose que c’est vrai, » rit Shacklebolt. « Très bien. Alors plutôt quelque chose que peu de gens de l’Ordre connaissent. Qu’est-ce qui était écrit dans votre dernier message à votre parrain ? »

Oh, Sirius. Sale con.  

Encore un truc privé qui ne l’est plus du tout. Harry croise les bras, se sent rougir.

« Pourquoi, vous faites partie d’un fan club ? » fait-il remarquer avec une grimace.

« Juste d’un groupe de gens qui connaissent la vérité, Potter, » répond Shacklebolt en haussant les épaules. « Il n’y a aucun secret, quand il s’agit de votre sécurité. »

Sauf au numéro 4, à Privet Drive.  

« Je crois que c’était une réponse énervée à propos d’un certain livre qu’il voulait de ma part, » répond lentement Harry en offrant sa meilleure imitation de Théo. « Les enfants du Griffon et de Sleipnir. »

« Ça me va. » Shacklebolt lève lentement sa baguette. « Je vais faire redémarrer l’ascenseur, Potter. »

« Non, attendez. » Monsieur Weasley lève une main, avance d’un pas vers Harry et baisse la voix. « Harry, est-ce que tout va bien ? Tu as l’air… »

La voix de Monsieur Weasley meurt doucement. Différent. Il va dire que j’ai l’air différent.

Harry peut presque imaginer la voix de Sahara, dans sa tête : C’est parce que tu l’es.

« Je vais bien. » Harry jette un coup d’œil à Shacklebolt. « C’est quoi, votre Ordre, là ? »

« Je serais ravi de te le dire, mais d’abord— » Kingsley sourit et pointe le badge d’Harry. « Qu’est-ce que ça veut dire, ça ? »

Harry pense au coup d’état de Théo, au mensonge à propos de Lord Serpentard et à comment, pour la toute première fois, il a l’impression qu’il va se battre en étant préparé. Harry Potter, qui emmerde le Wizengamot.

« Exactement ce que ça dit, » sourit Harry.

______________ 

Harry hait Dolores Ombrage. Il la fixe depuis cette horrible chaise avec les chaînes qu’il a fusillée du regard jusqu’à s’y asseoir, et pense à toutes les différentes façons qu’il pourrait utiliser pour l’étrangler avec ses rubans.

« L’évidence est si peu substantielle, » minaude Ombrage. « Une cracmol par-dessus le marché— »

Et ça, n’était-ce pas une putain de révélation ? La vieille Figgy, une foutue cracmol. Harry a envie de hurler à travers la salle d’audience, de demander à savoir pourquoi elle n’a pas essayé de l’aider dans son Enfer Moldu, mais il reste assis, le regard fixe, et essaie plutôt d’avoir l’air de s’ennuyer.

Il ne regarde pas Dumbledore tandis que ce dernier essaye de lui monter une défense qui semble plutôt fragile. Il se dit que s’il le fait, sa bague de Serpentard risque bien de perdre la boule. Il y a quelque chose de rouge et de tendu dans son cerveau qui pourrait bien être Tom ou qui pourrait juste être son sentiment de trahison.

« Il y a en réalité d’autres preuves de l’existence de ces Détraqueurs. » La voix de Madame Bones résonne à travers la salle. « Un autre témoin, un enfant Sorcier qui vit non loin, était là la nuit de l’attaque. »

« L’attaque présumée, » fulmine Fudge. Aux yeux d’Harry, il n’a pas l’air bien. Il semble un peu transpirant, pâteux. Harry espère qu’il se sent comme de la merde. « Et qui est cet enfant ? Qu’ils se présentent devant nous pour fournir cette preuve ! »

Harry ferme les yeux en entendant la rumeur d’un bon tiers des sorciers et sorcières habillés de noir, qui crient des choses à propos des droits des enfants magiques. Une voix résonne clairement au-dessus des autres, cependant.

« Vous ne pouvez pas exiger qu’un enfant fournisse une preuve ! » La grand-mère de Neville abat son sac à main sur le banc comme un maillet. « Un enfant sorcier est légalement autorisé à fournir des preuves anonymement puisqu’il est impossible pour un enfant d’extraire ses propres souvenirs ! »

À moins que ce soit un prodige de Serpentard, songe Harry en riant intérieurement.

« Quelque chose vous fait rire, Monsieur Potter ? » le reprend Ombrage. Le regard d’Harry se fixe dans le sien.

« Non, » répond-il en souriant sardoniquement. « Je me demande juste à quel moment j’ai cessé d’être un enfant aux yeux du Magenmagot. Laissez-moi deviner… Est-ce que c’était pas loin d’Halloween ? 1981 ? »

Bien sûr, cela crée un tollé. Fudge s’indigne, Ombrage le fixe d’un air irrité, ce foutu Percy Weasley a l’air apoplectique, la grand-mère de Neville crie ‘Très bon point !’ et Harry peut sentir Dumbledore sourire derrière ses doigts croisés. De manière absurde, Harry sent une petite flamme de fierté lorsque cela se produit. Suivie tout aussi vite par un éclair de dégoût de lui-même.

Il t’a traité comme de la merde tout l’été et tu as toujours aussi désespérément envie de le rendre fier ?

Harry enrage silencieusement en lui-même tandis que le souvenir de Théo est visionné. Il a l’air pâle et maigre et c’est embarrassant, mais Dieu merci, Théo a fait un excellent travail en éditant le souvenir pour que personne ne voie Dudley essayer de l’étrangler à mort. Il n’y a aucune coupure. Ils montrent Dudley secoué de spasmes sous un Détraqueur, puis Harry qui tombe à genou en tenant son front. Harry remarque Dumbledore qui s’avance légèrement sur son siège à cet instant.  

Bien sûr, ce qui l’intéresse le plus, c’est ma foutue cicatrice.

Le reste du Magenmagot s’arrête sur le moment où Cornedrue apparaît, des cris se font entendre à travers la galerie et Fudge abat son maillet avec colère.

« C’est grotesque ! » crache-t-il. « Ces souvenirs sont clairement des faux ! Quel genre de jeune de quatorze ans pense qu’il peut s’en sortir en suggérant qu’il est capable de créer un Patronus corporel ? »

« Eh bien, moi je peux, » marmonne Harry. « Et j’ai quinze ans. »

« C’est de la folie pure ! » crie Fudge. « Le garçon pense qu’il peut dire ce qu’il veut et qu’il sera cru ! »

« Il y a clairement une façon très simple de vérifier les déclarations d’Harry, Cornélius. » Lorsque Dumbledore parle, le tribunal tombe dans le silence. Il s’assied dans son élégant fauteuil tout en leur souriant joyeusement, et Harry comprend immédiatement ce qu’il va dire. « Vous n’avez qu’à demander à Harry de lancer le sortilège du Patronus. »

« Lui demander de lancer… ? » s’indigne Fudge. « Et pourquoi devrais-je— »

« Je pense que le Ministre se demande pourquoi il devrait gaspiller le temps précieux du Magenmagot en se complaisant dans les mensonges d’un jeune homme clairement perturbé. » Ombrage se penche en avant et Harry doit honnêtement repousser l’envie soudaine qu’il a de siffler dans sa direction. « Directeur Dumbledore. »

« Dans ce contexte, c’est Président du Magenmagot, Madame Ombrage, » répond Dumbledore d’un ton léger, mais la voix pleine de glace. Harry se doit de reconnaître ce qui doit l’être. Dumbledore a la gravité de son côté lorsque c’est nécessaire.  

« Je ne trouve pas cette suggestion déraisonnable, » annonce Madame Bones. Elle fixe Harry comme si elle le mettait au défi de lui mentir. Cela rappelle à Harry que Susan Bones a un regard similaire lorsqu’Harry essaye de prétendre qu’il sait ce qu’il fait en Botanique. « Afin de vérifier la véracité de ce souvenir, que Monsieur Potter lance le sortilège du Patronus. »

Harry soupire. Il les dévisage tous. Hausse les sourcils. Ils peuvent lui ordonner tout ce qu’ils veulent, ils peuvent le traiter comme un petit garçon, mais s’ils ne disent pas s’il vous plait, il ne fera rien.

« Monsieur Potter ? » demande Madame Bones.

Non. Je ne suis pas votre putain de singe savant héroïque.  

« Harry ? » Contre son gré, Harry se tourne pour regarder Dumbledore. Des yeux de glace qui refusent de rencontrer les siens, se posant quelque part au-delà de son épaule, mais au moins, il dit le mot magique. « Si tu veux bien. S’il te plait. »

Harry lève la baguette. Pense à où il aimerait se trouver en ce moment même. Le Cottage de Fabiola, avec le vent qui joue entre les hauts roseaux, Sahara qui siffle dans son oreille à propos des différentes magies de tous les êtres vivants et Théo qui brasse en silence des potions à l’intérieur, avec la porte ouverte, les odeurs d’herbes et Kreattur qui fait des sandwichs en faisant flotter les ingrédients. Théo qui l’appelle pour le déjeuner, Harry qui le force à essayer des sucreries moldues, Théo qui jette les paquets à sa tête quand il les déteste. Le sourire ouvert et plein de confiance de Théo, qu’il n’arbore qu’ici, au cottage, avec Harry.

« Expecto Patronum, » lance Harry d’un ton plat. Il sait qu’il se donne en spectacle, il sait que c’est idiot, mais il veut donner l’impression qu’il n’essaye même pas. Mais au fond de lui, dans cet endroit calme où seul lui et Sahara peuvent parler, il chuchote la vérité : J’attends un putain de gardien, Cornedrue. Montre-leur.  

Le cerf qui explose du bout de sa baguette se cabre et trépigne, balançant ses magnifiques bois argentés, ses yeux devenues deux billes de feu iridescentes. Quelques sorciers du Magenmagot crient de surprise. Le monocle de Madame Bones en tombe de son visage. Fudge pâlit. Dumbledore fixe la bague d’héritier de Potter d’Harry, pensif. Harry essaye de ravaler son ressentiment pour l’homme qui le force à faire ça, le force à être ça.

À présent, je ne suis plus juste le Garçon-Qui-A-Survécu, je suis le Garçon-Avec-Un-Putain-d’Enorme-Patronus.

Cornedrue trotte en cercle autour de la salle puis se tourne pour observer Harry, la tête penchée en signe de question.

« Oui, pas de détraqueurs, je sais, » sourit Harry. « C’est leur faute. »  

Cornedrue se tourne pour fixer Fudge.

« Je pense que c’en est assez, Monsieur Potter. » Une voix résonne depuis le haut de la salle. Harry lève les yeux, reconnait la forme de la mâchoire, la pierre bleue Norvégienne. Apollonius Nott.

Salut, espèce de connard négligeant.

« Je pense que nous avons vu tout ce que nous devions voir pour rendre notre jugement. »

Harry observe Cornedrue, qui se tient près de lui, comme une sentinelle.

« Il reste. » Harry hausse les épaules.

« Le Magenmagot ne peut être intimidé, Monsieur Potter. » C’est une voix familière qui ricane dans sa direction, forçant les cheveux sur sa nuque à se dresser.

Putain de Lucius Malefoy. Bien sûr.

« Vous trouvez qu’il est intimidant ? » Harry fait semblant de considérer Cornedrue, qui renifle. « Huh. »

« Est-ce que c’est vraiment un fichu Patronus ? » crie quelqu’un. « Il a l’air réel ! »  

« J’ai entendu le garçon dire la formule, Shafiq, ne soyez pas idiot ! » réplique sèchement une vieille sorcière avisée en levant les yeux au ciel. Harry ressent un éclair de reconnaissance. « Maintenant est-ce qu’on peut en finir avec ces foutaises pour que je puisse retourner chez moi m’occuper de mon chaudron ? »

« Il ne peut pas juste continuer à avoir un gardien défensif dans la salle d’audience ! » crie Fudge. « C’est totalement contre le protocole ! »

« Merlin seul sait comment il arrive même à le maintenir, » marmonne quelqu’un.

Tu aimerais bien le savoir. La vérité, c’est qu’Harry le nourrit de toute la lumière froide de l’anneau des Black, mais même avec ça, il peut sentir la sueur commencer à rouler sur sa nuque. Il se rappelle de ce que Ron lui dit toujours à propos des échecs. Une ouverture agressive marque les esprits. Théo s’est fait passer pour Lord Voldemort, a risqué sa relation avec son père et offert des fausses preuves pour lui. Le moins qu’Harry puisse faire, c’est offrir une ouverture agressive.

« Maîtrisez le garçon, Albus ! » aboie Fudge.

Harry essaie de ne pas laisser la rage se voir sur son visage. Il n’est pas un quelconque enfant qu’il faudrait gérer, une arme qu’il faudrait contrôler, et il doit serrer les poings pour s’empêcher de se jeter sur ses pieds et de le dire à voix haute.

« Harry ? » Harry et Cornedrue observent Dumbledore, qui a au moins la décence de s’incliner devant la magnifique créature.  

« Cornedrue, c’est un plaisir de te voir. » Dumbledore parle doucement. Le cœur d’Harry se serre. « Nous n’avons plus besoin de tes services. Harry a un gardien ici. »

Le souffle d’Harry se coince dans sa poitrine. Il a soudainement envie de pleurer. Il éloigne le regard du visage impossiblement doux et affectueux de Dumbledore et songe : J’en ai un, vraiment ?

Cornedrue tourne à nouveau son regard vers Harry, et ce dernier acquiesce. Le cerf s’incline bas, souffle doucement tandis qu’il relève la tête et la frotte contre la manche d’Harry. Des gens hoquètent de stupeur.

« Est-ce que cette chose est tangible, bordel ? » crie quelqu’un d’autre.

Harry ferme les yeux, relâche Cornedrue. Il se sent épuisé et esseulé lorsque ce dernier disparaît. Il soupire longuement. Un silence s’abat sur le Magenmagot.  

Foutu Harry Potter. J’arrête les conversations où que j’aille.

« Je crois qu’il est temps de voter, » annonce Madame Bones. « Ceux en faveur d’un renvoi, levez vos baguettes. »

Harry observe. Il voit Fudge, Ombrage, Malefoy, Crabbe, Goyle et beaucoup d’autres visages désintéressés ou vindicatifs se lever et dresser leurs baguettes. Harry voit le ricanement de Malefoy et le fusille du regard en retour. Le rire de Malefoy est très distinctif.  Il a toujours su exactement où il était dans le cimetière. Il ne l’oubliera pas.

« Ceux qui ne sont pas en faveur d’un renvoi, levez vos baguettes. »

Harry voit les familles du camp de la lumière, comme prévu, lever leurs baguettes, voit Dumbledore acquiescer joyeusement dans leur direction, puis voie la deuxième vague, inattendue, de Lord et Ladies des familles Sombres et Grises lever la baguette. Apollonius est à leur tête, ses yeux bleus fixés sur Harry. Dumbledore reste parfaitement immobile dans sa chaise tandis que le vote est dépouillé, à considérer Apollonius.

« L’accusé est innocenté et n’est pas renvoyé, » grogne Fudge en fusillant Harry du regard.

Puis, arrive le soulagement. Harry sait qu’il devrait le ressentir, au fond de lui, mais l’indifférence est si forte, mélangée à la rage et à la fureur, qu’il en est presque réduit au silence. De plus, alors qu’il regarde Dumbledore disparaitre sans même un seul foutu regard en arrière et tous les membres du Magemagot plier bagage, Harry sait qu’il n’en a pas vraiment fini. Apollonius traine. Percy Weasley passe à côté de lui, cognant son épaule au passage.

La prochaine fois qu’il fait ça, je vais lui balancer une étincelle comme Sahara, grimace Harry.   

Finalement, un grand homme qui ressemble un peu à Daphnée Greengrass (son Père, suppose-t-il), hoche la tête tout en dépassant Harry, qui se retrouve à seulement deux mètres du père de Théo.

« Monsieur Potter. » Apollonius s’incline rapidement, jette un coup d’œil à la main d’Harry. « Ou Héritier Potter, devrais-je dire. »

« Lord Nott. » Harry ne s’inclinera pas, et Apollonius sait pourquoi. Incline-toi devant la mort, Harry. « On se rencontre à nouveau. »

Les yeux d’Apollonius s’écarquillent légèrement, mais il acquiesce. Il ne ressemble en rien à Théo, se dit Harry, et pourtant c’est comme observer un fantôme de Théo se mouvoir. La même lenteur considérée dans les mouvements, les mêmes gestes réfléchis qui indiquent qu’il est plongé dans ses pensées. La comparaison met Harry en colère parce qu’il aimerait que Théo soit là et qu’il a envie de punir Apollonius, et qu’aucune de ces deux choses n’arrivera.   

« Merci pour votre vote, Lord Nott, » réussit-il à articuler.

« Il semblerait que j’ai été bien conseillé. » Apollonius le dévisage un long moment. Hésite avant d’ouvrir à nouveau la bouche. « Vous êtes… un sorcier puissant, Héritier Potter. »

« J’ai été informé par une source sûre que je m’en sors seulement grâce à une… ‘chance inouïe’, » rétorque Harry. Apollonius ne tressaille pas quand il cite Voldemort, se contente de tapoter sa bague de Lord contre le pommeau sculpté de sa canne.

« Peut-être, » murmure Apollonius. « Mon conseiller n’est pas du genre à se baser sur la chance. »

Il y a une foutue tonne de choses que tu ne sais pas à propos de Théo.  

Harry se force à ravaler la rage.

« Vous voulez un conseil, Lord Nott ? » La voix d’Harry est cinglante, et il s’en fiche. « Réfléchissez bien à quelles bottes vous léchez. Vous ne savez jamais quelle sorte… d’héritage vous pourriez bien laisser. »

Quelque chose passe dans les yeux d’Apollonius. Harry sent un petit frisson d’angoisse. A-t-il dit la mauvaise chose ? S’est-il à nouveau comporté comme un branleur imprudent ? Ses doigts tressaillent contre sa baguette et les yeux bleus d’Apollonius y glissent, un sourire sur ses lèvres.

« Soyez assuré, Héritier Potter, » dit-il doucement, « que mon seul souci pour mes dernières années est le statut de mon… héritage. »

Puis il dépasse Harry, quittant la salle d’audience, et c’est enfin, enfin, terminé. Harry est seul. Il s’autorise à soupirer dans l’immense espace et se laisse retomber contre la chaise, faisant cliqueter les chaines d’or.

« Allez-vous faire foutre, » leur siffle Harry. Il est si fatigué. Il est si fatigué de toute cette merde.

« Harry ? » Une main chaude sur son dos, prudente et douce. Un bras fort s’enroule autour de ses épaules, et l’odeur familière du poulet maison et de la poussière de cheminée l’enveloppe. L’été au Terrier, des draps fraîchement lavés et un dîner tous les soirs. Harry lève les yeux vers le visage de Monsieur Weasley. Pendant un instant, Harry a envie de le repousser, toujours énervé, toujours plein d’indifférence, mais il est trop fatigué. Il se contente d’acquiescer avec lassitude.

« D’accord. » Le visage de Monsieur Weasley s’adoucit. « On va te ramener à la maison. »

« À la maison ? » Harry sent une lourdeur dans ses membres qui n’a rien à voir avec la fatigue. S’échapper une deuxième fois de chez les Dursley pourrait bien être le plan à exécuter, du coup.

« Auprès de Patmol, » chuchote Monsieur Weasley au creux de son oreille en le guidant hors de la salle d’audience et dans un corridor noir brillant qui rappelle à Harry quelque chose dont il ne parvient pas à se souvenir. « Et Molly. Et Hermione et Ron. Ils t’attendent tous. »

Harry acquiesce vaguement. Il ne s’attend pas à ce que Dumbledore soit là, mais il ressent quand même cette douleur écrasante en voyant que ce n’est pas le cas. Il se laisse guider le long du corridor vide jusqu’à l’ascenseur mais quand ils l’atteignent, il s’éloigne de l’étreinte réconfortante de Monsieur Weasley. Il carre les épaules.

« C’est bon, Harry, » murmure Monsieur Weasley. « Tu peux t’appuyer sur moi si tu es fatigué. »

« Non. » Harry secoue la tête. Il est à nouveau le Garçon-Qui-A-Survécu. « Je ne peux pas. »

Monsieur Weasley semble à nouveau sur le point de pleurer, mais Harry n’a pas l’espace mental pour y penser, parce qu’il y a des gens dans l’ascenseur et qu’Harry doit s’envelopper à nouveau dans l’Indifférence. Il laisse la bague des Prince l’anesthésier, et fixe son regard droit devant.

J’en ai rien à faire. J’en ai rien à faire, putain.

Quand ils atteignent l’atrium, il s’accroche à l’Indifférence tout le long du chemin sur le sol brillant, en dépassant les journalistes agglutinés et les photographes qui crient dans sa direction. Il serre les poings, la magie énervée lançant des étincelles à l’intérieur de lui. Il est soulagé lorsqu’il peut enfin entrer dans une des cheminées avec Monsieur Weasley. Il se fiche même de savoir où il va en ce moment. Il est si épuisé. Puis Monsieur Weasley lui tend un mémo qu’Harry lit avant qu’il ne s’enflamme spontanément, brûlant ses doigts : « Le Quartier de l’Ordre du Phénix se trouve au 12, Square Grimmauld. »

Gardien du Secret. Harry pense à l’adresse avec tout ce qu’il a, et après une minute nauséeuse à tourner sur lui-même dans des flammes vertes, il est craché sur un sol de pierre et de bois.

« HARRY ! »  

Mais ce n’est pas le cri perçant d’Hermione qui le rassénère tandis qu’il tousse et vomit sur un tapis usé jusqu’à la corde. Ce n’est pas le son vif et soudain des babillements de Ginny et des jumeaux, ou même l’agitation de Molly. C’est la magie.

« C’est une merde pour le voyage en cheminée— » 

« Ne dis pas ça, Ron ! »

« Mais c’est le cas ! »

Harry est reconnaissant pour les mains familières sur son dos, il agite les siennes jusqu’à ce qu’enfin, enfin il attrape celles d’Hermione avec des larmes dans les yeux, mais quelque chose à l’intérieur de lui pétille comme une tempête de neige. La bague des Black chante et tout autour de lui, la symphonie gelée de la magie répond à sa mélodie. Sans ouvrir les yeux, sans même regarder autour de lui, Harry sait où il est. C’est le foyer des Black. C’est la maison de Sirius. Et Harry a volé presque tout ce qui se trouvait dedans.  

 

Notes:

Ca, très cher Harry, ça s'appelle "les conséquences qui reviennent te mordre le cul" :D
Alors, vous avez autant hâte que moi de voir ce qu'il se passera ensuite ? Mwhehehehehehe !

Chapter 24: Le Syndrome de la Cicatrice

Notes:

J'ai vu que certains avaient hâte de découvrir l'arrivée d'Harry au Square Grimmauld... vos désirs sont des ordres ;D J'espère que ça vous plaira, bonne lecture !

(See the end of the chapter for more notes.)

Chapter Text

Harry réussit enfin à arrêter de tousser et de vomir assez longtemps pour se lever. Ils le fixent tous totalement ébahis.

« Bon sang, mec. » Ron observe ses robes. « Tu as l’air… »

« D’un Sang Pur, » propose Ginny, qui pose un œil critique sur ses vêtements. « Je ne savais même pas que tu avais des trucs de ce genre. »

« Il a l’air magnifiquement sombre, » lance George avec un sourire taquin.

« Oh, oui, on voit enfin le potentiel seigneur du mal ! » caquète Fred.

« Nous nous inclinons devant vous, oh dérangé Maître de l’Univers ! »

« Arrêtez ça ! » Hermione les pousse tous les deux. « Harry est très beau ainsi, n’est-ce pas, Madame Weasley ? »

Ginny et Ron fusillent tous les deux Hermione du regard, mais c’est Madame Weasley qu’Harry observe. Encore une fois, tout comme Monsieur Weasley, elle a l’air d’être sur le point d’éclater en sanglots. Elle tend une main et, les yeux brillants, repositionne la robe verte de Théo sur l’épaule d’Harry.

« Tu es tout à fait charmant, Harry chéri, » sourit-elle timidement. « Est-ce que tu as faim ? »

Ah, voilà une réaction normale pour Madame Weasley face à une telle situation, et il n’y a qu’une réponse à donner dans ce cas.

« Oui, merci Madame Weasley. » Il lui offre un sourire timide. Pourquoi est-ce qu’elle le regarde comme s’il était fait en verre ? Il s’attendait à être écrasé par un câlin à l’heure qu’il est !

Où est mon câlin, bordel ?

« Je serai en bas, » sa voix est presque un murmure. Puis elle lance un regard à son époux, à ses enfants. « Quand nous serons tous prêts. »  

Monsieur Weasley acquiesce et la suit quand elle sort du salon, pressant affectueusement l’épaule d’Harry au passage. Et Harry se retrouve alors seul avec ses amis, et il ressent à la fois un soulagement écrasant et un certain malaise. Il ne les a pas vu depuis des semaines et durant ce laps de temps, il a failli mourir deux fois, a brassé une potion illégale pour cacher sa véritable apparence, accepté ses différents héritages, est devenu ami avec un Serpentard, un serpent mortel et peut-être même un elfe de maison meurtrier, et il a appris que Severus Rogue était son père. Il a l’impression qu’un gouffre impossible à franchir, empli de millions de choses, se dresse entre eux. Jusqu’à ce qu’il regarde Hermione. Ses yeux bruns sont humides mais son sourire fait le tour de sa tête. Harry se sent comme lorsqu’elle avait traversé la Grande Salle en courant, à la fin de leur deuxième année, en lui souriant comme si elle avait eu peur de ne plus jamais le voir.

Ce que, pour être honnête, elle avait raison de craindre.

Harry s’arrête devant sa meilleure amie.

« Salut, toi, » lui sourit-il. « Quoi de neuf ? »

« Espèce… » Les larmes d’Hermione commencent à glisser sur ses joues, mais elle sourit encore. « Espèce de foutu… SALAUD ! »

« Hermione ! » s’exclament Ron et Ginny tandis que les jumeaux gloussent, mais Hermione est trop occupée à frapper chaque partie d’Harry qu’elle peut bien atteindre.

« Tu as laissé un fichu MESSAGE SUR LE REPONDEUR de mes parents ? Ils pensent que tu es mort et que je suis LA SUIVANTE ! »

Il peut sentir le rire bouillonner en lui. Bien sûr, c’est à propos de ça qu’Hermione est en colère. La prévisibilité de son amie lui offre un sentiment de bonheur si irraisonné qu’il n’en grimace même pas quand certains coups touchent inévitablement ses épaules et son dos meurtris.

« Est-ce que tu as la MOINDRE idée des ENNUIS que j’ai ? Ils ont annulé ma CARTE DE BIBLIOTHEQUE ! »

« La bibliothèque locale ou celle de Londres ? » demande Harry en attrapant ses poignets, souriant à la combinaison de fureur et de joie sur son visage.

« Les deux ! » lui siffle Hermione. « Sous prétexte que j’avais besoin de leçons sur la ‘responsabilisation en cas de situation de vie ou de mort’ ! Parce que tu m’as DENONCEE ! »

« Pour être honnête, je pensais vraiment que j’allais mourir, » rit Harry. « Du coup je me suis dit que je ne faisais que paver la voie pour toutes les explications que tu aurais à donner à mes funérailles. »

« Ne fais pas ça ! » Les lèvres d’Hermione tremblent.

Elle enroule ses bras autour de sa taille et enfonce la tête dans son épaule. Harry soupire de bonheur, glissant une main sur l’arrière de sa tête et enfonçant ses doigts dans ses boucles sauvages, inspirant cette odeur familière de noix de coco.

« Tu es en vie, Harry Potter, et tu resteras en vie, tu m’entends ? » renifle-t-elle contre sa poitrine. « Et tu m’achèteras une nouvelle carte de bibliothèque sous un pseudonyme. »

« Bien sûr, Mi, tout ce que tu voudras. »

Par-dessus sa tête, Harry fait un clin d’œil à Ron, qui hausse les yeux au ciel avec indulgence. Harry peut voir le léger doute qui y réside aussi, la façon dont ses yeux vont d’Harry à Hermione. Ron, si prévisible. Le réconfort du crush-super-secret-mais-pas-secret-du-tout de Ron pour Hermione le fait encore plus sourire. Harry étire le bras pour attraper Ron et le tire en avant jusqu’à ce qu’il trébuche dans le câlin à son tour.

« Oh, cool, on s’y colle tous, » marmonne Ron, mais Harry peut voir la douceur dans les yeux de son ami lorsqu’il enroule avec maladresse ses bras autour d’Harry et Hermione.

« Ouais, tous ensemble ! » s’exclame Fred.

« Moi aussi ! » crie Ginny, et soudainement, Harry et Hermione se retrouvent engouffrés dans une pile de Weasley. Harry se demande ce que serait le nom pour un tel groupe, puis réalise qu’Hermione est juste là. Il peut simplement lui poser la question. Il sourit contre ses boucles.

« C’est quoi, le nom pour un groupe de Weasley ? »

« Une colonie, » marmonne Hermione d’une voix humide contre son épaule. « C’est celui qu’on utilise pour les belettes. »

« HEY ! » crient quatre voix énervées.

« Ouais, mais ce ne sont pas des belettes, si ? » sourit Harry. « Je veux dire, regarde leur mère. »

« Attention à ce que tu dis à propos de notre mère, Potty, » l’avertit George.

« Ouais, petit frère, on pourrait être tentés d’enfoncer ta tête dans les toilettes les moins propres de Sirius, » ajoute Fred.

Harry donne un coup de coude à Fred puis une tapette sur le front de George. Les deux, comme d’habitude, s’effondrent au sol en grognant.

« Quel est le nom pour un groupe de dragons ? » demande-t-il.

« Un Weyr, » répond Ginny en souriant de là où elle s’est glissée entre Ron et Harry pour serrer Hermione contre elle. « Est-ce que tu es en train de dire que nous sommes des dragons, Harry ? » 

« Je dis que votre mère est un Magyar à Pointes, » répond Harry en lui ébouriffant les cheveux. « Toi, tu es une dragonnette. »

Ginny essaye immédiatement de mordre sa main, et Harry rit. C’est si facile avec eux. C’est ce qui fait de Poudlard sa maison. Mais ils ne sont pas à Poudlard. Harry observe le salon, notant le papier-peint délabré et les meubles poussiéreux. L’anneau des Black, qui était resté silencieux tandis que la bague des Potter chantait de joie du réconfort de si nombreux Gryffondors, se met à carillonner.

« Donc, c’est la maison de Sirius ? » Harry fixe le pas de la porte, vide. Où est-il ?

« Ouais, il y avait plus de choses avant, mais Kreattur a tout volé. » Ginny agite la main en direction des étagères vides.

« Huh. Bizarre. » Harry garde une voix égale, mais Hermione relève soudain la tête de son épaule et plisse les yeux dans sa direction. Merde. Encore plus maligne que Théo. Il change de sujet. « De quoi parlait votre mère ? Être prêt pour quoi ? »

Un silence lourd tombe soudain. Ils gigotent tous, mal à l’aise, et jettent des regards insistants à Hermione.

« Pas la peine de me regarder, je ne leur ai rien dit. » Elle renvoie un regard assassin à Fred en particulier, et cale un peu plus sa tête sous le menton d’Harry.

« Très bien, je n’ai pas à en avoir honte. » Fred regarde Harry avec ses yeux bruns-oranges flamboyants. « Ils savent, pour les Dursley. »

Harry sent son sang se geler. Il déglutit avec difficulté.

« Qui sait ? »

« Les adultes. » Ginny se place près de Fred, les bras croisés avec défiance.

Oh, qu’est-ce que tu as fait, Ginny Weasley ?

Harry hausse un sourcil. Ginny bouge un peu mais ne cesse pas de le fusiller du regard.

« Ils se comportaient comme des cons, donc je leur ai dit. »  

« Pas les détails, » se dépêcher d’intervenir Ron. Il observe les mains crispées d’Harry sur les épaules d’Hermione. Lui et Hermione savent mieux que quiconque ce que sont les détails. « Mais après que tu aies quitté le Surrey, Rogue et Remus sont allés chez toi. Ils ont vu ta chambre. Le sang. Les lattes de plancher. »

Le placard. Harry ferme les yeux. Rogue sait pour les Dursley.

Eh bien, s’il ne me voulait pas avant, maintenant c’est définitif.

« D’accord. » Harry pousse un long soupir. « Donc… qui… qui sait, exactement ? »

« Rogue, Remus, Maman, Papa, Bill, Sirius et Dumbledore, » énumère rapidement Ron. Harry lui en est reconnaissant. Il arrache toujours le sparadrap rapidement, sans chichis.

« Ils ne l’ont pas genre, raconté aux autres gens de l’Ordre ? » demande Harry en pensant à Shacklebolt dans l’ascenseur. Je m’y connais plutôt bien, au sujet d’Harry Potter.

« On ne sait pas. » Les yeux de George flashent de colère. « Nous n’avons pas le droit d’assister aux réunions de l’Ordre. »

Donc probablement oui. Harry jette un regard à Ginny qui le lui renvoie avec fierté. Harry sait qu’elle ne s’excusera pas, il comprend pourquoi, mais soudainement, il pense à Théo. Ta vie et tes secrets. Il avait raison. Avec Théo, c’est différent.

« Donc, ta mère parlait de quoi ? » demande-t-il.

« Ils veulent te parler. » Ron attrape le bras d’Harry, qui est toujours sur les épaules d’Hermione. « À propos de tout ça. »

« Huh. » Harry ravala sa rage. Je m’en fiche. Totalement. « Et moi qui pensait que le procès avec le Magenmagot serait la partie la plus dure de la journée. »

Hermione l’agrippe encore plus fort qu’avant, écrasant ses côtes.

« Je suffoque, Hermione, » grogne-t-il.

« Oui, tout à fait. » Elle lève les yeux, ces derniers d’un sérieux à toute épreuve. Le cœur d’Harry se serre. La tour d’Astronomie.

« Tout va bien. » Il se dégage doucement de sa poigne, tapote ses cheveux pour la réconforter. « Pas de rebords. »  

En tout cas pas pour l’instant.

« Nous ne te laisserons pas seul avec eux, » chuchote Hermione en attrapant sa main. « Tu n’as pas à répondre à leurs questions si tu n’en as pas envie. C’est ta vie, Harry. »

« C’est bien vrai, mec, » acquiesce férocement George. « Laisse-les poser toutes les questions qu’ils veulent, mais toi, tu ne leur dois rien. »

« Ce sont vos parents. Ils m’ont nourri et logé et tout pendant quatre ans. » Harry lève les yeux au ciel. « Je crois que je leur dois quand même quelque chose. »

« Pas ça, » dit Ron. C’est une surprise. Harry dévisage son ami et trouve dans son regard la même détermination qu’il avait durant leur première année. Je serai un cavalier. Harry acquiesce lentement.

« D’accord alors, » soupire Harry. « Allons régler cette merde, les gens. »

« On te suit, Ô Maître des Ténèbres, » ricane Fred.

« Euh, pas possible. » Harry hausse un sourcil. « Je ne suis jamais venu ici. »

« Ils sont à la cuisine. » Ginny marche jusqu’à la porte. « Suis-moi. »

Harry s’exécute, mais à l’instant où elle prononce le mot cuisine, l’anneau des Black se met à briller. D’habitude, la magie se trouve à l’intérieur de la bague et se déverse dans l’univers, mais dans cette maison, la bague tire de la magie de l’extérieur. Et avec elle vient le savoir. Harry sait soudain où se trouve la cuisine.  

Eh ben. C’est quelque chose d’étrange que Théo pourra ajouter à sa liste de recherches.

Harry se sent protégé en avançant dans les couloirs sombres à l’odeur de moisissure, avec Ginny et les jumeaux devant lui, et Hermione et Ron derrière. Il commence à croire que tout pourrait bien se passer. Et puis ils entrent dans la cuisine. Monsieur et Madame Weasley sont assis d’un côté d’une large table de cuisine, leurs mains entrelacées. En face d’eux est assis Bill, qui sourit à Harry, et Remus, qui en voyant Harry, s’est levé de son siège. Une main tatouée sur son épaule le repousse sur sa chaise. Sirius est assis en bout de table, et il a l’air livide.

« Putain, mais t’étais où ? » grogne Sirius.

Ça ne va pas bien se passer.

« Au Magenmagot, » répond Harry en dévisageant son parrain. « Et bonjour. Oui, je vais bien, merci, pas renvoyé, un peu fatigué cela dit, vu que j’ai passé ma matinée au Magenmagot, bordel. Comment vas-tu ? »

Fred renifle. Lui et George se sont alignés contre le mur derrière Harry. Ginny s’est assise à table à côté de Bill et lui a volé sa tasse de thé. Ron et Hermione sont de chaque côté d’Harry, comme toujours.

« Je vais bien, je suis même en pleine forme, bordel. Tu vois, mon filleul a disparu sans nous laisser même un mot. C’est absolument génial, putain. » Sirius s’adosse à sa chaise, absolument pas dérangé par le sarcasme d’Harry. Harry sent une vague inattendue de reconnaissance et de joie le traverser, et ça l’agace profondément sur le moment.

On se comprend tous les deux, Sirius. Donc pourquoi est-ce que c’est si dur, bordel ?

« Est-ce qu’on pourrait, s’il vous plait, faire un moratoire sur les gros mots ? » siffle Madame Weasley, qui fusille Sirius du regard. « Et qu’est-ce qu’Arthur a dit, à propos de hausser le ton en présence des enfants ? »

« En présence de tes enfants, Molly, et de ceux dont tu t’occupes. » Sirius fait danser sa baguette entre ses doigts et jette un coup d’œil à Hermione. Harry remarque son dédain et se raidit, pressant son épaule contre celle d’Hermione. Quoi qu’il se passe, Harry déteste ça. « Harry n’en fait pas partie. Il est à moi et à Remus. »  

« Première nouvelle, » renifle Harry. Remus a l’air blessé, et un éclair traverse le regard de Sirius.

« Quant au langage, je suis désolé mais c’est non, » ajoute-t-il dans une grimace. « Parce que l’enfant qui aurait dû être sous ma protection depuis le début s’est enfui sans même laisser un fichu mot. Je suis furieux. Donc si tu ne veux pas que tes enfants soient exposés à ça, Molly, ils peuvent bien s’en aller. »

« Nope, » annonce Fred d’un ton joyeux. S’y ajoute un consensus murmuré de la part de George, Ginny et Ron. Hermione se contente de presser son épaule à son tour contre celle d’Harry.

« Je me disais bien. » Sirius fixe un point au plafond, la mâchoire serrée. « Donc, qu’est-ce que tu as bien à dire pour ta foutue défense, Harry ? »

C’est dit d’une façon si paternaliste qu’Harry pourrait en rire, si ça n’était pas si horriblement ironique. Il a attendu Sirius. Il l’a attendu désespérément quand il pleurait de douleur. Il voulait avoir un parent. À présent, à ses oreilles, ça sonne juste comme de la manipulation.  

« Tu es furieux que je n’aie pas communiqué correctement avec toi ? » Harry hausse les sourcils. « Où étaient tes efforts en communication, après m’avoir abandonné dans le Surrey, bordel ? Où est mon cadeau d’anniversaire ? »

« Tout ça à cause parce que tu n’as pas reçu un cadeau ? » Sirius rabat la chaise sur ses quatre pieds et sa main tatouée sur la table. « Je n’aurai jamais cru que tu serais un enfant gâté, Harry. »

Ginny grogne comme le dragonnet qu’elle est, Hermione attrape la main d’Harry. Harry repousse le sentiment de vengeance liquide que lui inspire la bague de Serpentard.

« On ne pense pas ça, » intervient Remus en attrapant la main de Sirius et en la serrant. « Sirius ne pense pas vraiment ça, on reconnait que tu es frustré de ne pas avoir reçu de lettres et c’est totalement compréhensible. On sait que tu n’avais pas… que tu n’étais pas… »

« Gâté, » répond Harry d’un ton plat.

Harry fixe Sirius du regard en essayant de trouver des traces de l’homme imprudent et rieur dont il a toujours une photo. Les yeux de Sirius ont cette même insouciance vide et noire qu’ils avaient dans la Cabane Hurlante. Hermione avait raison, Sirius ne va pas bien et Harry ne comprend pas pourquoi. C’est plus que simplement jouer au con.

Ou bien as-tu juste peur que ce ne soit pas le cas ? murmure une voix ressemblant remarquablement à celle de Théo dans son esprit. Qu’il est en réalité le genre d’homme capable de te dire de telles choses s’en en avoir quelque chose à faire ?

Il est conscient que tout le monde le fixe, mais Harry se concentre sur la bague de Lord au doigt de Sirius. Même de l’autre côté de la table, Harry peut sentir que rien n’émane d’elle. Il se rappelle brièvement ce que Sahara lui a appris à propos de la résistance. Sans savoir pourquoi, il sait que Sirius résiste à la magie des Black.

Pas étonnant qu’il soit aussi tendu, bon sang.

« Putain mais qu’est-ce qui ne va pas avec toi ? » chuchote Harry.

Sur le moment, Harry se dit que ce n’était pas la meilleure chose à dire. Sirius se jette sur ses pieds, son regard passant d’Harry à tous les autres présents dans la pièce qui se lèvent aussi avec précipitation, à l’exception de Remus, qui laisse sa tête retomber entre ses mains.

« Tu avais disparu ! » rugit Sirius. « Je te pensais mort, que quelque chose de terrible s’était produit et tu restais silencieux— »

« Eh bien, maintenant tu sais ce que ça fait ! » hurle Harry à son tour en serrant et desserrant le poing. Il ne lancera pas d’éclairs de magie de Serpentard à Sirius, peu importe combien il en a envie. Il ne le fera pas.

« J’étais un fugitif, Harry ! » crie Sirius.

« Et à cause de qui ?! » répond Harry tout aussi fort.

Harry respire lourdement, son regard fixé sur son parrain, et souhaite à la fois ravaler les mots qu’il vient de lancer, mais aussi avoir eu l’occasion de les dire des années auparavant.

« Tu ne me pardonnes pas d’avoir poursuivi Peter, » chuchote Sirius. Il ferme les yeux, vacille sur place. « Je savais que tu ne le ferais jamais. Je ne sais pas pourquoi je l’ai même espéré. James ne m’aurait jamais pardonné non plus. »

 Harry sent une quantité de rage irraisonnée monter en lui. Ses doigts lancent des étincelles dans la paume d’Hermione. Elle sursaute mais, heureusement, se contente de lui lancer un regard rapide et intense sans rien dire. Autour de lui, la magie de la Maison des Black se rassemble. On dirait que les murs se penchent vers lui, et Harry en a assez.

« Oh oui, s’il-te-plait, parlons encore de James, » répond lentement Harry, qui est totalement conscient que sa meilleure imitation d’un Théodore Nott Sang-Pur qui dit de la merde rendra Sirius complètement fou. « Parlons encore de combien mon Père était si putain de parfait et d’à quel point ça a de l’impact sur ma vie. »

Il y a un hoquet général, et Harry sait qu’il n’imite plus Théo. Il y a des ténèbres glissantes dans son esprit qui nourrissent sa colère et ne lui appartiennent pas mais pour l’instant, Harry s’en fiche. Il y a une douleur qui rugit, qui s’enfonce dans sa poitrine comme un iceberg et il a besoin de ne plus la sentir pour l’instant. Tout comme il l’a fait avec Dudley, il s’accroche à cette fureur de toutes ses forces.

« Il est mort, Sirius. Il est mort depuis quatorze ans. Il serait temps de t’y faire, putain. »  

Un silence de mort tombe. Harry peut entendre ses oreilles siffler, sa poitrine cogner, et sent la main d’Hermione comme un étau autour de la sienne, mais il s’en fiche. La colère siffle et respire en lui et il s’en fiche si elle ressemble à un mauvais virus dans son esprit. Sirius avance vers lui lentement. Instinctivement, Harry sort sa baguette de sa manche. Remus hoquète. Sirius s’arrête net.

« Tu penses que je pourrais t’attaquer, Harry ? »

La voix de Sirius est brisée, ses yeux pleins de larmes contenues. De près, il sent le whisky. Une partie d’Harry a envie de rassurer son parrain, de sauter dans ses bras et laisser cet abruti énervé et puant le serrer contre lui jusqu’à ce qu’il se sente à nouveau normal, mais une autre part se dit que n’importe qui pourrait l’attaquer s’il a une bonne raison. Sirius n’échappe pas à la règle.

Harry réalise qu’il a attendu trop longtemps pour répondre. La tête de Sirius s’affaisse, ses mains commencent à trembler. Quand il regarde à nouveau Harry, des larmes coulent sur ses joues. L’énorme iceberg dans la poitrine d’Harry craque et il sent son souffle se couper.

« Je ne sais même plus qui tu es, » chuchote Sirius.

C’est la pire chose possible qu’il aurait pu dire.

Mais moi non plus putain ! Mon petit ami est mort et mon père est un homme qui me hait !

Harry a envie de crier sur son parrain, d’expulser toute la rage et la peur par sa bouche, mais il ne peut pas, il ne s’effondrera pas devant tous ces gens. Je m’en fiche. Totalement.

« Merci, c’est apprécié, » renifle Harry. « De même. »

Sirius se transforme en Sniffle et fuit la pièce, ses quatre pattes martelant les marches qui l’emmènent loin d’Harry. La pièce se remplit d’un sentiment froid de malaise. Madame Weasley pleure. Harry peut sentir combien ses amis sont surpris de sa véhémence, il peut même sentir le début de remords angoissés bouillonner dans sa poitrine, mais il ne les regardera pas. Pas maintenant. Il lève le menton et regarde Bill Weasley, qui fixe Harry avec les yeux écarquillés.

« Autre chose ? » demande Harry.

Remus et Monsieur Weasley tressaillent tous les deux à sa politesse. Harry lève les yeux au ciel.

« Je ne vais pas exploser, » soupire-t-il. « C’est juste… inhérent à Sirius. Ok ? Je vais bien. »

« Mec, tu vas à peu près aussi bien que je suis blond, » fait remarquer Fred.

Hermione n’a toujours pas lâché sa main.  

« Nous avons en effet des choses à discuter avec toi. » Bill s’adosse à sa chaise comme si c’est une conversation parfaitement normale. « Peut-être que tu pourrais t’asseoir ? Et dire… » Le sourcil piercé de Bill se hausse en direction de ses frères, « … à tes gardes de se calmer ? »

« Hé ! On est mille fois mieux que des gardes ! » s’exclame George.

« Des chevaliers ou des lieutenants, au moins ! » Fred pousse Ron du coude.

« Je suis au moins un foutu général, » marmonne Ron.

« Est-ce que tu aimerais un biscuit, Harry ? »  

Madame Weasley pousse l’assiette vers lui. Il s’assied de l’autre côté de la table par rapport à là où était assis Sirius, et prend un oreo, joue un peu avec. Les autres s’asseyent près de lui, Madame Weasley leur sert du thé, Harry déclinant vu qu’il ne sait pas ce qui l’attend et n’est pas sûr de s’il sera capable de consommer quoi que ce soit sans le vomir juste après.

« Harry. » Bill se penche en avant. « Papa a expliqué que tu étais réticent à l’idée de nous dire où tu étais depuis que tu as quitté ta famille. »

« Si ça veut dire que je ne vous le dirai pas, alors oui, » répond sèchement Harry. « Plutôt réticent. »

« Ce n’est pas grave. » Bill lève une main dans un geste apaisant. « Je vais juste te dire quelques faits, voir si ça te parle. Quand on est partis à ta recherche, on a découvert que tu avais un ami moldu avec qui tu passais du temps à Little Whingeing. »   

Un ami moldu ? Harry dévisage Bill. Il espère à balles qu’il ne parle pas de Piers Polkiss.

« Un garçon qui a à peu près ton âge, avec un serpent de compagnie, » continue Bill. Théo. « Puis, après ta disparition, cet ami avec qui tu avais été vu souvent a également disparu. »

« Les gens dans la rue ont supposé que sa famille était partie en vacances. » Remus se penche en avant à son tour. « Mais ce n’était pas tout à fait vrai, n’est-ce pas ? »

Harry voit l’histoire qu’ils ont tissée ensemble. Pauvre Harry si triste, désespéré et seul, qui s’est trouvé un ami moldu. Quand sa méchante famille est devenue trop méchante, il était bien trop honteux pour demander de l’aide à ses amis sorciers pour régler son problème résolument moldu, aussi s’est-il caché dans la maison de son ami moldu. Pauvre Harry si triste qui est honteux d’avoir été maltraité par de méchants moldus. Harry déglutit avec difficulté. Ça lui donne envie de vomir, mais au moins, ce n’est pas la vérité.

« Non. » Harry prend une profonde inspiration, comme s’il était sur le point de confesser quelque chose d’horrible. « Ce n’est pas le cas. »

« On comprend. » Remus acquiesce. Monsieur Weasley acquiesce. Madame Weasley renifle. Bill incline la tête vers le plafond, comme s’il considérait les choses. « Mais si tu as été maltraité par des moldus ces deux dernières semaines, il nous faut connaître la vérité. » Remus déglutit avec difficulté. « Est-ce que tu es blessé, Harry ? »

Il a l’air de vraiment s’en soucier. Harry soulève le coin de sa bouche en un sourire.

« Je vais bien, Remus, » dit-il en essayant de paraître rassurant.

Aujourd’hui, je vais bien.

« La voiture a été volée. » Bill renvoie un regard acéré à Harry. « Pourquoi est-ce que ton ami moldu aurait besoin de voler la voiture de ton oncle s’il vivait dans le coin ? »  

Alors voilà le fameux briseur de sorts. Bill Weasley n’est pas le genre avec qui on plaisante, on dirait. Harry peut sentir Ron et Hermione se tendre près de lui. Ils s’attendent à un mensonge, mais Harry n’en a pas besoin. Pas quand la vérité suffit.

« Je ne pouvais plus marcher. » Harry hausse les épaules. Remus pâlit. La main de Madame Weasley vole jusqu’à sa bouche. Les jumeaux grognent comme des chacals et Ginny brise sauvagement son biscuit en petits morceaux. Bill a l’air furieux, mais ça ne le décourage pas.

« Cela explique la voiture, mais pas le porte-monnaie ni l’appareil de communication mobile, » sourit Bill, « ni le peigne à moustache. J’ai eu la grande joie d’interroger ton Oncle. »

Harry dévisage ouvertement Bill. Avec ces pantalons en cuir de dragon serrés, il est surpris que Vernon n’ait pas purement et simplement envoyé Bill dans les bégonias de Madame-De-L’autre-Côté-De-La-Rue à coup de pied.

« Sous une autre apparence, bien sûr, » ajoute Bill.

« Ah. » Harry acquiesce. Ça a plus de sens. « Eh bien, j’ai pris le portemonnaie pour l’argent et le téléphone pour appeler Hermione, » il serre sa main. « Et le peigne de moustache, c’était pour la vengeance. Il l’adore. »

« Sale con prétentieux, » marmonne Ron dans sa barbe.

« Ronald, » le reprend Madame Weasley, mais elle pousse quand même le plateau de biscuits vers son fils.

« Donc tu les lui as volés ? » reprend Bill. « Et tu t’es enfui sans utiliser de magie ? »

« Oui et oui. »  

« Aucune assistance magique d’aucune sorte ? »

« Non. » Théo n’a pas utilisé de magie, ni Kreattur. Ils ont fait bien mieux. « Mais si vous voulez savoir de quels autres crimes je suis complice, il est possible que Vernon reçoive plusieurs amendes pour excès de vitesse. Mon ami n’est pas un très bon conducteur. »

« Tu ne nous as pas appelés à l’aide, » chuchote Remus en dévisageant Harry. « Pourquoi ? »

Parce que vous ne servez à rien.

Encore une fois, cependant, la vérité est plus que suffisante.

« Je ne pouvais pas. »

« Tu ne pouvais pas nous écrire ? » demande Bill.  

« Je ne pouvais rien faire. » Harry lance un regard à Remus. « Je croyais que tu avais vu ma chambre. »

« C’est le cas, je… »

« Oh, pour l’amour de Merlin, il veut dire qu’il s’en était tellement pris plein la tronche qu’il ne pouvait plus bouger ! » s’exclame Ginny en abattant son poing sur son biscuit pour le réduire en poussière.

« Ginny ! » Madame Weasley agite sa baguette, faisant disparaître les miettes par magie. « Si tu ne peux pas te retenir sur le langage, alors tu montes ! »

« Et pourtant, ton ami t’a aidé, » reprend Bill. « Comment est-il entré ? »

« Ok, ça commence à ressembler à un interrogatoire là, très cher frère, » intervient Fred d’un ton léger.

« Ouais, arrête ça, » ajoute George, les yeux plissés.

« Je me contente de poser les questions qui doivent être posées. » La voix de Bill est égale. Harry suppose qu’il doit être un bon briseur de sorts.

« La question qu’on devrait poser, c’est pourquoi est-ce qu’il était là-bas pour commencer, » ajoute Ron fermement.

« Et elle a été posée, plusieurs fois, par plusieurs personnes en de nombreuses occasions depuis qu’Harry a quitté cette maison. » La voix de Monsieur Weasley est abrupte. « Ne pensez pas qu’il n’y a pas des gens en train d’enquêter sur le bien-être d’Harry en ce moment. »

Ça, je l’ai déjà entendu. L’école primaire moldue. Le premier bras cassé, la cicatrice sur son coude. La réunion dans la salle de jeux avec le train rouge. Les roucoulements de Pétunia.  

« Il est juste très maladroit, le pauvre, je crois que l’accident quand il était bébé a affecté son équilibre. »

« Il a crocheté la serrure, » répond platement Harry. « On fait ça tout le temps. »

« Tu crochètes des serrures ? » Remus est consterné.

« Tu me demandes ça ? » Harry hausse un sourire. « Toi, le Maraudeur ? »

« Tu te fous de nous ?! » hoquètent les jumeaux. Remus grogne et se reprend la tête entre les mains.

« Touché, » gémit-il, la voix étouffée. « Continue. »

Harry ne peut pas s’empêcher de sourire à ça. Il aime Remus, vraiment. Il est son autre parrain et il a l’impression qu’il pourrait bien en être un sacrément bon.

Bien que ce soit marrant que personne ne m’ait jamais parlé de ça non plus.

« D’autres questions ? » demande Harry à Bill. Il commence à se sentir plus détendu. Il plonge son oreo dans la tasse de thé d’Hermione et mord dedans. Madame Weasley lui sourit.

« Oui, une dernière. » Bill lui lance un regard. « À quel point étais-tu vraiment blessé, Harry ? Parce que tu as dit que tu ne pouvais pas marcher, tu ne pouvais pas bouger, et pourtant tu es assis là. Tu bouges. Tu n’es pas dans un coma, dans un hôpital moldu. Donc comment as-tu réussi à faire ça sans aucune assistance magique ? »

Mon serpent m’a mordu pour me plonger dans une hibernation magique.

Harry ne peut pas leur montrer les cicatrices, ils verraient le crin de licorne et Remus pourrait reconnaître les runes. Mais il se rappelle de quelque chose que Sahara a dit au cottage : ta magie t’a guéri toute ta vie. Des os jamais remis en place aux urgences dont l’état s’amélioraient après quelques jours à porter une attelle. Des coupures défiant l’infection. Des saignements internes qui disparaissaient sans explication. L’enfance d’Harry en était parsemée.

« Ma magie peut me guérir quand c’est nécessaire. » Harry hausse les épaules. Il soulève le devant de son t-shirt, montre le violent motif des bleus qui colorent son estomac. Madame Weasley hoquète. « Elle a beaucoup dû le faire chez les Dursley. »

Remus le dévisage puis se lève abruptement, cognant Bill au passage et renversant son thé. Il contourne al table et s’agenouille à côté d’Harry. Au-dessus de la tête de Remus, Hermione fixe Harry. Il lui offre un clignement d’yeux lent pour lui faire comprendre qu’il va bien. Il observe ensuite les yeux d’ambre désespérés de Remus.

« Depuis combien de temps ? » chuchote Remus.

« Depuis toujours. » Harry hausse les épaules. « Ça dépend de quoi tu parles. »

« Depuis combien de temps est-ce qu’ils te frappaient ? » La voix de Remus se rapproche du grognement.

« Avec quoi ? »

Remus a l’air d’avoir pris une gifle. Madame Weasley émet un bruit étouffé et soudainement, Fred et George l’entourent, la serrant entre eux tandis qu’elle pleure bruyamment. Harry dévisage Hermione.

« C’est quoi ce bordel ? » articule-t-il doucement.

« Ils n’arrivent pas à croire que qui que ce soit ait pu vouloir te frapper alors que tu n’étais qu’un enfant, » lui répond doucement Hermione. « Ils n’avaient pas imaginé un instant que tu pourrais avoir été frappé avec des objets. »

« Sérieusement ? » Harry dévisage les adultes, dévisage Remus. « Vous avez vu le bureau de Rusard, pourtant, non ? »

« C’est différent, Harry. » Fred berce sa mère d’avant en arrière tandis qu’elle pleure dans son coude. « Ils ne font plus ça aux enfants de nos jours. »

« Les parents de Sirius l’ont fait. » Harry regarde Remus. C’est une des choses à laquelle Sirius a fait allusion dans ses lettres l’an dernier. Et la tante de Théo aussi.  

« C’est différent aussi, » répond Bill d’un ton sec. « C’était des suprémacistes de sang-pur. »

Tout comme la Tante de Théo. Harry sent une colère sourde serrer sa poitrine sans qu’il ne comprenne vraiment.

« Je ne… » Harry se tourne vers Ron. Il a l’impression qu’il a manqué une énorme pièce du puzzle quelque part. « En quoi c’est différent ? »

« Ça ne l’est pas. » Harry secoue la tête, observe ses parents, Remus et Bill d’un air agacé. « Ce n’est pas différent, Harry. C’est quand même des adultes qui frappent des enfants jusqu’à ce qu’ils saignent. Tu n’es pas différent. »

Harry comprend à ce moment ce qu’ils veulent dire et pourquoi Ron est si agacé. Ce n’est pas inexplicable que quelqu’un tape. C’est inexplicable parce qu’on tape ce foutu Harry Potter. Harry acquiesce. Lentement.

« Le Syndrome de la Cicatrice, » marmonne Ginny.

« C’est quoi, le Syndrome de la Cicatrice ? » demande doucement Remus.

Sa main est juste à côté de celle d’Harry sur la table, et Harry peut sentir à quel point il est tendu, à quel point il a envie de le toucher, mais Remus ne le fait pas. Et ça veut dire beaucoup à l’instant. C’est une toute petite gentillesse, mais elle compte. Aussi Harry, lentement, prudemment, tend son petit doigt pour attraper celui de Remus avec. L’homme sursaute, baisse les yeux vers leurs mains puis les relève vers Harry, son visage plein d’une tristesse teintée de reconnaissance. Harry sourit en retour.

Bon, on va dire que ça compense le fait d’avoir éviscéré verbalement mon autre parrain.

« Je l’ai inventé. » Ginny sourit à Harry. « Parce que j’en ai été victime de la pire des façons. »

« Ses yeux sont aussi verts qu’un crapaud bien frais— » 

« Arrête ! » Ginny lance un biscuit à la tête de George qui chante, puis se concentre à nouveau sur Lupin. « Le Syndrome de la Cicatrice, c’est quand les gens supposent qu’Harry a des choses, fait des choses ou est quelque chose à cause de sa cicatrice. »

« Je vois. » Remus fronce les sourcils. « Et tu as supposé qu’Harry… ? »

« Serait son Prince Charmant et la sauverait d’un dragon, » ricane George.

« Pour être honnête, c’est un peu ce que j’ai fait, » ajoute Harry en haussant les épaules.

« Ouais, merci pour ça, » sourit Ginny.

« Avec plaisir. »

« Attendez, du coup vous pensez tous qu’on souffre du Syndrome de la Cicatrice ? » Bill se penche à nouveau en avant. Il a une excellente et très agaçante capacité à rester concentré sur le sujet. Harry peut entendre Théo, dans son esprit, l’asticoter sur le fait qu’il trouve Bill Weasley ‘sexy’. Harry essaye de ne pas fixer les boucles d’oreilles en forme de crocs de Bill et leur mouvement hypnotique.

« Qu’on pense que la maltraitance qu’a subie Harry est horrible à cause de son statut dans notre monde ? »

« Est-ce qu’on pourrait ne pas ça appeler ça comme ça ? » marmonne Harry. Il n’aime pas du tout le mot en ‘M’. Il préfère la version de Théo : une famille de merde.  

« Est-ce que c’est vraiment ce que vous pensez tous ? » demande Madame Weasley en dévisageant ses enfants.

« Eh bien, ouais, » répond Ginny en haussant les épaules. « Si le fait Harry qu’Harry se fasse tabasser à mort par un fichu gros moldu— » 

« Merci, Gin, » souffle Harry en fixant le plafond.

« — est désespérément triste et mérite qu’on pleure dessus, alors le fait que Sirius ait été battu, ou que tout autre enfant ait été battu est tout aussi terrible. » Ginny lèche une trace de chocolat de l’intérieur de la tasse de thé de Bill. Bill fronce le nez.

« Cela, » Madame Weasley se lève, « n’a absolument aucun sens. » 

« Pourquoi ? » s’exclame Ginny.

« Parce que quand mes enfants sont blessés, c’est pire que quand d’autres enfants sont blessés. » Les cheveux de Madame Weasley semblent faire des étincelles d’une magie rouge et énervée. « Quand mes enfants sont blessés, j’ai le droit de brûler leurs tourmenteurs sur place parce que je suis leur mère. Quand d’autres enfants sont blessés, c’est triste, oui, et peut-être que je devrais m’en soucier tout autant, mais ce n’est pas le cas, parce qu’ils ne sont pas les miens. »

Tout le monde la dévisage, la bouche ouverte. Seul Hermione et Harry échangent un regard.

« Vous devriez vous en soucier, » répond simplement Hermione. « Parce que vous n’êtes pas la mère d’Harry. Ou la mienne. Et nos mères ne peuvent pas nous protéger ici. Donc… vous devriez vous en soucier. »

Madame Weasley baisse des yeux scintillants de larmes féroces vers Hermione. Puis elle les prend soudainement dans ses bras et dépose un baiser sonore sur chacun de leurs fronts.  

« Mais c’est le cas, » chuchote-t-elle doucement pour qu’ils puissent tous les deux l’entendre. « Donc je suppose que ça veut dire quelque chose, n’est-ce pas ? »

Madame Weasley prend le visage d’Harry en coupe, observe ses yeux avec quelque chose de chaud qui lui rappelle le goût de la tarte à la mélasse et la douce chanson de l’anneau des Potter. Harry déglutit avec difficulté. Elle est triste parce qu’il a été blessé et c’est pire pour elle que ce soit lui qui soit blessé parce qu’elle pense qu’il est à elle, d’une certaine manière. Harry ne comprend pas la logique, les virages et rebondissements de la parentalité qui font que certains enfants sont mieux que d’autres, mais il comprend qu’elle pense l’aimer, aussi acquiesce-t-il.

« Harry ? » Remus l’observe en silence. « Est-ce que tu comprends ? »

Harry entend ce qu’il ne dit pas. Est-ce que tu comprends que tu es aimé ici pour plus que ta cicatrice ? Est-ce que tu comprends que des gens veulent s’occuper de toi et te communiquer de l’amour ?

Harry pense à Sirius et à la turbulente combinaison d’affection, de deuil et de culpabilité qui macère entre eux. Il pense à la bague des Prince, à son réconfort engourdissant. Il pense à Rogue, qui ricane à ses dépends et encourage Malefoy à lancer Serpensortia. Enfin, il pense à Théo.

Je protège ce qui me protège.

C’est agréable d’avoir des gens qui disent qu’ils vous aiment. Mais avoir des gens qui vous protégeront pour qui vous êtes, cela dit, c’est encore mieux.

Il jette un regard à Hermione. Ses yeux sombres sont calculateurs mais elle hausse les épaules. Il sait ce que ça signifie.

On ne leur fait pas confiance. Mais une certaine protection, c’est mieux que pas de protection du tout, même de la part d’adultes stupides.  

Harry acquiesce et sourit à Remus.

« Je peux essayer, » dit-il.

______________

 

Harry n’est pas laissé seul jusqu’à après le dîner. Sirius ne revient pas et Harry essaye de ne pas se sentir blessé par ça et ensuite, quand les autres s’entassent dans le salon, Harry monte dans les étages en donnant l’excuse que les gobelins ont livré ses bagages. Il referme la porte de la chambre qu’il partage avec Ron et observe la pièce recouverte de gris. Comme toutes les autres pièces, elle semble dépouillée. Harry n’a pas besoin de se demander qui est responsable de ça.

« Kreattur ? » chuchote Harry.

Kreattur apparait dans la pièce de la façon la plus silencieuse qu’Harry ait jamais entendue de sa part. Il y a une poussière jaune autour de sa bouche fine et flasque.

« Le Maître est libre, » renifle Kreattur en la poudre jaune de son doigt. « Kreattur a perdu un pari. »

« Tu as parié sur moi ? » demande Harry.

« Avec l’Elfe Bones, » acquiesce Kreattur en affichant ses petites dents en un sourire méchant. « Kreattur lui doit un curlus wurlus. »

« Hé ! Utilise tes propres snacks pour tes paris. » Harry secoue la tête. « Est-ce que tu pourrais faire apparaître mes affaires depuis Gringotts ? »

Kreattur le fait, claquant ses doigts jaunis entre deux coups de langue et la malle d’Harry apparaît. Il y a un petit mot qui est épinglé sur le dessus. Harry l’attrape, reconnaissant l’écriture fine et élégante de Théo.

 

Tu n’as pas été renvoyé, comme prévu.

Je t’écris ceci avant même que tu ne quittes la maison, assuré que je suis de ton succès.

Tu es chez ton parrain. Je sais que tu as un peu espéré être renvoyé chez ta tante et ton oncle (bien que tu ne le formulerais jamais ainsi) afin de pouvoir revenir ici au cottage. Je sais, cependant, que ce ne sera pas le cas. Le Professeur Dumbledore ne te laissera pas lui glisser entre les doigts une nouvelle fois. Maintenant que tu es là, on ne pourra pas se revoir avant le Poudlard Express. Nous pouvons communiquer via Kreattur si c’est une situation désespérée et nous envoyer un maximum d’un hibou par semaine, mais j’essayerai également de créer quelque chose qui rendra la communication plus facile, comme cet appareil moldu pour parler que tu as volé à ton oncle. Si ta Granger a quelques suggestions de lecture, peut-être peux-tu me les envoyer.

Je retournerai chez ma Tante dès que je saurai que tu es sain et sauf mais j’aimerais que tu m’envoies un résumé de tes interactions avec ton parrain dès que possible. J’imagine que dans quelques jours, Apollonius demandera à me parler. Sans doute que le faux Lord-Serpentard lui aura exprimé sa déception. Je sais que tu auras peur que je ne sois blessé, mais j’aimerais te rappeler dans ce cas que notre serpent meurtrier est en ma possession. Je suis aussi en sécurité qu’il m’est possible de l’être.

Tu vas me manquer. Comme ta Granger, je t’implore de te rappeler de la valeur que tu as aux yeux des autres.

Mais encore plus important, je t’implore de te rappeler de la valeur que tu as pour moi.

Ma vie et mes secrets.

 

Harry déglutit avec difficulté, son cœur s’affolant au mot ‘maison’, la rage montant en lui à la pensée d’Apollonius et son estomac papillonnant devant la dernière phrase. Il relit le message.

« C’est vraiment un enfoiré. » Harry secoue la tête en souriant. Puis il entend quelqu’un monter les escaliers.

« Dis-lui que je suis en sécurité, » lance rapidement Harry à Kreattur. « Dis-lui qu’il va me manquer lui aussi et que je me fiche de ce qu’il dit, je t’enverrai lui rendre visite et s’assurer qu’il est en sécurité autant de fois que je le veux bordel, ok ? Ensuite reviens ici et cache-toi et ne fais pas de conneries avec la tante de Théo, ok ? »

Harry réalise qu’ici, au Square Grimmauld, il n’a pas besoin de se concentrer pour invoquer la magie des Black. Aussitôt que son esprit songe à faire un serment, une lumière blanche pour se placer entre eux, de cœur à cœur.

Eh bien, ça c’est nouveau.

« Et… » Harry jette un coup d’œil autour de lui, à la recherche d’un objet à donner à Théo, quelque chose à lui renvoyer. Il plonge la main dans sa malle et en ressort le Scrutoscope que Ron lui a offert durant leur troisième année. « Donne-lui ça. Dis lui que je protège ce qui me protège. Compris ? »

Kreattur le fixe avec ce qu’Harry pense être un éclat joyeux dans les yeux, puis acquiesce rapidement, et attrape le scrutoscope.

« Ce sera fait, Maître. »

« Attends— » Harry attrape les doigts de Kreattur, les renifle. « Est-ce que c’est… des épices de pot de nouilles ? »

« Non. » Kreattur lui arrache sa main, l’air coupable. « C’est la soupe poussiéreuse qui est dans les chaudrons moldus. »

« Tu as réduit en poudre mes nouilles en pot pour les manger ? »

« Kreattur l’a bue. » Le visage de l’elfe se fend d’un horrible sourire maléfique. « C’était absolument délicieux. »

« Espèce de petite merde, c’était mon dernier— ! »

« Harry ? » Il peut entendre Ron toquer à la porte.  

« On reprendra cette conversation plus tard, » siffle Harry, et Kreattur disparaît. Harry glisse la lettre de Théo dans sa poche arrière et se penche au-dessus de sa malle, comme s’il était en train de la vider.

« Ouais ? » répond-il.

La porte s’ouvre dans un grincement et Ron jette un coup d’œil

« Tout va bien, mec ? »

« Ouais. »

Ron se glisse à l’intérieur, Hermione juste derrière lui et ils referment la porte. Ils le dévisagent avec impatience. Harry ne dit rien, se contente de chercher son pyjama.  

« Donc, » commence Ron en s’asseyant sur son lit. Hermione s’assied sur celui d’Harry. « Tu as appelé ton père James. »

Harry ferme les yeux. Putain, pourquoi est-ce que j’ai des amis aussi perspicaces. Après quatre années à résoudre des mystères, il aurait dû s’y attendre.

« Ouais. En effet. » Harry sort son album photo, le pose sur sa table de nuit.

« Tu… as envoyé de la magie dans ma main, » continue doucement Hermione. « Tu as accepté ton héritage des Potter. »

« Ouais, je l’ai fait. »

« Donc… » Ron se laisse tomber contre la tête de lit. « De quoi s’agit-il alors ? »  

Harry soupire. Il se relève et se tourne pour leur faire face, la cape d’invisibilité glissant entre ses doigts. Il a besoin de leur dire la vérité, ou au moins une partie de la vérité, mais ce qu’il doit leur dire ne peut sortir de cette pièce. Il ne peut pas risquer que Ginny, ou les jumeaux, ou pire encore Sirius, ne les entende.

« Bon, je vais faire quelque chose qui va sembler bizarre, » lance Harry. « Mais ensuite j’expliquerai tout, d’accord ? Et ce que vous allez voir, c’est du niveau super-secret. C’est du niveau, » Harry déglutit, « sortir avec Cédric, Harry est un fourchelangue, la protection de ma mère est dans mon sang. Ce genre de secrets. Ok ? »

Ron et Hermione échangent un regard puis acquiescent. Harry soupire, regarde sa main gauche, le scintillement de la bague des Black et pense à deux choses. Visibilité. Silence. Une aura de lumière blanche entoure le cadre de la porte et Hermione hoquète.

« Par les couilles de Merlin, qu’est-ce… » commence Ron, mais il s’arrête net en voyant la main d’Harry.

 « On peut parler à présent. » Harry plie et déplie son doigt. La bague des Black est heureuse d’être vue, sa magie voyage joyeusement dans la lumière qu’elle reflète dans la pièce.

« Tu es l’Héritier Black, » chuchote Ron. « Tu es l’Héritier de Sirius et— »

« Oh, Harry, tu n’as pas fait ça ! » crie Hermione en se jetant sur ses pieds. « Est-ce que tu sais à quel point je me suis ennuyée ? »

« Il allait s’en débarrasser, Hermione ! » répond Harry en levant les mains au ciel. Il aurait dû s’attendre à ça. « Je pensais que tu serais reconnaissante que je les aie sauvés ! »

« Mais par Hadès, vous parlez de quoi ? » demande Ron en leur hurlant tour à tour dessus.

« Les livres ! » hurlent Harry et Hermione en retour.  

« Attends. » Ron lève une main, un sourire étirant lentement ses traits. « Tu es celui qui a volé les livres ? C’était toi ? »

« Par nécessité— » 

« Délibérément ! »

« Par inadvertance. » Harry s’arrête une seconde. « Oui. C’était moi. »

Ron le dévisage.

« Mec, » sourit-il. « C’est foutrement trop cool. »

« Ron ! » le reprend Hermione.

« Tu as volé les affaires de Sirius ? » Ron se met à rire. « C’est hilarant ! »

« Ce n’est pas hilarant, c’est une félonie, c’est— c’est—, » proteste Hermione en lançant un regard colérique à Harry. Harry se penche lentement, avec la même prudence qu’il le ferait face à un chat enragé, pour sortir quelque chose de sa malle, une main dans le dos. « Ce n’est absolument pas raisonnable de voler des livres, on doit le dire à quelqu’un, ou essayer de les ramener— »

« Regarde Hermione, un livre ! »

Harry lui lâche Des Potions de Grand Pouvoir dans les mains. Hermione cesse de parler pour le fixer. Ron renifle et presse une main sur sa bouche pour étouffer son rire, observant Hermione avec une tendresse si insondable qu’Harry se dit que son crush-secret-pas-si-secret est en train de passer dans la phase pas-si-secret-du-tout.  

« J’ai déjà lu celui-là. » Hermione l’observe avec ce regard défiant et affamé qui rappelle Théo à Harry. « Qu’est-ce que tu as d’autre ? »

« Oh, c’est une négociation ? » sourit Harry.

« Oui. » Le regard d’Hermione est acéré, mais il y a une minuscule trace de fossette dans sa joue. Harry sait qu’il est tiré d’affaire. « Passe la marchandise, Potter. »

Harry soupire et lâche le livre Black sans nom et tâché de sang dans ses mains.

« Fais-toi plaisir. Mais fais attention avec les pages sanglantes. Je ne suis pas encore sûr de savoir d’où ça vient. »

Hermione se rassied, tenant le livre avec impatience et révérence. Puis elle lève vers Harry un regard inquiet.

« Pourquoi est-ce qu’ils ne savent pas que c’est toi ? » demande-t-elle doucement. « Comment est-ce que Sirius ou Dumbledore ne peuvent pas le savoir ? »  

« J’ai un très bon gestionnaire de comptes, » répond Harry en haussant les épaules. « Il est très à cheval sur la confidentialité. »

« Mais tu es un mineur. » Ron fronce les sourcils. « Tout devrait passer par ton gardien magique. »

« Si j’ai un gardien magique, je ne l’ai jamais rencontré. » Harry pense à ce que Sirius a dit, qu’Harry lui appartenait à lui et à Remus. Harry n’appartenait à personne jusqu’à ce que Ron et Hermione l’accaparent en refusant de le laisser se faire écraser par un troll. Il y a une différence, songe Harry, entre dire que tu es un parrain, et agir comme un parrain.

« Euh, je n’ai jamais pensé à ça. C’est plutôt bizarre que tu n’en aies pas. Les autres orphelins du monde magique en ont. » Ron réfléchit. « Peut-être que tu n’en as effectivement pas, et que c’est pour ça que tu as pu réclamer tout pour toi-même. »

« Mais ça n’a pas de sens. » Hermione secoue la tête, ses cheveux tremblant autour de son visage tandis qu’elle se penche sur le livre des Black, caressant des doigts un diagramme. « Gringotts doit alerter le Lord si un Héritage est réclamé, je l’ai lu— » 

« Donc ça doit être vrai, » intervient Ron dans un grommellement.

« —Donc pourquoi Sirius ne le sait-il pas ? »

« J’en sais foutrement rien. » Harry sort sa brosse à dent et son dentifrice. Quand ils sont arrivés au cottage, Théo en a sorti une bleue et une verte, et a forcé à Harry à prendre la verte pour l’ironie. Tu es l’Héritier de Serpentard, Harry, ne boude pas. « Mais… il y a quelqu’un à qui je peux poser la question. »

« Qui ? Ton ami dont tu dis que c’est un moldu mais qui n’est pas un moldu ? » Hermione lui lance un regard appuyé.

Elle aurait dû être à Serdaigle.

« Petite chatte maligne, » Harry lui lance une paire de chaussettes au visage. « Non, pas lui. »  

« Ne m’appelle pas comme ça. » Hermione lui renvoie les chaussettes.

« Je peux le demander à ce quelqu’un, » songe Harry en attrapant les chaussettes dans un geste fluide qui fait lever les yeux au ciel à Ron et lui fait marmonner ‘fichus doigts d’attrapeur’.

« Mais si je le fais, pas le droit de paniquer, d’accord ? » Harry leur lance à tous les deux un regard sévère.

« C’est ta nouvelle expression favorite ? » ricane Ron.

« Tu n’as pas idée. » Harry relance les chaussettes et prend une inspiration rapide. « Kreattur ! »

Kreattur apparait dans la pièce.

« Putain ! » couine Ron.

« Kreattur ! » hoquète Hermione. « Tu es de retour ! »

Kreattur fusille Ron du regard et tressaille en apercevant Hermione.

« Kreattur a été appelé ? » grogne-t-il. Sa façon de regarder Harry indique à ce dernier que l’elfe a très peu de bonne volonté à disposition, que Kreattur n’a qu’une envie, c’est de railler ses amis sur leur statut de sang et qu’il est sur le point de le faire.

« D’accord. » Harry lève une main, la pointe sur Kreattur. « Des bébés en gelée. Des nouilles en pot. Des kinder surprise. Une nouvelle sorte de douceurs moldues que je ne t’ai pas encore montré et qui ne sera définitivement jamais approuvée. »

Par Théo et sa police des produits moldus dans la nourriture.

Le sourcil de Kreattur tressaille d’intérêt. Ses oreilles s’agitent.

« Illimité pour une semaine, » croasse Kreattur. « Les termes ? »

« Pas d’insultes. » Harry indique Ron et Hermione. « En fait, restons simple, ne leur parle pas du tout, d’accord ? Si tu fais ça, on a un marché. Donc ? »

Harry laisse la magie des Black scintiller doucement entre eux, essaye de se rappeler de ce que Sahara lui a dit et de sentir les limites de la magie de Kreattur. Il ne va pas forcer Kreattur à être gentil, parce qu’un Kreattur aimable n’est pas quelque chose qu’il imposera à ses meilleurs amis. En plus, il n’est pas sûr de ce qui pourrait arriver s’il faisait une telle chose avec un elfe devant Hermione. Elle pourrait bien devenir très SALE avec lui. Il se contente d’écouter, pour un instant, le chuchotement de la mélodie de la magie de Kreattur. Elle n’est pas maléfique, enfin pas inhabituellement maléfique. Kreattur semble savoir ce qu’il fait tandis qu’il penche la tête en regardant Harry, le murmure de la magie totalement inaudible et invisible par les autres près d’eux.

« Le Marché est conclu avec le Maître. »

Les doigts de Kreattur s’agitent déjà d’anticipation à l’idée de tout le sucre qu’il va ingérer, certainement dans sa recherche pour atteindre de nouvelles hauteurs démoniaques. Théo va tellement m’en vouloir.

« Maître ? » hurle Hermione.

« Restes-en à Héritier Black, elfe Black, » marmonne Harry dans une grimace.

« Qu’est-ce que l’Héritier Black veut ? » corrige Kreattur, les yeux brillants. Harry sait qu’il a remarqué l’outrage d’Hermione. Il va m’appeler Maître en face d’elle à chaque fois, maintenant, ce petit con.

« Pourquoi est-ce que Sirius ne sait pas que je suis son Héritier ? » demande Harry. « Qu’as-tu fait ? »

« Pourquoi est-ce que tu pars du principe que— » commence Hermione, mais Harry ne se laissera pas prendre au piège.  

« Crois-moi, Hermione, il a fait quelque chose. » Harry hausse un sourcil en direction de Kreattur. « Alors ? »

« Gringotts a envoyé des lettres au Parrain, » sourit Kreattur. « Kreattur les a volées. »

« Bien sûr que tu l’as fait, » soupire Harry. « Ok, c’est tout. Fiche le camp. »

« Kreattur demande un paiement immédiat. » Kreattur tend une main. Harry soupire.

« Dans la malle. »

Kreattur acquiesce et ignore Ron et Hermione pour fouiller dans la malle d’Harry tout en marmonnant à propos des ‘habitudes dégoûtantes du Maître’. Tandis qu’il fouille, faisant disparaître tout ce qui est mangeable à l’instant où il le trouve, les affaires d’Harry se retrouvent dispatchées aux quatre coins de la pièce, trouvant naturellement un endroit où se poser et se ranger toute seules.

« Ouah. » Ron observe le tout avec une expression amusée. « Les elfes de maison sont trop cools. »

« Attends qu’il t’empoisonne dans ton sommeil, » renifle Harry. Kreattur lâche un petit caquètement, la tête toujours dans la malle.

« Donc… est-ce que le truc avec la bague d’Héritier a quoi que ce soit à voir avec le fait que tu appelles ton père ‘James’ ? » demande Ron.

« Ouais. » Harry prend une profonde inspiration, vérifie les protections sur la porte. « James Potter n’est pas mon père. Il m’a adopté par le sang. Je suis adopté. » 

« C’est des conneries. » Ron le dévisage. « Tu es son portrait craché ! »

C’est un sacré sac de nœuds qu’Harry n’est pas près d’attaquer pour l’instant. Il lance un regard suppliant à Hermione. Le livre dans ses mains glisse jusqu’au sol dans un bruit sourd tandis qu’elle le dévisage.

« Est-ce que tes cheveux sont… différents ? » chuchote-t-elle.

« Putain, Hermione. » Harry secoue la tête avec un petit rire. Et moi qui voulais garder ça secret. « Tu remarques tout, bon sang ! Tu le sais, hein ? »  

« Ils sont différents, » murmure Ron. « Est-ce que tu… est-ce que tu changes à cause de l’adoption ? Genre, quand tu as accepté la bague des Potter, un glamour ou un autre truc a cessé de faire effet ? Comme le fait le polynectar ? »

Partons là-dessus. C’st plus simple que d’expliquer comment j’ai pu brasser une potion du niveau des ASPIC tout seul.

« Ouais. » Harry s’assied à côté d’Hermione. Elle passe les doigts dans ses cheveux, les observe, émerveillée. Lentement, Harry retire ses lunettes, pensant que puisqu’il a un million d’autres choses à garder secrètes pour l’instant, il peut au moins partager ça avec eux. « Ma vue est meilleure, aussi. »

« Ouah. » Ron le dévisage depuis l’autre côté de la pièce. « Je crois bien que tu pourrais être plus mignon comme ça, mec. »

« Ron ! » Hermione lance une paire de caleçons d’Harry en direction de Ron. Ils atterrissent sur sa tête, lui faisant un bonnet rose aux motifs de vif d’or qui jure atrocement avec ses cheveux.

« Quoi ? C’est un compliment, » ricane Ron en laissant le caleçon sur sa tête et en leur lançant un sourire taquin. Kreattur le fusille du regard, claque des doigts et le vêtement quitte sa tête pour aller se ranger dans un tiroir.

« Est-ce que tu sais qui est ton vrai père, alors ? » demande Ron en observant les performances de lévitation de Kreattur avec intérêt.

« Non. » Harry déglutit avec difficulté. Les bagues cachées de Serpentard et de Prince sur sa main lui paraissent bien lourd. Penché au-dessus de la malle, Kreattur lui lance un regard curieux. Harry se contente de le regarder à son tour.

« Tu ne peux pas juste lui demander ça comme ça Ron— » 

« Quoi ? C’est juste une question ! »

Harry les laisse se chamailler, ramasse le livre des Black du sol et se penche en avant pour le remettre dans sa malle. Dans le même mouvement, il attrape le bras de Kreattur et lui siffle rapidement en fourchelangue :

« Tu ne les laissera pas le découvrir. Jamais. »

La magie des Black pulse entre eux et Kreattur sursaute alors que la compréhension des mots et le lien scintille entre eux si vite qu’il peut à peine le voir. Puis Kreattur récupère le livre et l’abat si fort sur la commode que le bruit en couvre le sifflement d’Harry. Harry acquiesce.

« Mais si tu ne sais pas qui est ton nouveau Père, pourquoi est-ce que lui tu l’appelles James et pas Papa ? » le questionne Ron. Harry se redresse en laissant la magie des Black s’installer, espérant qu’ils ne remarqueront pas le scintillement anormal qui fait briller le diamant sombre.

« Parce que c’est son nom, » soupire Harry en se laissant tomber sur son lit, la tête sur les genoux d’Hermione. « Ça ne veut pas dire que je ne l’aime plus autant que je l’ai toujours aimé, en tant que personne qui est morte pour moi et quelqu’un qui a supposément aimé ma Mère… »

« Et ce n’est pas assez pour être ton père ? » Hermione lui caresse gentiment les cheveux. Elle n’est pas aussi bonne à ça que Théo, mais c’est relaxant.

« J’sais pas. » Harry penche la tête pour regarder Ron. « Qu’est-ce qui fait de ton père, ton père ? »  

« Bon sang, Harry, je n’en ai pas la moindre foutue idée. » Ron soupire en observant le plafond. « Je suppose… qu’il est toujours là. C’est juste mon père, tu sais ? Pour toujours. »

« Ouais. » Harry observe Kreattur du coin de l’œil. Il est assis devant la malle à présent, à mâchouiller des morceaux de kinder surprise tout en construisant un petit carrousel en plastique. « C’est un peu dur à mesurer, vu qu’il est mort. Je ne dis pas que je ne le respecte pas, et je continuerai à l’appeler mon père quand Remus et Sirius sont là pour ne pas les énerver, mais… c’est James, à présent. »

« Je comprends, » répond sagement Ron.

« Oh vraiment ? » ricane Hermione.

« Ouais, » répond Ron, sur la défensive. « Je veux dire, si tu as un autre père potentiel là-dehors, tu as besoin d’avoir un espace pour lui, n’est-ce pas ? Genre, tu sais, dans ton cœur. » Ron rougit. Harry sourit. « Donc appeler ton père adoptif ‘James’ libère cet espace. C’est ça ? »  

Harry et Hermione dévisagent Ron un moment, la main d’Hermione arrêtée dans ses cheveux.

« Ouah. » Harry fixe son tout premier ami, ébahi.

« C’était… incroyablement bien analysé de ta part, Ronald, » ajoute Hermione en riant.

« Oh, la ferme. » Ron rougit encore plus, croise les bras.

« Non, vraiment ! » rit Harry. « Je l’ai senti. Dans, tu sais. Mon cœur. »

« Espèce de— » Ron lance son oreiller au visage d’Harry et Harry roule, laissant l’oreiller frapper Hermione. Il rit et une bataille d’oreiller éclate entre les deux, Harry les asticotant tous les deux jusqu’à ce qu’ils se tournent vers lui pour l’attaquer en tandem. Il sent une légèreté dans sa poitrine qu’il n’a plus ressentie depuis que Théo lui dit pour Rogue. Il est là, il n’est pas renvoyé, et même si Théo est très loin et que c’est chiant, Ron et Hermione sont là et Kreattur est en train de construire des petits jouets en plastique et il se sent bien. Il a vraiment l’impression que tout pourrait aller bien.

« Hermione ? » crie Ginny à travers la porte. « Au lit ! »

Kreattur disparait instantanément. Harry jette un coup d’œil à sa malle. Un véritable champ de bataille fait de petits jouets et de papiers en plastique vides s’étale sur tout le fond. Il lève les yeux au ciel.

« Oh, mon Dieu ! C’était si drôle ! » hoquète Hermione en repoussant son bandeau qui lui était tombé sur les yeux. Des boucle sombres tombent autour de son visage.

« Je vais au lit. » Elle se penche et dépose un baiser sur le front d’Harry, lui lançant un sourire chaleureux. « Je me fiche de savoir qui est ton père ou combien de ces stupides bagues d’Héritier tu as. Je suis juste heureuse que tu sois en vie. »

« Ouais. » Harry lui sourit. Ce n’est pas comme dit ‘moi aussi’, mais ça s’en rapproche.

« Et demain, on parlera de pourquoi Kreattur t’appelle ‘Maître’ ! »

Elle agite les sourcils et s’étire, lançant un dernier oreiller à Ron sur le chemin de la sortie, décoiffant ses cheveux roux en passant. Ron a un sourire qui fait le tour de sa tête quand il regarde Harry, se laissant retomber sur son propre lit avec un soupir. Harry fixe la bague des Black et pense Cachée. Ron acquiesce. Harry sait qu’elle a disparu à présent.

« J’suis heureux que tu sois là, mec. »

« Merci. » Harry sent une petite pointe de culpabilité. Il est heureux d’être avec eux, mais il ne peut pas se réjouir d’être ici. Pas quand il y a un autre endroit où il a tellement envie de retourner.

« C’était la merde, sans toi, » baille Ron. « Et ennuyeux. C’est jamais ennuyeux quand t’es là. »

« Tu es bien la seule personne à penser ça, » ricane Harry.

« Pourquoi ? » demande Ron d’un ton endormi.

« Parce que ‘pas ennuyeux’, dans mon monde, veut généralement dire ‘à trois secondes de se faire assassiner’.

« Ouais, exactement. » La voix de Ron est celle de quelqu’un sur le point de sombrer. « Pas ennuyeux. »

Harry ne s’embête pas à argumenter avec ça. Il ne s’embête même pas à se changer. Le matelas est doux et les draps ont été lavés par Madame Weasley, il le sait parce qu’ils sentent l’herbe et le Terrier. Il est trop paresseux et trop fatigué pour aller éteindre la lumière, aussi étend-il la magie des Black le long du papier-peint. Obscurité. Il soupire longuement quand cette dernière s’abat, écoutant le son familier des ronflements de Ron. Dans la pénombre, il peut entendre la mélodie de la Magie des Black, la sent s’enrouler autour de lui. C’est comme le murmure d’un millier de moines qui chantent tous ensemble. Sa douceur onirique l’entraîne dans le sommeil.

Quand il rêve, ce n’est pas de Cédric. C’est Ron et Hermione étranglés par des taies d’oreillers attachées ensemble tandis que Lucius Malefoy lui lance des insultes. C’est Théo battu à mort par la canne d’Apollonius, le bois sculpté et les gemmes ouvrant son crane tandis que Voldemort rit. C’est Harry, attaché à une chaise en face du Magenmagot pendant que Voldemort avance vers lui et que Cédric meurt, encore et encore juste sous ses yeux. Puis Sirius. Sirius se jette lui-même devant la baguette de Voldemort alors même que Voldemort lui ricane qu’Harry ne l’aime même pas, ne l’aimera jamais, qu’on ne veut pas de lui et Harry ne peut pas parler, ne peut pas crier que Voldemort a tort et qu’Harry était juste trop en colère parce que sa bouche a complètement disparu. Il essaye de crier et rien n’en sort et à l’intérieur de sa tête, une voix résonne.

Je peux te toucher à présent, Harry.

Il se réveille en sursaut, le souffle court et en sueur et réalise qu’il n’est pas seul. Il y a un poids lourd et vivant contre ses jambes et quand Harry tend une main aveugle, il sent de la fourrure. Sniffle. Son cœur bat si fort qu’il a l’impression qu’il pourrait être malade, sa cicatrice le démange et il se sent tellement mal et tout ce qu’il veut à l’instant c’est être capable de se tourner pour presser son nez sur la nuque de Théo ou les écailles de Sahara, mais il ne peut pas. Alors il se penche vers le chien près de lui. Harry enterre ses hoquets dans la fourrure de son cou, sentant la langue chaude et à l’odeur de whisky de Sniffle qui lèche les larmes sur son visage. Sniffle se rapproche un peu, geignant doucement et posant sa tête hirsute sur le sternum d’Harry avec un souffle à l’haleine canine. Harry le gratte derrière les oreilles et soupire. Il n’y a rien à faire pour arranger les choses. Harry ne sait même pas s’il aurait envie de reprendre ce qu’il a dit.

Tu pardonnes trop facilement, Potter.

Peut-être que Sirius a raison. Peut-être qu’il ne lui pardonnera pas. Mais ça ne veut pas dire qu’Harry ne veut pas de lui.

« Tu m’as manqué, Sniffle, » souffle Harry d’un ton endormi en sentant les oreilles du chien bouger contre sa joue. « Tu m’as manqué. »

 

Notes:

Sirius, Sirius, Sirius... =') Vous êtes pas prêt d'en avoir fini avec lui, croyez-moi x'D
J'espère que ça vous a plu en tout cas, rendez-vous lundi pour la suite ! :)

Chapter 25: Secrets canopiques

Notes:

URF. Désolée en ce moment les parutions de chapitre sont un peu compliquées, j'ai du travail à ne plus savoir qu'en faire. J'espère que le chapitre vous plaira en tout cas ! Bonne lecture !

(See the end of the chapter for more notes.)

Chapter Text

« Il n’est pas content. »

Sans déconner, Nott.

Severus n’avait pas réalisé qu’Apollonius avait un tel talent pour proférer des platitudes. Ils sont réunis dans le petit jardin arrière du Manoir Jedusor, tandis qu’à l’intérieur, le Seigneur des Ténèbres laisse éclater sa fureur. Des cris résonnent dans les couloirs. On dirait que c’est Avery qui prend. Le Seigneur des Ténèbres a fini par s’en lasser et a laissé Lucius prendre la main, avec ses talents pour les sorts de compulsion. Il force Avery à retirer la peau de ses propres bras. Près de lui, Apollonius tremble de la tête aux pieds à cause des Doloris répétés qu’il a subi.

« Tiens. » Severus sort une fiole de reconstituant pour les nerfs qu’il transporte toujours avec lui et la tend à Apollonius. « Bois ça. »

Apollonius la descend d’un trait. Il a la couleur du parchemin frais mais il est chanceux. Il est vivant. Il est vieux et fragile et le Seigneur des Ténèbres le trouve utile en politique, aussi ne le torture-t-il pas souvent et aujourd’hui, quand Apollonius ne pouvait plus tenir debout, le Seigneur des Ténèbres l’a jeté hors de la pièce en ordonnant à Severus de le remettre sur pieds.

« J’avais oublié l’intensité de sa colère, » marmonne Apollonius d’une voix tremblante. Severus manque de renifler un rire. C’est pour ça qu’Apollonius a de la chance. Severus ne risque pas d’oublier. Il prend des reconstituants pour les nerfs presque quotidiennement. Severus presse ses doigts sur le poignet d’Apollonius pour en sentir le pouls. Il est rapide et irrégulier.

« Un seul tour de plus aurait été suffisant. Il aurait pu te tuer, » murmure Severus.

« Il pourrait toujours le faire. » Le ton d’Apollonius est léger, indifférent. Severus réalise qu’Apollonius n’est peut-être plus effrayé par l’idée de mourir. Severus se revoit en train de donner de la crème pour les bleus à Théodore Nott. Il ressent une intense bouffée de rage à l’idée de cet homme si prêt à mourir et à laisser son enfant avec son agresseur.

« Tu as un fils, » grogne Severus. Cela n’affecte pas Apollonius. Il se contente d’acquiescer doucement.

« En effet. »

Il lève les yeux vers les étoiles au-dessus de Little Hangleton. Son visage grimaçant est illisible. Apollonius est l’un des contemporains du Seigneur des Ténèbres. Severus se les imagine bizarrement un instant, tous les deux, Nott et Jedusor, en première année, à rater des potions dans la classe de Slughorn. Severus aurait donné tout l’or qu’il possède pour voyager dans le temps et enseigner les Potions au Seigneur des Ténèbres.

Je lui aurais fait éviscérer des vers de terre toutes les nuits en détention puis je l’aurais noyé dans un foutu chaudron.

« J’ai un Vase Canope. »  

Severus fixe Apollonius, totalement ébahi. Il prend une profonde inspiration.

Putain mais pourquoi les gens n’arrêtent pas de me raconter leurs secrets ?

Severus se dit qu’il ne répondra pas. Apollonius n’a qu’à ébruiter ce secret, le laisser vagabonder dans le monde. Oh, qu’est-ce que Severus aimerait que les gens se taisent, mais Apollonius vient juste de dire qu’il possédait un Vase Canope, alors…

« Excuse-moi ? » chuchote Severus.

« Un Vase Canope, » reprend calmement Apollonius. « Ils sont utilisés pour— »

« Je sais à quoi ils servent, » crache Severus. « Pourquoi ? »

Bien sûr, il fallait que Nott mette la main sur un artefact de Magie Noire sans prix et absolument mortel. Bien sûr.

Severus est partagé entre le choc et l’agacement, parce qu’il rêve de voir un Vase Canope depuis ses quinze ans. Ils étaient utilisés par les Anciens Egyptiens pour conserver les organes des pharaons momifiés. Puis les mauvais sorciers en Egypte ont eu l’horrible mais ingénieuse idée d’utiliser les Vases Canopes qui contenaient des anciens esprits comme des vaisseaux mémoriels. Ils ne sont pas comme des pensives qui extraient une copie de la mémoire de l’esprit. Ils coupent véritablement le souvenir de la mémoire de son porteur et y laissent à la place un souvenir de la mort du détenteur originel, qui doit être revécu encore et encore par le nouveau propriétaire. Si le sorcier n'est pas assez puissant pour le contenir, son utilisation est souvent fatale. Et très, très illégale. Severus pourrait être surpris, mais c’est le père du garçon qui a réussi à kidnapper Harry Potter. Les Nott sont des descendants de Viking et ça se voit.

Des putains de pirates bienveillants, tous autant qu’ils sont.

« Parce que nous ne sommes pas tous aussi versés dans les Arts de l’Esprit que toi, Severus, » chuchote doucement Apollonius.

Severus serre les poings. Son Master en Occlumentie n’est pas très connu, mais bien sûr, Apollonius était là dès le début.

Lucius trainant Severus derrière lui pour rencontrer le Seigneur des Ténèbres, dont les yeux tiraient déjà au rouge, dont la peau devenait blanche comme les os. Les dents dévoilées du Seigneur des Ténèbres. « Et que peux-tu nous offrir, petit serpent ? Que peux-tu apporter à mes rangs d’autre qu’un don en potions et une bonne capacité à survivre ? »

Bien sûr, Apollonius se rappelle des vantardises bégayantes de Severus. Il est le seul de l’ancienne garde qui soit toujours vivant ou libre de s’en rappeler. Severus jette un regard plein de sagacité à son aîné.

Qu’est-ce qu’Apollonius Nott doit oublier au point qu’il remplace volontairement ce souvenir par celui d’une mort ?

« Pourquoi ? » demande Severus. Pourquoi moi ? Douce Circé, pourquoi est-ce que je dois toujours être celui auxquels se confessent ceux qui n’ont plus d’espoir ?

« Tu es le Directeur de la Maison Serpentard. » Apollonius sourit avec lassitude. « Protègeras-tu mon fils ? »

L’esprit de Severus repasse tous les faits qu’il a à sa disposition et les réorganise. Apollonius est celui qui a reçu le message du prétendu Lord Serpentard. Apollonius a un Vase Canope. Il a un souvenir qu’il souhaite tenir hors de portée du Seigneur des Ténèbres. Il se soucie assez de son fils pour le protéger, même s’il ne l’aime pas assez pour le retirer des griffes violentes de sa misérable sœur. Toutes les pièces du puzzle s’agencent d’une façon à la fois satisfaisante et horrible.

Putain de merde. Théodore Nott prétend être Lord Serpentard.

Severus voit rouge. Ce plan est définitivement signé ‘Potter’.

Et dire que Narcissa pense que cet idiot imprudent est mon Héritier.

« Oui. » Severus parle doucement. « Il est un Serpentard. Il sera toujours sous ma protection. »

Apollonius acquiesce et quitte en tremblant l’appui du mur sur lequel ils s’étaient appuyés, ses yeux fixés dans le lointain.

« Pourras-tu lui transmettre ceci ? » Apollonius plonge une main dans ses robes, en ressort une fiole de souvenirs. Severus l’observe puis lève les yeux vers Apollonius.

« Poudlard ne propose pas d’enseignements sur les Arts Mentaux, » dit-il lentement. « Nous n’avons pas de Pensives en stock. »

Ne donne pas à Théodore un souvenir que tu ne penses même pas sauf entre tes propres mains. Il n’a pas la possibilité de le cacher d’hommes comme le Seigneur des Ténèbres. Ou Dumbledore. Ou moi.

« C’est le procès de Potter. » Apollonius sourit et secoue la fiole. « J’ai pensé que lui et ses amis pourraient apprécier le spectacle. C’est quelque chose. Et ça ne fait jamais de mal de mieux connaître son ennemi, non ? »

C’est une ruse élégante. Laisse le garçon voir avec qui il s’est acoquiné. Laisse-lui considérer les risques.  

« Bien sûr. »

Severus prend la fiole et la range dans une de ses poches. Il a déjà vu le souvenir du procès de Potter et son Patronus. Espèce de bâtard grandiloquent. Severus hait ce cerf de toutes les fibres de son être. Mais il ne peut pas non plus nier cette petite et irritante part en lui qui s’émerveille : Potter est puissant. Et c’est agaçant.  

Est-ce que c’est moins agaçant, s’il s’avère être ton Héritier ?

Cette voix sonne suspicieusement comme celle de Narcissa et Severus la repousse. Elle l’a contacté, en essayant de poser un rendez-vous pour extraire des souvenirs. Il ne cesse de reporter.

« Est-ce que tu as un message pour lui ? » demande Severus à Apollonius.

« Non. » Apollonius secoue la tête. « Il doit retourner à Poudlard. Je ne le verrai pas avant un bon moment. »

Severus comprend. Théodore Nott ne reverra plus son père tant que le Seigneur des Ténèbres est en vie et appelle Apollonius à son service. Apollonius s’y tiendra. Severus dévisage l’homme. Presque soixante ans auparavant, Apollonius a été réparti dans la Maison Serpentard à Poudlard et s’est assis à côté d’un petit garçon aux cheveux sombres nommé Jedusor. À présent, il abandonne son enfant à l’univers à cause d’une décision qu’il a prise quand il avait onze ans. Tout comme Théodore perd un père pour toujours à cause d’une décision téméraire prise quand il en avait quinze.

Oh Douce Circé, nos décisions d’adolescents doivent-elles vraiment revenir nous hanter toute notre putain de vie ?

C’est une horrible pensée qui frappe Severus entre les côtes. Il a vu une fille aux cheveux roux voler de sa balançoire quand il avait sept ans, et lui a parlé de la magie. À présent, son prodige de fils, qui est l’obsession d’un psychopathe meurtrier, pourrait bien être son Héritier. Si le Destin existe, il a un sens de l’humour cruel et inhabituel. Apollonius est aussi lié au Seigneur des Ténèbres que Severus l’est à Potter, Black, Lupin et Albus. Enchaînés par leurs pires choix.

Où se retrouve Théodore, dans tout ça ?

« Change ton testament, Apollonius, » laisse soudain échapper Severus.

Apollonius le dévisage. « Pourquoi ? »

« Jezebel. » Severus déglutit, observe le cimetière de Little Hangleton. Si l’univers était au moins un peu tendre, les enfants n’auraient pas à souffrir des péchés de leurs parents. Mais si c’était le cas, Severus ne serait pas hanté par les poings de Tobias et le corps froid et raide d’Eileen sur le sol glacé de la cave. Théodore est sur la route de la souffrance et elle lui fonce dessus comme la foutue voiture volante d’Arthur, et il n’y a rien que Severus puisse faire pour changer ça. « Juste… change-le. »

Apollonius l’observe avec prudence pendant un instant, puis acquiesce.

« Il sera bientôt majeur, » chuchote doucement Apollonius. « D’ici là, Poudlard a toujours été un foyer approprié. »

La meilleure excuse pour les parents négligents depuis des siècles, songe Severus avec mépris. Théodore et Potter ne sont pas les seuls à avoir trouvé un refuge dans le château. C’est une pensée inconfortable pour Severus, parce que si Potter est son héritier (ce qu’il n’est pas, absolument pas, il n’y aucune foutue possibilité pour qu’il le soit), alors Severus est un parent tout aussi négligent qu’Apollonius.

« Pour agir en loco parentis d’ici là, » chuchote lentement Apollonius, « qui me recommanderais-tu ? Si je ne suis plus… disponible ? »

Si tu es mort avant que Théodore n’atteigne la majorité, une possibilité qui est de plus en plus évidente chaque jour que tu passes à essayer de cacher des secrets au Seigneur des Ténèbres.

Severus sait pourquoi Apollonius ne le lui demande pas directement. Il est le Directeur de Maison de Théodore. C’est la décision qui aurait le plus de sens, mais Apollonius ne veut pas que ce soit un autre Mangemort. C’est le moment où Severus voit le plus clairement à quel point Apollonius s’est déjà éloigné de celui qui fut un jour son Lord et son Maître, pour le bien de son fils.

« Narcissa Black. » Le nom a quitté ses lèvres avant qu’il ne puisse vraiment y réfléchir, mais Narcissa est la seule personne que Severus croie vraiment capable de survivre dans toute cette merde. De plus, si Narcissa peut le forcer à protéger Drago avec un serment, Severus peut forcer Narcissa à s’occuper de l’imprudent fils Nott.

« Lady Malfoy ? » Apollonius lui lance un regard curieux.

« Non. » Severus secoue la tête. « Les filles de la Maison Black gardent leur autonomie. Si tu la nommes… »

Lucius ne peut interférer avec ce qui a été promis ou offert aux filles de la Maison des Black. La magie des Black, l’une des plus anciennes et plus puissantes du pays, protègeras Théodore Nott.

Apollonius acquiesce. Il en sait assez sur les lois de l’héritage pour comprendre.

« Son pédigrée est incomparable, » murmure Apollonius. « Mais… les Black… »  

Andromeda, la traitre à son sang. Sirius, le condamné. Bellatrix, la sadique cauchemardesque. Et Regulus. Par Merlin, Regulus.

« Narcissa s’assurera que ton fils survive, » répond doucement Severus. « Si besoin. »

Apollonius acquiesce, pensif.

« Merci, Severus. »

Il se tourne et s’éloigne de quelques pas, s’apprêtant à transplaner.

« Apollonius, » l’appelle Severus. « Attend d’avoir modifié ton testament avant de retirer ton souvenir. Lancer le sort une fois pour deux souvenirs aura moins d’impact que de devoir le faire deux fois. »  

Et prie que le Vase Canope ne t’arrache pas tout ton esprit, espèce de foutu pirate scandinave.

Apollonius sourit et tourne sur place, disparaissant sans laisser de trace. Malgré sa profonde frustration de ne pouvoir voir un Vase Canope, Severus sait qu’il n’en a pas besoin. Il inspire profondément et prend une seconde pour ranger cette conversation derrière ses boucliers d’Occlumencie. Il a encore un autre maître auquel il doit cacher des choses, ce soir.   

___________________

 

Severus apparait aux portes de Poudlard et marche d’un bon pas à travers la nuit jusqu’au château. Il aime Poudlard à cette époque de l’année. Vide et silencieuse, la magie du château tranquille et endormie, tandis qu’elle se prépare à accueillir l’énorme charge de magie adolescente, vive et incontrôlée, qui arrivera dans quelques jours. Il peut passer de couloir en couloir jusqu’au bureau du Directeur sans avoir peur de se retrouver coincé par des gamins et des feux d’artifices ou des FizWizBiz. En parlant de ça…

« FizWizBiz, » marmonne Severus à la gargouille. Il y a un million de choses qui agacent Severus à propos d’Albus, mais les mots de passe à la thématique sucrée sont, sans conteste, l’une des pires.

Tout ce que Severus désire, pour cette réunion, est d’offrir son rapport usuel à Albus puis de retourner dans les donjons pour compléter ses préparations de l’année à venir. Il a une planification pour les septièmes années à terminer, un inventaire des ingrédients pour les premières années à revoir, plusieurs lettres de Narcissa auxquelles il doit trouver une excuse pour ne pas répondre et un reconstituant de nerfs à boire. Suivi d’une bouteille de whisky. Malheureusement, la vie n’est jamais facile. Albus n’est pas seul.

« Ah, Severus, entrez donc. » Albus est assis derrière son bureau, le regard toujours aussi brillant, habillé de robes violettes. Black est dans une chaise en face de lui, couvert de cuir noir dans l’une de ces tentatives classiques et infantiles de représenter l’esprit de Kurt Cobain. Lupin se tient à côté de l’épaule de Black comme un garde. Arthur et Bill Weasley sont près du feu et ont tous deux l’air épuisés, tandis que Kingsley Shacklebolt est appuyé contre la vitre dans ses robes d’Auror écarlates.

Typique, bordel.

« Je n’avais pas réalisé qu’il y avait une réunion de l’Ordre, » lance sèchement Severus. Il a conscience de ses robes pleines de sang, de ses mains tremblantes et de sa patience aussi fine que du papier de dictionnaire. « Je reviendrai plus tard, Albus. »

Albus sait d’où il vient et il savait qu’il était sur le chemin du retour. Pour Severus, c’est le summum d’une foutue impolitesse d’avoir mis un autre rendez-vous en même temps.  

« Ne soyez pas absurde. » Albus chasse ses excuses d’une main légère. « Nous avions simplement une discussion à propos d’Harry. »

Merlin. Est-ce que toutes les conversations de ma saloperie de vie en ce moment doivent tourner autour de ce foutu Harry Potter ?

« Il n’est pas lui-même, » marmonne Black. « Il est… différent. »

« Il se trouve que je n’ai pas grand-chose à faire de ta relation désastreuse avec ton filleul, Black, » ricane Severus avant de se tourner vers Albus, les yeux plissés. « Il est en colère. »

« Voldemort est furieux parce que les sièges du Magenmagot Neutres et Sombres ont voté pour Harry ? » renifle Kingsley. « Peu surprenant. »  

« Sais-tu pourquoi ils l’ont fait ? » demande Lupin en se rapprochant de Severus.

Il fronce les sourcils en apercevant le sang sur ses robes. Severus s’en retrouve vexé. Il est peut-être sale, mais Lupin, lui, a l’air débraillé.

Cet homme possède-t-il seulement une seule robe décente ?

Severus essaye de ne pas penser à ses mains faisant glisser les robes de Lupin de ses épaules et maudit le sortilège du Doloris pour le rendre à la fois si léthargique et conscient de chaque chatouillis de ses sens. Même à cette distance, il peut sentir Lupin. Feu de bois et vin rouge. Ça ne l’aide pas à se concentrer.

« Ils ont reçu un message de quelqu’un qu’ils ont présumé être le Seigneur des Ténèbres. » Severus refuse de regarder Lupin. Je ne penserai pas à déshabiller Lupin en face de Black. Certainement pas. Il dévisage Albus à la place. « C’était signé Lord Serpentard. Le message contenait la magie de Serpentard, et a été vérifiée. Ils ont supposé que ça venait du Seigneur des Ténèbres, mais ce n’était pas le cas. »

« Quoi ? » Black le dévisage. « Mais ça aurait dû si ça venait de Lord Serpentard— »

« Ça disait venir de Lord Serpentard, merci d’écouter, Black. » Severus ricane en voyant Black se hérisser. « Le Seigneur des Ténèbres n’a jamais porté de bague d’Héritier ou de Lord. » Severus fixe d’un air dégoûté l’anneau de Lord inutile au doigt de Black. Il y a quelque chose de repoussant à voir un sorcier résister à sa magie familiale, quelque chose d’anormal et dangereux. Une autre raison de haïr Black. « Quelque chose que vous avez tous les deux en commun. »

« Va te faire foutre, Rogue. » Black le fusille du regard, mais Albus lève une main en signe de paix. Derrière lui, Fumsek se réveille et trille doucement. Severus le regarde méchamment. Il est toujours là, à déverser de la bonne volonté dans les situations tendues, et c’est très agaçant. Il fusille l’oiseau du regard.

Un jour, j’utiliserai ton bec comme ingrédient de potion. Tu verras.

« Intéressant. » Albus tapote un doigt contre son bureau. « Voldemort les a punis ? »

« Oui. » La main de Severus tressaille. Il ne peut pas s’en empêcher. Il se renfrogne quand il voit les sourcils de Lupin se froncer davantage. « À présent, le Seigneur des Ténèbres se concentre sur deux buts – récupérer la prophétie, comme nous le savions déjà, et découvrir l’identité de l’imposteur. »

« Eh bien, le voir se concentrer sur une deuxième tâche, au moins, nous aidera à le distraire de la prophétie, » marmonne Bill Weasley.

« Qu’est-ce que cela signifie pour Harry ? » demande Black et Severus hausse les yeux au ciel. Mais qui en a quelque chose à foutre de ce que ça signifie pour Potter, qu’il y ait un imposteur du Seigneur des Ténèbres au milieu de tout ça ?

Surtout quand l’imposteur en question semble être un Serpentard de quinze ans, influencé par le Gryffondor le plus impétueux qu’on a eu depuis un millier d’années.

« Il est possible que ce Lord Serpentard soit un rival de Voldemort, » songe Lupin. « Si c’est le cas, il pourrait vouloir avoir Harry de son côté en s’assurant qu’il n’est pas renvoyé. »

« Parce qu’un adolescent de quinze ans est un atout politique évident, » marmonne Severus sans pouvoir s’en empêcher. Il ferme les yeux en voyant Lupin hausser les sourcils. Putain, il a vraiment besoin de ce Reconstituant de nerfs. Il est bien trop bavard quand il a mal.

« Le Syndrome de la Cicatrice. » Arthur secoue la tête. « Mes enfants ont bien trop souvent raison. »

Severus ne sait pas ce que ça veut dire et s’en fiche bien.

« Potter donne l’impression d’être un atout politique exceptionnel, » glousse Kingsley. « Est-ce que vous avez vu son expression quand Amélia lui a demandé de produire un Patronus ? »

« Belliqueux, » renifle Severus.

« Hardcore, » acquiesce Bill Weasley.

« Foutrement inquiétant, » gronde Black.

« Fascinant. » Les yeux bleus d’Albus sont distants, son visage fermé. « Est-ce que vous savez qui a envoyé le message aux Mangemorts, Severus ? »

Théodore Nott. Severus garde le nom bien caché derrière ses boucliers en répondant. Il pense à Eileen qui lui chante doucement, la nuit, lui apprenant à construire ses murs mentaux. Quand elle ne fut plus là, ils se transformèrent en glace.  

« Je ne sais pas. Cela dit, Nott est celui qui l’a reçu. »

Puis il s’est tranché le souvenir de comment ça s’était passé de son propre esprit. Avec un Vase Canope, même Albus ne pourrait pas le récupérer.

« Nott et le Seigneur des Ténèbres étaient proches à l’école, » songe Albus. « Je suis surpris qu’Apollonius ait été choisi par un imposteur. »

« Ils étaient meilleurs amis, non ? » renifle Black comme s’il pensait les Serpentards incapables de choses telles que l’amitié.

« Tu serais surpris de ce qu’un Serpentard pourrait faire par amitié, Black, » répond sèchement Rogue. Il songe à Lily. Black le dévisage en retour, ses yeux sombres emplis de rage.  

« Non, je ne pense pas que je le serais, Servilus, » ricane Black. Severus sait qu’il pense à Regulus, qu’il imagine Severus et tous les autres membres du ‘mauvais camp’ qu’il croit responsables de la corruption de son petit frère.

Je n’étais pas celui qui a abandonné ton frère, espèce de bâtard de Gryffondor merdique.

Severus repousse cette pensée loin de lui et se tourne à nouveau vers Albus.

« Le Seigneur des Ténèbres a ordonné qu’on trouve cet imposteur. Il pense qu’il s’agit d’un descendant de la Maison des Gaunt, dont il est le Lord. »  

« Je vois. » Albus manipule un petit instrument en argent sur son bureau. Les rouages de cet esprit ancien et brillant tournent, cachés derrière ces yeux bleus toujours doux. Comme toujours, ricane Severus pour lui-même. Albus lève ensuite le regard vers Kingsley. « Est-ce que le Département de la Justice Magique a lancé une enquête du Magenmagot au sujet de ce Lord Serpentard inconnu ? »

« De nom seulement, » grimace Kingsley. « Sur la base de corruption des votants, mais c’est le dossier le plus maigre que vous ne verrez jamais. Ils n’ont aucune volonté à travailler dessus vu qu’il y a une large portion des faiseurs de lois qui refuse de s’y plier. Et Fudge préfèrerait garder tout ça loin de la presse. »

« Skeeter en ferait ses choux gras, » marmonne Bill Weasley.

« Travaillez dessus discrètement alors, » répond doucement Albus. « N’utilisez que Nymphadora. Fol-Œil et Arthur peuvent garder le Département des Mystères comme priorité. »

« Je peux parler aux goblins, » ajoute Bill. « Voir de quel côté le vent souffle. S’il y a un nouveau Lord Serpentard, quelqu’un sera quelque chose à son propos. »   

« Est-ce qu’ils t’en parleront ? Les Goblins sont connus pour leur discrétion, » ricane Severus. S’il découvre que Bill Weasley peut obtenir des informations de la part des gobelins quand lui-même n’y arrive pas, Severus sera foutrement furieux.

« Oui, envers les sorciers. » Bill hausse un sourcil orné d’un piercing. « Mais je ne fais plus totalement partie de cette catégorie en tant qu’Anzar. »

« Tu es un intendant des Halls d’Argent ? » Kingsley dévisage Bill, totalement abasourdi. « Putain, Weasley. »

C’est un sacré exploit à réussir à atteindre un tel rang dans sa vingtaine, pour le jeune Weasley, d’être si respecté par les goblins qu’il en porte le titre d’intendant des secrets goblins. Pour un élève médiocre, Weasley s’en est certainement très bien sorti. Arthur rayonne de fierté en silence. Severus songe à SerrAcier. Confidentialité inviolable, mon cul.

« Ça devrait être tout, » lance doucement Lupin, avant de se tourner vers Severus. « Severus ? »

Il acquiesce. Tout ce qui devait être couvert l’a été et il restera là, près de la porte arrière, à disséminer les secrets qu’Albus lui confie de façon à garder le Seigneur des Ténèbres rassasié.

« Et pour Harry ? » demande Black en se trémoussant sur sa chaise. Severus espère que tout ce cuir le démange. « Ça ne sert à rien de mettre toutes ces protections autour de la prophétie et le cacher aux yeux de qui peut bien être ce Lord Serpentard si Voldemort entre dans son esprit, putain ! »

Severus glisse un coup d’œil à Albus. Ce n’est pas quelque chose dont ils ont parlé. Albus a l’air absurdement calme et Severus ressent face à ça un élan de rage inutile. Sa bague des Prince s’enflamme et gèle à la fois. Combien de secrets à propos de Potter me caches-tu, vieil homme ?

« Paix, Sirius, » le calme Albus. « Nous n’avons aucune certitude. »  

« Il rêve toutes les nuits, des cauchemars à propos du cimetière— » 

« Sirius, je ne pense pas qu’Harry aimerait que tu parles de ça, » chuchote doucement Lupin en frottant l’épaule de son amant comme si Black était celui qui subit les terreurs nocturnes. Derrière lui, Bill Weasley fronce les sourcils violemment. Il semblerait qu’il n’apprécie pas non plus les divulgations de Black, mais Albus ne l’arrête pas. Il se penche en avant, le menton posé sur ses doigts entrelacés.

« Continuez, Sirius, » dit-il gentiment.

Severus sent une poussée d’aversion pour cet homme qui agit comme un grand-père jusqu’à ce que ça devienne une inconvenance pour son agenda. Potter se sentirait sans aucun doute violé s’il avait connaissance de cette conversation. Il est certain qu’aucun bon parrain ne dévoilerait les griefs de son filleul aussi publiquement.

Aucun bon père ne laisserait ça arriver non plus, souffle la voix de Narcissa dans son esprit. Il a passé trop de temps avec elle, clairement. S’il n’avait pas les meilleurs boucliers d’Occlumencie de la pièce, il pourrait presque penser qu’elle se glisse dans son esprit à distance.

Eh bien, c’est une bonne chose que je ne sois pas son putain de père, alors, songe Severus avec colère.

« Il parle avec une autre voix, et il siffle. » Black se penche en avant, décidé. « C’est du fourchelangue, j’en suis sûr, et il est différent, il est… » Black déglutit avec difficulté. Il a vraiment l’air de souffrir. « Il se tourne du côté sombre ! »

Un silence lourd s’abat. Severus a envie de lever les yeux au ciel. Est-ce que cet homme cessera un jour de ne réfléchir qu’en termes de Lumière et de Ténèbres ? Severus entend la voix de sa mère revenir en écho, du fond de son esprit :  

La magie n’a pas de morale, Severus. C’est pour ça qu’il nous faut un Mage.

« Bien évidemment que c’est ce que tu penses, Black, » lance Severus. « Parce que chaque fourchelangue sur la planète est, de toute évidence, un Seigneur des Ténèbres en devenir. »

« Tu fermes ta gueule, Rogue, » grogne Black. « Ne me parle pas d’Harry. Jamais. »

Typique. Severus fusille du regard Lupin, l’homme qui appelle cet enfant son ‘louveteau’ et qui clame qu’il serait capable de le retrouver même à travers un foutu océan. Il hausse ses sourcils. Eh bien ? Lupin a au moins la décence de rougir un peu, mais ne dit rien.

Toujours un tel lâche.

Severus n’ajoute rien. Il ne sera pas celui qui défendra ce foutu Harry Potter, pas quand il a tant de champions dans la pièce.

N’est-ce pas assez d’avoir ce foutu Albus Dumbledore en tant que gardien magique ?

« Ce sont des conneries. Complètement, » annonce Bill Weasley.

Tout le monde se tourne vers lui et il hausse ses sourcils roux, les barres en métal dans ces derniers s’agitant un peu.  

« Quoi ? C’est le cas ! » Bill Weasley hausse le menton et ressemble étonnamment à son jeune frère ainsi. « Harry devient sombre juste parce qu’il fait des cauchemars ? Pitié. »

« Cela me semble en effet irrationnel. Surtout quand on sait que le garçon n’a que quinze ans et a combattu Vous-Savez-Qui il y a tout juste un mois. Un tel combat donnerait des cauchemars à n’importe quel sorcier adulte. »

Arthur parle doucement mais ses yeux sont furieux. Cet homme est capable d’offrir une meilleure défense à ce gamin que ses propres parrains.

« Tu ne l’as pas entendu, tu ne l’as pas vu. » Black secoue la tête. « Il est si différent. Quelque chose ne va pas. »

« Est-ce que tu as essayé de seulement lui parler ? » grogne Bill, d’un ton bien plus froid. « Parce qu’il me semble que vous deux ne discutez même pas. »  

« Qui t’a dit ça, bordel ? » Black, comme on pouvait s’y attendre, s’est levé d’un bon de sa chaise, le visage rouge de colère. « C’est mon filleul ! Bien sûr que je lui parle ! »

« Qu’en disent Miss Granger et Monsieur Weasley ? » lâche Severus. « Vu qu’ils forment son petit fan-club adoré, ils ont forcément dû noter une différence dans le comportement de leur héros ? »

« Ils ne voient rien ! » Black donne un coup de pied dans la chaise. Lupin est là, à essayer d’attraper ses mains et de le contrôler. « Personne ne le voit à part moi ! Je peux le sentir ! C’est – c’est tout autour de lui, comme un nuage, exactement comme ma mère à l’époque ! Il a la même aura qu’elle à présent, la même qu’eux, et personne d’autre ne le voit ! »

C’est la folie qui parle, très clairement. Le silence malaisant qui suit les cris de Black ne fait que le prouver. Severus lance un petit coup d’œil à Kingsley qui fixe Black comme s’il pensait qu’au final, le livrer au Département de la Justice Magique pourrait être une bonne idée. Lupin a l’air au bord des larmes, Bill Weasley semble agacé et Arthur exsude une rage silencieuse.  Severus jette un coup d’œil à Albus, qui observe Black attentivement.

Pour notre sécurité à tous, Albus, enfermez cet homme. Faites-le interner, par pitié.

« Sirius, as-tu déjà observé un changement dans la couleur des yeux d’Harry ? » demande prudemment Albus. « Vers le noir ou le rouge ? Est-ce qu’il a jamais semblé ne pas savoir ce qu’il venait de dire, ou exprimé du désarroi à l’idée de l’avoir dit ? »

« Non, pas du tout. » Lupin a repoussé Black dans la chaise et semble enfin prêt à prendre la parole. Il était temps, bordel. « Jamais, et il se comporte comme il l’a toujours fait avec Ron et Hermione. »

« Il est seulement différent en présence d’adultes, » ajoute doucement Arthur. « Parce qu’il ne nous fait plus confiance pour veiller sur son bien-être. »

Ce foutu Arthur Weasley. Qui eut crû que cet homme pouvait être si incisif ?

Albus semble soudain vieux d’un millier d’années. Severus se demande, et pas pour la première fois, si la culpabilité n’est pas ce qu’Albus utilise pour apaiser sa conscience afin de continuer à tous les traiter comme des foutus pions. Un dirigeant bienveillant qui regrette ses sacrifices. Est-ce là tout ce qu’on mérite ? Black s’avachit dans sa chaise, couvrant son visage d’une main tatouée.

« J’essaye, j’essaye, mais pourquoi est-ce qu’il ne veut pas me dire ce qui l’a rendu si différent ? Pourquoi ne veut-il pas me dire ce qui ne va pas ? » déblatère Black.

« Sirius, regarde-moi. Il va bien, ok ? Il va bien. » Lupin s’agenouille près de Black tandis que ce dernier leur sort sa meilleure performance d’un lunatique, caressant doucement ses cheveux d’une façon qui remplit la bouche de Severus de bile. Pathétique.

« Des erreurs ont été faites en ce qui concerne Harry, » prononce lentement Albus. « Tout ce que nous pouvons faire, c’est en tirer des leçons et nous améliorer. »

Severus essaye de ne pas renifler. Il sait que ce ne sera pas assez pour Potter. Ça n’aurait pas été assez pour Severus à cet âge-là. Ça n’est pas assez aujourd’hui.

« Merci à tous pour votre temps ce soir. » Albus se relève avec lenteur. « J’apprécierai un moment en privé avec Severus. »

Le bureau se vide, Lupin soutenant Black jusqu’à la cheminée tandis que Severus le fusille du regard, et les autres suivent jusqu’à ce que, finalement, Severus puisse se laisser tomber dans la chaise devant le bureau d’Albus et faire apparaître un verre de bourbon du cabinet de liqueurs du vieil homme. Il prend une gorgée tandis qu’Albus caresse Fumsek.

« Pas besoin de mentionner à Tom que nous suspectons sa présence dans l’esprit d’Harry, pas tant qu’il n’a pas clairement fait savoir qu’il en avait lui-même conscience, » murmure tout bas Albus.

« Et si nos suspicions deviennent plus urgentes ? » Severus laisse le bourbon lui brûler les coupures sur ses lèvres.

« Alors il vous faudra enseigner à Harry comment protéger son esprit. »

Severus grimace, plonge le nez dans son verre. Il ne peut imaginer pire que de plonger dans l’esprit de l’adolescent sauveur du monde sorcier, surtout si ce dernier s’avère être possiblement son Héritier. Severus envoie valser cette pensée derrière ses boucliers. Il n’est pas sage de songer à son héritier en présence d’Albus.

« Vous pouvez leur ramener l’information selon laquelle nous nous intéressons aussi à Lord Serpentard, » continue Albus. « Peut-être leur suggérer que je suis convaincu qu’il s’agit de Tom sous un autre nom, il pourrait croire ça. »

Severus acquiesce. Quand il a commencé à espionner, être celui qu’Albus retenait à la fin, celui qui avait droit aux audiences privées et aux conversations derrière des portes closes avait donné à Severus l’impression qu’il avait de la valeur. À présent, il se sent plus comme le petit secret sale qui reste à la fin de la nuit.

« Le Seigneur des Ténèbres veut que je recherche dans les archives de Poudlard des traces d’un autre Gaunt. » Severus savoure le bourbon, se délectant du goût acide et un peu boisé sur sa langue. Le premier goût qui mène à l’oubli.

« Tel père, tel fils, Severus, » le taquine Regulus quand Severus, saoul et furieux après cette histoire avec Barty, a jeté Regulus contre le mur de la Pièce va-et-vient. Des excuses suppliantes et des baisers frénétiques.

Il n’est pas Tobias. Absolument pas. Ils partagent juste la même préférence pour leur méthode de punition. C’est mieux que celle de sa mère.

« Eh bien, Severus, c’est une première, » glousse Albus en lui lançant un sourire sardonique. « C’est exactement ce que je vais vous demander moi aussi. »

Severus acquiesce, vide son verre et se lève. Ce qui est drôle, ce n’est pas que les deux le lui demandent, se dit-il. C’est le fait que, pour la première fois, il est peut-être bien en train de garder le même secret au nez des deux. Parce que bien qu’il haïsse Potter, si Théodore Nott s’est associé à ce foutu gamin, alors Severus gardera leurs secrets. Au moins jusqu’à ce qu’il puisse les attraper tous les deux à Poudlard. À ce moment-là, il pourra régler leurs comptes.

Je donnerai à Théodore des détentions toutes les nuits jusqu’à ce qu’il cesse de s’intéresser à ce garçon. Il écorchera tellement de serpents arboricoles que son propre animal de compagnie le mordra.

« Oui, en effet, » dit-il sèchement. « C’est une première. »  

Notes:

Au prochain chapitre, nous retrouverons Harry qui décidément, a l'air de filer un mauvais coton... j'espère que vous êtes prêts ! ;D

Chapter 26: Étoiles et cigarettes

Notes:

Note de l'autrice : C'est peut-être mon chapitre préféré jusqu'ici. Harry et Théo.
Les idées suicidaires ne disparaissent pas en une nuit. Le SSPT (Syndrome de stress post-traumatique) est un voyage si difficile. Si vous peinez en ce moment-même sur un rebord, je veux juste que vous sachiez que vous comptez. <3
Je suis restée debout si tard pour écrire ça juste parce que ça m'a totalement capturée, mais je vais aller me coucher maintenant. Je vous aime tous. Restez loin des rebords.

Note de la traductrice : je plussoie elphie13. Vous n'imaginez pas à quel point vous comptez, vous qui lisez ces lignes. Je ne peux pas vous promettre que tout ira bien mais. Un jour... un jour, ça ira mieux. Mettez un pas devant l'autre, reposez-vous sur vos proches, chérissez les petits moments qui font du bien - comme de lire ce chapitre. Et si vous avez besoin de parler... mettez un commentaire, je serai là pour les lire. <3 Courage à vous. Et bonne lecture. =)
Note de la traductrice 2 : AAAAAAAAAAAAAH mais ???!!! J'étais persuadée de vous avoir posté le chapitre jeudi ?! Pardonnez-moi, ce n'était pas le cas. J'ai dû oublier dans la folie de ma journée, je partais à Londres ce jour-là. Pour la peine, vous en aurez deux d'un coup !

(See the end of the chapter for more notes.)

Chapter Text

« Harry ? »  

Il se tourne pour jeter un coup d’œil à la fenêtre du grenier. Remus en a sorti la tête et le regarde avec une expression inquiète.

« Hey. »

Harry est assis sur le toit du Square Grimmauld, à faire rouler une cigarette entre ses doigts. Il n’essaye pas de la cacher de Remus parce qu’au fond, à quoi ça servirait ? Remus l’a probablement sentie à l’instant où il est arrivé dans le grenier.

« Tu devrais revenir à l’intérieur, Harry. » La voix de Remus est prudente, tout comme l’était celle d’Hermione en haut de la Tour d’Astronomie. « C’est dangereux. »

Harry secoue la tête et tapote sa cigarette par-dessus l’une des bagues que Remus ne peut voir. Il sent Remus hésiter. Puis l’homme s’extrait de la fenêtre à son tour, rampant avec prudence le long des tuiles d’ardoises pour venir s’asseoir à côté d’Harry. La magie de Remus est l’une des odeurs favorites d’Harry. Elle lui rappelle la nuit du Feu de Joie. L’air qui sent comme le sulfure, l’obscurité et le mois de novembre. Elle offre un contraste parfait avec l’odeur de Remus lui-même, celle du chocolat et des livres. Harry inspire à fond.

« Qu’est-ce qui ne va pas, Harry ? » chuchote Remus après un moment de silence froid. La canicule qui a étouffé Londres et le sud-est pendant six semaines s’est enfin évanouie. Harry a l’impression qu’il peut déjà sentir septembre dans l’air. Le froid et des feuilles commençant à rougir.

Harry observe les étoiles qui brillent et secoue la tête. L’Indifférence est de retour. La première semaine, ça allait. Harry se disait qu’il allait bien. Il avait Sniffle pour le réconforter la nuit et Hermione et Ron qui se chamaillent à propos des secrets des livres des Black la journée, ainsi que des infestations de doxies à combattre avec Ginny et des Réunions de l’Ordre à espionner avec Fred et George. Il avait les lettres de Théo, sarcastiques et drôles et pleines d’ordres comme ne pas trop gaver Kreattur de confiseries moldues. Il a même eu le réconfort de l’anneau des Black, qui ouvre des portes et des passages secrets pour lui afin qu’il visite tout Square Grimmauld, comme cette salle de lecture secrète près du salon, qu’Hermione a colonisé et la fenêtre menant sur le toit, qu’Harry s’est accaparée. Il avait tout ça, aussi n’avait-il pas à penser aux insomnies chaque soir ou au fait qu’il ne parle pas à Sirius ou à la vigilance constante dont il doit faire preuve pour éviter Rogue à tout prix. Ou le manque. Cet horrible, atroce manque de Théo qui lui donne l’impression d’avoir laissé une part de son bras quelque part. Mais à présent, ils en sont à la deuxième semaine et il doit encore tenir dix putains de jours jusqu’au Poudlard Express et il a l’impression qu’il pourrait bien ne pas y arriver.  

Et il n’a aucune idée de pourquoi.

« T’as déjà fumé ? » Il fait un geste de la cigarette avec Remus.

« Sirius est mon partenaire depuis vingt ans. » Remus lui offre un sourire. « J’en ai eu une ou deux. »

« Vingt ans. » Harry acquiesce lentement. « Vous devez vraiment vous aimer. »

Harry l’a vu. Dans la façon qu’a Remus de s’appuyer contre la porte de la chambre d’Harry au milieu de la nuit, à vérifier d’un œil endormi que Sirius va bien, roulé en boule contre le dos d’Harry, en souriant doucement dans la pénombre. Il l’a vu en passant, quand Sirius ne réalise pas qu’Harry est dans la pièce. Dans la façon qu’a Sirius parfois d’aller vers Remus comme un homme aveugle qui se noie, pour enfoncer sa tête contre sa poitrine et inspirer à fond tandis que Remus sourit, dépose un baiser sur son cuir chevelu et s’ajuste pour continuer à lire, Sirius à moitié étalé sur lui. Leurs corps s’épousent comme s’ils étaient deux moitiés d’une ancienne sculpture.

Comme je le fais avec Théo.

Harry sent une pique émoussée contre son sternum. Frotte doucement ce dernier. Ses côtes doivent encore être en cours de guérison, même après tout ce temps.

« C’est le cas, Harry, même quand c’est dur. » Remus pose avec précaution sa main sur le genou d’Harry. Il bouge toujours doucement, à présent, depuis qu’il sait pour les Dursley. Ça énerve Harry autant que ça le réconforte. « Et nous t’aimons toi aussi, tous les deux. »

Aujourd’hui, il ne peut pas le comprendre. L’Indifférence forme un mur de glace entre lui et le reste du monde. Il sait qu’Hermione l’aime parce qu’elle l’a cru quand son nom est sorti de la Coupe et qu’elle lui a apporté des toasts le lendemain matin. Il sait que Ron l’aime parce que Ron admet toujours quand il a tort et quand sa jambe était cassée, il a quand même essayé d’éloigner Harry et Hermione du danger dans la Cabane Hurlante.  Il pense que Remus l’aime parce qu’il lui a appris le sortilège du Patronus. Il pense que Sirius l’aime parce que Sirius a abandonné l’idée de tuer Peter pour lui. Mais il ne ressent plus rien de tout ça. Tout ce qu’il sent, ce sont les rebords. Et Cédric. Les yeux froids de Cédric, sans vie, qui l’observent depuis ses cauchemars, peu importe où il va.

« Il est juste… tellement en colère contre moi, » murmure Harry.

« Il ne va pas bien, Harry. » La voix de Remus semble brisée. « Il… il a besoin d’aide. Nous avons contacté un guérisseur pour l’esprit mais… c’est très dur pour lui. »

« Je comprends. » Harry acquiesce. Pour Sirius, aimer à nouveau Harry ne vaut pas la peine de s’échiner à guérir. Il comprend. L’Indifférence s’enfonce encore plus. Il observe un peu plus les étoiles. Il y a des milliards de kilomètres remplis d’espace froid entre eux. Il se demande qu’est-ce que ce serait s’il pouvait s’enfuir vers elles. « Voler me manque. »

« Quel aspect te manque ? » lui demande gentiment Remus.

« Le ciel. La liberté. Le danger. Le sentiment que j’ai le contrôle sur tout. Ma vie. Mon corps. Ma mort. » Harry lève la cigarette jusqu’à son nez et la renifle. Elle sent comme Sirius.

« Tu n’as pas eu beaucoup de ça, » chuchote Remus.

« Pas des masses. » Harry observe la constellation du Chien. « C’est l’étoile de Sirius. »  

« En effet. » Remus sourit. « Je suis surpris que tu le saches. »

« Je peux toujours la trouver, » acquiesce Harry. « Je la cherche depuis chez les Dursley, tu sais, quand je suis enfermé. Guetter Hedwige. Trouver les étoiles. »

Remus inspire profondément. Harry sait qu’il déteste entendre parler des Dursley mais Harry sent aussi son besoin désespéré de vouloir tout entendre. Remus ne pose pas plus de questions, cela dit. Pour ça, Remus est bon.

« Je ne les laisserai pas te récupérer, Harry, » chuchote Remus.

Harry ravale la rage et la déception qui ont le goût d’un cri réprimé. Il hausse les épaules.

« Ne fais pas de promesses, Lunard, » dit-il en secouant la tête. « Juste… n’en fais pas. »  

« D’accord, Harry, » chuchote Remus. « Pas de promesses. »

Ils restent assis dans le silence de la nuit. Harry observe les voitures dans la rue en-dessous, s’émerveillant de savoir que pour eux, pour ces petits moldus qui vivent leur vie normale, ils sont invisibles. Hedwige vole à travers le square, pourchassant des chauves-souris. Harry se demande quelle sensation lui offrirait l’air sifflant à ses oreilles s’il sautait. Il essaye de se distraire, pense à une question qu’il a eu envie de poser depuis un moment. Il déglutit.

« Est-ce que tu es vraiment toi aussi mon parrain ? »

« Moi ? » Remus jette un regard surpris à Harry. « Pourquoi dis-tu ça ? »

« On me l’a dit à Gringotts. » Harry lève le doigt qui porte l’anneau des Potter. « Quand j’ai récupéré mon Héritage. Sirius… et toi. »  

« Moi ? » la voix de Remus est étranglée. « Non, je… Siri et moi avons toujours rigolé sur le fait qu’on pourrait l’être tous les deux parce que lui et moi n’arrêtions pas de parler de… nous marier. »

Harry ne peut s’empêcher de sourire à cette pensée. Il se remémore le visage insouciant de Sirius sur la photo de mariage de ses parents, à l’opposé du sourire doux et avenant de Remus.

« J’aurais aimé voir ça, » chuchote Harry.

« James pensait que c’était à mourir de rire. » Remus n’a pas l’air heureux. Il donne l’impression que les mots lui sont arrachés entre deux respirations hachées. « Il faisait des blagues sur le fait d’être notre témoin à tous les deux, et qu’on serait tes ‘parrains les bonnes fées’. Il… ils ont dû rendre ça officiel avant de… Oh bon sang, Harry. »

« C’est bon. » Harry observe Hedwige attraper une chauve-souris, s’installer sur une branche pour la dévorer. Au moins, elle est morte en volant.

« Je ne sais pas si ça l’est, Harry. » 

Remus se prend la tête. Harry peut sentir qu’il tremble, peut-être même qu’il pleure, et lève une main hésitante pour la poser sur le bras de Remus. Remus attrape sa main, la serre fermement, l’autre couvrant son visage tandis qu’il inspire et expire rapidement. Harry frotte son pouce sur le dos de la main couturée de Remus. Remus serre la sienne si fort que ça fait un peu mal, mais Harry s’en fiche. Puis, finalement, Remus prend une profonde inspiration tremblante.

« Merci, Harry, » chuchote-t-il.

Harry acquiesce.  C’est le truc cool avec Remus en ce moment. Harry sait que Remus se sent très mal, il peut le sentir émaner de lui par vagues et sent l’odeur féroce et hivernale de la créature magique qui bouillonne de rage en lui, mais Remus ne le dit pas. Il ne dit pas qu’il aurait dû être là. Il ne dit pas qu’il aurait pu faire mieux. Peut-être que Remus est inquiet de ce qu’Harry pourrait faire ou dire s’il ramenait ces horribles choses à la surface, mais peut-être, espère-t-il, qu’il il sait que dire ces choses ne feront qu’aggraver le froid en Harry.

« Eh bien, » Harry entrelace ses doigts avec ceux de Remus par instinct, les serrant pendant un instant. « J’étais heureux. Quand je l’ai découvert. J’étais heureux. Je suis heureux. »

« Moi aussi, » chuchote Remus d’une voix étranglée.

Ils restent assis en silence, les mains jointes. Harry commence à s’habituer à ce truc avec Remus. Les petits gestes. Il aime ça. Ça ne sera jamais comme avec Hermione ou Ron ou Théo, mais c’est quelque chose. Remus sort sa baguette et la presse contre le bout de la cigarette, entre les doigts d’Harry. Elle s’allume sous son toucher. Remus la lui prend des mains et la presse contre ses lèvres, inspirant profondément. Sirius tient les cigarettes comme s’il s’agissait d’extensions de son bras. Remus la tient d’une manière si raide que c’était comme si ses doigts savaient que ce qu’ils font est très, très mal.

« Est-ce que je peux essayer ? » demande Harry. Dudley fume, Harry le sait, mais Harry n’a jamais essayé. Sirius est le seul sorcier qu’il connait qui fume des cigarettes moldues.

« Seulement parce que tu m’as dévasté émotionnellement, » murmure Remus en la lui tendant. « N’inhale pas. Et n’en parle pas à Molly. »

« Bien évidemment, » répond Harry d’un ton lent. Il prend la cigarette et l’amène à ses lèvres. Inspire l’air chaud et acre. C’est horrible. Il tousse brutalement, manque de lâcher la cigarette et Remus frotte son dos en gloussant avec douceur.

« Putain, c’est dégueulasse, » tousse Harry.  

« Il n’y a rien de plus efficace que de fumer une cigarette pour te retirer l’illusion que fumer est cool, » rit Remus.

« Non, attends ! » Harry ressent le besoin de prendre une latte sans tousser. Si ce foutu Dudley Dursley peut le faire… « Laisse-moi réessayer ! »

« Lunard. »

Ils se tournent tous les deux. Ah, merde. Sirius a sorti la tête de la fenêtre du grenier. Harry sent Remus se raidir près de lui. Harry sait qu’il ne fait pas ça juste parce qu’il est près de Sirius.

C’est moi. C’est à cause de moi. Harry suçote amèrement la cigarette, déterminé à ne pas tousser. Je ruine leur relation. Une relation de vingt ans, qui a survécu à Azkaban, et c’est ce foutu Harry Potter qui la détruit.

« Patmol. » Remus essaie de reprendre la cigarette à Harry, mais Harry éloigne sa main. Il ne se cachera pas de Sirius. Pas ça, en tout cas. Sirius observe la main d’Harry puis s’extrait de la fenêtre pour se placer sans précautions près du bord. Remus laisse échapper un petit grognement involontaire. Sirius l’ignore, sort son paquet de cigarette d’une main, remarque la cigarette manquante et jette un regard appuyé à Harry.

Je m’en fiche. Totalement. Harry jette un coup d’œil à la cigarette dans sa main et hausse les épaules.

« Je dois dire, Remus, » lance Sirius en sortant une cigarette pour la caler entre ses lèvres, cherchant son briquet moldu dans sa veste de cuir, « que j’ai toujours cru que je serai celui à corrompre mon filleul. Mais je t’en prie, ne te gêne pas. »

Harry sent un éclair de colère à travers la glace de son esprit. C’est une chose que Sirius se comporte comme un con envers lui. Mais Remus, c’est une autre histoire.

« Je ne suis pas que ton filleul, » lance doucement Harry. « Je suis aussi son filleul. Je l’ai vu. A Gringotts. Pas la peine de faire chier. »

Sirius dévisage Harry. Puis ses yeux glissent vers Remus, qui observe Sirius d’un regard jaune et suppliant.

« Est-ce que tu savais ? » demande doucement Sirius. « Quand tu faisais de la merde en Europe ou peu importe ce que tu faisais quand j’étais à Azkaban ? Est-ce que tu savais, alors, qu’il se faisait battre dans cette horrible maison ? »

« Non. » La voix de Remus tremble. « Je ne le savais pas. »

Sirius, espèce de fils de pute borgne.

Remus se relève et Harry peut sentir que son loup est bien trop proche pour le laisser faire ça. Ou peut-être qu’il ne veut pas se battre devant Harry. Il jette un regard doux à Harry pendant un instant et touche son épaule. Harry répond au toucher délibérément en voyant comment Sirius se tend devant ce dernier.

Qu’il se mette en colère. Qu’il soit jaloux. Je m’en fiche. Totalement.

« Ne restez pas dehors trop longtemps. »

Puis Remus passe à nouveau la fenêtre sans jeter un regard à son partenaire. Les yeux de Sirius le suivent tandis qu’il part. Même lorsqu’il est un con fini, ses yeux continuent de suivre Remus peu importe où il va.

Est-ce que c’est ce que fait l’amour aux gens ? Ça les remplit de cruauté et de désespoir pour un autre ?

Harry écoute la fenêtre bouger dans son cadre et aspire une autre bouffée de cette horrible fumée. Ça a un goût de merde, mais il s’en fiche.

« Pourquoi est-ce que tu agis comme un con avec lui ? » demande Harry sur le ton de la conversation. « Il est le seul qui te supporte. Je comprends que tu aies une dent contre moi en ce moment, mais Remus— »

« Arrête. » Sirius lève une main. Harry sent la magie qui bouillonne sous la peau de Sirius. Azkaban a laissé plus d’un genre de trace en lui. Harry aimerait soudainement avoir Sahara avec lui.

Sahara pourrait comprendre.

« Très bien. Foire ton couple. » Harry hausse les épaules. Souffle de la fumée. Il essaye de faire ce que lui a dit Remus et de ne pas inhaler, mais quelque part, il aime bien le sentiment de vertige chaud que ça lui procure.

« J’ai toujours imaginé que je serai celui qui te donnerait ta première cigarette, » chuchote Sirius.

« Tu l’as fait. »

« Tu l’as volée. »

Harry hausse les épaules. « Et alors ? »

Sirius le dévisage un moment, puis secoue la tête.  

« Qu’est-ce qu’il s’est passé, Harry ? »

C’est une question si odieuse qu’Harry peut à peine la supporter. Il serre les dents et inhale profondément, appréciant la brûlure au fond de sa gorge. La bague des Prince, d’habitude si silencieuse, forme une flaque d’insensibilité au creux de sa main. Je m’en fous. Totalement. Celle de Serpentard lui siffle d’étranges malédictions en fourchelangue et il doit grincer des dents pour les retenir.

Ne jette pas de malédictions que tu ne comprends pas à ton parrain. Cette voix ressemble à celle de Théo, à l’intérieur de son crâne, et Harry sourit en lui-même.

« Voldemort, voilà ce qu’il s’est passé. » Harry exhale sa fumée. Il prétend être un dragon, bien qu’il sache d’expérience que les dragons crachent du feu. « Cet été est arrivé. Tout est arrivé. »

Harry a besoin que quelque chose le distraie de cet écrasant besoin de hurler à son parrain de Faire Marcher Son Putain de Cerveau, aussi siffle-t-il Hedwige. Elle atterrit en piqué vers lui, ses yeux ambrés brillant de joie. Il caresse ses plumes, leur douce fraîcheur l’apaisant.

« Est-ce pour ça que tu l’as dit ? »

Ce qu’il a dit à propos de James. Ça sera toujours à propos de ce foutu James. Harry hausse à nouveau les épaules. Caresse l’aile d’Hedwige.

Si Sirius compte vraiment m’aimer, il faudra qu’il m’aime pour plus que James. Parce que je ne suis plus le fils de James.

« Je ne pourrai jamais m’y faire. » Sirius inspire brusquement, retient son souffle. « Tu le sais. Tu l’as dit pour me blesser. »

Harry inspire profondément. Pourquoi mentir ? C’est déjà horrible, et peut-être que c’est mieux ainsi.

Si Sirius me hait maintenant, alors quand il finira par découvrir la vérité à propos de James, ça ne fera pas aussi mal.  

« Oui, » soupire Harry. « En effet. »

Ils fument en silence. Hedwige plisse les yeux en direction d’Harry. Elle sait qu’il ne devrait pas faire ça.

Oh, merde. Et si elle dit à Théo que je suis en train de fumer de véritables drogues moldues ?

Théo ne peut pas encore parler aux hiboux, mais Harry ne parierait pas sur le fait qu’il ne puisse apprendre une telle compétence en une semaine.

« Je ne sais pas pourquoi », chuchote Sirius.

Gâté. Tu as dit que j’étais un gamin pourri gâté. Tu as gardé des secrets. Tu m’as laissé souffrir. Tu m’as utilisé.

« J’en ai conscience. »  

Harry passe une main dans ses cheveux. Il remarque la façon qu’ont les yeux de Sirius de bloquer sur son anneau des Potter avec quelque chose qui ressemble à du désir. Sirius le voit regarder et laisse échapper un soupir tremblant, rempli de fumée. Ses yeux sombres brillent à travers cette dernière comme du charbon.

« J’aurai tellement voulu être un Potter, » chuchote Sirius.

Il s’approche d’Harry. Il s’assied à côté de lui et tend une main hésitante vers la bague d’Harry. Harry ne bouge pas. Je ne lui jetterai pas de sort. Surtout pas. Quand Sirius touche le rubis des Potter, c’est la première fois qu’il touche Harry en tant qu’humain depuis la nuit où Cédric a été tué.

Qu’est-ce que ça dit, le fait qu’on s’apprécie bien plus lorsque l’un de nous n’est pas humain ?  

« Ma famille m’a tellement haï pour avoir été envoyé à Gryffondor, même mon frère, Reggie, il… » Sirius déglutit, sa pomme d’Adam glissant sous sa peau tatouée. « … Il a changé, à Serpentard. Les gens qu’il a rencontré, les amis qu’il s’est fait… Je ne pouvais pas l’expliquer, mais je savais juste qu’il n’était… il n’était plus de mon côté. Je me suis senti si totalement seul, jusqu’à ce que je rencontre James. Tout ce que je voulais, c’était faire partie de sa famille, ne plus être sombre ou mauvais. Faire partie de la lumière. Être bon. C’est tout ce que j’ai jamais voulu. »

Harry veut ressentir quelque chose. Il veut s’identifier à lui, admettre qu’il comprend le fait d’être aussi seul, parce qu’il l’a été pendant onze ans. Mais Harry ne peut pas. Parce que Sirius veut qu’il soit bon.

J’ai tué Quirrell de mes propres mains. J’ai tué le fantôme de Jedusor et un Basilic sans y penser. J’ai tué Cédric juste en étant vivant. Je ne suis pas bon.

« Tout ce que j’ai jamais voulu, c’était d’être sauvé. » Harry retire sa main. « Mais personne n’est venu. Personne ne vient jamais. »

Il a supplié que quelqu’un vienne dans le cimetière, mais Jedusor est quand même revenu. Il a souhaité avoir de l’aide dans la Chambre et il n’a eu que Fumsek et une épée avec laquelle se battre. Il a dormi sous les escaliers et a espéré la venue d’un sauveur. Il les avait, il le sait à présent, ces deux parrains là-dehors, vivants dans le monde. Deux hommes qui ont clamé qu’ils l’aimaient comme leur fils. Mais ça n’a pas fait une foutue once de différence.

Sirius s’assied près de lui. Il n’offre pas de promesses comme le fait Remus. Il n’offre rien.

« Non, » répond finalement Sirius en jetant le mégot de cigarette du toit de la maison. « Personne ne le fait jamais. »

Il se relève et regarde Harry. Il enlève sa veste de cuir et la dépose sur les épaules d’Harry. Harry fume sa cigarette, écoute Sirius retourner à l’intérieur en le laissant dehors, au bord de la maison, à fixer les briques. Harry sait qu’il devrait appeler Hermione. Il sait qu’il devrait le dire à quelqu’un. Mais il n’en a juste plus rien à faire. Le rebord est là, et il le fixera jusqu’à l’infini s’il en a envie, bordel. Il y a petit pop et Kreattur apparait près de lui, fixant Hedwige avec dégoût.

« Le Maître devrait rentrer, » croasse Kreattur. « Il fait froid. »

« Bientôt, Kreattur. » Harry jette sa cigarette sur le côté du bâtiment, l’observe tomber, et pense à quand il est tombé du ciel, en troisième année. En entendant sa mère crier. « Dans une minute. »

« Le Maître est imprudent, » le reprend Kreattur en glissant sur les tuiles sur son derrière et en fusillant furieusement Harry du regard. « Le Maître est un ignoble Héritier insouciant et imprudent qui ne mérite aucune bonne chose dans sa vie et il doit retourner à l’intérieur. »

« Tu as raison, Kreattur. » Harry secoue la tête avec un rire sombre. « Bien trop raison, putain. »

Harry inspire l’air froid et resserre le blouson de cuir de Sirius autour de ses épaules. Ça sent comme son parrain. La fumée et la liqueur et la sueur. Harry sent sa poitrine se serrer, ses yeux le piquer, et il ravale un sanglot. Il déglutit une fois. Puis deux. Sa gorge parait obstruée, comme si une boule de pain à moitié-mâchée était coincée là.

Kreattur le dévisage un moment, puis pousse un soupir agacé.

« Si le Maître donne à Kreattur les bonbons qui piquent, Kreattur transmettra un message à l’Héritier Nott. »

Harry fronce les sourcils. « Ce n’est pas le week-end. »

Théo est très strict avec ses règles. Harry pense qu’il aime juste être pénible, mais Kreattur semble penser que Théo est celui qui pose le cadre ici. Du moins quand on parle du cadre pour Harry, et Harry s’y conforme parce qu’au-delà de tout le reste, il tient à ce que Théo soit en sécurité en ce moment.

« Kreattur ira si le Maître rentre à l’intérieur, » acquiesce Kreattur. « Et lui donne des bonbons qui piquent. »

Harry fixe la Constellation du Chien. Il s’en fiche. Totalement.

« Très bien, » finit-il par acquiescer. « Dans une minute. » 

Ils regardent tous les deux par-dessus le rebord de la gouttière.

« Est-ce que tu m’arrêteras, si je tombe ? » demande soudain Harry. Kreattur lui lance un regard prudent.

« Est-ce que le Maître ordonnerait à Kreattur de le sauver ? »  

« Nope, » répond Harry en secouant la tête. « Alors ? »

« Si le Maître ne l’ordonne pas et est assez idiot pour tomber du toit de sa maison, alors Kreattur ne sera pas celui qui le sauvera de sa mort stupide, » renifle Kreattur.

« C’est bon à savoir, » acquiesce Harry, pensif. Certaines choses sont immuables dans cette vie. Les elfes de Maison meurtriers en font partie. Hedwige s’envole, battant des ailes dans la nuit tandis que Kreattur siffle dans sa direction. Harry l’observe partir. Il se demande, parfois, si elle serait plus heureuse, plus en sécurité, s’il lui rendait sa liberté.

Harry sait des bribes qu’il a entendues des réunions de l’Ordre que des gens meurent. Meurent dans un combat contre un fou furieux qui veut le tuer, lui. Meurent pour le protéger.

Combien de gens seraient encore en vie s’ils n’avaient jamais entendu parler de moi ?

« Qu’est-ce que le Maître veut transmettre comme message à l’Héritier Nott ? »

Il pourrait le dire à Hermione. Elle l’éloignerait du bord comme elle le fait toujours, mais elle resterait dans les parages, et sa surveillance dans cette maison serait comme un projecteur braqué sur les dysfonctionnements d’Harry, et il ne veut pas de ça.

Le Garçon-Qui-A-Survécu n’est pas totalement cinglé. Ce serait mauvais pour les affaires.  

Il pourrait le dire à Théo, parce que Théo ne peut pas venir au Square Grimmauld pour le baby-sitter. Comme ça, au moins, aucun des deux ne pourrait accuser l’autre d’être resté silencieux. Harry observe le ciel, les innombrables étoiles, et pense à toutes les morts qu’il a vécues dans ses rêves rien que cette semaine. Est-ce que plonger dans le vide tête la première du toit du Square Grimmauld serait vraiment la pire ?

« Rebords, » chuchote Harry. « Dis-lui ‘Rebords’, Kreattur. »  

______________________________

Théo a perdu cette saloperie de serpent.

Elle était là, dans le terrarium, et maintenant elle ne l’est plus et Théo commence à perdre la boule parce que s’il perd Sahara, alors Harry risque bien de réduire le monde en cendres pour la retrouver.

« Sahara ? » Théo fixe le terrarium vide. « Putain mais t’es passée où ? Siffle, s’il te plait ! »

Il entend un vague sifflement, quelque chose qui, il pense, ressemble à ‘pauvre fou’, mais il n’en est pas sûr. Le fourchelangue est une langue foutrement dure. Il pense aussi que Sahara pourrait bien inventer de nouveaux mots juste pour l’induire en erreur. Théo marche jusqu’à son bureau, palpant avec précaution les quelques lettres qu’il a échangé avec Harry durant la dernière semaine et demie. Sahara semble attirée par ces dernières, comme si elle pouvait sentir la présence d’Harry dans le papier. Théo aimerait pouvoir faire ça. Il ne savait pas quand il est entré chez l’apothicaire presque deux mois auparavant que cinquante-huit jours plus tard, l’odeur d’Harry Potter lui manquerait. Il ne peut pas sentir les magies d’Héritier comme Harry peut les sentir ou même les goûter d’une façon que, honnêtement, Théo trouve très dérangeante, mais Harry sent la magie de Théo.

Il ne devrait pas me manquer autant.  

Théo connait la douleur du manque. Quand Mère est morte, il avait l’impression que ses entrailles lui étaient constamment arrachées à chaque fois qu’il pensait à elle. À présent, il a l’impression que sa peau est à vif. Il ne cesse de se tourner dans le lit la nuit, recherchant dans un demi-sommeil les boucles sombres et ces cicatrices argentées qui recouvrent des épaules élancées, et ne trouve rien. Et ça lui fait mal. Théo Nott hait Hermione Granger. Il hait chacun des Weasley. Il hait chaque personne qui se trouve dans cette hideuse maison des Black, peu importe où ils sont, parce qu’ils peuvent toucher Harry quand ils le souhaitent. Il hait particulièrement ce foutu Sirius Black car il peut dormir dans le lit d’Harry près de lui et lui offrir du réconfort dans le noir.

C’est mon travail ça, putain.

Avec un crac assourdissant, Kreattur apparait dans la pièce. Théo fronce les sourcils dans sa direction. Il ne devrait pas être là. Lui et Harry ont un marché qu’Harry a bien du mal à appliquer de ne pas utiliser Kreattur trop fréquemment pour éviter d’attirer les soupçons.

« Kreattur, qu’est-ce que je t’ai dit à propos—qu’est-ce que tu manges ? »  

Kreattur est recouvert d’une espèce de poussière brillante et semble tressaillir, sa bouche ridée retroussée en une mauvaise imitation d’un anus de chat. Théo ressent un intense effroi.

« Oh, non. » Il tend une main. « Qu’est-ce qu’il t’a donné ? »

Kreattur lui tend un paquet en polymère orange vif. Théo le prend avec précaution, et observe à l'intérieur des gros morceaux difformes et pailletés aux couleurs criardes.

« Et que sont exactement des… Tangfastics ? »

« Des pétillapétillants ! » croasse Kreattur en tirant une longue langue qu’il agite violemment. « Des bonbons qui piquent. Pétipétipétille ! »

« Il y a cinquante grammes de sucre là-dedans. » Théo fixe les pupilles anormalement élargies de Kreattur. Harry, espèce de foutu con. « D’accord, non. Non, ce n’est pas une bonne idée. »

Théo fait disparaître les sucreries et Kreattur est trop défoncé par le sucre pour l’en empêcher, il se contente d’essayer d’attraper le vide avec ses mains tout en grognant.

« Que fais-tu ici ? » demande Théo en tendant à Kreattur une petite tasse d’eau posée sur sa table de nuit. L’elfe l’avale goulument. Théo observe ses oreilles qui tremblent et espère qu’il ne rentrera pas en état de choc. « Ça a intérêt de ne pas être une lettre. Il n’est pas censé en envoyer. »

« Le Maître n’envoie pas de lettre. » Les yeux de Kreattur sont à nouveau plus concentrés. « Le Maître n’envoie qu’un seul message. »

« Je t’écoute. » Théo fusille l’elfe du regard.

« Le Maître dit ‘Rebords’. »

Théo le fixe.

Non. Non. Putain. Non.

« Il a juste dit ça ? » Théo déglutit avec difficulté. « C’est tout ? Rien d’autre ? »  

« Rien. »

« Qu’est-ce qu’il faisait ? » L’esprit de Théo tourne à cent à l’heure. Harry vit dans cette maison avec ce qui a l’air d’être un milliard d’autres gens. Est-ce que l’un d’eux ne pourrait pas remarquer, putain, qu’il est sur le point de s’auto-détruire ?

« Le Maître était assis sur le toit. »

« Quoi ?! » Théo ressent une rage qu’il n’a pas ressentie depuis des années le frapper en pleine poitrine. Le verre d’eau dans la main de Kreattur explose. Théo n’a pas fait de magie accidentelle depuis dix ans, mais il s’en fiche. « Comment est-il arrivé sur ce foutu toit et pourquoi est-ce que personne NE L’EN A EMPÊCHÉ ? »

« Le Maître n’était pas seul tout le temps. » Kreattur secoue la tête pour sortir de l’eau de ses oreilles. « Le loup était avec lui pour lui apprendre à fumer— » 

« Putain, quoi ? »

« —et ensuite le parrain l’a rejoint pour rendre le Maître triste. » Kreattur lève les yeux vers Théo. « Puis Kreattur. »

« Par les couilles de Merlin. » Théo serre le poing. « Est-ce que QUICONQUE dans cette maison sait comment prendre soin de lui ? »

Théo met un coup de poing dans l’un des quatre poteaux de son lit, la douleur amplifiant superbement sa rage.

Théo n’aurait jamais dû laisser Harry aller à Londres. Il aurait dû le faire sortir du pays quand il en avait la possibilité. Théo aurait pu les faire entrer tous les deux à Ilvermorny. Harry est l’Héritier de quatre foutues Maisons. Il aurait pu se le permettre.

Pourquoi est-ce que je n’ai pas fait ça, bordel ?

« Kreattur doit y retourner. » Les oreilles de Kreattur s’agitent en direction de la porte de Théo. « L’Héritier Nott a un invité qui arrive. »

« Vas-y, » acquiesce Théo. « Reviens dans une heure. »

Kreattur fronce les sourcils mais disparaît. Théo déteste ça. Il déteste le fait qu’il ne peut juste pas le forcer à le transporter directement aux côtés d’Harry, où Théo pourrait le pousser contre un mur et lui dire, avec des termes très concrets, que s’il saute de n’importe quel toit, Théo aura plus que deux mots à lui dire. Théo a besoin de faire quelque chose et de le faire maintenant.  

« Sahara ! » hurle Théo en abattant sa main sur son bureau. « Si tu t’es barrée sans rien dire je vais t’écorcher vivante putain et— »

« Théodore. »

Théo se retourne. Le Professeur Rogue se tient sur le seuil. Merde.

« Professeur Rogue. » Théo scanne rapidement sa chambre à la recherche de signes d’Harry qu’il lui faudrait cacher, mais heureusement il a déjà jeté un sort aux lettres de Harry pour qu’elles ressemblent à des notes de potions. L’homme l’observe, une étincelle amusée dans le regard.

« Auriez-vous perdu votre serpent, Théodore ? »  

« Oui, » acquiesce Théodore en jetant un coup d’œil à son lit. « Elle était dans le terrarium, mais… »

Le Professeur Rogue agite la baguette et fronce les sourcils. Un halo rouge brille dans le terrarium.

« Il semblerait que votre serpent y soit toujours. »

« Sahara ? » Théo observe le terrarium et le halo rouge à l’intérieur. « Mais qu’as-tu donc fait, stupide reptile ? »

« Je crois qu’elle s’est rendue invisible. » Théo voit les lèvres du Professeur Rogue s’agiter comme elles le font parfois lorsqu’il retient son amusement. Tous les Serpentards apprennent à lire les signes subtils sur le visage du Maître des Potions dès la fin de leur première semaine.

Sahara, espèce d’enfoirée sournoise. Théo fusille le halo rouge du regard.

« Est-ce que vous pouvez la rendre visible à nouveau, Professeur ? »

« Bien sûr. » Le Professeur Rogue agite à nouveau sa baguette en marmonnant, et Sahara redevient visible, ses écailles vertes scintillant. Elle agite la langue de satisfaction.

Oh ouais, je parie que t’es fière de toi, démon insolent.

« Merci, Monsieur. » Théo se penche et en ressort Sahara. Il ne compte plus la lâcher. Le Professeur Rogue la fixe avec intérêt.

« Je ne savais pas que vous aviez fait l’acquisition d’un serpent arboricole magique, Monsieur Nott.  Ils sont extrêmement rares. »

« Je ne le savais pas non plus, » répond honnêtement Théo. Il sait que Sahara n’est pas magique. Harry l’a rendue magique.

Qu’est-ce que ça signifie, qu’un adolescent de quinze ans puisse imprégner une créature vivante de pouvoirs magiques ?

Théo n’a pas le temps de penser à ça pour l’instant, parce qu’Harry est assis sur le toit d’un bâtiment quelque part, à fumer, bordel, et à penser aux rebords.

« Y a-t-il quelque chose que je puisse faire pour vous, Professeur Rogue ? » demande Théo en caressant les écailles de Sahara et en essayant de lui transmettre mentalement, comme le fait parfois Harry, qu’il est tellement en colère contre elle en ce moment qu’il pourrait bien la donner à manger à Hedwige la prochaine fois que cette dernière leur rend visite.

« Je viens de la part de votre père. »

« Apollonius ? » Théo déglutit avec difficulté. Le Procès du Magenmagot. La fausse lettre. « Que veut-il ? »

« Vous donner ça. » Le Professeur Rogue lui tend une fiole de souvenirs. « Avez-vous accès à une Pensine ici ? »  

« Oui. » Théo observe le liquide argenté qui flotte dans la fiole. « En connaissez-vous le contenu, Monsieur ? »

« Le procès de Potter. »

« Ah. »

Théo fixe la fiole. Il va enfin pouvoir voir Harry, même si ce n’est qu’en souvenirs.

« Merci, Monsieur. » Théo lève les yeux vers son professeur. « A-t-il transmis un message ? »

« Non. » Le Professeur Rogue lui lance un regard brûlant. « Il n’en enverra plus d’autres dans le futur. »

« Oh. »

Théo a l’impression qu’il devrait comprendre, comme s’il avait toutes les pièces du puzzle devant lui, mais peut-être que c’est à cause du mot Rebords qui flotte dans son esprit, il a l’impression de ne pas pouvoir se concentrer.

« Est-ce qu’il… est-ce qu’il souhaite la moindre communication de ma part ? » demande-t-il d’un ton hésitant.

« Non. » Le Professeur se penche vers lui. Ses yeux sont noirs, sans aucune lumière, comme l’obsidienne de la bague des Prince de Harry. Pour la première fois, comme une vague s’écrasant sur lui, Théo réalise que l’homme en face de lui est le père d’Harry, le Lord Prince. Théo détourne le regard, refusant de rencontrer les yeux du Professeur. Il ne permettra pas au Professeur Rogue d’extraire les secrets d’Harry de son esprit.

Ta vie et tes secrets.

« Vous avez fait un choix, Théodore, » annonce lentement le Professeur. « Votre père a fait le sien, des années avant votre naissance. Vos choix vous emmènent sur deux chemins différents à présent. Vous ne devez plus communiquer avec votre père désormais. »

Théo comprend. Son père a choisi le Seigneur des Ténèbres. Pas Théo. Théo le voit à présent, à sa façon, comment son père le protège. En le repoussant. C’est la seule chose qu’il sait faire.

« Jusqu’à quand ? » demande Théo d’un ton hésitant.

« Jusqu’à ce que tout soit fini, » répond sèchement le Professeur Rogue. Jusqu’à ce que l’un de nous ou que le Seigneur des Ténèbres soit mort. Ou les deux. « C’est le prix de votre choix, Théodore. Je vous suggère de le considérer avec un esprit aussi critique que possible. Tant que vous avez encore le temps de le faire. »

Théo ressent une soudaine montée de rage. L’homme en face de lui est en train de lui dire de ne pas choisir Harry. De ne pas choisir son propre fils. Théo pense au sourire lent d’Harry quand Théo a une bonne idée, à sa manière de tirer la main de Théo quand il l’entraîne dans Privet Drive. À sa silhouette trébuchante, alors qu’il saigne de sa foutue cicatrice maudite, pour lancer un Patronus et sauver la vie de Théo.  

Vous ne le méritez pas. Même dans un million d’années et si vous étiez Merlin réincarné, vous ne le mériteriez pas.

« Merci, Monsieur, » acquiesce Théo. « J’y réfléchirai. À présent, si cela ne vous dérange pas, j’aimerais aller visionner le souvenir d’Apollonius. »

« Bien évidemment. » Le Professeur Rogue se redresse, apparemment peu satisfait. Bien. Vous ne m’éloignerez pas de votre fils aussi facilement. « Je vous verrai à Poudlard, Monsieur Nott. »

« Oui, Monsieur. »

Théo le regarde partir et sort la petite Pensive de sous son lit.  C’était un cadeau de son père pour son dixième anniversaire. Théo l’utilise pour revoir des souvenirs de Mère mais rarement. Sa Tante la méprise. Théo verse les filaments de mémoire sur la surface nacrée, rangeant sa rage profondément en lui, et fusille le serpent sur son bras du regard.

« On va entrer dans un souvenir, » avertit-il. « Ne te rend pas invisible. Si tu le fais, je ne pourrais plus te trouver et je t’y laisserai. Compris ? »

Sahara siffle une menace de mort. Malgré ce qu’Harry peut bien dire, Théo pense que Sahara ne répond par l’affirmative qu’avec des menaces de mort.

« Alors on y va. »

Dans le souvenir, Théo ne peut penser que trois choses. D’une, Harry a l’air plus qu’énervé. Deux, Harry est vraiment sexy dans ces robes. Trois, Théo est incroyablement fier de lui.

Théo adore cette possibilité qu’il a de pouvoir s’approcher d’Harry pour voir les micro-expressions sur son visage et en apprendre plus sur ce qu’il ressent qu’en vingt lettres. Harry désire l’approbation de Dumbledore mais se hait pour ça. Harry maintient ce foutu Patronus hallucinant par la simple force de sa volonté et sa magie et se sent plus en sécurité en sa présence. Harry hait Lucius Malefoy et aimerait le voir mort. Quand Dumbledore dit qu’Harry a déjà un gardien, Théo voit le bref désir sur son visage. Puis, Apollonius. Théo entend l’avertissement de son père, pense même que peut-être, son père a dit ces mots à Harry sur sa ‘puissance’ pour envoyer un message à Théo.

Es-tu sûr que c’est le pouvoir que tu souhaites suivre ?

Mais Théo voit toutes les petites références à une précédente conversation qu’Harry a avec Apollonius. Cette façon qu’a Harry de refuser de s’incliner. Qu’il se qualifie lui-même de chance inespérée. Théo ne connait pas l’histoire complète, et ça le démange d’atteindre le jour où Harry lui parlera de tout ce qu’il s’est passé la nuit de la mort de Diggory, mais ça n’a pas d’importance. Harry ne laissera jamais oublier à Apollonius qu’il l’a vu dans le cimetière. Pour une fois, quelqu’un tient Apollonius pour responsable de ses choix.  

Oui, Apollonius. Je suis sûr.

Et pourtant, cet être éblouissant et incroyable fait de pur chaos et de magie, que Théo est terriblement reconnaissance de connaître, ce garçon est en train de penser aux rebords.

Non. Je ne le permettrai pas. Harry Potter ne mourra pas si j’ai mon mot à dire.

Théo pense aux mots de Dumbledore. Harry a déjà un gardien. C’est ce dont a besoin Harry. Quelqu’un qui ne soit pas un elfe de maison meurtrier, un parrain fou ou bourré de remords ou une née-moldue hyper-intelligente qui rôde autour de lui. Quelqu’un qui le gardera en vie jusqu’à ce que Théo puisse reprendre la tâche.

« Il a besoin d’un gardien, » marmonne Théo.

Sahara siffle. Enroulée autour de son bras, elle se rend lentement invisible avant de redevenir verte. Elle agite la langue d’une façon qui ne peut être comprise que comme de la suffisance. Théo sourit. Il sait exactement ce qu’il va renvoyer avec Kreattur.

Un serpent magique invisible, meurtrier et surprotecteur devrait largement faire l’affaire.

Notes:

Encore une fois... n'oubliez pas que vous n'êtes pas seuls. Et vous comptez.
L'humble traductrice vous aime de tout son coeur pour lire chaque semaine cette histoire. Courage.

(Et du coup, à tout de suite pour le chapitre suivant ! Et encore désolée T_T)

Chapter 27: Hyde Park

Notes:

Note de l'autrice : Beaucoup de gens ont laissé des commentaires à propos de Sirius, qu'il semblait OoC ou méchant ou ce genre de trucs. Je comprends tout à fait votre avis, mais pour moi, il est très important d'écrire les traumatismes de façon réaliste. Harry et Sirius sont juste deux bouteilles de traumatismes en ébullition, qui se baladent en déversant leur contenu autour d'eux, et ils en exhibent deux réactions très différentes. Harry se fige, recule, se coupe de ses ressentis. Sirius enrage, mords et grogne, attaque. Mais le SSPT n'est dieu merci pas un diagnostique statique. (Je parle d'expérience). La façon qu'a Sirius d'être maintenant n'est pas nécessairement celle qu'il sera toujours.

Mais les traumatismes ne sont pas jolis. Parfois, ils ruinent nos relations. Parfois, ça nous ruine nous-même. Mais ce sont les chose qui arrive A Sirius. Oui, c'est un gros con. Rien ne changera ça. Mais ce qui fait du mal, fait du mal. J'espère que dans cette histoire, je pourrai montrer un peu de cette vérité d'à quel point c'est atrocement douloureux quand soi-même ou l'une des personnes que l'on aime semble être déchirée par ses propres traumatismes.

Note de la traductrice : ... rien à rajouter. À part que... attachez vos ceintures, vous êtes partis pour une sacrée lecture =')
(Et encore désolée, encore une fois, pour l'oubli de la semaine dernière ! T_T)

(See the end of the chapter for more notes.)

Chapter Text

Théo,

Merci pour le cadeau. Sahara dit que voyager avec la magie de Kreattur a ‘mauvais goût’, comparé à la tienne et la sienne. Penses-en ce que tu veux.

Harry.

 

Harry

De rien. Essaie de te rappeler de prendre des notes de fourchelangue correctes. Si je dois maîtriser cette langue un jour, il te faut être vigilant. Comment sont les Rebords ?

T.N. 

———

 

Théo,

Toujours là. Mais moins dérangeants. Je ne sais pas ce que ça veut dire, mais voilà. Sahara dit que ta compréhension de notre noble langue est au mieux rudimentaire et au pire, insultante. Désolé.

Harry

 

Harry

Dis à notre serpent qu’elle n’est qu’un serpent arboricole commun avec des idées bien au-delà de sa condition. Comment va ton parrain ? Est-ce que quiconque a remarqué votre nouvel hôte ?

T.N.

———

 

Théo

J’ai dû expliquer sa présence à Ron parce que le fait que je siffle dans mon lit commençait à le faire flipper. Je lui ai dit qu’elle s’était juste pointée et m’avait parlé dans le jardin ici, et qu’elle s’était attachée. Il a dit qu’il fallait bien que ça arrive un jour. Hermione s’est ‘fascinée’ pour sa magie donc Sahara a une folle envie de la tuer. J’ai dû lancer des protections sur la porte de la chambre pour que Sirius ne puisse plus entrer de nuit. En tant que chien, il y avait trop de chances qu’il puisse la renifler. Je pense que ça le met en colère. D’ailleurs, Hermione dit que ‘tous les livres sorciers au sujet des objets de communication moldus sont, au mieux, ridicules’, mais si tu es vraiment intéressé à apprendre, alors tu devrais essayer ‘La communication électronique pour les nuls’.

Harry

 

Harrison Potter-Black-Serpentard-Prince, est-ce que tu as dit à Granger qui j’étais ?

 

Héritier Nott,

Bien sûr que non je ne lui ai rien dit. Ta vie et tes secrets.

Elle aime juste suggérer aux gens quoi lire. Même de ‘nouveaux amis moldus’ innomés dont elle ne croit pas vraiment qu’il s’agisse de moldus.

H.P.B.S.P.

(Wouah. C’est foutrement dur à dire).  

 

———

 

Harry,

Dis à Granger que ‘La communication électronique pour les nuls’ était terriblement intéressante.

Il se trouve que je me fiche pas mal que ton parrain trouve ton besoin d’intimité dérangeant.

T.N.

 

Théo

Pourquoi ça ne me surprend pas ?

Kreattur veut que je ‘t’ordonne’ (ses mots, pas les miens) de lui rendre ses Douceurs Pétillantes.

  1.  

 

Harry,

Les elfes de Maison devraient consommer un maximum de 5 grammes de sucre pur par jour.

Tu es en train de tuer ton elfe.

T.N.

 

T,

Qu’est-ce qui te fait penser que ce n’était pas mon plan depuis le début ?

  1.  

———

 

Théo,

Je dois renvoyer le Grimoire à Gringotts avant Poudlard. Je ne veux pas utiliser Kreattur parce qu’il s’est ‘proposé’ et je pense que ça ne peut vouloir dire que de Très Mauvaises Choses. Madame Weasley a déjà fait tous nos achats dans l’Allée de Traverse. Tu pourrais le faire pour moi ? Retrouve-moi à Hyde Park demain près du kiosque à musique.

  1.  

 

Harry,

Non.

T.N.

 

Théo,

Oh, allez ! Je suis intraçable et j’ai une cape d’invisibilité vieille de plusieurs siècles.

H

 

Harry,

Tant mieux pour toi. Je n’ai ni l’un ni l’autre.

T.N.

 

T,

Ravi que tu aies demandé.

H 

 

Potter,

Tu ne VIENS PAS de m’envoyer ta cape d’invisibilité vieille de PLUSIEURS CENTAINES d’années via ton mécréant d’elfe de maison. Absolument pas. Je me fiche que Kreattur me parle du ‘familier du Maître capable de le rendre aussi invisible que ses écailles’. Je ne te rejoindrai PAS à Hyde Park demain. Tu es pris en chasse par ce que tu qualifies pittoresquement de ‘supervillain’. Ne va pas, je répète, ne VA PAS à Hyde Park.

Ou je bourrerai ton elfe de caféine et de sucre avant de te le lâcher dessus.

Il y a des milliers d’années, les ancêtres primitifs de Kreattur étaient capables de trancher un mollet en deux d’un seul coup de dents. Pense à ce qu’il serait capable de faire en pleine overdose de tang-putain-de-fastics.

Théo.

 

Théo,

Tu me manques.

Vraiment.

Harry

 

Harry,

Dix heures du matin. Ne sois pas en retard.

T.N.

___________

 

« Kreattur ne transmettra pas un autre message. Non, Kreattur ne le fera pas, » croasse Kreattur, assis sur la citerne des toilettes près de Harry, à manger des skittles(1) rouges.

« Pas besoin. » Harry est torse-nu, à observer ses runes par-dessus son épaule dans le miroir de la salle de bain. Le livre de runes est ouvert dans le lavabo. Harry est sur le point de les relancer pour s’assurer qu’elles tiennent le temps de sa sortie hors du Square Grimmauld. « On se rend à Hyde Park. »

« Ah. Donc le Maître est vraiment suicidaire, » caquète Kreattur en laissant tomber les skittles bleus dans les toilettes. Harry fronce les sourcils.

« Qu’est-ce qui ne va pas avec les bleus ? »

« Sang de gnome. » Kreattur tapote ses lèvres teintées de rouge.

« Tu sais qu’ils ont tous le même goût, hein ? » Harry relève les yeux. « C’est juste du colorant alimentaire. »

« Le Maître ment, » marmonne Kreattur. « Tout comme il a menti à propos des caleçons en peau de serpent du Seigneur des Ténèbres. »

Sahara s’enroule autour du poignet d’Harry, agitant la langue en direction de l’elfe, qui la fusille du regard mais cesse de grommeler.

« Très bien, en avant. » Harry inspire profondément, presse sa baguette contre le haut de sa rune Ansus et marmonne en Nordique.  

« fróðleikr húð hylja leynask í brott fela … »

« Harry ? » Il pivote sur lui-même tandis que le sort se complète, grimaçant en voyant la lumière s’enrouler autour des cicatrices et du crin de licorne. Hermione et Ron se tiennent sur le seuil, bouche ouverte.

« Fermez la porte ! » lance sèchement Harry. Ils s’exécutent en s’entassant dans la salle de bain près de lui.

« Est-ce que c’est une rune ? »

« Est-ce que c’est du crin de licorne ? »

« D’accord, d’accord, je sais que ça n’a pas une bonne tête— » essaye de dire Harry, mais Hermione l’attrape par les épaules, fixant les cicatrices d’un regard fiévreux.

« Pas bonne tête ? On s’en fiche de quelle tête ça a, comment est-ce que ça a pu arriver ? »

Harry déglutit. Il plonge les yeux dans leurs deux regards à travers le miroir, une paire d’yeux brun chocolat, l’autre du marron-rouille d’un chêne. Il peut leur faire confiance sur ça.

« Les Dursley », dit-il.

« Ces enculés, » grogne Ron. « Ces espèces de fils de putes borgnes ! »

« C’est à cause de ça que tu as failli mourir, » chuchote Hermione. « Le litre de sang. »

« Ouais. » Harry grimace quand il regarde ses cicatrices de Franken-licorne, comme il s’est surpris à les surnommer. Elles sont toujours aussi hideuses.

Donc je ne suis pas juste cinglé, mais aussi horrible à regarder. Le Garçon Miraculeux, mon cul.  

Il remet son t-shirt.

« Qu’est-ce que tu fais, mec ? » Ron s’assied sur le rebord de la baignoire, fixant Harry d’un regard avisé.

« Je n’ai pas envie d’en parler. »

« Pourquoi est-ce que c’est une rune, Harry ? » Hermione l’observe de cette façon qui suggère qu’elle va de toute façon compléter le puzzle par elle-même très vite. « Tu ne suis pas les Runes, pourquoi est-ce que tu en ferais un Ansus inversé, et tu jetais un sort en Nordique et— » Hermione hoquète, fusille Harry d’un regard accusateur. Nous y voilà. « Tu t’es rendu intraçable ! Harry, comment as-tu pu ? »

« Pourquoi ? » intervient Ron, la bouche grande ouverte. Kreattur lance un skittle bleu dans sa bouche. Ron recule sous le coup, s’étrangle, avale de l’air une seconde puis déglutit. Il sourit et fait un pouce en l’air à Kreattur. Ce dernier grogne, agacé.

« Parce que je sors, » lâche Harry.

Harry a dépassé le stade où il en avait quelque chose à faire. Il doit retrouver Théo dans trente minutes. Il doit s’assurer que le Grimoire retourne à Gringotts en toute sécurité. Hermione et Ron peuvent être d’accord avec lui ou aller se faire voir. Dans le miroir, il voit Ron et Hermione échanger un regard. Hermione touche doucement l’épaule d’Harry, ses yeux fixés sur Sahara sur son poignet. Ils savent déjà à quel point Sahara est protectrice envers lui.

« Mec. » Ron soutient le regard d’Harry dans le miroir. « Pourquoi ? »

« Je dois faire des trucs, » répond Harry en haussant les épaules.

« Quel genre de trucs ? » Ron penche la tête pour attraper un autre skittle que Kreattur lui lance dessus, mâchant avec un sourire surpris. « Celui-là a un autre goût ! »

« Kreattur l’avait bien dit au Maître, » grommelle Kreattur. « Le Maître n’est qu’un gros menteur. »

« Arrête ça, Ron ! » Hermione tend la main pour mettre une claque sur le bras de Ron. « Quel genre de trucs, Harry ? »

« Juste des trucs. »

« Tu ne nous fais pas confiance ? » demande Hermione.

« Je vous fais confiance avec mes secrets, mais là, il ne s’agit pas que des miens. » Harry referme son livre de runes, jette un coup d’œil au paquet qui contient le Grimoire, réduit à la taille d’un simple carnet. Puis à la lettre qu’il a écrite pour Gripsec. « Donc là n’est pas vraiment la question. Est-ce que vous me faites confiance ? »

« Bien sûr, » répond Ron dans un haussement d’épaules avant de frapper dans ses mains en direction de Kreattur. L’elfe fronce les sourcils et lance une pleine poignée de bonbons multicolores sur Ron, qui esquive. « Hé ! »

« Ton ami. » Les yeux sombres d’Hermione s’éclaircissent de compréhension. « Tu vas rendre visite à ton ami non-moldu ? »

« Attends, si ce n’est pas un moldu, alors pourquoi est-ce qu’on ne dit pas que c’est un sorcier ? » grogne Ron en ramassant les skittles dans la baignoire.

« Parce qu’il pourrait s’agir d’un cracmol, » répond sèchement Hermione, ses yeux revenant très vite à Harry. « Est-ce que tu es sûr que tu dois faire ça, Harry ? Ça a l’air… imprudent. »

Imprudent. Le mot que j’aime le moins.

« Ouaip. C’est moi. » Harry enfile son blouson, (le blouson de Théo) en marmonnant pour lui-même. « Foutu Harry Potter. Idiot imprudent. Celui qui a mis le grappin sur la coupe des Trois Sorciers. Tueur du prodige de Poufsouffle. »  

« Harry. » Hermione glisse ses bras autour de sa taille par derrière. Elle presse son visage contre son dos. Harry peut sentir sa magie, celle des mûres écrasées et du soleil. « Ce n’était pas ta faute. »

Harry ferme les yeux, inspire profondément. Avoir Sahara près de lui rend les cauchemars plus supportables, mais il voit quand même Cédric toutes les nuits. Une lumière verte. Tue l’autre.

« Ouais, » soupire Harry.

Ce n’est pas comme s’il disait qu’il sait que c’est vrai, mais c’est déjà quelque chose.

« C’est ce que tu as besoin de faire ? » demande doucement Ron derrière eux.

Même les yeux fermés, Harry entend la véritable question derrière les mots de Ron. Est-ce que c’est ce que tu as besoin de faire pour aller mieux ? Harry sait que Ron a remarqué l’Indifférence. Ils n’ont pas de mots pour ça, mais Ron sait. Tout comme il savait quand Harry faisait des cauchemars dans le dortoir, l’an dernier. Il fait des blagues, il apporte des tasses de café à Harry le matin, il le laisse faire des siestes dans le salon et force les jumeaux à le laisser tranquille. Ron sait.

« Ouais, » soupire Harry. « En effet. »

« Est-ce que tu seras en sécurité ? » murmure Hermione contre sa colonne vertébrale.

« Plus en sécurité que je ne l’ai jamais été chez les Dursley, » renifle Harry. Il ouvre les yeux, croise le regard de Ron dans le miroir. Ses yeux bruns sont déterminés, sa mâchoire serrée.

« Il te faudra être rapide, » dit-il platement. « On peut te couvrir pour… une demi-heure ? »

Hermione acquiesce. « Est-ce que ça sera assez ? »

« Oui. » Harry attrape le paquet, l’enfonce dans sa poche.

« Tu as ta cape d’invisibilité ? » Hermione est inquiète. Elle tapote les bras d’Harry, repousse ses cheveux de ses yeux comme si elle avait besoin de s’assurer qu’il est encore en vie.

« Ouaip. »

Dans le sens que je l’ai donnée à mon ami Serpentard dont tu ne sais rien.

« Je reviens très vite. » Harry lance un regard à Kreattur. « Est-ce que je dois faire quoi que ce soit pour nous faire passer, Kreattur ? Avec les protections ? »  

Kreattur s’arrête de jeter des skittles à Ron et ses oreilles se relèvent. Il écoute les protections des Black, Harry peut le voir. Kreattur secoue la tête.

« Le Maître doit juste souhaiter passer et la magie des Black fera le reste. » Kreattur lèche ses lèvres rouges.

« Trop cool, » commente Ron en souriant. Il a des morceaux de skittles verts entre les dents.

« Est-ce que tu sais comment faire ça, Harry ? » demande Hermione, prudente.

« Nope. » Harry hausse les épaules et agite le doigt qui porte l’anneau des Black. « Mais je trouverai. »

Il écoute le murmure de la magie des Black, le bourdonnement ancien d’un million de voix basses et trouve le chuchotement qui en marque le bord. La magie de quelqu’un d’autre, par-dessus. Elle ressemble à la chanson d’un phénix. Dumbledore, peut-être ? Harry cherche la glace de la bague des Black et pense Passage.  

« On est prêt, » croasse Kreattur en attrapant le bras d’Harry. Puis ils se tordent dans l’espace, Sahara lui sifflant qu’elle étend son invisibilité à lui puis l’herbe verte de Hyde Park apparait devant lui. Bientôt, il sera avec Théo. Harry sourit.  

_______________

Théo est intelligent. Il excelle dans chacune de ses classes, surtout en Potions et en Sortilège, et a pris tous les cours qui lui étaient proposés, à l’exception de la Divination et des Etudes de Moldus, et même ceux-là, il lit ce qu’il peut dessus durant son temps libre. Il est également un excellent duelliste, parle quatre langues et est la seule personne actuellement en vie à écrire un dictionnaire de Fourchelangue. Il est plus qu’intelligent. Et pourtant il est assis là, enroulé dans une cape d’invisibilité archaïque, sur un banc dans un parc moldu, à attendre Harry Potter.

Putain d’intelligent. Bien joué, Nott.

Théo s’agite un peu sous la cape. C’est un travail d’une beauté époustouflante, le genre d’artefact qu’Apollonius rêverait d’avoir dans sa collection, mais bien sûr, Harry est complètement, adorablement inconscient de sa singularité. Tout comme il n’est pas conscient de sa propre originalité. Ses poignets lui font mal aujourd’hui. Jezebel a dû être particulièrement agacée hier soir quand elle remarqué qu’il recevait plus de courrier par hibou que d’habitude. Trop saoule pour lancer un verre ou tordre un membre, elle en est revenue à sa méthode favorite – les brûlures de cigarette. Il ne l’a pas dit à Harry, parce qu’Harry insisterait alors pour que Sahara retourne avec lui, et Théo ne le permettra pas. Pas alors qu’Harry pense toujours aux rebords.

« Théo. »

Soudainement, il sent quelqu’un s’asseoir sur le banc à côté de lui. Il ne peut pas voir Harry, il est caché par l’invisibilité de Sahara, mais Théo peut le sentir. La pression de son genou, le sursaut d’un coude et l’os d’une épaule – c’est Harry, tout en angles et en énergie magique qui vibre.

« Harry. » Théo déglutit. « Comment sais-tu que c’est moi ? »

« Ton odeur. »

Théo renifle.

« C’est flippant. Et pas vraiment une méthode très précise pour déterminer l’identité d’une personne. »

« Flippant ? Peut-être. Peu précis ? Nope. Ta magie. Je pourrais la reconnaître entre mille. »

Ah, oui. Cette capacité complètement dingue d’Harry à sentir l’odeur de la magie. Théo trouve ça à la fois étrange et bizarrement magnifique qu’Harry puisse sentir sa magie. Il essaye de se détendre, de penser à combien c’est bon d’être assis ici, en la présence d’Harry. Peut-être que ça permettra à sa magie d’avoir une odeur plus douce aux narines d’Harry.

Pas que j’en aie quelque chose à faire.

« Je n’ai pas beaucoup de temps, » chuchote Harry. Théo sent quelque chose d’invisible bouger entre eux et puis, sous la cape, il voit Sahara apparaître. Elle a un paquet réduit entre les mâchoires, avec une petite lettre qui y est attachée. Elle agite sa langue sur le poignet de Théo puis redevient invisible, glissant hors de la cape pour retourner, certainement, vers Harry. Théo entend un sifflement. Puis Harry inspire brusquement.

« Elle dit que tu es blessé. »

Foutu serpent.

« Ce n’est rien, » murmure Théo. Il y a un silence. Puis Théo sent une main douce et invisible toucher sa jambe, remonter à l’aveugle de son genou à sa cuisse, trouver ses doigts et caresser son poignet. Il inspire brusquement. Ce n’est pas sexy. Je ne penserai pas que c’est sexy.  

« Elle t’a brûlé. » La voix d’Harry est serrée et froide. Théo sent de petites étincelles de la magie d’Harry contre sa peau tandis que des doigts touchent doucement la chair abîmée. Harry est en colère.

« Tout va bien, Harry, » chuchote Théo en attrapant la main d’Harry dans la sienne. Les callosités. Ses bagues d’Héritier froides et chaudes. Théo caresse du pouce la main d’Harry, attentif au moindre indice de changement physique.

Est-ce que sa main est plus fine ? Est-ce qu’il mange, au moins ?  

« Tu devrais reprendre Sahara. » Les doigts d’Harry tracent une danse similaire à la sienne sur la main de Théo, trouvant la pierre de sa bague des Nott pour la caresser.

« Non. »

« Tu le feras. »

La voix d’Harry est pleine de pouvoir. Théo se rappelle le Patronus, la façon qu’a eu Harry de se tenir devant Apollonius, avec ses yeux d’un vert brillant. Il inspire en tremblant. C’est dans ce genre de moment, où il lui donne des ordres, qu’il peut le plus sentir la magie d’Harry, comme un fourmillement sur sa peau. Il imagine que pour bien des gens ça pourrait être désagréable, mais pas pour Théo. Ce n’est clairement pas inconfortable. Mais c’est très distrayant.

« Non, Harry. » Théo pince le dos de la main d’Harry. La pression de la magie d’Harry s’estompe un peu. Théo respire un peu plus librement. « Tu gardes Sahara. Tu as besoin d’elle. »

« Très bien, » soupire Harry. Ses doigts jouent avec la bague d’Héritier de Théo. « J’enverrai Kreattur. »

« Ma Tante n’appréciera pas de voir sa maison envahie par un être malveillant. »

« Elle t’a déjà toi. » Harry retourne la main de Théo. « Pourquoi pas un de plus ? Kreattur a fait le serment de te protéger. Il pourra intervenir. »

« Comme il l’a fait avec ton Oncle ? » Théo attrape le poignet d’Harry, relève sa manche invisible. Théo caresse la ligne de son poignet osseux. « Ce qui prouve que ton jugement n’est pas toujours le meilleur. »

« Il te protègera. » Harry glisse ses doigts entre les siens, les serre. « Et Sahara me protègera. »

Et ensuite, quand on retournera à Poudlard, nous nous protègerons l’un l’autre.

« D’accord. »

Théo laisse leurs mains jointes invisibles rester entre leurs jambes invisibles. Ils peuvent rester là pour un moment, deux gens invisibles, qui écoutent la merveille qu’est le souffle de l’autre. Théo sait qu’Harry réfléchit très fort. S’il pouvait voir son visage, il verrait le cliquetis de l’esprit d’Harry dans la distance que prennent ses yeux verts. Théo a un besoin irrépressible de le forcer à redevenir visible juste pour le voir.

« Dis-moi, » chuchote Théo. Il est incroyablement fier de lui-même d’être capable de dire ces mots à Harry et d’en recevoir, en échange, quelques morceaux de vérité. Depuis le premier jour chez l’Apothicaire, Harry a toujours répondu. Et bien souvent, miraculeusement, par la vérité.

« Sirius m’a parlé. »

« Avec des mots ? » Théo est cinglant. Il n’a absolument aucun respect pour un homme qui ne peut aimer son filleul que sous le déguisement d’un Sinistros. « Compréhensibles en anglais ? »

« Oui. » La main d’Harry refroidit. Théo se dit que c’est peut-être dû à la magie des Black. « Sur le toit. »

« Ah. » Ce foutu toit. Lui et Harry n’ont pas encore eu l’opportunité d’avoir une vraie conversation à propos de cette saloperie de foutu toit. « Qu’avait-il à dire pour sa défense ? »

« Il aime les Potter. » La voix d’Harry n’est pas plus haute qu’un murmure. « Ils lui ont donné quelque chose à quoi se raccrocher. Quelque chose pour l’aider à se comprendre lui-même. Il hait les Black. Il veut être… bon. »

« Alors peut-être qu’il devrait éviter de chasser les rats comme un fou furieux, ou de finir à Azkaban, » renifle Théo.

« Il veut que je sois bon. » Théo entend Harry déglutir. « Mais ce n’est pas le cas. »

« Comment pourrais-tu l’être ? » Théo est perdu. Harry est bien des choses admirables, mais ‘bon’ n’est pas un des mots que Théo utiliserait pour le décrire. « Ils ont fait de toi un héros. »

« Les héros sont bons, Théo. »

« Non, les bons héros sont des guerriers. » Théo fait courir sa main jusqu’au coude d’Harry. Il trouve la cicatrice qui date de quand Dudley Dursley avait refermé une portière de voiture dessus quand il n’était qu’un enfant. « Un bon guerrier se bat et protège les autres, bien souvent en soumettant ses ennemis par la violence. De fait, ils ne peuvent pas être vierges de pêchés. Ou ‘bons’, comme tu l’envisage. »

« Merde, Théo, » grogne Harry. « Je ne veux pas être un foutu héros. »  

Théo sent Harry se pencher en avant, presser leurs mains jointes contre son front. Il se tourne vers lui pour rendre l’action plus confortable. C’est un peu étrange, de sentir le visage d’Harry sans rien voir, mais c’est mieux que de ne pas le sentir du tout.

« Alors ne le sois pas, » répond Théo en haussant les épaules. Il bouge son pouce, l’utilise pour caresser la cicatrice d’Harry. Cette dernière lui parait à vif, mais pas humide, heureusement. Est-ce qu’elle continue à saigner quand il rêve du Seigneur des Ténèbres ? « J’ai juste dit qu’ils avaient fait de toi un héros, pas que tu devais en être un. »

« Putain, » soupire Harry. Théo sent son souffle chaud sur son poignet. Il y a quelque chose qu’il a envie de dire, mais il ne trouve pas les mots pour.

Tu peux être tout ce que tu veux, Harry. Tout ce que tu veux, tant que c’est avec moi.

« Harry ? »

« Ouais ? » 

« Quoi qu’il se passe. » Théo déglutit difficilement. « Ma vie et mes secrets. »

« Je sais, » sourit Harry. Théo le sent contre son poignet, le murmure de ses lèvres. Théo sait qu’il ne devrait pas, mais il ne peut pas s’en empêcher. Il y a encore huit longs jours solitaires jusqu’à ce qu’ils soient à bord du Poudlard Express. Il dégage sa main de celle d’Harry et la glisse dans les cheveux de ce dernier. Ils sont heureusement, merveilleusement, les mêmes. Doux et légèrement bouclés. Harry laisse échapper un petit bruit de cliquetis. Théo sait que ça signifie de la joie.

« Est-ce que tu dors correctement ? » demande Théo. Il peut sentir la façon qu’a Harry de soupirer, du plus profond de sa poitrine. Se faire caresser les cheveux l’a toujours détendu. Théo sait, rationnellement, que c’est parce qu’Harry n’a probablement jamais eu quelqu’un dans sa vie qui le touche aussi librement que le fait Théo, mais ça n’empêche pas Théo de les ressentir, ces mots chuchotés au plus profond de son être, qui semblent si vrais :

Je brûlerai le monde pour toi.  

« Non. » La voix d’Harry est celle de quelqu’un d’épuisé. Il recale son dos contre le banc, laissant la main de Théo continuer à caresser ses cheveux. « C’était mieux… avant. »

« Je sais. »

Théo ne dort pas bien non plus. Il sent Harry s’affaisser contre lui. Puis, une tête ferme, des cheveux qui ont l’odeur de fumée (ces foutues cigarettes !) et une joue chaude qui soupire contre l’épaule de Théo. Harry doit être vraiment être fatigué, pour s’effondrer contre l’épaule de Théo alors qu’il est invisible sur un banc public. S’ils avaient eu plus de temps, Théo n’aurait eu aucun problème à rester là toute l’après-midi pour laisser Harry dormir, mais ce n’est pas le cas.

« Harry. » Théo lui donne un petit coup de coude. « Tu dois rentrer. »

« Pas envie, » grommelle Harry. Théo sourit avec indulgence. Il presse son visage contre le haut des boucles d’Harry. Le fait d’être invisible rend tout ça plus facile, aussi facile que quand ils étaient au Cottage de Fabiola, quand il pouvait se retourner durant la nuit et caresser les boucles d’Harry, à moitié endormi, réconforté par la sensation de leur douceur entre son index et son majeur. Même avec ses cheveux un peu plus disciplinés à cause du Glamour des Potter, Théo continue de penser aux boucles plus serrées et rebondies qu’Harry a au naturel. De tous les secrets qu’ils gardent entre eux, c’est peut-être le plus petit, mais pour une raison qu’il ne comprend pas, savoir qu’il est le seul à connaître la véritable apparence des cheveux d’Harry compte énormément pour lui.

« Je sais, mais il le faut. » Théo s’éloigne à contrecœur. « Et je dois aller à Gringotts. »

« Ouais. » Harry serre la main de Théo une dernière fois. « On y va, Kreattur. »

Dans un craquement aussi rapide qu’un clin d’œil, Harry n’est plus là. Harry n’est pas du genre à s’attarder en des adieux déchirants. Théo soupire. Il doit encore se rendre à Gringotts. Jetant un coup d’œil à l’intérieur de la cape d’invisibilité, il remarque qu’Harry n’a pas scellé l’enveloppe. Il veut que Théo lise la lettre.

 

Cher Gripsec,

Salut ! J’espère que votre famille et vos affaires vont bien. Je vous souhaite que vos comptes débordent d’or et de bijoux et d’artefacts de manufacture gobeline de grande valeur que vous puissiez investir, exploiter et garder.

Théo sourit. Harry a au moins compris l’essence des salutations gobelines, même s’il est complètement à côté de la plaque dans sa manière de les formuler.

En tant que gestionnaire de mes comptes, je vous confie le Grimoire des Potter. J’ai peur qu’il ne soit plus tout à fait en sécurité dans le coffre des Potter. Comme vous l’avez compris lors de nos précédentes discussions, il pourrait venir un temps où mon héritage sera remis en question. Et plusieurs personnes extérieures ont déjà tenté de me prendre le Grimoire. Je ne vous dirai pas qui, mais si vous êtes aussi malin que je le pense, vous saurez. Je ne sais pas exactement comment ça marche, mais je sais que vous, les gobelins, vous ne faites rien gratuitement, donc en échange de votre protection du Grimoire Potter, je vous offre tous les droits sur le Basilic (dont vous dites qu’il est à moi par le droit de conquête ou un truc du genre). Vous pouvez aussi dire au Roi Ragnok que ce serait un honneur de voir la tête du serpent dans son hall. Ça serait trop cool. Mais il lui manque une dent, par contre. Elle avait fini dans mon bras. Dites-lui que je suis désolé pour ça.

Puissent vos ennemis être vaincus. Surtout si ce sont des Basilics.

(Est-ce que je l’ai fait correctement cette fois-ci ?)

Sincèrement vôtre,

Harrison James Charlus Potter

Héritier de la Maison des Potter

 

Théo secoue sa tête et referme la lettre, amusé. Comme d’habitude, Harry n’a aucune idée de ce qu’il a fait mais c’est quelque chose qui n’a pas été fait depuis des centaines d’années, et qui va avoir de délicieuses conséquences.

Ce bâtard de Sirius Black va absolument haïr ça.

Théo rit doucement, se lève et se prépare à utiliser ce moyen de transport moldu sur lequel il s’est renseigné, qui s’appelle le métro. Il espère que ce sera aussi amusant que de conduire une voiture.

_____________

 

Harry atterrit en trébuchant au Square Grimmauld, dans la salle de bain qu’il partage avec Ron, et finit dans la baignoire.

« Merde ! » Harry se frotte l’arrière de la tête et grimace. Il fusille Kreattur du regard.

« Tu avais vraiment besoin de me faire atterrir dans la foutue baignoire ? »

« Oui. » Kreattur gratte derrière les toilettes, à la recherche de douceurs cachées.

« Ça ne me prendrait pas beaucoup de temps de le consommer, » siffle Sahara, qui glisse du poignet d’Harry vers son cou pour vérifier l’état de sa tête. « Quand tu ne le trouveras plus utile. »

« Je garderai ça à l’esprit. »

Il y a un bruit sourd dans la chambre, puis le son de voix qui crient. Kreattur et Harry se fixent du regard, immobiles.

« Sirius, tu ne peux pas faire ça ! »

« Ôte-toi de mon chemin, Ron ! »

« C’est notre chambre, ce ne sont pas tes affaires— » 

« C’est ma foutu maison— »

Merde.

« File, » chuchote Harry à Kreattur, sortant à toute vitesse de la baignoire tandis que Sahara redevient rapidement invisible. « Cache-toi chez Théo. Il est sur le pied de guerre. »

Kreattur acquiesce en vitesse puis disparaît. Harry ouvre sans bruit la porte de la salle de bain. Ron se tient près de son lit tandis que Sirius jette à travers la pièce tout ce qui se trouve dans les tiroirs d’Harry, sous son lit ou dans sa malle. Ron croise le regard d’Harry et écarquille les yeux.

Il a viré cinglé.

Harry fait un geste du menton en direction de la porte.

« Va chercher Remus, » chuchote-t-il. Ron acquiesce et marche jusqu’à la porte, la laissant ouverte derrière lui. Harry s’adosse contre la porte de la salle de bain.

« Tu cherches quelque chose, Patmol ? »  

Sirius se retourne, ses yeux noirs hantés. Sahara s’est enroulée autour du cou d’Harry, et c’est probablement sa proximité qui fait que Sirius n’entend pas ses doux sifflements.

« Il est entouré de ténèbres aujourd’hui. Il voit des prédateurs partout. »

« Où est-il ? » Sirius regarde frénétiquement autour de lui.

« Où est quoi ? »

« Tu sais de quoi je parle ! » Sirius se jette en avant. Harry réalise ce qu’il se passe. Il pue le whisky, la fumée et la sueur acide. Tout ça s’additionne pour ne signifier qu’une chose – une nuit passée à boire et à se morfondre dans des souvenirs de James. Un poids écrase son estomac tandis qu’il comprend ce que veut Sirius.

« Harry ? Harry ? » Le son de pas lourds puis Remus est à la porte, son cardigan ouvert sur une chemise tachée d’encre. Hermione est avec lui. « Oh, merci Merlin ! »

Remus trébuche en entrant et attire Harry dans une étreinte serrée qui coupe le souffle d’Harry. Par les couilles de Merlin, Remus est fort. Les loups-garous sont un peu terrifiants, même quand ils ne sont pas sous leur forme lupine.

« Harry ! » Ginny apparaît derrière Hermione, le visage rouge. « Ils t’ont trouvé ! »

« Euh… » Harry jette un coup d’œil à Hermione par-dessus l’épaule de Remus. C’est quoi ce bordel ?

« Tu es parti plus longtemps que trente minutes, » chuchote Hermione en regardant Remus.

« Mais à quoi est-ce que tu pensais ? » Remus s’écarte d’Harry, ses yeux noisette ayant pris la couleur de l’ambre. Oh oh. « On s’est fait un sang d’encre pour toi ! »  

Ah merde. C’est le moment de faire diversion.

« Sirius cherchait autre chose. » Harry englobe d’un geste sa chambre dévastée.

« Il faisait quoi ? » Remus observe les livres retournés, les plumes brisées et les notes de potions (qui sont en réalité des lettres dissimulées de Théo). Harry est si heureux qu’Hermione ait caché les livres des Black dans sa chambre sous un autre sortilège. « Sirius, qu’est-ce que tu fais ? »

« Il l’a. » Sirius passe des doigts tremblants dans ses cheveux graisseux. « Il l’a, ici, quelque part, je sais qu’il l’a— » 

« Quoi ? » Remus, confus, pâlit peu à peu.

« Le Grimoire des Potter, » intervient Harry. Il croise les bras et s’appuie contre le mur, essayant de ne pas trahir le battement agité de son cœur. Cette confrontation couve depuis un moment mais ça ne veut pas dire qu’Harry est prêt à ce qu’elle arrive. « Sirius veut le Grimoire des Potter. »

« Putain, » marmonne Remus avant que son regard ne passe sur les deux filles qui se tiennent la main dans le cadre de la porte. « Ginny, va chercher ton père. »

« Il est au travail, » répond Ginny dans un souffle. Elle fixe Sirius comme si elle ne l’avait jamais vu. Il y a quelque chose dans ses yeux qui rappelle désagréablement à Harry sa peur dans la Chambre des Secrets.

Elle n’est habituée à ça. Ses adultes ne sont pas des cinglés. Ils prennent soin d’elle.

« Mi, emmène Ginny en bas. » Harry jette un coup d’œil à sa meilleure amie. « Envoie Fred et George. »  

« Harry, » chuchote Hermione. Elle est inquiète. Harry secoue la tête, et Hermione obéit. Harry dévisage son parrain, qui est littéralement en train de retourner son lit.

« Tu devrais y aller aussi, Harry. » Remus attrape la main d’Harry. Ça lui rappelle Théo et l’emplit de cette sensation de manque. Mais Théo n’est pas là, Sirius et Remus le sont, et Remus a raison. Sirius est saoul et chiant et bavard et toutes ces choses, Harry peut vivre avec, parce que même quand il est toutes ces choses, même sur ses pires jours, Sirius ne fouillerait pas l’album photo d’Harry comme si ce dernier contenait une clé secrète. Remus a raison. Sirius ne va pas bien.

« Cet homme est en proie aux ténèbres, » chuchote Sahara. « Il résiste à ce qui pourrait le guérir. »

Harry ne doute pas de Sahara. Il doute juste de son habileté à communiquer ça à Sirius d’une façon qu’il pourrait comprendre. Surtout s’il veut conserver le secret de son héritage des Black. Puis Harry a une idée.

« Ton Gris dirait que ce n’est pas une bonne chose, » siffle Sahara.

Ce serait probablement le cas. Mais Théo n’est pas là.

« Non, c’est bon. » Harry croise le regard de Sirius. « Je vais te le donner, Sirius. »

« Harry. » La main de Remus se referme sur le coude d’Harry. Sirius lui lance un regard affamé.

« Tu… vraiment ? » Sirius lèche ses lèvres sèches. « Où est-il ? »

« Je vais te donner ce qu’il contient dont tu as besoin, » continue Harry. Il sait qu’il ne peut pas prêter le Grimoire entier sans que Gripsec ne devienne dingue. Et Harry ne veut pas voir ça.  « Je te laisserai y accéder, sous supervision— » Harry jette un coup d’œil à Remus, qui le dévisage, puis acquiesce rapidement. « Mais tu dois faire quelque chose pour moi. »

Sirius fronce les sourcils. Avance d’un pas, en marchant sur le cadre contenant une photo d’Harry et d’Hagrid durant sa première année sans même s’en rendre compte. Bon sang, Sirius, dans quel état es-tu ?

« Quoi ? » Sirius joue avec les nombreuses bagues d’argent sur ses doigts. Harry remarque qu’il ne touche pas celle des Black.

« Vois un Guérisseur d’esprit. » Harry déglutit. Remus arrête de respirer. « Tous les jours. Jusqu’à ce que tu ailles mieux. »

« Non. » Sirius secoue la tête. « Certainement pas. » Sirius fusille Remus du regard. « Est-ce que tu lui as mis cette idée dans la tête ? »

« Non, il n’a rien fait. » Harry avance d’un pas. « C’est juste moi. »

« Rien de tout ça n’est toi. » Sirius secoue la tête, met un coup de pied agacé dans un des pieds du lit d’Harry. « Tu n’es plus toi depuis des mois, bordel ! »

« Pas plus que toi ! » hurle Harry. « Mais moi au moins, j’essaye de m’améliorer ! »

Parler des rebords. Faire des plans pour le futur. Ne pas se jeter d’un putain de toit.

« Ton goût est énervé, » siffle Sahara.

Sans déconner, se dit Harry. Sirius a cette façon de savoir exactement comment faire surgir à la surface la furie liquide de la bague de Serpentard.

« Comment ? » demande Sirius. « En étant un con ? En gardant des secrets et en mentant et en agissant comme – comme— »

« Comme quoi ? »

« Comme un foutu SERPENTARD ! » hurle Sirius. Pour Harry, c’est soudainement comme si la pièce était devenue trop petite et s’était remplie d’ombres mouvantes.

« Il y a une créature magique qui se crée quand un sorcier réprime les ténèbres, » siffle Sahara. « Je ne connais pas son nom sorcier. »  

Pas plus qu’Harry, et ça n’aiderait pas pour l’instant. La poigne de Remus sur le coude d’Harry est sans pitié, mais son regard passe de Sirius à Harry comme s’il avait court-circuité. Pense, Potter. Mais l’esprit d’Harry lui-même est blanc, aussi fait-il ce qu’il fait toujours dans ces situations. Dire la vérité.

« Eh bien, j’aurais dû finir à Serpentard, donc ça a du sens, » lance-t-il sèchement.

« Tu… tu quoi ? » Sirius le dévisage. La pièce respire à nouveau. Merci mon Dieu pour ça.

« Ouais. » Harry se libère de Remus et croise les bras. « Je suis ton filleul-qui-aurait-dû-être-un-Serpentard et je n’ai pas terminé de t’annoncer mon marché. »

Il entend du fracas dans les escaliers et soudainement, trois rouquins s’approchent avec prudence de la porte ouverte de la chambre. Bien sûr, j’ai une foutue audience pour ça. Harry inspire profondément.  

« Si tu vas voir un guérisseur de l’esprit, tu auras accès au Grimoire. Si tu ne le fais pas, alors tu ne me verras plus jamais. »

Le silence tombe. Sirius le fusille du regard. Remus semble au bord des larmes. Dans le couloir, les Weasley observent, tous légèrement pâles après la confession sur Serpentard d’Harry. Imagine qu’ils découvrent que je suis aussi le foutu Héritier de Serpentard.

Je m’en fiche. Totalement.

« Non, tu t’en soucie, » siffle Sahara.

« Harry, s’il te plaît. » Remus essaye à nouveau de le toucher, mais Harry l’esquive.

« Tu… tu n’as nulle part où aller, » bafouille Sirius.

Du coin de l’œil, Harry voit Ron secouer la tête, agacé.

« Je crois que tu découvriras que ce n’est pas le cas, » répond calmement Harry. « Tu veux tenter ? »

Sirius le dévisage. Les Weasley retiennent leur souffle. Pas Harry. Il sait ce qui va arriver.

« Pourquoi essayer de manipuler l’homme-chien à faire quelque chose que tu le sais déjà incapable de te donner ? » siffle Sahara.

« Tu es en train de me donner… un putain d’ultimatum ? » grogne Sirius. « Tu tiens les possessions de ton père, le Grimoire de James, en otage juste pour qu’on me mette sous potions et que je finisse cinglé ? »

« Non, il se tient lui-même en otage, » marmonne George. « Mais bien sûr, tu peux pas le voir, ça. »

« FERME TA PUTAIN DE GUEULE ! » Le rugissement de Sirius est accompagné d’un geste de sa main en direction de la porte. Cette dernière se claque si violemment qu’elle explose. Les Weasley jurent et s’accroupissent, et en bas, Harry peut entendre les cris de Madame Weasley.

« S’il te plait, Sirius. » Remus se penche en avant, attrape les épaules de son amant. « S’il te plait, juste, écoute-le ! Harry te demande de le faire, d’aller mieux pour nous, pour notre famille, s’il te plait— »

« Il n’y a pas de MIEUX ! » hurle Sirius en agrippant les bras de Remus pour le repousser, mais Harry voit la mâchoire de Remus se serrer. Les bras de l’homme ne bougent pas. « Il n’y a pas de FAMILLE, James est MORT et maintenant il ne reste plus que CA !  Et je ne laisserai pas mon putain d’esprit être retenu en otage par un gamin de quinze ans ! Pour rien au monde ! »

Harry ne cligne pas des yeux. Il n’est pas blessé que Sirius veuille le Grimoire plus qu’il ne veuille Harry dans sa vie. Il n’est même pas surpris.

« Il meurt à l’intérieur, » siffle Sahara. « Ses ténèbres sont en train de le dévorer. »

Harry comprend. Mais ça ne rend pas tout ça plus facile.

« Harry, s’il-te-plait ! » Remus se hâte derrière lui tandis que Harry se dirige vers les escaliers, une file de Weasley à sa suite. Il ne sait pas où il va, mais une seule pensée l’habite. Théo.

« Donne-moi le Grimoire, Harry ! » Sirius attrape soudainement le bras d’Harry, le tord et le fait siffler de douleur. Dudley, fracturant son poignet au début de l’été. Théo, l’observant en fronçant les sourcils. « Ça ne va pas guérir correctement. Ça pourrait faire mal. »

Une vague de peur écrasante traverse Harry, aussi nauséeuse et soudaine que le portauloin après la Troisième Tâche.

« Tu as peur de lui, » siffle Sahara en s’éloignant de son cou. Harry peut l’entendre cracher son venin invisible. « Je vais le détruire. »

Elle va le mordre.

« Sahara, NON ! » crie en retour Harry dans un sifflement sonore en tendant brusquement la main, la magie des Black pulsant violemment pour jeter Sirius en bas des escaliers et hors d’atteinte des crocs de Sahara.

« Sirius ! » hurle Remus.

« Merde ! » siffle Harry, mais avant qu’il ne puisse penser ou sortir sa baguette, Sirius a roulé et s’est jeté sur ses pieds, décoiffé, et lève sa baguette vers Harry.

« Non. » Remus pousse Harry derrière lui, une main levée vers Sirius. « Il ne le pensait pas, Siri— » 

« Dégage de là, Lunard, » grogne Sirius. « Tu ne sais pas ce qu’il est. »

Harry dévisage son parrain, qui a la même posture que le tireur d’élite entraîné qu’il a un jour été. Harry ne reconnait même plus son regard.

Oh, putain.

« Sirius, Harry. » Une voix calme mais glacée se répercute dans le couloir. Harry connait cette voix. Grimaçant, il se tourne pour faire face à Albus Dumbledore. Près de lui se tient Severus Rogue, qui observe Harry avec ce qui n’est, pour une fois, pas un sourire narquois.

De mieux en mieux.

« Je crois qu’il nous faut avoir une conversation, » lance Dumbledore d’un ton léger.  

« Mec, » chuchote Ron derrière lui. « Qu’est-ce que tu as fait ? »

Harry ne le sait foutrement pas, mais il sait une chose. C’est aussi familier pour lui que la première fois qu’il a lâché une assiette à dessert dans la cuisine de Pétunia et qu’il a vu des éclats de cristal briller sur le carrelage.

Je suis dans la merde jusqu’au cou.  

Notes:

(1) Les skittles sont des sortes de smarties anglais !

 

J'espère que ça vous aura plu ! Rendez-vous jeudi pour la suite... et croyez moi ça va secouer !
(ET PROMIS J'OUBLIERAI PAS CETTE FOIS-CI x'D)

Chapter 28: l'Héritier de la Maison des Black

Notes:

Héééé vous avez vu j'ai pas oublié \o/ (genre je mérite une médaille pour le minimum syndical... x'D). J'espère en tout cas que la lecture vous plaira !

(See the end of the chapter for more notes.)

Chapter Text

« Que s’est-il passé ? »

« Rien, » répondent automatiquement Harry et Sirius. Dumbledore les fixe tous les deux, puis soupire longuement, comme s’ils étaient une sorte de déception régulière. Malgré le fait qu’il se haïsse pour ça, Harry en ressent un frémissement de honte familier. Il baisse les yeux vers ses baskets usées et essaye de garder à l’esprit l’image de Sirius, debout sur le cadre de sa photo avec Hagrid. Sirius l’a attrapé comme l’avait fait Croupton après la Troisième Tâche, comme Queudver quand il a pris son sang.

Pour une fois, ce n’est pas ma faute, putain.

Harry se tient à un bout du salon, Hermione et Ron assis au bord de la fenêtre, pas loin. Remus est du côté de la cheminée le plus proche d’Harry, assez proche pour l’atteindre si besoin, sûrement. Sirius a pris place à l’opposé d’Harry, et Dumbledore est entre eux comme un arbitre entêté. Rogue rôde au fond de la pièce et Harry est déterminé à ce que quoi qu’il fasse, il ne regarde pas l’homme dans les yeux. Sahara est allongée contre sa gorge et Harry est inquiet à l’idée que les yeux bleu vif de Dumbledore, dont Harry a toujours suspecté qu’ils puissent voir à travers la cape d’invisibilité, soient capable de voir Sahara.

« Il ne peut pas me voir, » siffle si doucement Sahara contre sa gorge qu’il ne l’entend pas vraiment, mais le sent contre sa peau. « Si même toi tu ne peux pas me voir, alors que je suis faite de ton tissage, alors personne ne le peut. »

Je ne sais pas ce que ça veut dire, pense amèrement Harry, déterminé à ne pas siffler. Parce qu’on voit jusqu’où ça m’a amené jusqu’ici. Il est à peine surpris quand Sahara lui répond.

« Tu le devrais, Cœur Vert. »

« Très bien, voilà le thé, » annonce Madame Weasley en entrant dans la pièce, ses yeux bruns furieux braqués sur Sirius. « Et une potion de Pimentine. »

Dumbledore fait apparaître une petite table de nulle part d’un geste habitué de ses manches violettes et Madame Weasley place le plateau de thé dessus, glissant la potion de Pimentine vers Sirius avec un froncement de sourcils.

« Du café noir pour Remus et le Professeur Rogue, » continue-t-elle en tendant les tasses. Harry essaie de ne pas regarder celle qu’elle tend à Rogue, de ne pas remarquer la bague sur son doigt. Lord Prince. Mon géniteur.

Il ne pensera pas à ça. Pas maintenant.

« Ton géniteur ennemi est ici ? » siffle Sahara. Ah. Merde. Sous prétexte de prendre une gorgée de son thé, que Madame Weasley a déjà préparé juste comme il l’aimait, noir comme la nuit avec une pointe de miel, il s’autorise un seul minuscule sifflement.

« Tu ne le mangeras pas. »

Sahara a déjà essayé d’assassiner trop de gens à son goût aujourd’hui.

« Merci, Molly, » lance Dumbledore joyeusement une fois que toutes les tasses de thé et de café sont distribuées. Il ressemble à un homme animant un goûter d’anniversaire, pas à quelqu’un ayant été témoin d’Harry jetant Sirius en bas des escaliers. « Je crois qu’on s’en sortira à partir de là. Si vous pouviez laisser Harry avec Sirius, Remus, le Professeur Rogue et moi-même, je vous en serais très reconnaissant. »

Madame Weasley fusille Dumbledore du regard et en vient même à lui renifler au visage. Elle se tourna vers les jumeaux et Ginny, qui trainent près de la porte, picorant des biscuits sur le plateau et les trempant dans une tasse de thé comme s’ils s’apprêtaient à assister à la Coupe du Monde de Quidditch.

« Vous trois, en bas avec moi. » Madame Weasley se tourne abruptement vers Hermione et Ron. « Vous deux, ici avec Harry. »

Ron avale tout rond un biscuit à la crème et acquiesce avec obéissance. Hermione l’imite, ses yeux d’un marron brillant. Son visage a le même air figé que quand elle a commencé à brasser du Polynectar. Harry se sent brièvement désolé pour Sirius qui devra subir la revanche qu’Hermione est sans doute en train de concocter. Madame Weasley n’a, cela dit, pas fini. Elle se tourne vers Remus et lui envoie un regard si féroce qu’Harry s’en demande comment l’homme peut encore tenir debout.

« Vous êtes le parrain de ce garçon. » Elle sert affectueusement l’épaule d’Harry. Il peut sentir sa magie et, ce n’est sans doute pas une surprise, il s’agit de l’odeur du Terrier. Des champs à perte de vue, du poulet grillé, du savon et du charbon. « Ses intérêts avant tout. Vous m’avez bien entendue, Remus Plutarch ? »

« Oui, » acquiesce vivement Remus. Harry est sûr qu’il peut voir ce foutu Rogue lever les yeux au ciel dans le coin.

Bâtard. Je ne peux pas croire que je suis de la même famille qu’un tel foutu bâtard.

Mais Harry ne pensera pas à Rogue et à sa bague des Prince. Il ne pensera surtout pas aux petites choses, comme le fait qu’il reconnait la maigreur de ses nouveaux doigts dans la forme de ceux de Rogue, ou à comment Rogue prend son café de la même manière qu’Harry. Il ne pensera pas à ça.

« Je pense que nous sommes tous ici avant tout pour Harry, Molly, » intervient doucement Dumbledore.

« Je me demande si nous n’avons pas différentes interprétations de ces mots, Albus. » Madame Weasley lance un regard appuyé à Sirius, puis sort de la pièce, emmenant ses autres enfants avec elle comme une bergère.

Le silence retombe. Il ne sera pas le premier à parler. Harry prend une gorgée de son thé en détaillant le tapis poussiéreux, dévoré par les mites. Les seules personnes qu’il puisse supporter de regarder dans la pièce sont actuellement assises derrière lui. À l’exception d’une. Harry capture le regard de Remus, qui le dévisage avec une intensité qui n’est pas tout à fait prédatrice. C’est peut-être à ça que ressemble les loups quand ils sont protecteurs.

« Plutarch ? » chuchote Harry. Derrière lui, Ron glousse dans sa tasse.

« Oui, eh bien, » répond Remus en haussant les yeux au ciel. « Tu peux parler. James Charlus. »

« Ouais, mais au moins je n’ai pas le symbole canin d’une énorme compagnie qui ressemble à mon nom, » rétorque Harry, les sourcils haussés.

« Quoi ? » demande Ron, la bouche pleine de biscuits.

« Pluto. C’est un chien de dessin animé. Il est mignon. » Hermione sourit avec tendresse à Harry. « Mais je crois que Ron te bat. Bilius. »

« Oh, ouais, c’est vrai que c’est pas mal aussi, » rit Harry en se tournant pour leur faire face et prétendre qu’il n’y a pas trois sorciers très puissants et très en colère qui essayent de le fusiller du regard dans la pièce. « Est-ce qu’ils voulaient juste quelque chose qui ressemble à Bill ? »

« Ou à une maladie vénérienne ? » marmonne Hermione.

« Je crois que je vous bats tous, en fait, Miss Granger. Avec le Perceval Wulfric Brian, » les interrompt Dumbledore d’une voix légère comme s’il n’était absolument pas déstabilisé par le fait que les adolescents poursuivent une conversation en l’excluant totalement. Harry trouve ça à la fois amusant et agaçant. « Bizarrement, c’est le Brian qui attire le plus souvent l’hilarité et les remarques. »

« Bah, évidemment, » marmonne Ron. « Qui dans la lignée des Dumbledore a bien pu s’appeler Brian ? »

« Il s’agissait de l’âne de compagnie de mon grand-père. Une bête très amicale, un peu comme moi. »

Les yeux de Dumbledore scintillent et Harry ne peut s’en empêcher, même s’il se déteste pour ça. Il glousse. La plus grande qualité de Dumbledore est d’être à ce point capable de rire de lui-même. Dumbledore qui ouvre un cracker avec lui au repas de Noël durant sa troisième année, enfilant avec enthousiasme le bonnet fleuri. Comme s’il pouvait lire son esprit, Dumbledore lance un sourire plein de tendresse à Harry.

« Merci, Harry, » dit-il doucement, bien qu’Harry ne comprenne pas à quoi il fait référence. « Asseyons-nous, si vous voulez bien, messieurs ? »

Dumbledore agite sa baguette et un fauteuil de cuir, une chaise avec des accoudoirs et un putain de pouf apparaissent. Harry le fixe du regard. Il sait qu’il est terriblement attaché à Dumbledore, d’une façon qui ne disparaîtra pas en une nuit, mais Dumbledore est foutrement aveugle. Est-ce qu’il pense que j’ai toujours onze ans ?

« Ouais, non, je vais rester debout, merci bien, » marmonne Harry.

Remus se penche un peu et, d’un mouvement paresseux de la baguette, métamorphose le pouf en un fauteuil identique à celui où s’est avachi Sirius, une jambe au-dessus de l’accoudoir et ses doigts faisant danser sa baguette. Il n’a pas bu une seule goutte de sa potion de Pimentine. Il n’a pas lâché Harry des yeux.

« Merci, Lunard, » sourit Harry, notant comment Sirius se hérisse quand il entend le surnom. Quel putain de gosse.

« Trop bien pour ce que fournit le directeur, Potter ? » ricane Rogue. Pile à l’heure, bordel.

« Juste pas envie de me mettre par terre devant des adultes, » répond Harry en haussant les épaules, se laissant tomber dans le fauteuil et fixant un point à côté de la tête de Rogue. « De mauvaises choses finissent toujours par arriver quand des hommes adultes forcent des jeunes à s’agenouiller, Monsieur. »  

Hermione tousse derrière lui. Remus resserre sa poigne sur le dossier du fauteuil d’Harry, faisant couiner le cuir. Dumbledore semble bien vieux et la baguette de Sirius s’arrête de tourner pendant une seconde. Harry pouvait voir leur imagination s’emballer. Qu’ils en pensent ce qu’ils veulent. S’ils n’ont pas les couilles de lui demander s’il avait été juste fouetté tandis qu’il était à genoux, ou s’il avait été forcé à faire quelque chose qu’ils imaginent d’encore pire, alors qu’ils paniquent sur la réponse. Seule Hermione connait la vérité, et elle ne le trahira pas.

Harry a envie de regarder le visage de Rogue, pour voir comment son commentaire a été reçu, mais bien sûr l’homme ne prononce pas un mot. Si ce foutu Severus Rogue sait qu’il est le père naturel d’Harry, il n’en a clairement rien à faire que ce dernier ait pu être fouetté ou abusé.

Il espère probablement que ce soit les deux, et que tout ça soit arrivé à James.

C’est la partie la plus horrible de son enfance, songe Harry, que parfois, de façon perverse, horrible, il en espère que quelqu’un lui ait plutôt fait ces choses. Plutôt que d’être un monstre ou de devoir être agenouillé, gelé et nu sur le sol de la salle de bain, tandis que Pétunia lui hurlait qu’il était sale et horrible et le forçait à se laver avec de l’eau de javel à mains nues jusqu’à ce qu’il ait la peau à vif dans les pires endroits. Il aurait aimé subir quelque chose qui soit plus simple à catégoriser. À l’école primaire, des personnes spéciales des services sociaux étaient venues leur parler des mauvaises personnes qui vous touchent dans des endroits privés. Mais ces enfants étaient tristes et braves avec des personnes sombres, alcooliques ou droguées dans leurs vies. Ils n’étaient pas d’horribles enfants sales qui ne faisaient jamais leurs corvées correctement et étaient poussés et frappés par Vernon, Président de la Surveillance du Quartier et Pétunia, secrétaire du PTA.

Ils n’avaient pas de hotline pour les enfants qui n’étaient juste pas désirés.

« Tes pensées deviennent sombres, » siffle doucement Sahara. « Les choses terribles qui sont arrivées étaient déjà bien assez terribles pour un jeune. »

Ses mots auraient dû le réconforter, mais Harry sait pourquoi ce n’est pas le cas. Il observe Dumbledore, Sirius et brièvement Rogue, qui le dévisagent tous avec la même expression. Harry sait que les gens ne regardent pas les enfants qui ont été maltraités comme ça. Il y a quelque chose à propos de lui qui le rend différent. Le Syndrome de la Cicatrice.

« Je crois que nous avons besoin de discuter, Harry, » tousse gentiment Dumbledore. « Pourrais-tu nous expliquer ce qui est arrivé avec Sirius aujourd’hui ? »

Harry sent un agacement s’enrouler dans son ventre. Il n’a pas l’impression qu’on lui demande une explication, mais plutôt une confession.

« Vous avez vu ce qui s’est passé. » Harry fait tourner sa propre baguette entre ses doigts, exactement comme le font les magiciens moldus. Il le fait juste parce qu’il sait que Sirius ne saura pas comment le faire et que ça lui fera chier. Instantanément, il le voit froncer les sourcils. « Il a essayé de m’agripper et j’ai réagi. Fin de l’histoire. »

« Ce n’est pas la ‘fin de l’histoire’ comme vous dites, Potter, » ricane Rogue. « Vu que vous avez jeté votre parrain en bas des escaliers avec votre ‘réaction’ comme vous dites. »

Harry déglutit. Il essaye de ne pas regarder le visage pâle mais couleur de miel, une couleur qu’il voit reflétée dans sa propre nouvelle peau. D’où venons-nous ? se demande Harry, avant de se haïr pour avoir utilisé le mot ‘nous’.

On se concentre, Potter.

Harry doit donner une explication, peu importe laquelle, mais s’il révèle que c’est lié à la magie des Black, il sera dans la merde. Soudainement, il se rappelle s’être retrouvé, plus jeune, sur le toit de son école.

« Je ne sais pas ce que c’était, ok ? » Harry croise les bras, essaye d’avoir l’air partagé entre l’embarras et un peu de prudence. « Sirius m’a attrapé et c’était juste un instinct, j’ai ressenti comme une pression et ensuite il était… juste… »

« Comme de la magie accidentelle, » ajoute Hermione. Harry tourne légèrement la tête et acquiesce, avec un regard que seul Ron peut voir. On va partir là-dessus. C’est notre version.

« De la magie accidentelle ? » renifle Rogue. « Très pratique, Potter. »

« Mais ça ressemble pas mal à Harry, cela dit, » intervient Ron.

« Oui, il a fait repousser tous ses cheveux quand il avait six ans, et ils étaient violets, » ajoute Hermione.

« Ouais, » continue Ron. « Et il a transplané quand il avait genre, neuf ans. »

« Merci, les gars, » marmonne Harry en essayant d’avoir l’air embarrassé, mais mentalement, il leur envoie un message. Merci, bande de génies merveilleux.

« Excusez-moi ? » lance Remus. « Transplané ? »

« Ouais, » répond Harry en haussant les épaules. « Je fuyais mon cousin. Une minute j’étais sur le sol, la suivante sur le toit de mon école. »

« Eh bien, tu as clairement un truc pour les toits, » répond Remus avec un sourire. Harry l’imite. C’est bon, ça. Remus est, presque littéralement, de son côté. Ça veut dire que c’est la merde pour la relation entre Remus et Sirius, mais à l’instant, il se sent aussi un peu heureux. Comme s’il avait gagné quelque chose.  

À quel point cette famille est-elle tordue pour qu’il faille gagner l’affection de l’un de tes parrains au détriment de l’autre ?

C’est la voix qu’Harry commence à reconnaître comme son ‘Théo-térieur’.

La ferme, Théo-térieur. Tu es encore pire que mon Hermione-térieure.

« Aussi, euh… avancée qu’une telle démonstration de magie enfantine ce soit, la plupart des enfants cessent d’avoir des accidents magiques au moment où ils rejoignent Poudlard. » La voix de Rogue est remplie d’un dédain liquide. « Est-ce que nous devons y comprendre que votre défense pour vos actions est que vous êtes, encore une fois, exceptionnel ? »

Exceptionnellement baisé de vous avoir comme père.

Harry ne peut pas s’en empêcher. Il fusille l’homme du regard bien en face pendant une seconde, trop peu pour qu’il puisse utiliser sa Légilimencie sur lui, mais assez pour qu’il voie sa haine.

« Et pourquoi vous en avez quelque chose à foutre ? » demande Harry. « Vous essayez de me réprimander alors qu’on sait tous que vous auriez adoré qu’il meure d’un coup du lapin. C’est bon, quoi. »

Sirius renifle. Pour une seconde, Harry se dit qu’il va lui sourire, mais il ne le fait pas. Il semble se battre contre lui-même, partagé entre sa rage contre Harry et sa haine pour Rogue. L’estomac d’Harry se tord sous une compréhension incroyablement familière.

Quand il saura qui je suis réellement, lui aussi me haïra.

« Langage, Potter, » siffle Rogue.

« C’est ma maison, » grogne Sirius comme si c’était automatique.

« Ce n’est pas celle de Potter, » ricane Rogue. « Et je suis toujours son Professeur. Il se doit de s’adresser à moi avec le respect qui m’est dû. »  

C’est au tour d’Harry de renifler. S’il est supposé donner à Rogue le respect qu’il lui doit, alors il devrait maudire l’homme sur sept générations pour l’avoir abandonné quand il était bébé. Ou peu importe ce qu’a bien pu foutre Rogue. Pour la première fois depuis qu’il a appris qu’il s’agissait de Rogue, Harry hait le fait qu’il ne connaisse pas la vérité. Il y a une énigme compliquée qui implique sa mère et l’homme appelé Lord Prince qui se tient en face de lui en ce moment-même, et il ne sait même pas par où commencer pour la démêler. Il n’est même pas vraiment sûr de le vouloir. Il a déjà l’impression qu’on lui a arraché James. Il ne veut pas perdre cette version de sa mère. Pas encore.

Mais elle était mariée quand c’est arrivé. Peu importe ce que c’était.

Harry fixe la cheminée et essaye de ravaler son envie furieuse de hurler ‘As-tu baisé ma mère ?’ à la personne qu’il déteste le plus dans cette pièce.

« Harry, s’il-te-plait, » demande doucement Dumbledore. « Excuse-toi auprès du Professeur Rogue. »

Harry lève les yeux au ciel.

« Désolé, Professeur, » lance platement Harry, « d’avoir sous-entendu, de façon totalement injuste, que vous êtes au milieu de ce qui semble être une vendetta contre Sirius Black et que vous apprécieriez de le voir mort. C’était absolument inconvenant de ma part, surtout en prenant en compte le fait que vous n’avez absolument pas essayé de lui faire subir le Baiser d’un Détraqueur il y a seulement une année de ça. Vraiment, tout ça sortait de nulle part. »

Ron renifle un rire derrière lui. Remus se penche et serre son épaule d’une façon qu’Harry ressent comme étant à moitié un reproche, à moitié un encouragement.

Sirius le fusille du regard comme s’il voulait rire, mais qu’il ne se le permettait pas. Harry comprend. Avec Rogue dans la pièce, ils ont finalement ce qui leur a manqué depuis des semaines. Un ennemi commun. C’est toujours comme ça avec Sirius. Harry se trouve constamment dans la position où il veut soit rire à ses blagues, soit lui mettre un coup de pied dans les couilles. Harry essaye de ne pas laisser ses lèvres se retrousser en un sourire. Il pense au toit. Au silence. Au Grimoire. Au marché que Sirius ne voulait pas accepter.

Il s’est comporté comme un con. Je ne lui pardonnerai pas. Pas encore.

« Si c’était de la magie accidentelle, pourquoi a-t-il sifflé ? » demande Sirius. « Vous l’avez tous entendu ! »

« Il est juste là, » marmonne Harry. « Si tu veux m’accuser de quelque chose alors fais-le, putain. »

« Très bien ! » grogne Sirius en se penchant en avant. « Pourquoi est-ce que tu as sifflé comme ce bâtard de Voldemort quand tu as essayé de me tuer ? »

Ouah. Ça, c’est pas la moitié d’une accusation.

Bizarrement, Lupin avance d’un pas vers Sirius, une main toujours serrée sur l’épaule d’Harry et un grondement sourd emplit l’air. Animal. Défensif. La pièce plonge dans le silence. Sirius dévisage Lupin et se rassied dans le fond de son fauteuil, mais ses yeux sont toujours sur leur garde. Harry a souvent l’impression, avec Sirius et Lupin, que leurs parts animales ont des conversations totalement différentes de leur côté.

« C’est notre filleul, » dit doucement Remus. « Il n’a pas essayé de te tuer. »

« Il a lancé un sort en fourchelangue, Remus ! Qui d’autre peut faire ça à ton avis ? » grogne Sirius. « Ne défend pas ce qui est indéfendable ! » 

« Un enfant mérite toujours d’être défendu, Black, » ricane Rogue et Harry doit lever la main pour agripper celle de Remus afin de l’empêcher de sortir sa baguette à ces mots. Il ne jettera pas un regard à Rogue.

« Ton géniteur ne te considère pas, ton familier-chien rejette la majesté de notre langue, » chuchote Sahara à son oreille. « Tu as bien raison de vouloir quitter ce nid hostile. »

Harry ne peut pas penser à la fierté fourchelandesque blessée de Sahara à l’instant. Il est fatigué, il est énervé et il veut en finir de tout ça.

« Je suis un fourchelangue, la belle affaire putain ! » lance sèchement Harry à Sirius. « Je parle une autre langue, c’est juste comme du français ou un truc du genre. Passe à autre chose ! »

« Arrête de me dire de passer à autre chose ! » Sirius se jette sur ses pieds, fixant Harry avec tant de ténèbres et de tristesse qu’Harry peine à ne pas reculer. « Et ça n’a rien à voir avec du français ! Et c’est très important quand tu te tords et que tu siffles dans ton sommeil— »

« Harry, est-ce que tu as parlé en fourchelangue à un autre moment, en dehors de tes rêves ? » l’interrompt Dumbledore en jetant à Sirius un regard agacé.

Attends, quoi ?

Harry les dévisage tour à tour. Sirius a l’air rassénéré et avec un horrible éclair d’humiliation, Harry comprend pourquoi.

« Tu leur as dit ? » Harry dévisage Sirius, la rage commençant à monter en lui. « Tu… tu leur as dit pour mes rêves ? »

Harry risque un regard en direction de Rogue. Il n’est absolument pas surpris de tout ça et observe Harry, avec une curiosité horriblement indifférente, attendant une réaction.

Il sait. Rogue sait pour les cauchemars. Mon foutu père qui me hait sait que j’ai des cauchemars à propos du cimetière et que je me réveille en pleurant mon ancien petit ami.

« Espèce de sale merde, » chuchote Harry, et il n’est pas vraiment sûr de savoir à qui il s’adresse.  

« Ils devaient savoir, Harry, ils le devaient. » Pour la première fois depuis des semaines, Sirius le regarde dans les yeux, désespéré. Pourquoi est-ce n’est que maintenant qu’il pense avoir dépassé les bornes ? « Tu me caches des choses, à moi, à nous tous, et c’était à propos de l’Ordre, à propos de Voldemort— » 

« Non, c’était à propos de MOI ! »

Harry est sur ses pieds avant qu’il ne puisse y penser, serrant ses poings si forts qu’il peut sentir ses ongles s’enfoncer dans ses paumes. La bague de Serpentard siffle à ses oreilles. Vengeance. Punition. Justice.

Ne lance pas de magie de Serpentard sur Sirius devant Dumbledore, essaie de lui dire son Théo-térieur, mais les mots d’Harry sortent de sa bouche avant même qu’il ne puisse les penser.

« Qu’est-ce que tu leur as dit, hein ? » Il dévisage Sirius, qui le regarde comme s’il le reconnaissait pour la première fois depuis qu’il est arrivé. « Que tu n’avais pas les foutues couilles de juste me poser des questions sur mes rêves pendant la journée mais que tu me regardais crier et pleurer chaque putain de nuit pour le leur rapporter ? Comme si j’étais UNE FOUTUE EXPERIENCE ? »

Il y a un sifflement dans ses oreilles qu’il ne peut contrôler, il peut entendre Sahara siffler mais ne la comprend pas à l’instant. Tout ce à quoi il peut penser, c’est chaque fois qu’il s’est réveillé en sanglotant le nom de Cédric dans la fourrure de Sniffle. Et il a parlé de ça à Rogue et Dumbledore.

« Espèce de BÂTARD ! Espèce de putain de traître de BÂTARD ! »

« Harry, ça suffit ! Harry ! »  

Hermione et Ron se tiennent devant lui, formant un bouclier entre lui et Dumbledore, Sirius et Rogue, l’éloignant même de Lupin. Ron lui cache la vue de Sirius, ses deux mains sur ses épaules tandis qu’Hermione a agrippé ses mains dans les siennes, en essayant de ne pas grimacer quand des étincelles de magie échappent à Harry. Il note vaguement qu’elle a jeté sa baguette à Lupin pour la garder hors de sa portée, alors même qu’il sait qu’elle avait conscience des dégâts qu’il est capable de faire, même sans. Toujours en train de protéger mes arrières.

« Je devais le faire, Harry, pour ta protection ! » lui hurle Sirius. Harry trouve ça bizarrement hilarant que ce soit ça qui pousse Sirius à essayer de l’apaiser, à s’excuser et à lui donner des explications.

C’est parce qu’il comprend la violence.

La pensée que Sirius Black ne peut l’aimer que lorsqu’il se comporte et réagit exactement de la façon qu’aurait adopté Sirius lui-même est trop lourde à supporter pour Harry. Il essaye d’attirer à lui l’Indifférence, mais la bague de Serpentard est presque douloureuse. Elle déverse une électricité liquide et brûlante dans ses veines et si Harry ne la laisse pas sortir, il a l’impression qu’il pourrait bien exploser.

« Tu es trop en colère », siffle violemment Sahara dans son oreille, attirant son attention. « Tu dois retrouver ton calme, tu le dois, ou ton venin pourrait blesser l’un d’entre eux. »

« SILENCE, Sahara ! » siffle violemment Harry. Puis il s’arrête. Hermione ferme doucement les yeux, juste devant lui, et il réalise son erreur. Il ne peut pas prétendre qu’il est un simple fourchelangue, et qu’il parle cette langue quand il est effrayé. Dumbledore le dévisage avec une tristesse évidente dans le regard. La colère, se rappelle Harry, est la chose à laquelle Dumbledore semble faire le moins confiance dans un humain.

Ah, merde.

« Calme-toi, » chuchote Hermione en serrant ses poignets contre les siens. « On est là. »

« Ouais, mec. » Ron attrape chaque côté de la tête d’Harry, fixant ses yeux intensément. « J’ai entendu chacun de tes cauchemars pendant quatre ans et je n’en ai jamais parlé à quiconque, d’accord ? Et Neville, Seamus et Dean non plus. Tu n’es pas seul. »

« Respire, Cœur Vert. »

Sahara frotte son nez invisible contre le pouls battant de sa gorge. Puis, avant qu’Harry ne puisse y penser ou l’arrêter, elle enfonce gentiment ses crocs dans son cou. Il essaye de ne pas crier ni de claquer sa main contre sa nuque, de ne pas attirer l’attention sur ce foutu serpent qui est actuellement en train de le mordre, mais Harry sent la pression à l’intérieur de lui s’amenuiser. Sahara aspire une partie de la magie de Serpentard directement de son sang, vu qu’il ne peut pas la lui transmettre via des étincelles de magie sorties de ses doigts. C’est très étrange et Harry sait que Théo va être plus qu’énervé, mais ça marche et Harry ne se plaint pas des choses qui fonctionnent.

Harry acquiesce. Il respire profondément et Hermione et Ron font un pas de côté. Ils sont tous serrés les uns contre les autres près du rebord de la fenêtre, et ils fixent les adultes. Tous sont debout à l’exception de Dumbledore, qui observe prudemment Harry.

« À qui étais-tu en train de parler à l’instant, Harry ? » demande Dumbledore d’un ton prudent. « Quand tu as parlé en fourchelangue ? »

« Personne, » répond Harry en déglutissant.

Personne ne va croire ça. Il a besoin d’une raison. Il sait qu’ils ont peur que Voldemort soit là-derrière. Qu’il soit devenu maléfique ou bizarre, ou qu’il ait des visions tout éveillé ou quelque chose du genre, comme les rêves qu’il avait l’année dernière.

Tu viens juste de laisser un serpent venimeux te mordre, le raisonne son Théo-térieur. Peut-être que tu es bizarre.  

Harry l’ignore, et ne voit que deux choix : il peut soit dire la vérité, et admettre qu’il a un serpent de compagnie invisible qu’il contrôle à travers sa magie d’Héritier, ou il peut les laisser croire qu’il s’agit de Voldemort. Dumbledore est un expert de Tom Jedusor, il ne le croira peut-être pas, mais Rogue risquerait de remonter la piste de Théo au travers de Sahara.

Le choix est foutrement facile, alors.

Harry se dit qu’il est enfin temps qu’il y aie au moins un bon côté au fait d’avoir les horribles sentiments de Tom qui prennent leurs quartiers dans sa tête.

« Je… Je ne sais même pas ce que j’ai dit. » Harry serre les mains de Ron et d’Hermione, de chaque côté de sa personne. C’est le nouveau mensonge. Faites avec. « J’ai juste… Je me suis juste senti tellement en colère et après… je l’ai dit. C’est… c’est tout. Je suis désolé. »

Harry regarde Sirius. Il ne lui fera pas d’excuses complètes, mais il lui a donné ce qui était nécessaire pour sortir de cette situation avec la plus grande partie de ses secrets intacte. Ma vie et mes secrets.

« Tu n’es qu’un sale con et j’ai pensé chaque mot que je t’ai dit et je vais quand même partir, » ajoute froidement Harry, ignorant le fait que les yeux de Sirius n’aient jamais semblé si normaux que depuis qu’il a basiquement admis avoir Voldemort dans la tête. Il voit un petit flash, du coin de l’œil, dans le regard de Dumbledore à la mention du mot ‘partir’.  

« Mais je n’avais pas l’intention de te pousser en bas des escaliers. Je ne voulais même pas… Je ne savais pas. »

Tout ça est vrai. Harry voulait juste sauver Sirius de son serpent invisible. Le visage de Sirius se chiffonne, mais Harry voit du soulagement sur ses traits.

« C’est bon, Harry, tu ne savais pas. » Sirius tente un sourire, mais Harry ne peut pas le lui rendre.

C’est plus simple pour lui de m’aimer quand il pense que tout ce qu’il n’aime pas à mon propos est là à cause de Voldemort.

« Que c’est touchant, » lance Rogue sur un ton traînant, en s’écartant du mur pour venir poser sa tasse, comme si une série vaguement intéressante venait d’atteindre sa conclusion. « Est-ce que je peux retourner à Poudlard, Directeur ? »

« Dans un instant. » Dumbledore agite sa main et il fixe Harry. Oh oh.

« Harry. » Dumbledore parle lentement, comme s’il pesait chacun de ses mots. « Au vu de ce nouveau développement, tu vas avoir besoin de leçons supplémentaires, cette année, à Poudlard. »

Rogue semble se figer. La mâchoire de Sirius tique, mais il ne dit rien. De l’autre côté de la pièce, Remus se prend la tête entre les mains. Oh, ça ne sent pas bon.

« Oh ? » répond Hermione pour lui. « Des leçons de quoi ? »

« Rien qui ne vous concerne, Miss Granger, » ricane Rogue et Harry sent son estomac se nouer. Oh non.

« Le Professeur Rogue enseignera l’Occlumencie à Harry, » répond gentiment Dumbledore. « Pour l’aider à défendre son esprit. Bien sûr, il aura besoin de votre soutient. »

« M’enseigner l’Occlumencie. » Harry observe Rogue pendant une seconde, voit l’étincelle vaguement affamée dans ses yeux. « Est-ce que cela veut dire qu’il va utiliser la Légilimencie sur moi ? »

Les prunelles de Dumbledore scintillent d’intérêt.

« Je n’avais pas réalisé que tu avais des connaissances en art mental, Harry, » dit-il doucement.

« Ce n’est pas le cas. » Harry lève sa main, toujours jointe à celle d’Hermione, et fait un geste du menton dans sa direction.

« C’est un sujet qui vous intéresse, Miss Granger ? »  sourit gentiment Dumbledore.

« Tous les sujets l’intéressent, » intervient Ron. « Est-ce que cela inclura de la Légilimencie ? »

Harry est surpris de la verve de Ron, en face de deux professeurs qui l’ont toujours fait bégayer, puis il se rappelle du regard féroce que lui a lancé Madame Weasley.

« Oui, » réplique sèchement Rogue. « Bien que je ne voie pas en quoi mes plans de leçons vous concernent, Monsieur Weasley. »

Harry fixe la main de Rogue pendant un instant. Rogue sera capable de tout extraire de son esprit. Les Dursley. Cédric. La bague de Serpentard. Théo. La vérité à propos de son Héritier perdu.

Nope.

Il pince le poignet d’Hermione pour lui faire comprendre qu’il s’apprête à changer de version, et applique un peu de pression là ou son épaule touche celle de Ron.

« Ce n’est pas Voldemort, » annonce Harry, observant leurs visages changer. Sirius semble inquiet. Remus soulagé. Rogue n’a pas l’air convaincu. Dumbledore ne change pas. « Ce n’est pas Voldemort. J’ai menti. »

« Bon sang, Potter, êtes-vous si piteusement effrayé par une leçon avec moi que vous en ressentez le besoin d’inventer une connexion avec le Seigneur des Ténèbres ? Êtes-vous à ce point comme votre père arrogant— »

T’as trouvé chaussure à ton pied, espèce de putain de branleur arrogant, se dit Harry mais ensuite Remus se met à grogner contre Rogue et ce dernier se tait immédiatement, ce qui est nouveau.

« Harry, qu’est-ce que tu veux dire ? » La voix de Remus est rauque, ses yeux tirent sur un brun plutôt rouge. Harry voit bien qu’il a désespérément envie de le toucher, de serrer sa main ou de le prendre dans ses bras, ces choses auxquelles Harry essaie de s’habituer. Harry ne peut pas faire ça pour le moment. Il a une paire de crocs de serpent arboricole enfoncés dans sa carotide qui en sucent la magie, et ses meilleurs amis qui lui tiennent les membres.

« Ce n’était pas Voldemort qui m’utilisait ou… ou me contrôlait ou je ne sais quoi, ce n’était pas sa voix dans ma tête, c’était moi, je faisais de la magie, » soupire Harry. Ron et Hermione se figent tous les deux.

Tenez-vous bien, les gars.

« Je vais tout expliquer, mais essayons de rester civils, ok ? »

« La civilité est quelque chose qui se gagne, Potter, » répond lentement Rogue.  

« Severus ! » grogne Remus, qui continue d’observer Harry avec un regard doux. « S’il-te-plait, explique-nous, Harry. »

Harry capte le regard de Dumbledore. L’homme a l’air vaguement amusé, ce qui inquiète un peu Harry, puis il acquiesce. Harry soupire longuement.

« Kreattur ! » appelle-t-il. L’elfe apparaît soudainement.

« Putain, c’est quoi ce bordel ?! » hurle Sirius en se relevant d’un coup, baguette pointée sur le petit elfe. Le regard de Remus ne cesse de passer d’Harry à Kreattur, abasourdi, et Rogue, remarque Harry, tapote un doigt sur sa tasse à café dans un geste qu’Harry reconnait comme un signe de réflexion.

Moi aussi, je fais ça.  

Harry repousse cette pensée et se concentre à la place sur Dumbledore.

« Ah, » dit doucement Dumbledore en s’adossant à sa chaise pour s’adresser à l’elfe. « Je vois que tu as un nouveau Maître, Kreattur ? »

Kreattur observe l’assemblée de sorciers autour de lui, voit Harry, Ron et Hermione plantés dans un coin. Ses yeux brillants glissent sur la main d’Harry, notant les bagues toujours invisibles, puis il fixe son regard sur un Sirius à l’air abasourdi. Kreattur sourit, lentement, méchamment, et Harry sait exactement ce qu’il s’apprête à faire. L’elfe se tourne vers Harry et effectue la courbette la plus déférente et respectueuse qu’Harry l’ait jamais vu faire.  

« Le Maître Potter-Black a appelé Kreattur ? » croasse l’elfe en lançant à Harry un sourire si mesquin qu’Harry se sent obligé de lever les yeux au ciel.

Kreattur, espèce de petit con.

« Quoi ? Espèce de sale démon, tu as corrompu mon filleul ! Je vais t’éviscérer vivant ! »

Sirius est sur ses pieds en une seconde, prêt à se jeter sur Kreattur mais Harry attrape la glace de sa bague d’Héritier et nourrit Kreattur avec, lui chuchotant à travers le langage glacé de la magie Black qu’il n’est même pas sûr de connaître : Protège-toi.  

Kreattur frissonne et brille une seconde avant d’ériger un bouclier d’argent scintillant entre Harry et Sirius.

« Qu’est-ce que— ? » Remus observe les trois personnes puis se concentre sur Harry, Ron, Hermione et Kreattur qui sont de l’autre côté du mur d’énergie luminescente. « Harry, as-tu—? »

« Nope. » Harry lance un regard appuyé à Kreattur, qui a toujours son sourire terriblement satisfait. Il a compris ce qu’il se passe tout aussi rapidement qu’Hermione, qui est actuellement en train de priver sa main de sang, on dirait. Bizarrement, Kreattur a l’air fier.

« Kreattur protège le Maître, » croasse-t-il en se courbant à nouveau. Il sait qu’il doit cacher la magie d’Harry. Parfois, avoir un elfe de maison encore plus rusé que Salazar Serpentard peut être utile. Quand il n’essaye pas de commettre un homicide.

« Merci, elfe Black. »  

Harry se tourne vers Hermione et jette un regard entre sa baguette et son doigt, où est l’anneau des Black, haussant un sourcil. Ils ont passé quatre ans à tisser des mensonges ensemble. Elle acquiesce et tapote sa bague, marmonnant un sort de désillusion au même moment où Harry applique sa volonté à la bague pour qu’elle redevienne visible. Kreattur acquiesce avec approbation et abaisse le bouclier.

« Kreattur protège l’Héritier de la Maison des Black, et la magie de la Maison des Black protège leur Héritier, » annonce l’elfe dans le croassement le plus puissant possible. Il claque ses mains ridées ensemble et la maison semble trembler un peu. Remus et Sirius dévisagent sa bague d’Héritier, qui brille joyeusement comme une Veela se pâmant sous tant d’yeux différents.

« Putain de frimeur, » marmonne Harry à Kreattur, mais il tire quand même un bonbon serpent un peu poussiéreux de sa poche arrière.

« Kreattur vit pour servir, » fait-il remarquer avec sarcasme, avant de s’installer sur l’assise de la fenêtre, ses petites jambes en dépassant dans un angle à nonante (1) degrés, et arrachant la tête du serpent avec ses longues incisives. Tous les adultes dans la pièce semblent un peu nauséeux, à l’exception de Dumbledore qui, bien sûr, putain, observe le bonbon en forme de serpent avec intérêt.

J’ai une petite idée de ce que sera le mot de passe pour son bureau cette année.

« C’est toi, l’Héritier ? » Sirius se laisse tomber sur sa chaise comme une marionnette dont on aurait coupé les fils. « J’aurais dû le savoir putain, tu as la même aura qu’eux et tout le reste— » 

« Et le fourchelangue ? » fait remarquer Rogue d’une voix trainante. « Je n’avais pas conscience qu’il y avait des fourchelangues dans la lignée des Black. »

Harry fusille Rogue du regard, sachant très bien que ce dernier essaie de l’appâter. Rogue sait à propos de Théo. Il sait que Théo a Sahara. Il sait qu’ils ont vécu ensemble. Peut-être même que Rogue suspecte la présence de Sahara, même s’il ne pense pas qu’elle est à l’heure actuelle attachée au cou d’Harry comme une sangsue. Heureusement, Sirius intervient, évitant à Harry d’avoir à répondre.

« C’est toi qui m’as volé mes affaires ! » Sirius le pointe du doigt agressivement. « Putain mais pourquoi ? »

« Je n’ai rien volé, » répond Harry en indiquant Kreattur du doigt. « Kreattur a volé. J’ai juste… réhabilité quelques petites choses. »

« Ce sont mes affaires ! »

« Ce sont des affaires des Black. » Harry le fusille du regard. « C’est notre héritage, et tu étais en train de les foutre loin. Est-ce que tu ne voulais même pas me laisser une chance de connaître tout ça ? Je suis ton Héritier, bon sang ! »  

« Je ne t’ai nommé comme Héritier que pour que tu puisses avoir leur foutu argent quand je ne serais plus là ! » crie Sirius en abattant sa main sur le bras du fauteuil. « Pas pour que tu deviennes un Black ! »

« Ça n’a pas de sens. » Harry le dévisage. « Je suis un Potter et un Black, tu ne veux pas que je fasse partie de ta famille ? »

« Non ! » hurle Sirius. Harry grimace, tout comme Remus, qui a un geste désespéré en direction d’Harry, mais Kreattur lui grogne dessus.

« Il ne parle pas de notre famille, Harry. » Remus essaie de paraître rassurant, mais Harry pense que tout le monde dans la pièce doit être capable de sentir à quel point il est en colère. La magie de sa créature est tellement puissante. « Il parle des Black. »

« Parce que bien sûr, tous les Black vivant à part lui sont le diable incarné, » lance sèchement Rogue, et aux oreilles d’Harry, ça semble étrangement délicat. Quel Black Rogue a-t-il connu ?

« Comment as-tu pu faire ça, Harry ? » Sirius se lève à nouveau de son fauteuil, ignorant complètement et, selon Harry, plutôt délibérément, Rogue. Derrière eux, Kreattur claque des doigts et le fauteuil sur lequel Harry était assis plus tôt racle le sol pour venir se positionner entre Harry et Sirius. « Comment as-tu pu accepter leur magie ? »

« Comment as-tu pu la refuser ? » lui demande Harry. « Bon sang, Sirius, réprimer ta magie Black est en train de te niquer l’esprit. »

« De quoi tu parles ? » grogne Remus, le visage pale. Il s’est appuyé contre la cheminée, l’agrippant si fort qu’il en laisse des marques dans le marbre.

« Son loup est proche », siffle Sahara, retirant enfin ses dents et laissant une trace désagréable de salive serpentine derrière elle.

Sans déconner. Harry se demande s’il devrait aller vers Remus, mais étrangement, il remarque la façon qu’a Rogue de bouger, de l’autre côté de la pièce, comme s’il se préparait à arrêter Remus s’il le fallait. Huh. Bizarre.

« Supprimer la magie de famille peut causer une corruption dans la magie d’une personne, » lance Hermione à Remus. Faites-lui confiance pour avoir lu sur le sujet. Harry plie et déplie les doigts pour essayer de toucher le dos de sa main, qui a attrapé son poignet comme une menotte. « Ça peut causer de brusques changements d’humeur, mener à des explosions, de la paranoïa… » Hermione déglutit avec difficulté. « Ou pire. »

« Obscurial, » marmonne Rogue, et Harry se demande ce que signifie ce mot.

« C’est le mot sorcier pour ce dont je parlais. » Sahara lèche le cou d’Harry.  

« On ne parle pas de moi ! » crie Sirius. Dumbledore jette un coup d’œil curieux à Sirius, tandis que ce dernier essaie de contourner la chaise pour se rapprocher d’Harry, tout ça pour être frappé en pleine figure par une chaise longue retournée. Il semblerait que Kreattur construise une barricade à l’aide d’anciens meubles.

« Il n’y a rien de pire sur terre que le type de personnes qu’est devenue ma mère. » Les yeux de Sirius sont pleins de ténèbres et de douleur. « Je préfèrerait être mort ou dévoré de l’intérieur par la magie que de tomber dans le vortex de leur pouvoir. » Sirius tend une main suppliante à travers la barricade en direction d’Harry, en direction de sa main où se trouve la bague d’Héritier des Black, comme s’il espérait pouvoir la lui arracher. Hermione donne une tape sur sa main.

« Ne fais pas ça, Harry, ne te laisse pas séduire par l’appât du gain, » le supplie Sirius. « S’il-te-plait. Renonce. Redonne la bague à Gringotts. Je n’ai jamais voulu que tu y aies accès maintenant, quand tu es encore… »

« Jeune, » propose Remus mais Harry voit dans les yeux de Sirius que ce n’est pas ce qu’il voulait dire.

Tant que tu combats encore Voldemort, était ce que voulait dire Sirius. Tant qu’on a encore besoin que tu sois bon.

« L’excès de pouvoir, ça existe, Harry, » chuchote Sirius.  

Quelque chose se brise en Harry. Il pense à Sahara, qui aspirait le pouvoir hors de lui pour qu’il ne blesse pas les gens qui sont là pour le protéger. Il pense à sa mère, qui s’est interposée entre lui et le sort de Mort, pas parce que c’était le mieux pour elle ou pour lui, mais parce que c’était la seule option. Il pense au fait qu’il n’a pas eu les compétences pour défendre Cédric, qu’il n’avait pas l’entraînement, pas le pouvoir, pas le choix. Juste comme avec les Dursley. Qu’il devait s’en sortir comme ça. Faire la grimace et supporter. Faire au mieux avec ce qu’il avait.

J’en ai tellement marre de ne pas avoir le choix, putain.

« Seuls les gens qui n’ont jamais été impuissants disent ça, » renifle Harry. « Ce n’est que du pouvoir, Sirius. Ce n’est que de la magie ! Elle n’a pas de morale ! »

Rogue bouge contre le mur où il est appuyé, ses yeux éclairés d’un intérêt soudain qu’Harry ne comprend pas, mais reste silencieux.

« Tu as tort, Harry. » Les yeux de Sirius sont aussi noirs que du charbon, et n’ont plus aucune lumière en eux. « Certaines magies sont intrinsèquement mauvaises, tout comme certaines personnes ! Tout pouvoir n’est pas bon, tout pouvoir n’est pas forcément là pour t’aider ! »

Ça n’aide absolument pas l’humeur d’Harry, et il jette un coup d’œil à Kreattur. Harry considère l’abat-jour au-dessus de la tête de Sirius et tire rapidement sur la magie des Black, pensant Tombe, juste au moment où Kreattur claque paresseusement des doigts. Sirius trébuche loin de la barricade, l’abat-jour autour du cou, en jurant.  

Personne n’est juste mauvais. Personne n’est juste bon. Personne n’est quoi que ce soit, jusqu’à ce qu’un adulte se ramène pour soit les aimer ou les blesser.

Harry sait qu’il ne peut pas dire ça, mais il le pense de toutes ses forces.

« Je ne suis pas vraiment en position de choisir, si ? » crie Harry en fusillant son parrain sur le sol du regard. « Il y a deux mois, Voldemort m’a attaché à une putain de tombe et il a pu le faire parce que je n’avais pas du tout de pouvoir ! Donc je ne cracherai pas sur un peu de pouvoir maintenant. »

Harry réalise que Dumbledore le dévisage durement, et trop tard, il comprend le problème dans ce qu’il vient de dire. Il se rappelle des mots de Voldemort, lors de sa première année. Il n’y a que le pouvoir, et ceux qui sont trop faibles pour le rechercher.

« Je crois que les leçons d’Occlumencie seront quand même une bonne idée, » dit doucement Dumbledore.  

Merde, merde, putain merde. Harry se retrouve à attraper la main d’Hermione parce qu’il peut soudainement sentir une odeur entêtante de cuir et de champs d’herbe derrière lui. La magie de Ron est terriblement énervée.

« Je ne suis pas sûr que ma mère soit d’accord, » dit-il d’un ton sec. « Ou mon père. »  

« Ou moi, » intervient Remus en observant Dumbledore, ses yeux passant toujours rapidement du brun à l’ambre. « Peut-être que nous devrions considérer une option différente. »

« Je ne pense pas. » La voix de Dumbledore est amicale, mais juste comme durant le Magenmagot, Harry sent qu’il en a fini de demander des opinions. Il a posé son jugement, et Harry a échoué.

Et maintenant, je vais devoir trouver un moyen d’apprendre l’Occlumencie avant que Rogue ne puisse me l’enseigner et découvrir qu’il est mon foutu père.

Soudainement, Harry se sent terriblement fatigué.

« Allons bon, » Dumbledore agite une main et la barricade de meubles disparaît. L’abat-jour qui semblait collé au visage de Sirius disparaît. Harry sent la magie des Black dans le squelette de la maison se hérisser sous l’intrusion. Le Square Grimmauld n’aime pas Dumbledore.

« Maintenant. » La voix de Dumbledore est soudainement glacée, et son regard passe entre Sirius, à nouveau libre et le visage rouge, Remus et Harry. « Qu’est-ce que c’est que cette histoire à propos d’Harry et d’un départ ? »

Notes:

(1) Toujours suisse, désolée ! Quatre-vingt-dix pour les personnes ne sachant pas compter :p

J'espère que ça vous a plu ! Rendez-vous lundi pour la suite et juste pour vous donner envie... elle sera du point de vue de Severus ;D

Chapter 29: Le Sanctuaire du Hall d'Argent

Notes:

Heya ! J'espère que le chapitre vous plaira, bonne lecture :)

(See the end of the chapter for more notes.)

Chapter Text

Severus ne pense pas avoir jamais autant apprécié une visite au Square Grimmauld. Il a observé Black être poussé en bas des escaliers, il a vu Potter se tortiller, il a vu Black être harcelé par des meubles et a même pu, avec bonheur, l’observer se faire enfoncer un abat-jour sur la tête, ce qui est une image qu’il chérira précieusement jusqu’à sa mort. Pour une visite dont le seul but n’était que de découvrir la localisation du légendaire Grimoire des Potter pour Albus, ç’a été un putain de bordel inattendu. Il a à peine remarqué combien Potter essaie désespérément de ne pas le regarder et quand il le fait, c’est avec un visage rempli d’une telle quantité de venin non réprimé que ça force Severus à s’arrêter.

Est-ce possible qu’il me haïsse différemment d’avant ?

Severus suppose que ça n’est que justice. Il hait Potter différemment, lui aussi. Pour avoir corrompu Théodore, pour avoir causé tant de problèmes, pour avoir été maltraité alors qu’il aurait dû être pourri gâté, et par-dessus tout, pour l’angoissante notion qu’il puisse être en réalité du même sang que Severus.

C’est impossible. Il est le portrait craché de ce foutu James Potter. Rien de ce que Narcissa pourra trouver dans les tréfonds de mon esprit ne peut changer ça. Il ne me ressemble en rien.

Et pourtant, les mots de Potter continuent de résonner dans son esprit. Ce n’est que de la magie. Elle n’a pas de morale, Sirius. C’est la première fois qu’il entend ces mots prononcés ainsi depuis que sa mère est morte.

Ça ne veut rien dire.

« Je vais partir parce que j’ai proposé un marché à Sirius, mais qu’il n’en a pas voulu. » Potter répond à la question d’Albus avec un haussement d’épaules. Ses deux petits Mousquetaires restent collés à lui et Severus est certain presque à cent pour cent que le serpent invisible de Théodore est quelque part dans cet amas de membres.

J’espère qu’elle mordra l’un d’entre eux.  

« Et quel était ce marché ? » demande doucement Albus.

« Il pouvait avoir accès au Grimoire des Potter, sous supervision, s’il voyait un guérisseur d’esprit. » Les yeux de Potter sont pleins d’une déception verte et froide. Severus n’est pas préparé à ce rappel de Lily, qui le fixait ainsi à l’extérieur de la salle commune des Gryffondors, alors qu’il plaidait sa cause. Tu as choisi ton chemin, j’ai choisi le mien. « Et s’il ne le faisait pas, il ne me verrait plus jamais. Sirius a fait son choix. »

Le gamin l’a manipulé. C’est un mot que Severus n’a jamais eu à apposer à l’engeance imprudente de Potter, mais ça, cette espèce de ‘marché’, ce n’est pas juste un moyen de manipuler l’un de ses parrains, il semblerait que ça lui ait également donné les moyens de manipuler Lupin. Car il est évident que le loup ferait n’importe quoi pour garder Potter à ses côtés, et le fait que ce n’est absolument pas le cas de Black deviendra inévitablement un sujet de discorde.

Peut-être que Lupin verra enfin la lumière et laissera ce foutu cabot derrière lui, songe amèrement Severus, avant de se demander pourquoi il s’en soucie.

« Je vois. » La voix d’Albus est glacée. « Où est-ce que tu as l’intention d’aller, Harry ? »

Rejoindre Théodore, songe Severus avec mépris. Rejoindre un jeune homme plus intelligent, plus puissant, qui le soutiendra davantage.

« Il viendra au Terrier, » intervient vigoureusement Ronald.

« J’ai bien peur que ce soit impossible, » répond Albus en secouant gentiment la tête. Il ne semble pas réaliser qu’aucun des adolescents devant lui n’a confiance en son jugement. Ou si c’est le cas, se dit Severus, il croit qu’il peut les convaincre par la simple force de sa volonté.

« Alors il ira chez mes parents. » Granger est accrochée au bras de Potter comme une moule à son rocher.

« Votre famille est encore moins en sécurité, j’en ai bien peur, Miss Granger. »

« Alors Remus me prendra avec lui. » Harry jette un coup d’œil à Lupin qui, au grand étonnement de Severus, acquiesce réellement.

« Lunard, tu ne peux pas— » commence Black mais il semblerait que, pour une fois dans sa foutue vie, Lupin s’est réellement rappelé qu’il était un loup-garou et arrête Black d’un regard d’ambre furieux.

« C’est notre filleul, Sirius, » gronde Lupin. « S’il demande à partir, s’il ne peut pas rester dans le même endroit que toi à cause de ton comportement, alors il aura ce qu’il veut. »

« Ses intérêts en premier, c’est ça ? » répond Black lentement, dans une mauvaise imitation de Molly qui lui attire un regard furieux de Ronald. « Tu sais qu’il te manipule, n’est-ce pas ? »

Severus déteste être d’accord avec Black, même par accident, mais bien que l’homme soit aussi fou que Trelawney sous prozac, pour l’instant, il a raison. Potter les manipule et le fait presque aussi bien qu’un Serpentard.

« Oui, » répond doucement Lupin. Ses yeux ne quittent pas le visage de Back une seconde, donc il ne voit pas son filleul hausser un sourcil, intéressé. Il n’a pas l’air coupable. « Mais il ne devrait pas avoir à le faire. »

« J’ai bien peur que je ne puisse pas aider ni permettre à Harry de partir sous votre supervision, Remus, » intervient doucement Albus. « Pour des raisons évidentes. »

Severus observe la façon qu’ont les mots de frapper Lupin comme une flèche atteint sa cible. Il grimace à peine. Severus se rappelle les mots qu’il a prononcé, il y a une semaine ou deux. J’ai en effet des attentes très hautes pour cette vie. Bien que Severus déteste penser ou se soucier de Lupin, il n’y a que le plus stupide des fonctionnaires du ministère qui pourrait regarder Remus Plutarch Lupin et penser qu’il serait un tuteur inapproprié.

Cet homme porte des cardigans volontairement, par Circé !

« Alors je retournerai chez les Dursley. » Les mots de Potter résonnent dans la pièce. Ses deux amis le serrent un peu plus fort, mais aucun ne le contredit. « Je ne resterai pas ici. »

Merlin, Potter les fait vraiment craquer. C’est presque aussi grave que Crabbe et Goyle.

« Non, Harry. » La voix de Lupin est pleine d’une rage épaisse et Severus avance d’un pas discret le long du mur, en direction de la cheminée. Si Albus accepte de renvoyer Potter chez ses bourreaux, il pourrait bien y avoir une chance pour que Lupin défie les lois de la lycanthropie et se transforme sous une lune croissante. « Je te l’ai promis. »

« Non, pas du tout. » Potter le regarde calmement. « Tu te rappelles ? En plus, je retournerai à Poudlard dans une semaine. Je peux survivre une semaine. J’y ai vécu des années. »

Le garçon est trop calme. Severus comprend ce que ça signifie en une seconde. Théodore a réussi à arracher Potter à sa famille. Potter prévoit sans doute une évasion similaire.

« Non, Harry. » Albus secoue tristement la tête. « J’ai bien peur que ton retour à Privet Drive ne pourrait que mener à une fuite rapide vers un autre endroit. »

Albus lance un regard appuyé aux deux lèche-bottes de Potter. Ils ne rougissent pas, se contentent de soutenir le regard du Directeur avec insolence. Ils ne le nieront pas, réalise Severus, parce qu’ils sont totalement convaincus qu’ils auraient raison. Ce qui serait le cas.

« Je ne sais pas comment être plus clair, Professeur. » Potter parle lentement, mais Severus peut sentir la magie qui s’accumule en lui à travers la pièce. Eileen Prince pouvait sentir la magie, a appris à Severus les bases durant les journées ensoleillées, dans les champs autour de Cokeworth. C’était ce qui l’a guidé vers Lily à la base, ce sentiment d’air étouffé qu’il reconnait autour de certains sorciers puissants. La magie de Potter est turbulente, et lui donne cette même sensation qu’on pourrait avoir si on restait près d’un appareil immense et électrique. « Sirius a refusé mon marché. Je vais partir d’ici et ne le reverrai plus jamais. »

« As-tu juré de partir ou juré de ne pas le voir ? » demande doucement Albus.

Potter s’arrête. Severus pense qu’il voit un éclair de colère verte dans les yeux du gamin, mais ça disparaît très vite.

« La deuxième. »

« Alors il nous est possible de manœuvrer, » acquiesce pensivement Albus. « Où est le Grimoire à l’heure actuelle, Harry ? »  

Ah. La question qu’Albus espérait ne pas avoir à poser au gamin. Severus était juste supposé le localiser pour qu’Albus puisse le récupérer discrètement et le ramener en sécurité à Poudlard. Il voit les yeux du garçon se plisser. Peut-être qu’il a passé trop de temps en compagnie de Théodore, mais Potter semble plus attentif et alerte qu’il ne l’a jamais été.

« Gringotts, » répond Potter. Ce n’est pas ce à quoi s’attendait Severus.

« Et comment avez-vous ramené un livre aussi vieux et précieux à Gringotts, Potter ? » intervient-il.

« Kreattur. »

Le gamin ment, et ne cherche même pas à le cacher, mais le problème, c’est que Severus n’arrive pas à imaginer comment Potter a réussi à cacher le livre à Gringotts s’il n’a pas utilisé son elfe de maison. Il n’est certainement pas assez fou pour l’avoir envoyé par hibou. Bien qu’il s’agisse du genre de choses dingues et imprudentes auxquelles Potter s’adonne assez fréquemment.

Il n’y a aucune possibilité sur terre ou en enfer pour que cet idiot de Gryffondor imprudent soit mon Héritier.

« J’ai quelques inquiétudes, Harry, à savoir que le Grimoire des Potter est entre tes mains. Il semble faire ressortir le pire autour de toi. » Albus jette un coup d’œil à Black, qui se ratatine sur son fauteuil. Bizarrement, il est bien plus docile depuis que Potter a été contraint aux leçons d’Occlumencie par Albus. Le Black que Severus connait serait apoplectique à l’idée que son filleul se retrouve aux bons soins de Severus.

Il doit vraiment croire que l’esprit de Potter est contaminé par le Seigneur des Ténèbres s’il pense qu’exposer son Héritier à moi pourrait lui être bénéfique.

« Eh bien, il n’y a pas besoin de s’inquiéter. Il est à Gringotts. Personne ne peut l’atteindre. » La voix de Potter est sèche. Severus a l’impression de voir le rubis de la bague d’Héritier des Potter briller. Bizarre. Il ne l’a jamais vue faire ça quand Potter Senior se pavanait avec à Poudlard. Severus fixe le rubis avec haine.

« Pardonne-moi, cher garçon, si je n’ai pas autant foi que toi dans la sécurité gobeline face à la possible pression exercée par Voldemort, » sourit Albus. « De plus, il me semble que s’il n’est plus en ta possession, alors il ne peut plus agir comme moyen de pression entre toi et Sirius. »

Severus lève les yeux au ciel. Faites confiance à Albus pour ne pas comprendre que Black a fait quelque chose que Potter ne peut et ne devrait pas pardonner.

« Est-ce que ça ne serait pas mieux, Harry ? Si toi et Sirius pouviez vous réconcilier ? » Albus lui lance un sourire indulgent. Potter n’y répond pas. Le gamin est clairement livide. Severus connait ce tic familier dans sa mâchoire, le tapotement répété de son index contre sa baguette. S’il n’y a qu’une seule facette de Potter que Severus connait, c’est celle de la rage. « Est-ce que tu pourrais avoir l’amabilité de demander à Kreattur de nous ramener le Grimoire ? »

Potter ne répond pas. Ses yeux son fixés sur un point précis sur le mur, et il ne regardera aucun d’eux. Pendant une seconde, Severus se demande s’il est en train d’avoir une espèce d’attaque de rage immature, mais ensuite, il reconnait le regard distant, les membres raidis. Il s’en rappelle trop bien, des soirées où Tobias s’acharnait sur lui. Le gamin est en train de dissocier. Le silence continue. Bien sûr, personne dans la pièce ne le remarque. À part Granger, qui passe une main de haut en bas sur le bras de Potter dans ce qui pourrait être une tentative de l’ancrer.

Dans une pièce remplie de supposés éducateurs, c’est la prodige née-moldue qui a la compréhension la plus adéquate de la psychologie adolescente.

« Très bien, » soupire Albus. « En tant que ton gardien magique, je peux, bien sûr, agir dans ton intérêt. »

« Vous êtes son gardien magique ? » La voix de Granger pourrait forcer le papier peint à se renrouler.  Eh bien, il semblerait que quelqu’un a dépassé son besoin de satisfaire toutes les figures d’autorité qu’elle rencontre.

« En effet, » répond Albus sur un ton léger. Granger dévisage Albus, et Severus ne peut qu’imaginer le genre d’accusation horribles à propos du bien-être de Potter qu’il pourrait sortir du lobe frontal de Granger s’il essayait seulement de regarder. Albus jette un peu de poudre de cheminette dans le feu. « Bill Weasley, Gringotts. »

« Professeur Dumbledore ? » La voix de Bill Weasley leur fait écho à travers les flammes.

« Est-ce que vous pourriez traverser, William ? » demande jovialement Albus. « Je suis avec Harry. Nous avons quelques questions. »

« Absolument pas, » marmonne si doucement Potter que Severus pense que seuls ses amis attachés à lui et lui-même, avec son ouïe fine, l’entendent. Severus pense également entendre un léger sifflement.

Oh, il y a définitivement un serpent là-dessous.  

Severus attrape la fiole d’anti-venin général qu’il transporte toujours avec lui à cause de Nagini. Potter possède un serpent venimeux. Severus est certainement en haut de sa liste.

« Bien sûr, » répond finalement Bill Weasley, et bien vite il apparaît, sortant du feu comme un dieu du rock. Severus ne peut s’empêcher de grimacer. Un homme ne devrait pas être béni à ce point, autant physiquement que mentalement. C’est inconvenant.

« Harry. » Bill Weasley se tourne immédiatement vers le gamin, comme s’il était le seul dans la pièce à qui il devait le respect. « Tout va bien ? »

Bon sang, est-ce que même William Weasley, un sorcier pourtant rationnel, est tombé sous le foutu charme des Potter ?

« On s’éclate, putain, » marmonne Potter. Le langage de ce gamin. Si Severus avait son mot à dire, il aurait des chaudrons à nettoyer pendant un mois. « Sauf que tout le monde a l’air de vouloir prendre des choses dans mes coffres, et personne ne veut me laisser partir. »

Le visage de Bill se ferme soudainement. Severus voit la pierre bleu ciel de sa bague d’Héritier scintiller.

« Est-ce que je peux clarifier une seconde ce qu’il se passe ? » Bill se tourne vers Albus, qui a attendu patiemment, les mains jointes et les yeux brillants d’intérêt, d’avoir l’attention de Bill. « Professeur Dumbledore, est-ce que vous m’avez appelé ici pour avoir accès aux coffres d’Harry ? »

« Non, nous souhaitons simplement en sortir un objet. » Albus observe Bill avec prudence. Quelque chose a changé chez le jeune homme, et Severus n’arrive pas à savoir quoi. Il ne pense pas qu’Albus le puisse non plus.

« Mais Harry n’est pas d’accord ? » insiste Bill.  

« En tant que son gardien magique, j’ai bien peur qu’il s’agisse d’une décision prise au-delà de sa juridiction, qui plus est totalement pour sa protection. » Le sourire d’Albus est glacial.

« Je vois. » Bill jette un regard en direction du gamin Potter. Puis il lance une poignée de poudre de cheminette dans l’âtre et crie la direction de Gringotts. Et fait un geste au gamin. « Viens avec moi, Harry. »

Ah, voilà un développement très intéressant, se dit Severus. Il s’appuie à nouveau contre le mur et croise les bras, souhaitant presque avoir une seconde tasse de café. Très intéressant, vraiment.

« Euh… D’accord. » Potter se défait de la poigne de ses amis, et avance vers l’aîné des Weasley. On ne peut pas dire que Potter n’ait pas de capacités d’adaptation.

« Woah, woah, woah ! » crie Black en se levant pour se jeter entre les deux, mais Lupin semble avoir suffisamment récupéré son contrôle sur son loup pour se joindre à la mêlée. Avec une vitesse surprenante, il tire le gamin hors du chemin de Black, enroulant ses bras autour de Potter comme s’il voulait à la fois le restreindre et le protéger.

« Putain mais qu’est-ce qu’il se passe ? » hurle Black devant un Bill glacial. « Où emmènes-tu Harry ? »

« Bien que Sirius ait exprimé le sentiment très crûment, je dois confesser être très intéressé moi-même par la réponse à cette question. » Albus agite sa baguette, et le feu s’éteint. « Où penses-tu emmener Harry, William ? »

William Weasley semble en avoir une sacrée paire, parce qu’il se tourne vers Albus avec une expression totalement calme. Arthur a élevé un bon Héritier.  

« Harry James Charlus Potter est sous la protection de la nation Gobeline, » annonce clairement Bill. « Il a été placé sous la protection du Sanctuaire du Hall d’Argent. »

Le silence s’abat.

« QUOI ? » hurle Ronald, et Severus a la sensation que pour une fois, l’éclat de voix du plus jeune Weasley mâle est parfaitement justifié.

Putain de merde, celle-là, je l’attendais pas. Severus n’arrive pas à y croire, et à voir les visages de Lupin, Black et même d’Albus, il semblerait qu’eux non plus.

« C’est impossible, » bégaie Black « Un sorcier ne peut pas être protégé par le Hall d’Argent. »

« Bien sûr qu’il peut, » répond sèchement Severus. Est-ce que Black ne connait rien à l’Histoire Gobeline ? Si ses souvenirs de leurs cours d’Histoire de la Magie sont corrects, la réponse est définitivement non. « Il n’y en a juste pas eu un depuis des centaines d’années. »

Et bien sûr, il fallait que ce soit Potter. Bien sûr, bordel.

« Oh, Harry, » chuchote Granger, la main devant sa bouche, émerveillée. Au moins une personne dans la pièce apprécie l’énormité historique de la situation. « Qu’est-ce que tu as fait ? »

« Le protégé ou le protecteur ne sont pas autorisés à en discuter, » répond sèchement Bill, tout en souriant gentiment à Granger. Elle rougit et Severus songe, absurdement, que pour tout ce que Ronald observe parfois Potter comme s’il était une compétition pour l’affection de la née-moldue, il devrait peut-être s’inquiéter un peu plus de ceux qui partagent son sang. « Si ses coffres sont en danger et qu’il est retenu contre son gré, le protocole de l’Anzar est de ramener le protégé sur les Terres Gobelines sacrées. »

« Les Terres Gobelines sacrées ? » Black, typiquement, explose. Ça devient vraiment usant. Severus aperçoit même Ronald Weasley lever ses yeux bruns au ciel. « Pour être avec les gobelins ? Comment est-ce que ça pourrait être plus sûr que de vivre sous la protection de Dumbledore ? » Les yeux sombres de Black se fixent sur Potter et Bill Weasley se tend à côté de lui. « Harry, il faut que tu arrêtes tes conneries maintenant ! »

« Sirius, stop ! » La voix de Remus est cinglante. « Tu ne fais qu’empirer les choses ! »

Black semble réaliser trop tard que si Bill Weasley le voit comme une menace, ses serments d’Anzar le forceront à prendre le gamin avec lui. Severus examine l’expression calme, observatrice de Potter. C’est un joli petit plan qui a été concocté. Futilement, Severus se demande à quel point il porte la signature de Théodore.

« Harry. » Bill observe le gamin Potter, dont les yeux brillent doucement. En train de manigancer, comme toujours. « Est-ce que tu es retenu contre ton gré ? »

« Ouaip, Bill, je crois bien que je le suis, » réplique-t-il avec une gaieté détestable, en ayant même l’outrecuidance de leur adresser un petit geste de la main tandis qu’il se détache d’un Lupin au regard désespéré. « Donc je vous écrirai depuis Gringotts. Sirius, pense à notre marché, et Remus, je viendrai te rendre visite. »

« Assez. » La voix d’Albus est plus douce et plus dangereuse que ce qu’a entendu Severus depuis longtemps. Depuis la nuit où Potter a disparu. Il ne peut s’empêcher de frissonner en se remémorant la nuit où il est allé supplier Albus pour Lily. Vous me dégoûtez. Vous n’en avez rien à faire, alors, que son mari et son enfant ne meurent ?

Severus dévisage Potter. Le portrait craché de James, à l’exception de ses cheveux qui semblent plus bouclés qu’à l’accoutumée, avec la même lueur de trouble bouillonnant qui semble habiter ces foutues lunettes tant haïes. Est-ce qu’il en aurait eu quelque chose à faire, cette nuit-là, s’il avait pensé que le gamin qu’il allait sauver aurait pu être le sien ? Ou est-ce qu’il aurait sacrifié n’importe qui pour Lily, même un Héritier potentiel ?

« William, je suis le gardien magique d’Harry et seuls ceux qui se retrouvent orphelins sans même un gardien peuvent être placés sous le bon soin de la nation gobeline. Je demande une audience avec le gobelin responsable de sa demande de sanctuaire. » Albus agite sa baguette et fait apparaître un morceau de parchemin. « Amène-lui ceci. Fais-le traverser. »

Bill observe le parchemin et acquiesce. Cependant, il ne repart pas, il se contente de rallumer le feu et d’y marcher, marmonnant quelque chose en Gobelbabil (une impressionnante démonstration de ses capacités langagières, Severus n’est capable que de l’écrire) et le morceau de parchemin disparaît. Un instant plus tard, une petite silhouette apparaît dans les flammes.

« Bonjour, » lance le gobelin en sortant du feu et en posant les yeux, encore une fois, immédiatement sur Potter. Severus en ressent une montée de frustration.

Mais qu’est-ce qu’il y a chez ce gamin pour que les gens se sentent obligés de le traiter comme s’il était un foutu phare ?  

« Monsieur Potter, comment allez-vous aujourd’hui ? »

« Salut, Gripsec ! » sourit l’adolescent. « Oh, euh, j’espère que vos coffres seront bourrés à craquer d’or aujourd’hui ! »

Severus renifle. C’est une piètre excuse de salutation gobeline, mais Gripsec, lui, rit. Lupin, Black, Granger et Ronald sursautent tous. Bill retient un sourire et Albus se contente d’observer l’interaction sans un mot. Severus a déjà entendu un gobelin rire, mais c’était parce qu’il avait utilisé un sort tranchant particulièrement violent, qui avait tranché un homme en deux à la taille. Dire que ce son est dérangeant le sous-estimerait complètement. Et pourtant, Potter ne se décourage pas, il se contente de sourire encore plus.

« Je m’améliore, non ? »

« Oui, Héritier Potter, en effet, » glousse Gripsec en s’asseyant sur le fauteuil de cuir et en croisant les doigts.

« Héritier Potter-Black, aujourd’hui, » répond Potter en levant la main pour exposer ses bagues d’Héritier.

« Ah, Potter-Black. » Gripsec acquiesce, ses yeux tombant sur Black et se rétrécissant. « Je vois. »

« Oui, Black, » grogne Black. « Est-ce que vous êtes celui qui l’a aidé à voler toutes mes foutues affaires ? »

Le sourire de Gripsec se fait assassin.

« Je vous conseillerai de ne pas accuser un gobelin de larcin, Lord Black, » chuchote Gripsec.

 Il le hait, réalise Severus. Oh, c’est charmant.

« C’est un plaisir de vous voir, Gripsec. » Albus s’incline comme les coutumes le demandent, puis offre une salutation en Gobelbabil que Severus est vaguement capable de traduire en : Puissent tous vos ennemis sursauter en entendant votre nom.  

« C’est le cas, Directeur. » Gripsec a un sourire mesquin. « Vous avez des questions concernant la position de l’Héritier Potter-Black ? »

« Oui. » Dumbledore appuie prudemment ses mains l’une contre l’autre en dévisageant le gobelin. « Comment se fait-il qu’un enfant avec un gardien magique ait été placé sous la protection du Hall d’Argent ? »

« Ce n’est pas le cas, » répond instantanément Gripsec. « Cela aurait clairement été une violation de nos accords. »

« Alors je m’avoue déconcerté, » sourit doucement Albus. « Harry a un tuteur magique. »

« Non, il n’en a pas. » Gripsec secoue la tête, ses oreilles suivant le mouvement. « Sinon, il n’aurait pas été en mesure de réclamer ses Héritages sans le consentement de son tuteur. »

« Combien en a-t-il récupéré ? » l’interrompt Black en se penchant en avant, les yeux fixés sur la main de Potter. Severus sent son estomac faire un bond. Oui, combien ? Et de quelles Maisons ?

« Deux, » réplique sèchement Potter.

Bizarrement, c’est vers lui que Potter dirige une œillade de défi. Severus n’a pas besoin d’être un Legilimens pour voir le défi, clair comme de l’eau de roche, dans les yeux de Potter. Dites-leur que je mens, si vous l’osez.

Severus ne dit rien. Ça ne veut rien dire.

« Oui, deux, » commente Gripsec. Je me demande si SerrAcier ment pour moi aussi facilement. « Et vu que Monsieur Potter s’est lui-même placé à la merci de la Nation Gobeline ce matin en vu d’obtenir la protection de ses biens, notre Roi s’y est personnellement intéressé. »

Severus se dit que c’est un jour bien sombre pour la planète Terre, quand un ‘intérêt spécial’ pour Harry Potter n’est plus seulement partagé par les Sorciers mais également par d’autres créatures.

Au moins, son horrible elfe semble le haïr, se dit Severus en observant l’elfe de maison des Black qui semble mâchouiller un… est-ce que c’est un kinder surprise ? Severus se rappelle soudain ces souvenirs absurdes d’en avoir acheté au petit tabac du coin avec Lily et Pétunia, en utilisant leur argent de poche, et d’avoir été absurdement reconnaissant quand Lily lui en achetait un à lui aussi.

Où est-ce qu’un elfe de maison a bien pu se procurer des sucreries moldues ?  

« Un intérêt personnel ? » Albus lance un regard sévère à Gripsec. « Pardonnez-moi, Gripsec, mais je connais le Roi Ragnok depuis le début de son règne, et il ne s’intéresse pas aux autres sans une motivation considérable. Quelle était la motivation, en cette occasion ? »

Gripsec jette un regard à Potter, qui hausse les épaules de cette façon si énervante que Severus associe au début d’un bordel monstre.

« Le cadavre d’un Basilic vieux d’un millier d’années, » répond Gripsec. « L’Héritier Potter-Black a abandonné son droit de conquête au profit de la Nation Gobeline. »

L’esprit de Severus se vide un instant.

Merlin Tout Puissant, je vais tuer Potter de mes propres mains.  

« Vous avez fait quoi ?! » siffle Severus en fusillant le gamin du regard. Albus lui a promis des ingrédients, l’a empêché de les récolter pendant deux ans, et aujourd’hui Potter a vendu cette créature magnifique à ces foutus gobelins ?! « Espèce d’enfant inutile, gâté et ignorant, comment avez-vous seulement pu penser que ce cadavre était le vôtre ? »

« Severus ! » s’exclame Lupin, mais Severus n’en a cure. La langue de Basilic est utilisée pour brasser la potion de parole la plus puissante, une qui peut inverser de terribles traumatismes infligés à des cordes vocales. Le panache de Basilic, selon Severus, est probablement l’ingrédient clé d’une potion de rétrécissement cellulaire qui pourrait, si elle est bien utilisée, aider à combattre les cancers moldus.

Harry Potter se tient entre moi et le foutu remède au cancer.

« Euh, parce que je l’ai tué ? » Potter lui renvoie son regard, ses yeux verts brillant de défiance.

« Vous avez eu de la chance ! » se retrouve à hurler Severus. « Avec un piaf et une épée et même pas assez de bon sens pour en remplir un coquetier ! Et ça, ça détermine un droit de conquête ?! »

Une tonne d’écailles de Basilic, au moins cinq litres de venin qui ne pourront jamais être incorporés à cette nouvelle recette améliorée de Goutte du Mort-Vivant sur laquelle il travaillait. Tout ça à cause de ce foutu Harry Potter.

« Si c’est de la chance d’avoir vaincu un serpent de cauchemar avec une épée, alors je ne veux pas de ce genre de chance, » marmonne Ronald.

« Je ne savais pas que vous aviez tant envie de combattre un Basilic, Monsieur, » ajoute Potter avant que Severus n’ait pu relâcher sa rage sur l’imbécile aux cheveux roux. « La prochaine fois, je m’assurerai de vous emmener avec moi. »

La voix de Potter est agaçante d’indifférence et Severus ne peut s’en empêcher, la pensée traverse son esprit aussi vite que du feu de phénix : s’il est bien mon enfant, je le punirai jusqu’à la fin de sa vie pour ça.

« Espèce de gamin arrogant, présomptueux, mal-élevé—»

« Paix, Severus. » Albus lève une main. Severus reconnait ce regard fatigué. C’est celui qu’a Albus lorsqu’il est sur le point de se retirer pour concocter des plans, pour remettre l’échiquier à plat afin de revenir plus tard avec de nouvelles machinations.

Non. Ce gamin a volé ma foutue carcasse de Basilic. Je ne l’accepterai pas.

Severus commence à réfléchir aux retenues les plus horribles qu’il pourrait lui infliger. Récolter les organes génitaux des Scroutts à Pétard. Travailler avec du pus de Bubobulb. Sans gants. Une chose est certaine : Harry Potter souffrira.

« Expliquez-moi comment ma tutelle sur Harry a été révoquée, » lance Albus d’un ton fatigué.

« Parce que Monsieur Potter a été déclaré légalement sans tuteur par un objet magique puissant l’année dernière. » Gripsec remonte ses petites lunettes sur son nez, observant Severus vibrer de rage avec une expression vaguement amusée. Severus ne peut même pas regarder le gobelin sans avoir envie de lancer un Sectumsempra sur la petite créature.

Allez vous faire foutre, Gripsec. Vous avez aidé ce gamin à voler mon Basilic.

« La Coupe de Feu, » chuchote Granger, qui réfléchit comme toujours à la vitesse de la lumière et est absolument incapable de s’empêcher de le faire savoir au reste du monde.

« Qu’est-ce que ça veut dire ? » Black a l’air paniqué, il regarde Potter comme si ce dernier allait exploser. « Il n’est pas légalement relié à la magie des Black pour l’instant, n’est-ce pas ? Il n’en a pas l’âge ! »

Bien sûr, c’est ça qui inquiète Black. Ce dont héritent tous les Black lorsqu’ils deviennent majeurs. Le pouvoir complet sur leurs demeures ancestrales. Severus se rappelle lorsque Regulus a eu dix-sept ans, le rire sur ses traits. « C’est comme si tout ce qui était dans la maison de Mère était vivant, Severus, et que j’avais tout pouvoir dessus ! »

« Non, la coupe a simplement supposé que Monsieur Potter n’avait pas de tuteur, puisqu’il a été enrôlé en tant qu’enfant. » Gripsec lance un regard vif à Albus. « Un dangereux précédent que la Nation Gobeline n’a pu s’empêcher de noter. »

« Les gobelins se soucient qu’un enfant ait été admis dans le tournoi ? » demande doucement Lupin.

« Non, bien sûr que non. » Gripsec lève les yeux au ciel à la remarque de Lupin.

« Ils se soucient du fait qu’un artefact magique si puissant ait été manipulé par un sorcier, » intervient Severus d’une voix traînante en fusillant Gripsec du regard. « Fabrication gobeline, si je ne m’abuse ? »

Gripsec lui lance un sourire mesquin.

« Je suis désolé, Monsieur Gripsec, » les interrompt poliment Granger avec ses mimiques habituelles. « Mais qu’est-ce que cela signifie pour Harry ? »

Severus est soudain frappé par le fait que cette façon habituelle de s’adresser aux autres, la lèche coutumière de Granger, a été particulièrement absente de toutes ses interactions avec lui et les autres membres de l’Ordre durant cet été. Il n’en a pas grand-chose à faire, je pourrais certainement survivre sans les minauderies de Granger, mais c’est pour le moins éclairant.

« Cela veut dire que personne n’a le droit d’accéder aux coffres de l’Héritier Potter-Black. » Les yeux de Gripsec s’allument d’une lueur prédatrice lorsqu’il jette un coup d’œil à Black. Clairement, il sait pour le Grimoire. « Et que le Sanctuaire du Hall d’Argent lui offrira l’asile s’il le demande. »

« Cool, j’accepte. » Potter claque des mains, puis se tourne vers Bill Weasley. « On y va, du coup ? »

C’est à ce moment-là que Severus le remarque. Deux petits trous sur le cou du garçon, qui laissent échapper un minuscule filet de sang. Puis ça disparaît, comme si ça n’avait jamais été là. Comme si ça avait été recouvert par un serpent invisible. Severus jette un regard à Albus, mais ce dernier est occupé à observer Gripsec et n’a rien remarqué.

Comment ce gamin imprudent a-t-il réussi à se faire mordre par cette bestiole et à être quand même debout ? Severus lui donne dix minutes, au mieux.

« Harry ne peut pas partir, Gripsec. » Albus parle d’une voix claire, mais fatiguée. « Pour des raisons que je n’ai pas besoin de détailler, j’en suis certain. »

« Et pour des raisons que je n’ai pas besoin d’expliquer, Dumbledore, la Nation Gobeline ne pliera pas, » grogne Gripsec.  

« Alors un compromis, » intervient Lupin. Tellement typique. Lupin, toujours là pour amener une paix instable qui ne satisfera personne. « Nous devons faire un compromis. Si les gobelins veulent protéger Harry, est-ce que Bill pourrait être relocalisé ici jusqu’à ce qu’Harry aille à l’école ? Il peut agir en tant qu’Anzar ici. »

« C’est acceptable, » répond lentement Gripsec. « Mais seulement si le protégé est d’accord. »

« Harry, s’il-te-plait. » Lupin attrape la main de son filleul. Severus est surpris de voir le gamin le laisser faire, encore plus surpris de voir la tendresse sur son visage. Ce gamin pardonne bien trop facilement. « Ne pars pas, Albus a raison, c’est dangereux, il y a beaucoup en jeu et tu sais, » Lupin déglutit difficilement. « On ne veut pas te perdre à nouveau. »

« Les termes du marché restent les mêmes, » Potter tapote la main de Lupin dans ce que Severus ne peut voir que comme une pitié qui lui donne envie de vomir. « Sirius va voir un guérisseur de l’esprit. Je reste. C’est tout. »

Le loup-garou se tourne vers son amant, le regard brûlant.

« Sirius, s’il-te-plait, pour moi, s’il-te-plait, fais ce qu’il demande. » Dans une démonstration horriblement humiliante, Lupin se laisse tomber à genoux devant le fauteuil de Black pour attraper les robes de l’homme. Aucune dignité. Un homme fait de passion et de pitié. Severus essaie de ne pas penser au fait que la pitié de Lupin les a menés à une passion mutuelle dans le passé. Lupin attire le visage de Black jusqu’à lui, cachant ses lèvres dans ses cheveux.

« On y est, Patmol, » chuchote Lupin si bas dans la chevelure de Black que Severus, le seul à être assez proche ou avec une oreille assez fine, peut l’entendre. « C’est le moment où je te quitte si tu ne me rejoins pas au milieu de cette foutue situation. On y est. »

Fais-le, Lupin. Pars.

Black lance un regard plein de colère à son partenaire, plein de ressentiment à son filleul. À sa décharge, le gamin ne faiblit jamais devant Black. En tout cas, Severus ne l’a jamais vu faire. Il se contente de hausser ses sourcils et de lui rendre son regard, aux côtés de Bill Weasley et de Gripsec.   

« Très bien, j’irai voir un foutu guérisseur d’esprit, » grogne Black. « Si Harry reste. »

« Je resterai, alors, si tu promets d’y aller, » répond Potter.

« D’accord. Je promets, » lance sèchement Black. « Mais je ne prendrai pas de médicaments et je ne changerai pas, je ne me ferai pas rétrécir ma foutue tête. J’irai aux sessions. J’écouterai. C’est tout. »

« Donc tu feras juste de la merde, voilà ce que tu feras, » marmonne Ronald derrière Potter, et Potter lui jette un regard par-dessus son épaule, lève les yeux au ciel à l’attention de ses amis avant de faire face à nouveau à son parrain. Il a l’air calme, mais Severus remarque un petit tapotement de son doigt contre sa baguette. Il le fait aussi, contre son chaudron, quand il réfléchit.

Je fais ça, moi aussi.

 Ça ne veut rien dire.

« Très bien, si tu ne fais ta guérison de l’esprit qu’à moitié, alors je ne vivrai ici qu’à moitié, » lance finalement Potter. « Bill te gardera éloigné de moi tout le temps. Nous ne nous parlerons pas. Si tu essaie quoi que ce soit comme ce que tu as fait aujourd’hui, Bill me ramènera au… Au Hall d’Argent ? » Potter lance un regard à Gripsec, qui acquiesce.

Ce foutu gamin idiot ne sait même pas quels avantages lui ont été proposés.  

Mais n’est-ce pas Potter dans toute sa splendeur ? Aucun gamin n’est aussi chanceux que lui. Severus se rappelle de sa propre enfance, l’obscurité silencieuse que représente le fait d’avoir été un autre enfant non voulu dans ce vaste monde indifférent. Si Potter n’était pas voulu chez son oncle et sa tante, il ne peut pas dire qu’il n’est pas voulu à présent. Le gamin représente le fantasme de tous les enfants maltraités, celui qu’un jour, une armée de gens se dresseraient pour se battre pour lui.

Bien sûr, il n’y a que pour lui que ce fantasme devient réalité, songe amèrement Severus.

« Eh bien, il semblerait qu’on ne puisse pas attendre de miracles, juste la courtoisie de base, » soupire Albus. Cela rappelle avec inconfort à Severus cette démonstration de réconciliation que lui et Black avaient été forcés d’endurer dans l’Infirmerie, la nuit du retour du Seigneur des Ténèbres. Albus se relève lentement. « Harry restera dans la maison jusqu’à Poudlard. Sirius ira voir un guérisseur d’esprit. À Poudlard, Harry commencera l’Occlumencie. Gripsec, je suppose que les gobelins me contacteront à propos du cadavre du Basilic ? »

« Oui, Professeur Dumbledore. » Gripsec se lève et s’incline devant Albus, lui offrant une bénédiction en Gobelbabil à laquelle Albus répond avec gentillesse, trop vite pour que Severus la comprenne.

« Je dois retourner à Poudlard. » Le visage d’Albus semble plus ridé que lorsqu’il est arrivé. « Severus, venez-vous avec moi ? »

« Dans un instant, » acquiesce Severus. Il y a ce petit souci de comprendre comment Potter peut encore tenir debout alors qu’il s’est fait mordre par un foutu reptile venimeux. Et un magique, en plus de ça. « Je dois emprunter Monsieur Potter un moment pour discuter de nos futures leçons. »

« Je viens avec vous, » intervient promptement Bill Weasley.

« Tout va bien, Bill. » Potter s’éloigne d’un pas de son Anzar. « C’est seulement Sirius que tu dois surveiller. »

« Je n’ai pas besoin d’être surveillé, putain, » grogne Black.

« Et je n’ai pas besoin de vivre ici, » répond sèchement Potter. Son elfe lance un regard à Potter, mais le gamin se contente d’un geste dans sa direction et l’elfe disparaît, laissant Black fronçant les sourcils derrière lui. Tandis qu’il traverse la pièce en direction de Severus, ce dernier remarque la légère pâleur du visage du gamin. Il est probablement en train de mourir empoisonné mais est trop têtu pour l’admettre. Severus lui tient la porte ouverte et Potter sort. Puis, il emmène Potter en bas des escaliers menant au laboratoire de potion, et referme la porte derrière eux d’un coup de baguette. C’est la première fois qu’il se retrouve seul avec Potter depuis qu’il a envisagé que le gamin puisse secrètement être son Héritier, mais ça ne fait aucune différence. Observant ce visage calme mais prudent que le monde sorcier adore, il ressent toujours le même sentiment familier d’aversion.

« Vous êtes un idiot. » Severus sort la fiole d’anti-venin de sa poche et la lance à Potter. « Tenez. »

« Qu’est-ce que c’est ? » demande Potter sans politesse en l’attrapant avec ses foutus instincts d’Attrapeur. Comme son foutu père. Severus grince des dents. Il ne veut pas être seul avec ce gamin. Il ne veut pas penser à ce gamin. Il ne veut pas prolonger cette conversation.  

« De l’anti-venin, » répond-il sèchement. « Pour la morsure sur votre cou. Une morsure qui vient, je suppose, d’un serpent arboricole invisible. »

Potter observe la fiole, puis la repose lentement sur la table.

« Je pense que vous faites erreur, » dit-il en secouant la tête. « Je n’en ai pas besoin. Je n’ai pas été empoisonné. »

« Mais vous avez été mordu, » clarifie Severus.

« Et ? »

Une part de Severus a envie de maudire le gamin qui se montre encore une fois unique et obstiné, et une autre est horriblement fascinée. Peut-être que je pourrais vider Potter de son sang et utiliser ce dernier comme anti-venin de serpent arboricole ?

« À votre bon plaisir, » répond lentement Severus. « Vous n’avez qu’à mourir, je m’en fiche. »

Potter ne répond pas. Il enfonce juste ses mains dans ses poches.

« C’est bien ce que je pensais, » marmonne le gamin.

Severus en ressent une pointe d’inconfort.

Il n’est pas mon Héritier. Il n’est rien pour moi à part la raison pour laquelle la seule femme que je n’aie jamais aimée est morte.  

« Autre chose ? » demande Potter avec cette impolitesse rude qui donne envie à Severus de briser ce qui l’entoure.

« Oui, » siffle Severus. « Restez-loin de Théodore Nott. »

Potter le dévisage un moment, puis hausse les épaules de cette manière absolument exaspérante. Severus ne le laissera pas s’en tirer à si bon compte.

« Une confirmation verbale est requise, Monsieur Potter. »

« Pour quoi ? » demande doucement Potter.

Pendant une seconde délirante, Severus a l’impression qu’ils sont en train d’avoir une conversation totalement différente. C’est quelque chose qui ne lui est arrivé qu’avec ses meilleurs Serpentards. Plusieurs réponses lui traversent l’esprit. Une confirmation verbale de si tu es mon Héritier ou pas. Une confirmation verbale de si tu es mon fils ou pas. Une confirmation verbale de si tout ça n’est qu’une foutue blague cosmique destinée à me faire perdre l’esprit.

« De votre accord de rester loin de Monsieur Nott, » gronde Severus.

« Oh, ça. » Potter acquiesce lentement. « Non. »

Une lumière blanche pulse de la main de Potter, comme une petite étoile implosant du diamant des Black, et Severus sent la force du refus de Potter comme un vent violent. Puis, avant que Severus n’ait même eu le temps de comprendre ce qu’il s’était passé, Potter se tourne et remonte les escaliers.

Bordel mais par les couilles de Merlin, qu’est-ce que c’était que ça ?

C’était de la magie, réalise Severus. La magie des Black est utilisée par Potter d’une façon que Severus n’a pas vue depuis Regulus, d’une façon qui lui serre la poitrine sous un manque familier. Il s’appuie contre l’établi de potions et frotte son front. Si le Seigneur des Ténèbres est un putain de fils de pute, alors Harry James Charlus Potter-Black n’est qu’un démon envoyé droit des enfers pour lui pourrir la vie. Un démon avec un contrôle sur la magie des Black si naturel qu’il en est inquiétant. Un contrôle qu’un étudiant moyen comme Potter ne devrait pas être capable d’atteindre.

Putain mais qui est ce gamin ?

La question apparaît dans son esprit, accompagnée d’un des messages incessants de Narcissa : Si tu as des questions à propos de ton Héritier, tu n’as besoin que de regarder dans ton propre esprit pour en trouver la réponse. Severus prend une décision. Il doit savoir. Il s’est dérobé au passé bien trop longtemps. Il sort un message qu’il a trimballé avec lui et ignoré pendant des jours, et y gribouille une réponse tout en bas.

 

Narcissa,

Je suis prêt à approfondir ma fouille dans mes souvenirs.

Severus

 

Notes:

APPELEZ LA PRESSE ! SEVERUS A ENFIN SORTI LA TÊTE DE SON FONDEMENT ! \o/
Maintenant à voir comment tout ça peut bien être possible, et qu'est-ce qu'il va découvrir... ;D Rendez-vous jeudi pour (peut-être) en savoir plus !

Chapter 30: Des Sandwichs au poisson pané

Notes:

Note de l'auteur : Plus de Severus !
Merci merci merci pour vos commentaires, j'adore les lire et entendre vos théories et vos sentiments ! Juste un petit commentaire sur Severus - les tags de cette sont toujours valides. C'est une histoire sur Severus & Harry (tout comme une romance adolescente à l'eau de rose !) et je sais qu'une bonne partie d'entre vous ont la Rage pour Severus en ce moment mais pour moi, c'est important que Severus soit fidèle à lui-même. Je ne crois pas à un retournement de veste rapide pour lui, tout comme je ne crois pas à une guérison rapide pour Sirius. Severus est un diagnostique ambulant de SSPT où je ne m'y connais pas.
Severus, Sirius et Remus sont tous les trois dans leur trentaine à ce moment de l'histoire. Quand j'étais une enfant lisant Harry Potter pour la première fois, ils semblaient si adultes et sages. Aujourd'hui, je suis moi-même trentenaire et je dois encore gérer l'impact de mon adolescence sur ma santé mentale, donc je m'identifie beaucoup à eux. Donc oui, dans ma version de cet univers, vous allez voir beaucoup d'adultes à l'esprit niqué qui font des trucs de merde près d'enfants. C'est à vous de décider, je suppose, de ce qui est pardonnable ou pas. Mais pour moi, c'est la question essentielle dans toute histoire entre Severus et Harry : qu'est-ce qu'on veut pardonner, et à quel coût ?

Note de la traductrice : ... rien à redire :) Bonne lecture !

(See the end of the chapter for more notes.)

Chapter Text

Severus dévisage Regulus.

« Toi… Toi et Barty ? »

« Ouais, » répond Regulus en haussant les épaules. Il est décoiffé, ses lèvres sont rougies, comme s’il avait traversé en courant le château, en arrivant à la Salle sur Demande directement depuis les dortoirs des Serdaigle. Depuis le lit de Croupton. Severus le dévisage, le corps empli du bourbon chaud que lui ont refilé les autres Septième années, tous transportés par la joie d’avoir enfin terminé de passer leurs ASPICs. Il a décoré la pièce, installant deux verres, une bouteille de porto qu’il sait que Regulus apprécie. De très bons goûts, pour un fils de la Maison des Black. Severus voulait dire à Regulus comment son examinateur, un potionniste renommé, Arsenius Jigger, lui avait offert une place d’apprentissage sur le moment. Que Severus allait déménager à Paris et trouverait un appartement quelque part et que Regulus pourrait venir le voir durant les vacances scolaires et qu’il n’aurait plus jamais à retourner au Square Grimmauld. Mais Regulus a couché avec Barty Croupton. Severus fixe le verre de porto et ressent une rage qu’il n’avait pas ressentie depuis la mort d’Eileen.

« Tu t’es envoyé en l’air avec lui ? » ricane Severus. « Cette petite salope ? Et ensuite, quoi ? Tu es revenu en rampant vers moi, alors que tu as juste l’air d’une putain ? »

Ces mots ne veulent rien dire, ils empêchent juste Severus de s’effondrer à terre et d’hurler comme un enfant. Quelque chose en lui, qui avait été fragilement recollé depuis le rejet de Lily l’année dernière, est à nouveau en train de se briser en mille morceaux.

« Ouais, exactement. » Regulus se presse délibérément contre le corps de Severus. Il pue la sueur et le sexe. Il sait que Severus, avec son nez si sensible, le sentira. Severus ferme brièvement les yeux, le désir et l’outrage s’affrontant en lui. Va te faire foutre, Regulus. « Parce que tu n’es pas le seul qui peut fuir les choses, Sev. »

« Je ne suis pas celui qui trompe l’autre, là, » grogne Severus, se haïssant d’avoir tant envie d’enfoncer sa langue dans la gorge de Regulus pour en éviscérer la moindre trace de Bartemius Croupton.

« Mais tu es celui qui s’en va ! » crie Regulus, balayant le visage de Severus de son haleine chaude. « Je t’ai demandé, je t’ai supplié de m’emmener et tu as refusé ! Et ensuite, il a fallu que tu fasses CA ! »

Regulus attrape le bras de Severus, tirant sur sa manche. La Marque des Ténèbres fraîchement gravée ressort, noire et enflammée, sur son avant-bras. Severus fixe les yeux furieux et dégoûtés de Regulus. Il sent un trou dans son estomac. Si c’est pour cette raison que Regulus l’a trahi, alors le destin est en effet bien cruel.

« Je voulais juste te garder en sécurité. » Severus laisse échapper un rire rauque. « Mais c’était avant de savoir que tu étais capable d’une infidélité si mesquine. »

« On aurait pu être en sécurité à New York ! » hurle Regulus. « Je te l’ai dit putain, qu’on aurait pu s’enfuir ensemble, j’avais même un plan ! »  

« Est-ce que tu es stupide ? » grogne Severus. Il sait que Regulus ne l’est pas, mais il le dit quand même. « Où est-ce que tu penses pouvoir aller pour te cacher de lui ? Il règnera sur le monde un jour, tu penses que New York ne finira pas par l’intéresser ? »

« Magnus est puissant. » Regulus lève le menton, et Severus se retrouve embrasé d’un agacement dingue, d’une jalousie sans borne envers un homme qu’il n’a jamais rencontré, et pourtant son petit ami a clairement sucé un Serdaigle il n’y a même pas vingt minutes. Severus s’empêche de penser à la moue étudiée de Barty, à ses yeux calculateurs et séduisants.

« Personne n’est aussi fort que LUI ! » crie Severus. « De quel côté veux-tu être, Regulus ? Il n’y a aucun moyen de se cacher de Tom Jedusor ! »

Regulus observe la marque sombre sur le bras de Severus.

« Non, en effet, pour toi il n’y en a plus, » répond franchement Regulus. Ses yeux sont emplis de larmes. « J’espère que ça te rendra heureux. Tu as tout ruiné. Tout ce que j’ai fait, c’est officialiser la chose. »

Severus cède. La magie des Prince, qu’il n’a presque jamais utilisée, enroule des ombres noires autour des bras de Regulus et le clouent au mur opposé, cognant sa tête contre une bibliothèque. Regulus le dévisage, ses yeux noirs écarquillés.

« Ce n’est pas moi qui ai BAISÉ quelqu’un d’autre ! » hurle Severus en sentant les ombres trembler au bout de ses doigts. Il maintient Regulus en place avec sa magie, tandis que le plus jeune se débat. « J’essayais de nous protéger, mais tu as tout jeté aux ordures pour une coucherie rapide avec Croupton— » 

« Oh, je te rassure, ça n’avait rien de rapide. » Regulus essaye désespérément de respirer, ses yeux emplis de larmes de colère. Il ressemble tant à son frère que, pendant une seconde, Severus en perd l’esprit. Il lance le verre remplit de porto à la tête de Regulus. Ce dernier se brise au-dessus de lui, Regulus laissant échapper un cri plaintif quand le verre et le porto rouge sang pleuvent sur sa tête. C’est ce son qui déclenche tout. Le cri désespéré, mélangé au son du verre qui se brise.

Tobias. Les pleurs. Les poings. La douleur. Malheureusement, Regulus le connait trop bien pour ne pas voir le chemin que prennent ses pensées.

« Tel père, tel fils, Severus, » chuchote Regulus, ses yeux brillant de cruauté tandis que le porto dégouline de ses sourcils comme des larmes de sang.

Severus hoquète, recule en trébuchant, et les liens de magie des Prince autour de Regulus se réduisent à néant. Regulus ne bouge pas. Il reste là, le dos appuyé contre le mur, le souffle court. Des morceaux de verre sont éparpillés dans ses cheveux comme un diadème brisé. Severus marche lentement vers lui, laissant tomber sa baguette à terre, levant les mains dans un geste désespéré. Il ne veut pas être comme Tobias. Peu importe ce que fait Regulus.

« S’il-te-plait, » hoquète Severus. « Je ne voulais pas, je— » 

Regulus enfonce ses mains dans ses cheveux et l’embrasse frénétiquement avant que Severus ne puisse souffler un seul autre mot. Il y a des éclats de verre qui s’accrochent sur leurs peaux, les coupant tous les deux, mais il s’en fiche. Severus attire Regulus contre lui avec un grognement de désespoir et pense, ne me quitte pas, s’il te plait, ne me quitte pas. La main de Regulus descend vers le bouton de son pantalon.

 

« Assez ! »

Severus repousse Narcissa de son esprit avec un coup violent. Quand il ouvre les yeux, il est là où il se trouvait quand ils ont commencé, allongé sur l’ottoman de Narcissa dans son salon privé. Narcissa est assise derrière lui, une main sur la sienne et l’autre sur son front, là où elle a tracé des runes précises à l’aide de leurs sangs mélangés.

« Oui, ça me semble être un bon endroit pour faire un petit interlude. » Narcissa se lève et va chercher deux tasses de thé sur la petite table basse. Severus prend rapidement une gorgée de la sienne. C’est un mélange de Narcissa elle-même, une combinaison d’Earl Grey et de valériane qui ne manque jamais de le calmer. Il sait que c’est à cause des runes, qui renforcent ses souvenirs, mais il peut encore sentir les baisers de Regulus contre sa peau. Il peut sentir son odeur de sel et d’agrumes.

Merlin tout puissant, c’était vraiment une très mauvaise idée.

« Tu as pris la marque pour protéger Regulus. » Narcissa prend une gorgée de son thé, et parle de ce ton envieux et plat qu’elle utilise lorsqu’elle l’observe s’effilocher. On dirait que ça arrive très souvent en ce moment. « Je ne le savais pas. »

Severus renifle.

« Je doute qu’aucun de nous ne soit vraiment honnête avec les autres sur nos raisons. » Severus se touche la tête. Les runes le démangent.

« Qu’est-ce qu’il y avait, à New York ? »

« Un ancien mentor de Regulus, Magnus Bane. » Severus grimace. Et un chemin non emprunté, un futur à deux renié. Severus essaie de ne pas y penser, parce qu’à chaque fois qu’il le fait, il se dit qu’ils auraient dû y aller. Ça n’aide en rien.  

« Ta magie ancestrale est puissante, » commente Narcissa. « La Maison des Rogue qui arrive à surpasser celle des Black comme ça… »

Severus manque de sourire à sa tentative subtile d’obtenir des informations.

« Regulus n’avait pas encore dix-sept ans. » Severus boit une gorgée de thé. « Il n’était pas encore majeur et n’avait pas obtenu son plein contrôle sur la magie des Black. »

Tout comme Potter, essaye de se raisonner Potter. Et pourtant, ça n’a pas empêché Potter de jeter Black en bas des escaliers. Il sourit mais repousse cette pensée loin de son esprit. Il n’a pas encore partagé avec Narcissa qui était le nouvel Héritier de la maison des Black.

« Allez, reprenons. » Severus repose sa tasse de thé.

« Très bien. Cette fois, essayons de nous concentrer sur tes souvenirs de Potter, d’Evans, plutôt que sur une année ou une date. »

Narcissa ressemble à une déesse des temps anciens, aujourd’hui. Elle a des runes de sang sur le dos de ses mains et porte un bandeau de conduits runiques en travers du front. C’est une pierre de lune géante, encastrée dans de l’argent gobelin. Même s’il est de loin le plus doué dans l’art des Magies de l’Esprit, Severus n’oserait jamais refuser ses conseils quand elle ressemble à ça. Elle chuchote le chant runique tandis que Severus abaisse ses boucliers d’Occlumencie, lui laissant accès à tout sauf à une toute petite boite qui reste verrouillée, dans les tréfonds de son esprit, trop petite pour qu’elle la remarque. Sa trahison face au Seigneur des Ténèbres. Les secrets de la Maison des Prince.

 

Severus hurle le mot ‘Sang-de-Bourbe ! » à Lily devant le Lac Noir. Il la voit après les ASPICs, après Regulus, une fois dans l’Allée de Traverse avant qu’il ne parte pour la France. Leurs yeux se croisent à Fleury & Botts et il voit la bague de fiançailles avec un rubis à son doigt, un miroir de la bague d’Héritier des Potter.

« Tu vas l’épouser ? » crache Severus, incapable de s’empêcher de lui parler. Sa main agrippe si fort sa copie française du Manuel Avancé de Préparation des Potions qu’il en déchire un peu le coin. Ils n’ont pas parlé seul à seule depuis plus d’une année, et pourtant, elle n’est absolument pas surprise. Une écharpe rouge et or est autour de son cou. Ses cheveux sont coupés. C’est différent.

« Il a fait sa demande. » Lily glisse sa main dans sa poche, cachant la bague. Leurs regards se croisent une seconde. « Black ? »

Elle sait que lui et Regulus étaient ensemble jusqu’à leur remise de diplômes. Jusqu'à ce que Regulus se fasse Barty et qu'Edgar Bones et Severus, complètement ivres, soient surpris dans la salle de bain des préfets, le soir de la remise des diplômes. Il n’a rien contre Edgar, il était même plutôt doué, mais Severus hait le fait que sa toute dernière fois à Poudlard ait été avec un Gryffondor. Le mauvais Gryffondor. Severus secoue la tête, plisse les lèvres.

« Je ne crois pas. »

Lily acquiesce, son regard dérivant vers la porte.

« J’ai entendu dire que tu avais eu Jigger. » Elle bouge les livres sous son bras. Sortilèges. Il a entendu qu’elle poursuivait une Maîtrise. Severus acquiesce.

« J’ai entendu dire que tu restais avec Flitwick. » Severus ne peut s’empêcher de grimacer. « Et pourtant, je crois savoir qu’on t’avait proposé une place à Beauxbatons, avec Perenelle Flamel. »

« Oui, eh bien, » Lily rougit, regarde ses bottes. « James a son entraînement d’Auror, donc. »  

« Donc tu abandonnes tes rêves pour les siens ? » gronde Severus.

« Tu ne connais rien de mes rêves. »

La voix de Lily n’est pas dure. Le vide béant du savoir s’étire entre eux, et Severus a l’impression d’être à un millier de kilomètres d’elle, comme s’il la regardait de l’autre bout de l’univers. Et puis, soudainement, elle attrape son bras et il ressent la chaleur familière de son corps, de sa magie, près de lui à nouveau. Il est empli d’un manque insondable.

« Sois prudent, Sev, » chuchote-t-elle avant de se tourner et de le laisser seul dans la boutique. À travers la vitre, il la voit enfoncer le menton dans son écharpe et descendre la rue. C’est la dernière fois qu’il la voit en vie.

 

À présent, Severus traverse le petit jardin de Godric Hollow, le jardin détruit par une explosion saisissante. La porte est restée ouverte.  Il enjambe Potter, au pied des escaliers, ses lunettes si agaçantes horriblement écrasées contre son visage. Il grimpe le long des escaliers défoncés jusqu’à la chambre d’enfant, dont les fenêtres sont explosées. Dehors, il entend la tempête faire rage, la pluie tomber et les feuilles s’agiter contre les débris. L’enfant hurle, son petit visage plein de sang et irrité mais Severus ne peut pas l’observer pour l’instant. Severus dévisage Lily.

Elle est si belle.

Elle lui semble aussi jeune que la dernière fois qu’elle lui a dit qu’elle l’aimait. (À la fin de leur Cinquième année, près du Lac Noir. Lily sourit tandis qu’elle le lui chuchote et qu’elle brille de cette lumière intérieure, ses cheveux roux volant dans le vent.) Il se laisse tomber à genoux au milieu des débris du désastre, l’attirant contre lui, pressant son corps froid contre son cœur tandis qu’il pleure, les larmes s’extirpant de lui comme jamais auparavant. Ni quand Eileen est morte. Ni quand Regulus est mort. À cet instant, Severus a peur de mourir lui aussi, d’expirer avec son cœur mort sur le sol de la chambre. L’enfant hurle si fort, que Severus ne peut finalement plus le supporter. Sanglotant, il soulève le petit garçon du berceau et essuie son front sanglant, le nettoyant doucement. L’enfant est en vie, ses yeux d’un vert brillant, la réplique exacte de ceux de Lily. Severus touche la joue de l’enfant. 

« Lily, » sanglote-t-il.

 

« Non. »

Severus s’arrache à la poigne de Narcissa et se penche vers l’avant, posant ses pieds sur le sol et inspirant à fond, essayant désespérément de ne pas vomir. Putain. Il essaye de compter à rebours en sanskrit mais ça ne marche pas, il peut sentir le froid de la mort sur la peau de Lily, sentir l’odeur de brûlé qui envahissait la maison et le sang sur le visage du bébé.

« Nomme les ingrédients qui composent l’Amortentia, » lance Narcissa, qui caresse doucement son dos.

« Des cheveux de Veela, des yeux écrasés d’Antipodes, des graines de grenades… » Severus déglutit avec difficulté, essayant de respirer les effluves du thé de valériane et de se débarrasser de cette odeur de brûlé. « Putain. »

Severus agrippe ses cheveux, inspirant par à-coup.

« Tu as été le premier à les voir, après. » La voix de Narcissa est si douce, ses mains tendres caressant ses cheveux et frottant son dos juste comme elle avait l’habitude de le faire lorsqu’il se réveillait de cauchemars dans son lit.

« Oui. » Severus essaye de ravaler ce sentiment de panique qu’il ne s’attendait pas à ressentir, mais il n’y arrive pas. « S’il est mon Héritier, comment ai-je pu le laisser là-bas ? »

Comment ai-je pu faire ce que j’ai fait ?

Voilà ce qu’il gagne à avoir les meilleurs foutus boucliers d’Occlumencie de toute l’Europe. Ces souvenirs, ainsi que les émotions qui y sont liées, sont d’habitude enfouis trop profondément pour qu’il les ressente. Il a pensé à la mort de Lily chaque jour depuis qu’elle s’est produite, mais il ne l’avait pas pleinement ressentie depuis cette nuit-là. Cette terreur, cette horreur, ont été enfouies au plus profond de lui, ne laissant derrière que la seule émotion avec laquelle Severus est réellement confortable. La colère.

« Si c’est vrai, et que tu avais eu un quelconque moyen de le savoir à l’époque, il aurait quand même été mieux de l’y laisser. »

« Comment ? » s’étouffe Severus.

« Parce que tu étais Marqué, Severus. » Narcissa repousse une mèche de cheveux derrière son oreille et fait glisser ses doigts fins sur sa joue. « Tu n’aurais pas pu reconnaître ton Héritier à ce moment-là. Le monde aurait été plongé dans le chaos si tu l’avais fait. Un Mangemort reconnu, qui élève le Garçon-Qui-A-Survécu ? Il était mieux avec sa famille. »

Non, absolument pas.

C’est dire à quel point Severus est furieux des actions de Pétunia en tant que tutrice, qu’il se dise que Potter aurait été plus heureux à grandir avec lui, un Mangemort marqué, plutôt qu’elle. La douleur dans sa poitrine recule peu à peu, le souvenir coulant à nouveau dans les eaux de son esprit comme un cadavre.

Rien de tout ça n’a d’importance. Il n’est pas mon Héritier. Il n’a pas besoin de ma pitié.

« Reprenons. » Severus se rallonge, fermant les yeux. Il sent Narcissa toucher sa main et ouvre les portes de son Occlumencie, laisse les souvenirs remonter entre eux et pense Potter.

Severus dévisage le gamin à onze ans, cherchant avec ferveur les yeux de Lily après ces onze années amères, mais avec horreur, il ne voit que Potter qui se tient devant lui.

C’est toujours ce foutu Harry Potter.  

Puis des souvenirs de Potter au fil des années se bousculent dans son esprit. Severus qui cherche toujours un éclair de ces yeux verts et qui hait ce gamin-héros qui grandit sous ses yeux. Sa panique quand il voit le gamin être bousculé par son propre balai envoûté, tandis qu’il marmonne avec frénésie un contre sort. À désespérément vouloir maudire Quirinus, mais à être forcé de ne pas le faire par Albus. Les atroces grincements et craquements des os de Lupin tandis qu’ils s’étirent juste devant lui, tandis que la fourrure le recouvre et que sa tête mute brutalement. La terreur en lui tandis que Severus pousse le gamin derrière lui, pousse les yeux de Lily derrière lui, et qu’il fait face au loup dans la lueur de la lune.

Puis il se retrouve à observer Potter au Square Grimmauld, qui jette Black en bas des escaliers dans un éclair de lumière blanche. Il observe Potter appeler Kreattur, Potter s’annoncer en tant qu’’Héritier Potter-Black, aujourd’hui.’ Puis, Potter qui le suit dans la pénombre du laboratoire de potions et Severus qui le dévisage, qui dévisage ces yeux bizarrement plus verts.

Etrangement, Narcissa ralentit ce moment. Severus le sent, et revoit tout plus lentement en quelques secondes, et avec ça, viennent les révélations.  

Le gamin est à nouveau maigre, remarque-t-il. Il se rappelle la mention de malnutrition sur la liste infernale de Théodore. Il contrôle les blessures dont il a conscience, l’ombre des bleus sur sa pommette, et sa clavicule, la raideur dans sa posture et sa façon d’utiliser plutôt son poignet gauche alors que Severus sait qu’il est droitier.

Comment un adolescent si fin, si petit, a pu survivre à une mise à tabac si brutale ?

« À votre bon plaisir. » La voix de Severus est tellement plus dure et plus vicieuse qu’il n’en a le souvenir. Il ne semble pas remarquer à quel point Potter semble fatigué, combien il lutte pour rester debout. Il n’a peut-être pas été empoisonné, mais il est épuisé.

« Vous n’avez qu’à mourir, je m’en fiche. »

Il voit le tic dans le visage de Potter, l’ombre qui se glisse derrière ses yeux. Severus remarque comment il serre sa main dominante, celle qui n’a aucune bague, comme si quelque chose l’avait blessé. Puis, il l’enfonce dans sa poche, comme s’il voulait la cacher. Puis, Severus entend un petit sifflement.

« C’est bien ce que je pensais. » Le gamin ne semble pas belliqueux, comme l’a d’abord pensé Severus, il a l’air résigné. Il observe Severus avec un regard amer. Ce n’est plus l’amertume d’un enfant qui a l’impression qu’il a été traité injustement par un enseignant. C’est l’amertume d’un enfant qui sait qu’il a été abandonné.

Le gamin sait.

 

Cette fois, c’est Narcissa qui met fin au souvenir en retirant sa main. Severus cligne des yeux et les lève pour trouver Narcissa, debout au-dessus de lui, son regard bleu brûlant d’une flamme inquiétante.  

« Héritier Potter-Black, » siffle-t-elle. « Quelque chose que tu as oublié de mentionner. »

« Pas la peine de me gronder. » Severus laisse sa tête retomber contre les coussins et se pince l’arrête du nez. « J’avais l’intention de te le dire aujourd’hui. »

« Que l’Héritier de la Maison des Black n’est pas mon propre fils, comme je le pensais, mais pourrait bien être le tien ? »

« Ne l’appelle pas comme ça, » grogne Severus. « Et comme si tu pouvais raisonnablement penser que ton cousin éloigné, qui a annoncé haut et fort sa haine pour votre famille, pourrait un jour permettre à ton fils d’être le prochain Héritier de la Maison des Black. Je parie qu’il ferait Héritier un Weasley avant que ça n’arrive. »

Narcissa hausse un sourcil argenté.  

« Et comment penses-tu que le Cousin Sirius prendrait nos hypothèses actuelles ? » Narcissa lance un sourire doux. « S’il savait que son Héritier n’est peut-être même pas un Potter ? »

Oh, Narcissa sait comment retourner le couteau dans la plaie. Severus grimace en pensant à l’explosion inévitable de Black. Cet homme est encore pire que ce foutu Seamus Finnegan.

« Je pense que le Cousin Sirius, comme tu l’appelles, préfèrerait nommer Bellatrix en tant qu’Héritier qu’accepter ma progéniture, » soupire Severus.

« Severus, si l’enfant est ton Héritier, penses-tu vraiment qu’il soit approprié de faire référence à lui en termes de ‘progéniture’ ? »

« S’il s’agit de Potter, alors absolument. »  

Severus sent une migraine pointer. Travailler avec des Runes de l’Esprit puise significativement dans ses réserves, et il a encore toute une planification annuelle à faire. L’année scolaire commencera dans seulement deux petits jours et alors, sa retraite de calme sera réduite en charpie par des adolescents bien trop bavards.

Circé, aie pitié.

« Tu lui as dit que tu aurais souhaité qu’il soit mort, » lance sèchement Narcissa. « Est-ce que tu penses que tu souhaiteras avoir formulé les choses autrement, si on découvre qu’il est ton Héritier ? »

« Je pense que si je découvrais que mon enfant fait n’importe quoi avec du venin, comme l’a fait Potter, je montrerais sans doute mon déplaisir de cette façon, » répond Severus avec brusquerie. « Il ne faut pas céder aux caprices des enfants. »

« Il ne faut pas céder aux caprices des bambins, mais ce garçon est à deux ans de la majorité. » Narcissa marche jusqu’à la table basse et y boit un verre d’eau, le regard brûlant. « Si tu te le mets à dos, il y a de grandes chances qu’il ne t’accepte pas. »

« Ne te fais pas d’inquiétude pour ça. » Severus enfonce ses pouces dans ses tempes avec un rire rauque. « Si Potter devait s’avérer être de mon sang, il n’y a aucune chance dans cet univers ni dans aucun autre qu’il m’accepte comme son père. »

Et il ne le devrait pas.

« Oh, Severus. » Narcissa secoue la tête. « C’est tellement typique, mon cher. »

« Ne m’appelle pas comme ça. » Severus est déjà à vif, et rendu trop fragile par tous ces souvenirs qui se pressent contre son subconscient. Il ne pourra pas en supporter davantage. « Pas aujourd’hui. »  

Narcissa se rassied à ses côtés et croises ses longs membres, appuyant ses mains sur ses genoux et le couvant d’un regard doux.

« Cette lâcheté qui te caractérise, Severus, n’a jamais été attirante. Pour personne. Pas même le loup pour lequel tu dis ne rien ressentir mais à propos duquel tu ne cesses de gémir. »

Severus dévisage Narcissa. Elle a un talent unique. Elle peut sembler aussi tendre qu’une amante tout en utilisant des mot aussi brutaux qu’un coup de poing en pleine figure. C’est, il faut le dire, franchement stupéfiant.

« Cissa, je ne… » Severus déglutit. Comment fait-elle pour toujours me réduire à l’état de Première année bégayant ? « Je ne gémis pas à propos de Lupin. »

Narcissa agite la main, comme elle avait l’habitude de le faire lorsqu’il venait la voir, après une dispute avec Regulus.  

« Tu sembles avoir l’impression que cette forme d’autosabotage est quelque part attirante, mais ce n’est pas le cas. Tu as peur du rejet d’un enfant, donc tu repousses toi-même cet enfant. » Narcissa examine ses ongles. « Tu as utilisé la même tactique avec tous les amants qui ont un jour été dans ton lit. Est-ce que je dois vraiment t’expliquer combien l’amour paternel est différent de l’amour romantique ? »

« Non ! »

« Et pourtant, je suis assise là, à faire justement ça parce que tu te montres totalement incapable de le concevoir, tout comme tu étais incapable de nouer ta propre cravate, lors de ton premier jour. »

Les yeux de Narcissa se transforment en éclats de saphirs, qui retiennent son cœur et son souffle pendant un instant. Elle est une préfète, grande et parfaite, et lui trébuche dans Poudlard comme un gamin miteux.

« J’ai appris, non ? » finit-il par bégayer.

« En effet. Alors apprends, maintenant. » Narcissa se penche en avant. Elle le regarde fixement. « Un enfant n’a pas la capacité de te courir après et de te persuader, comme si tu étais un bambin, que tu n’as pas besoin d’être effrayé ou de le repousser. Si tu repousses ce garçon loin de toi et décide ensuite qu’en fait, tu le voulais à tes côtés, tu te rendras compte qu’il est trop tard. Les enfants ne pardonnent et n’oublient pas facilement. »  

« Potter oui. » Severus pense aux excuses du gamin à Black, à la façon qu’il a de sourire et de blaguer avec Lupin. C’est quelque chose qu’Albus a toujours dit à propos de Potter : il a une capacité extraordinaire à pardonner. « Tout le temps. C’est énervant. »

« Hmm. » Narcissa hausse les sourcils. « Je ne connais pas le garçon, bien sûr, mais prends donc ceci en considération. Il a de la rancune envers mon fils depuis quatre ans à cause d’une conversation à bord du Poudlard Express. Il est en colère contre Lucius à cause de ses actions envers, je crois, un elfe de maison. »

Et Ginny Weasley, ajoute silencieusement Severus, mais ça n’est pas le sujet à l’heure actuelle.

« Mais Black et Lupin— » 

« Sont essentiels à sa survie. » Narcissa repousse ses cheveux argentés derrière son épaule. « Je crois que le garçon ne pardonne que quand c’est nécessaire. Mais s’il pense que ça ne l’est pas… » Elle hausse les épaules. « Donc je suppose que la question est, si tu es son père— »

« C’est toujours à prouver, » ne peut s’empêcher d’ajouter Severus. Narcissa fronce les sourcils.

« Si tu es son père, est-ce qu’il te considérera comme nécessaire ? »

« Non. Bien sûr que non, » répond sèchement Severus. « Il ne me pardonnerait jamais, et pourquoi le ferait-il ? Je ne le ferais pas moi-même. »

« Non, en effet. » Narcissa lui lance un regard frustré. « C’est pourquoi tu le repousses. N'as-tu jamais pensé que ce n'est pas parce que tu t'es comporté de manière inadmissible avec lui dans le passé et qu'il aura sans doute du mal à te pardonner, que tu dois continuer à te comporter comme un Maraudeur immature ? »

Elle utilise ce mot juste pour l’emmerder, Severus le sait et la fusille du regard, croisant les bras devant sa poitrine, avec l’impression qu’il a à nouveau treize ans.

« Le moindre changement dans mon comportement envers Potter à présent serait ridiculement suspect aux yeux de notre Maître, » marmonne Severus. « Sans parler du fait que ce serait un geste des plus hypocrites. »

« Ce n’est pas hypocrite de changer d’avis, Severus. » Le ton de Narcissa est léger mais il peut sentir l’agacement qui émane d’elle par vagues. Narcissa, bien qu’elle possède une langue des plus aiguisées, n’a pas l’habitude de s’en servir. Elle n’approuve pas non plus cette pratique, et fait souvent remarquer à Severus que sa tendance à cracher du venin lorsqu’il est testé est ‘inconvenante’.

Si elle pouvait entendre comment parle Draco à l’école, elle l’assassinerait sur le champ.

« Tout ceci est potentiellement hors de propos, » répond sèchement Severus. « Parce qu’il est très peu probable que Potter soit mon Héritier. »

« Je me demande combien de preuves il va te falloir avant que tu ne considères que c’est une possibilité, » répond tout aussi sèchement Narcissa. « Puisqu’on en parle, devrions-nous continuer ? »

« Oui. »

Severus a hâte de finir. Sa migraine ne cesse de s’aggraver et Narcissa a allumé une culpabilité inconfortable au creux de son estomac. Il s’en fiche, si Potter le hait. Le garçon ne peut pas être son Héritier, donc ça n’a pas d’importance. Il referme les yeux et Narcissa abat sa main sur son front ave une force inutile. Il grimace et, cette fois, Narcissa n’attend pas qu’il ait abaissé ses boucliers. Elle les perce d’une lance faite de chaleur qui fait hoqueter Severus, lui faisant agripper sa main, mais les souvenirs s’échappent tout de même douloureusement, comme du poison s’écoulant de son esprit.

 

Lily se tient sur le pas de sa porte, une pluie battante à l’extérieur. Severus est une épave. Regulus n’est plus là, présumé mort depuis deux semaines.

« Qu’est-ce que tu fais ici ? » croasse-t-il. Il a une bouteille de whisky dans une main et se tient au cadre de la porte de l’autre.

« Sirius me l’a dit, » chuchote-t-elle, en agitant un petit sac de la boutique locale de Cokeworth. « J’ai acheté du poisson pané. Je me suis dit qu’on pourrait faire des sandwichs. »  

La nourriture de réconfort habituelle de Madame Evans. Quand Tobias était trop brutal et que Severus se faisait mettre dehors de la maison, c’était ce qu’il retrouvait placé sur ses genoux, sur les marches du porche arrière de la maison des Evans.

« Qu’est-ce que tu fais ici ? » répète Severus. Il n’a pas dormi depuis trois jours. Il a peur d’être en train de rêver.

« Des sandwichs, j’espère. » Lily tente un sourire. « Pour prendre soin de toi. »

Il regarde sa main. Elle est toujours mariée. Il ne comprend pas.

« Rentrez chez vous, Madame Potter, » articule-t-i avec peine en essayant de refermer la porte.

« Non, attends, Sev ! » Sa main attrape le rebord de la porte, coince ses doigts sous les siens. « Laisse-moi entrer, tu as l’air si mal en point. Laisse-moi te faire un sandwich, d’accord ? Je rentrerai directement ensuite. Promis. »

De la chaleur. Du réconfort. Regulus est mort et sa main est si chaude contre la sienne. C’est dangereux et il le sait il devrait refermer cette porte, la renvoyer, mais il ne peut pas. Il ne peut même pas parler. Il se contente d’hocher la tête.

 

« DEHORS ! » rugit Severus, arrachant sa main à celle de Narcissa et roulant sur le côté pour vomir horriblement, de l’autre côté de la chaise longue. Il a l’impression qu’elle a enfoncé un tisonnier chauffé à blanc entre ses deux yeux et il ne peut pas empêcher son estomac de se retourner pour essayer d’expulser la douleur.

Non. Non. Non. Ce n’est pas réel. Ça n’est pas arrivé. Je ne me souviens pas que ce soit arrivé.

« Tout va bien, très cher. » Narcissa frotte son dos et glisse une petite fiole sous son nez. Il reconnait l’odeur de mente poivrée des calmants pour l’estomac et l’avale d’un coup tandis que Narcissa fait disparaître ce qu’il a régurgité. « Il semblerait qu’on ait découvert un souvenir bloqué. »

Sans déconner.

Severus prend une profonde inspiration, se frotte le visage d’une main tremblante. Si quelqu’un lui avait demandé, il y a dix minutes, ce qu’était son dernier souvenir de Lily Potter vivante, il aurait répondu leur rencontre à Fleury & Botts après leur remise de diplômes.

Je l’ai vue après Regulus. Je l’ai vue. Elle était chez moi.  

« Severus ? » Narcissa lui tend un verre d’eau et il le boit en tremblant, ses dents tapant contre le verre. « À quoi penses-tu ? »

« Par la sainte Circé, » Severus appuie son front contre le velours doux de son épaule, tremblant de la tête aux pieds. « C’est vraiment possible. »

Puis, il siffle à travers ses dents serrées. Sa Marque des Ténèbres, avec un timing impeccable, commence à le brûler.

« Nous devons y retourner, Severus. » Narcissa caresse son sourcil trempé. « Nous devons retrouver le souvenir entier, tant qu’on le peut. »

« Je ne peux pas. » Severus secoue la tête. « Je suis appelé. »  

« Oh. Très bien, dans ce cas. » Narcissa se relève rapidement et traverse la pièce jusqu’à son placard, en sortant une petite fiole non étiquetée. « Cela aidera à renforcer tes facultés mentales. »

« Du Fléau d’Illithid ? » Severus sourit faiblement. « Eh bien, Narcissa, où as-tu bien pu te procurer un tel produit de contrebande ? »

« Une véritable potionniste ne révèle jamais ses sources. » Narcissa presse la fiole contre sa paume et c’est un signe du grand respect qu’a Severus pour elle qu’il la descende d’un coup.

Comme si la laisser plonger dans mon esprit et me disséquer n’était pas déjà une preuve suffisante.

Il soupire de soulagement en sentant la potion au goût d’anis faire effet. Il cesse de trembler. Le paysage mental de Severus se recouvre à nouveau de glace, le froid s’étirant et les souvenirs disparaissant derrière des glaciers et des congères de neige. Il inspire profondément. Les émotions, l’horrible peur, le chagrin, l’envie, la culpabilité si compliquée et écrasante, disparaissent à leur tour. Elles se retrouvent à présents prises dans la glace, incapables de le toucher.

Tel que ça devrait toujours être.

Il y a un coup à la porte.

« Narcissa ? Est-ce que Severus est avec toi ? » les appelle la voix de Lucius. Le salon privé de Narcissa est le seul endroit de la maison où il n’entrera jamais. « Nous avons été appelés. »

« J’arrive, Lucius. » Severus se lève, laissant Narcissa réarranger sa chemise et ses robes en une apparence qui donne un peu moins l’impression qu’il s’est volontairement soumis à ce qui est habituellement décrit comme de la torture mentale. Il presse un baiser léger sur sa joue.

« Merci. »

Il ne sait pas comment il ferait face à tout ça sans elle. Il n’a pas d’amis, mais il a Narcissa, et ça ne lui parait pas juste de la qualifier simplement en tant qu’amie.

Même lorsqu’elle était mon amante, elle était encore bien plus que ça.

« Nous n’avons pas fini, » lui sourit doucement Narcissa. « Il y a plus à découvrir. »  

« Plus tard. » Severus rejoint Lucius dans le corridor, refermant avec soin la porte derrière lui. « Bonsoir, Lucius. Merci d’avoir attendu. »

Lucius lui lance un regard calculateur, avec une lenteur caractéristique qui a toujours mis Severus mal à l’aise. Puis Lucius lève le pouce et le frotte contre son front. Severus essaie de ne pas sursauter. Cela fait bien longtemps que Lucius ne le touche plus.

« Tu ressembles à un sacrifice humain, » murmure Lucius en lui montrant son pouce ensanglanté.

« Juste, » marmonne Severus en levant sa baguette pour tapoter son front d’un sortilège de nettoyage, mais Lucius l’en empêche.

« Permets-moi. »

Severus reste parfaitement immobile tandis que Lucius le tapote gentiment de sa baguette. Il n’a pas été touché par Lucius, que ce soit par ses mains ou sa baguette, depuis une dizaine d’années. Severus sait pourquoi il le fait aujourd’hui. Lucius respecte la vie privée de sa femme et son travail, mais il est territorial. C’est pour cela qu’ils n’ont jamais pu aligner leurs trois désirs en une toile qui les aurait tous satisfaits. Bien que Severus doute qu’un tel arrangement aurait jamais pu le rendre heureux, de toute façon.

Ce n’est jamais le premier choix de quiconque que d’être le moins aimé.

Lucius sait aujourd’hui que ce qui lie Severus et Narcissa est fait de quelque chose de plus profond et de plus solide que ce qu’aucun d’entre eux n’avait anticipé lorsque Lucius a commencé à baiser Severus en cachette. Lucius est aujourd’hui heureux, Severus le sait, il s’en est sorti avec une femme et un Héritier tandis que Severus n’a qu’une amie et un filleul, mais il a toujours été du genre jaloux. Tandis que Lucius laisse le bout de sa baguette caresser sa mâchoire, Severus comprend le message dans ces yeux gris calculateurs.

Elle a peut-être ta loyauté aujourd’hui, mais j’ai été le premier à avoir ton cœur. Tu m’as bien plus aimé.

« Merci, Lucius. » Severus recule d’un pas, enfile sa cape. « Allons retrouver notre Maître. »

Lucius acquiesce et ils traversent le Manoir Malefoy, en évitant avec soin les parties de la maison où se trouve Drago.

« Ce que ma femme et toi êtes en train de concocter… » Lucius s’arrête. « Ce n’est pas dangereux, n’est-ce pas ? »

Dangereux. Severus a la sensation que la signification de ce mot a changé durant les deux derniers mois. Avant le retour du Seigneur des Ténèbres, le danger était ce qui menaçait Potter et empêchait son ancien Maître de revenir. C’était incomparativement, incroyablement plus simple parce qu’aujourd’hui, le danger semble presque incalculable. Un souvenir qu’il ne peut pas trouver. Un vœu qu’il n’aurait pas dû jurer. Un garçon qu’il ne connait pas. A présent, le danger pourrait être partout et Severus ne sait pas où chercher. Sa réalité n’est plus qu’une maison de cartes, appuyée sur une toile faite de mensonges. Un seul fil de travers, et toute sa vie s’effondrera.

« Les secrets, Severus. » Sa mère presse un doigt froid contre ses lèvres. « La Maison des Prince est une Maison de secrets. »

« Non, » ment Severus à Lucius. « Pas du tout. »

Notes:

Naoooooooooon on allait enfin PEUT-ÊTRE avoir une réponse !!
... Rendez-vous la semaine prochaine du coup, pour voir si y a moyen d'en savoir plus ;D

Chapter 31: L'effet Bill Weasley

Notes:

Coucouuu :) Bonne lecture à vous pour ce nouveau chapitre, j'espère qu'il vous plaira !

(See the end of the chapter for more notes.)

Chapter Text

Harry a décidé que tout est mieux quand c’est les gobelins qui s’en chargent. Bill doit faire un rapport chaque matin après le petit-déjeuner à Gripsec via la cheminée, le gobelin stoïque demandant toujours à ce que Harry montre son visage pour prouver qu’il est en vie.

« Vous êtes sous notre protection, Héritier Potter-Black, » sourit Gripsec à travers les flammes. « Vous réaliserez bien vite que nous sommes bien plus… attentifs que vos précédents protecteurs. »

Mais Gripsec n’est pas juste là pour faire le point avec Bill, effrayer Sirius et faire des commentaires mesquins à propos de Dumbledore. Il a même suggéré un sortilège gobelin unique pour le portrait de Madame Black, qui fait qu’elle ne peut à présent parler qu’en Gobelbabil, un langage qu’elle trouve si offensant qu’elle en a fait vœu de silence. D’autres changements apparaissent rapidement. Tout d’abord, Remus déplace sa chambre, à lui et Sirius, au quatrième étage avec Buck, et Bill a emménagé dans la chambre en face de celle d’Harry et de Ron, et Sirius n’est pas autorisé à les approcher.

« Je l’ai bardée de protections, de toute façon, » marmonne Bill à Harry le jour après ce qui est à présent nommé comme La Discussion.

La seconde chose qui change est que Madame Weasley jette loin tout l’alcool de la maison.

« Les enfants et l’alcool, ça ne fait pas bon ménage, » décrète-t-elle tandis qu’elle déverse dans les toilettes ce qui doit être, selon Harry, de l’alcool très onéreux au vu des regards emplis de chagrin de Remus, Fred et George.

Un autre rythme quotidien émerge également. Kingsley Shacklebolt ‘promène’ Patmol jusqu’à Sainte Mangouste tous les matins pour sa séance de guérison de l’esprit, et toute la maison respire un peu mieux quand il n’est pas là. Son guérisseur d’esprit a jusque-là décrété qu’il ne serait ‘pas sage’ de lui laisser l’accès au Grimoire, ce qui est une bonne chose, vu qu’Harry n’est honnêtement pas sûr que les gobelins ne laissent jamais Sirius s’approcher à nouveau à moins de 10 mètres de ce dernier. Quand Sirius revient de sa séance de guérison de l’esprit, il s’enferme avec Buck et n’ouvre plus la porte, pas même à Remus. Et pourtant, il semble développer une certaine tolérance à l’égard de Kingsley. Deux fois déjà, il a laissé Kingsley le convaincre de faire une séance d’entraînement d’Auror dans le jardin. Harry l’observe depuis une fenêtre à l’étage, et voit Sirius esquiver et rouler sur le sol avec des yeux brillants comme un foutu pro, et il se demande si ça vaut le coup que Sirius le haïsse pour le reste de sa vie, si son parrain peut avoir plus de jours comme ceux-là. Mais la meilleure activité quotidienne jusqu’ici, c’est le vol.

« Sympa le collier, Harry, » lui dit Bill en lui passant une Bièraubeurre.

Harry est assis dans le jardin de derrière du Square Grimmauld, à regarder Ron voler à son tour sur son Eclair de Feu. Demain, ils se rendent à Kings Cross. Harry attrape sa Bièraubeurre et boit une gorgée du liquide froid en songeant : tout est mieux quand Bill est dans les parages.

Bill Weasley n’est pas juste un Anzar pour Harry, il est une foutue bouffée d’air frais pour tout le monde. Remus est heureux d’avoir quelqu’un avec qui il peut parler de runes anciennes, et Hermione était folle de joie quand Bill lui a révélé qu’il avait une collection entière de textes en copte de l’Egypte Antique sur lequel elle puisse se casser la tête. Les jumeaux, Ron, Ginny et Harry sont au paradis parce que Bill est excellent avec les protections magiques et a étendu la protection autour du Square Grimmauld au jardin arrière. Ce n’est pas assez grand pour faire un match, mais c’est suffisant pour deux joueurs. Ron et George sont dans les airs tandis que Harry, Fred et Bill les observent depuis le patio. Sahara chasse dans l’herbe. Harry peut entendre de temps à autres des sifflements du genre ‘je vais te dévorer’, portés par le vent. 

« Merci, on me l’a offert. » Harry joue avec la rune de Théo, reposant son dos dénudé contre le mur de briques poussiéreux derrière lui. Le soleil est de sortie et au vu de la sueur à cause de leurs efforts, tous les garçons sont torse nus. Harry a laissé Hermione jeter un excellent sortilège de camouflage sur son dos pour cacher ses runes et ses cicatrices, et à présent, elle est allongée dans l’herbe sèche à lire avec Ginny, les deux ayant roulé leurs jeans et leurs t-shirts pour exposer autant de peau que possible aux dernières bribes de l’été. Harry est brièvement distrait par la peau pâle et lisse de l’estomac de Ginny, mais pas aussi distrait qu’il ne l’est par les taches de rousseur sur les larges épaules de Fred.

Les épaules de Théo me manquent.

Ça fait une semaine. Quand Harry ne se réveille pas essoufflé à cause des cauchemars, il se réveille en cherchant un corps invisible, des bras musclées et des épaules lisses sous la lueur de la lune.

« Offert ? Vraiment ? » Bill hausse un sourcil orné d’un piercing. Il porte un pantalon de cuir, des bottes et un marcel gris, et Harry a vraiment du mal à détourner le regard du hiéroglyphe tatoué sur son épaule et son bras gauche.          

Est-ce que je pense que les tatouages sont sexy ? Est-ce que je devrais m’en faire un ? Est-ce que Théo me tuera si je m’en fais un ?

« Ouais. » Harry presse son pouce contre la rune d’argent de Théo, qui repose contre ses côtes. Il a un peu trop conscience de ses os qui ressortent. Malheureusement, il n’y a aucun glamour qui ne puisse camoufler la faim. « Pourquoi t’es surpris ? »

« Parce que c’est ancien. » Bill se penche en avant et attrape la rune entre ses doigts. Harry essaie de ne pas se sentir trop mal à l’aise d’avoir quelqu’un si proche de toucher son torse. Surtout un homme qui ressemble à foutu Dieu du rock. Dudley a un poster de Van Halen sur le mur de sa chambre et Bill pourrait s’y fondre sans mal. « De la magie Nordique ? Je crois ? C’est la sensation que j’en ai en tout cas. »

« La sensation ? » Le cœur d’Harry fait un bond. Il pense au battement de cœur de la magie des Black à l’intérieur de la maison, à la résonnance douce des basses qu’elle crée contre ses oreilles. « Tu peux sentir la magie ? »

« Tout le monde le peut, en théorie. » Bill hausse les épaules, prend une gorgée de sa Bièraubeurre. « Je veux dire, tu peux me dire quand un sortilège a été lancé, non ? Tu peux en sentir l’énergie ? »

« Oui. » Harry acquiesce, mais il ne pense pas au changement dans l’air quand un sortilège passe près de lui. Il pense au son. À l’odeur.

« Eh bien, les briseurs de sortilèges sont attentifs à ça. » Bill hausse son épaule tatouée. « On y a développé une certaine sensibilité. On a besoin de pouvoir les reconnaître même sans y voir. Les malédictions Egyptiennes apportent une sensation différente de celle de anciens sortilèges Britanniques, et ainsi de suite. »

« Donc c’est une sorte de chatouillis, rien… rien qui touche les autres sens ? »

Harry en connait assez sur ses propres bizarreries pour savoir qu’il ne devrait pas être explicite. Il entend la voix de Théo dans sa tête.

C’est à cent pour cent un foutu truc spécial Harry Potter.

« Je ne sais pas. » Bill fronce les sourcils, claque le piercing de sa langue contre ses dents. « Je n’ai rien entendu à propos d’autres sens. J’ai entendu dire que Dumbledore pouvait sentir la magie, mais je ne sais pas comment il fait. »

« Je vois. » Harry touche la rune, essaye de se concentrer sur ce qu’il pourrait ressentir s’il était en Métamorphose ou en Sortilège, quand l’air est agité de sorts lancés dans tous les sens, mais tout ce qui lui vit à l’esprit, c’est ami.

« Fais-le tomber de l’engin, George ! » gueule Fred en direction du ciel, et la concentration d’Harry s’évanouit totalement.

« Eh bien, la personne qui te l’a donné doit vraiment t’apprécier, » ajoute Bill. « C’est très précieux. Ça date au moins du 10ème siècle. Elle vaut un sacré paquet d’argent. » Bill lui fait un clin d’œil. « On a des amis hauts placés, Harry ? »

« Quelque chose du genre. »

Harry fait glisser la rune le long de la chaine d’argent. Théo lui a donné quelque chose qui n’est pas seulement précieux pour lui, mais aussi très cher. Harry n’a rien de précieux à lui qu’il pourrait lui offrir à part Sahara, et il a plus ou moins déjà fait ça, et en plus Sahara techniquement appartenait à Théo en premier. Ou Kreattur, mais Harry n’ose pas vraiment penser à lui en tant que possession.

Il me briserait probablement tous les doigts un par un pour avoir osé penser ça.

Et ce n’est même pas sans compter ce qu’Hermione penserait ou dirait si elle l’entendait faire référence à un autre être vivant comme une possession. Pourtant, Harry aimerait offrir quelque chose à Théo en retour et il ne manque pas d’objets qui ont une certaine valeur monétaire. Il sourit. Madame Weasley est retournée au Terrier et Sirius est à Sainte-Mangouste. Le timing est parfait.

« Dis, Bill, ça te dirait une petite balade à Gringotts, aujourd’hui ? »

_________

 

« Albus penserait que c’est une horrible idée, » marmonne Remus tandis qu’il trébuche hors de la cheminée dans le bureau de Gripsec, derrière Harry.

« Oui, probablement, » sourit Harry. Il en est arrivé au point où il ne se soucie plus vraiment de ce qui pourrait être une terrible idée selon Dumbledore. Pas depuis qu’il a découvert que a) il a un tuteur magique depuis tout ce temps et b) que ce tuteur magique a pensé que c’était une bonne idée de le balancer chez les Dursley comme un sac à patates. Il se tourne et s’incline en voyant son gestionnaire de comptes.

« Salut, Gripsec ! Puissent tous vos ennemis prendre de terribles décisions en investissement aujourd’hui. »

« Excellent choix, Héritier Potter-Black, » glousse Gripsec derrière son bureau. « Et puissent tous les vôtres être dévorés par des Basilics. »

Harry n’en est pas totalement sûr, mais il pense que Gripsec l’aime bien. Si un gobelin qui semble apprécier échanger des salutations gobelines inhabituelles avec un adolescent qui n’y connait rien en est un quelconque indice.

« Purée, si seulement. » Harry lève les yeux au ciel. Il imagine Voldemort être avalé tout rond par un énorme serpent, de la même façon qu’a Kreattur d’avaler des barres de chocolat.

« Anzar Weasley, que vous faut-il aujourd’hui ? » Gripsec lance un regard à Bill.

« Harry aimerait jeter un œil dans le coffre des Potter, » répond Bill en enfonçant les poches dans sa veste de cuir. « Le reste d’entre nous est juste là pour l’accompagner. »

Ce n’est pas tout à fait vrai. Remus est venu parce qu’Harry sait qu’il ne veut pas être dans la maison quand Sirius revient de sa séance de guérison de l’esprit. Et aussi parce que Remus semble encore déchiré entre ce que Dumbledore ‘penserait’ de ce qu’ils font, donc il est ici pour leur dire que c’est une mauvaise idée de quitter la maison, mais le faire quand même.

Je me demande s’il était comme ça quand les Maraudeurs échafaudaient des plans.

« Et les livres, » ajoute Hermione. Hermione a dévoré tous les livres des Black qu’Harry lui a donné, et n’allait pas laisser passer l’occasion. Ron est resté derrière pour jouer à en un-contre-un avec Ginny sur l’Eclair de Feu. Fred et George ont dit qu’ils avaient des ‘choses à faire’, ce qui a fait grimacer Remus.

« Et les livres. » Bill lui sourit, secouant la tête avec amusement.

Ce n’est pas le genre de secouage de tête que les gens font habituellement quand ils sont confrontés à l’addiction aux livres d’Hermione. C’est… tendre ? Harry observe la façon qu’a Hermione de baisser un peu la tête, et de glisser une mèche de cheveux derrière son oreille en détournant le regard de Bill. Théo a asticoté Harry sur le fait qu’il aurait une attirance quelconque pour l’aîné des Weasley, mais Harry se dit qu’il n’est peut-être pas le seul dans le Square Grimmauld qui trouve le piercing à la langue de Bill intrigant.

Oh, Hermione. Tu es foutue.

« Tout va bien ? » Harry lui met un petit coup de coude dans les côtes.

« Parfaitement, » marmonne-t-elle en fronçant les sourcils.

« Je vais demander à Courbelame de vous emmener. » Gripsec « Vous n’avez pas besoin d’une clé pour votre Coffre de Famille, Héritier Potter-Black, votre bague d’Héritier suffira. »

Harry n’est pas sûr de comprendre ce que ça veut dire, mais acquiesce. Il s’en sortira.

« Je vous attendrai à Fleury & Botts, j’imagine. » Remus époussette la suie de son cardigan. « J’ai quelques livres à aller chercher avant qu’on ne reparte. »

« Tu ne veux pas venir avec nous ? » demande Harry.

Remus secoue la tête en souriant doucement. Harry comprend. C’est trop de James et de Lily pour une course de passage. Trop à gérer tout seul. Il sent une vague de tendresse l’envahir et attrape rapidement la main de Remus, la serre doucement. J’aurais aimé que Sirius soit là pour toi.  

Remus sourit et serre sa main en retour. Moi aussi.

« Est-ce qu’il y a quoi que ce soit que tu aimerais ? » demande Harry. « Comme… j’sais pas, des photos ou un truc du genre ? »

« Ça t’appartient, Harry. » Remus secoue la tête. « Je ne peux pas. »

« Non, c’est à nous, n’est-ce pas ? » bégaie Harry en se haïssant pour sa maladresse. « Vu que je suis genre, à toi ? Un peu ? »

Les mots lui semblent lourds et étranges sur sa langue, très loin de la facilité avec laquelle il peut dire ‘je t’aime’ à Hermione ou ‘ma vie et mes secrets’ à Théo.

Putain, ce truc de famille est si bizarre.

Mais il s’habitue à l’idée que cette part de lui, même s’il ne s’agit que de la toute partie de lui dont il ne se souvient pas, d’avoir été un bébé, appartienne à Remus. Il s’habitue à l’idée que si leur relation survit, (si je survis), d’autres parts de lui pourraient bien appartenir à Remus aussi. Parce que Remus lui appartient aussi, juste un peu. Harry ne peut pas le nier. Remus a dit quelque chose à Sirius pour lui faire voir un guérisseur de l’esprit. Harry ne sait pas ce que c’était, mais il sait ce que ça signifie. Remus est de son côté. Les yeux de Remus se troublent un instant et sa poigne sur la main d’Harry se resserre si fort qu’Harry craint un instant de se faire briser les doigts.

« Lunard, » grogne Harry en essayant d’agiter les doigts contre cette force de loup-garou.

« Désolé ! » Remus le relâche et détourne le regard en clignant des yeux. « Euh, oui, n’importe quelle photo de nous ensemble, s’il te plait. Et ton père avait d’excellents livres de Défense sur lesquels j’apprécierai de jeter un œil. »

« Ça marche, » acquiesce Harry, avant de jeter un coup d’œil à Hermione. Elle lui lance le même genre de sourire fier et brillant qu’elle lui a offert quand il a appris le sortilège d’attraction l’an dernier. « On y va ? »

Ils rejoignent Courbelame à l’extérieur du bureau de Gripsec et le suivent dans la descente qui mène aux cavernes sous Gringotts. Étonnamment, ils ne prennent pas les petits wagons dont Harry a l’habitude mais s’engagent dans un ascenseur d’or à l’aspect bancal. Harry grogne. Putain d’ascenseurs. Hermione le remarque et tend la main, capturant l’agitation de ses doigts tandis que l’ascenseur s’ébranle.

Une secousse à son nombril. Entraîné dans les ténèbres. Tue l’autre.

« Pas un fan ? » demande Bill tandis que Courbelame fait coulisser la porte en filigrane.

« Nope. » Harry observe la faible lumière de la caverne disparaître au-dessus d’eux et être remplacée par un mur de roche solide. « Ça me rappelle les portauloins. Qui sont à peine le deuxième moyen de transport que je hais le plus. »

« Oh ? » Bill hausse les sourcils. « Et quel est le pire ? »

« Les cheminées, » répondent Hermione et Harry en cœur.

« Il a toujours été un mauvais voyageur. » Hermione serre ses doigts en signe de réconfort.

« C’est parce qu’on tourne sur soi-même, » explique Harry.

« Et pourtant je t’ai vu faire un tonneau à la verticale la tête la première ce matin. » Bill secoue la tête. « Tu es une véritable énigme, Potter. La plupart des sorciers rêveraient d’emprunter l’ascenseur. Mais il est réservé à nos plus anciens coffres, cela dit. »

« Je préfèrerais quand même les wagons, » marmonne Harry. L’ascenseur s’arrête dans un tremblement et Courbelame les fait sortir.

« La caverne des coffres Anciens, » grogne-t-il.

« Mon dieu ! » hoquète Hermione.

Elle n’a pas tort. Les murs de la caverne sont tout de marbre torsadé, les lignes courbes de la pierre faisant penser aux vagues de l’océan. Des lampes faites d’un cristal bleu sont sculptées à la surface, projetant une lumière étrange mais magnifique sur eux, une lumière qui rappelle à Harry ces moments qu’il a passé sous la surface du Lac Noir.

« Ouais, c’est quelque chose. » Bill lance un regard tendre autour de lui. « Celui des Potter est par ici. »

« Du coup, c’est un dépôt minéral ? Ou est-ce que les gobelins l’ont construit ? » demande Hermione et ils sont lancés, elle et Bill, à jacasser à propos d’exploitation minière gobeline et Harry se laisse un instant pour respirer profondément. Il est toujours un Potter. Sa mère était une Potter. James l’a adopté par le sang.

J’ai toujours le droit d’être ici, même s’il n’est pas mon véritable père.

Harry essaye de ne pas penser à tous les gens qu’il peut imaginer qui penseraient autrement.

Sirius. Rita Skeeter. N’importe qui dans ce foutu monde.

Courbelame lui montre où appuyer le rubis de la bague des Potter contre l’étrange symbole fait d’un triangle, d’une ligne et d’un cercle sur la porte. Cette dernière s’ouvre et Harry pénètre dans le coffre. Il avait imaginé des monceaux d’or, des montagnes comme dans son propre coffre, mais ça n’est pas ça du tout. C’est plutôt l’équivalent sorcier d’un garage très en désordre. Une cave avec des bibliothèques un peu partout, et des meubles et des affaires entassées dans tous les coins.

« Mon dieu, » marmonne Harry en grimpant sur un groupe immense de valises. « Est-ce que tous les coffres sorciers ressemblent à ça ? »

« Certains sont plus organisés, » répond Bill d’une voix songeuse. « Mais oui, en principe. »

« Est-ce que tu cherches quelque chose de particulier, Harry ? » demande Hermione, qui est déjà attirée par les étagères pleines de livres.  

« Je le saurai quand je le verrai, » répond Harry. « Trouve les livres de Remus, d’accord ? »

« Seulement ceux pour Remus ? »

Les yeux d’Hermione scintillent d’une lueur possessive. Bill rit derrière elle.

« Tu peux emporter ce que tu peux porter, » l’avertit Harry. Puis, quand il voit les yeux d’Hermione briller d’une lueur victorieuse, il ajoute : « Avec tes propres bras. Sans magie. »

Hermione semble totalement prête, pendant une seconde, à taper du pied par terre comme une première année, mais finit par repousser ses boucles brunes d’un geste et se tourner vers les bibliothèques, offrant une bonne imitation de Kreattur tandis qu’elle marmonne avec colère quelque chose à propos de ces ‘fichus garçons stupides, incapables de comprendre la quête du savoir.’

Harry sourit et s’enfonce dans le coffre, grimpant jusqu’à une sorte de cabinet qui semble avoir plusieurs cadres photos arrangés sur le dessus. Il s’apprête à en prendre quelques-unes pour Remus et à continuer sa quête comme si de rien était, mais ce qu’il voit le prend par surprise.

Oh.

Il possède quelques photos de ses parents, mais aucune d’eux tous ensemble, comme une famille. La chose la plus proche qu’il en ait vu est le Miroir du Risèd, mais à présent, il peut voir des photos d’eux tous ensemble, de lui et de sa mère roulés ensemble dans un lit, alors qu’il ressemble encore à une toute petite chose ridée et qu’elle a l’air magnifique, mais épuisée.

Le milieu de la nuit, peut-être ? Le jour après ma naissance ?

Puis il y a une photo d’eux trois dans ce qu’il suppose être leur jardin, Harry assis et souriant à la caméra tandis que James essaie de poser ses lunettes sur le visage rieur d’Harry.

Est-ce qu’ils aimaient le jardin ? Est-ce que Maman avait des fleurs, est-ce que Papa s’occupait de la pelouse ?

Puis il y a d’autres gens, placés sur cette console qui semble réservée à la famille en un geste, Harry le sait immédiatement, qui montre à quel point ils sont les gens les plus importants dans la vie de ses parents.  

Une photo de Sirius qui tient les bras d’Harry au-dessus de sa tête tandis qu’il aide Harry à marcher sur ses courtes jambes. Harry porte un petit t-shirt où est inscrit ‘Poursuiveur en formation’ et Sirius est penché au-dessus de lui, ses cheveux sombres tombant devant son visage souriant.

Une photo de Remus qui soulève un Harry bambin au-dessus de sa tête. Harry crie, et porte une grenouillère pour bébé avec de petits loups imprimés dessus et la lumière du soleil danse sur leurs visages. Celui d’Harry est rond et gonflé d’amour et de joie, et les traits couturés de cicatrice de Remus sont tirés par le bonheur, ses cheveux bruns paraissent plus longs et ses yeux plus jeunes.

Une photo des quatre Maraudeurs qui font face à l’appareil photo formellement, James tenant Harry sur ses genoux à l’avant. Pettigrow se tient debout derrière les trois hommes assis, et Harry sent une pointe de haine le traverser en observant l’homme. Puis dans la magie des photos mouvantes, Sirius éclate de rire et ils s’effondrent tous les uns sur les autres, Peter trébuchant en arrière ce qui fait exploser James de rire si fort qu’il manque d’en lâcher son bébé. Remus, avec ses réflexes si rapides, stabilise Harry avec des yeux brillants de rire tandis que Sirius aide Peter à se relever. Harry peut presque imaginer sa mère prendre la photo, les houspiller sur leurs bêtises. Il y a tant d’amour, tant d’espoir dans leurs regards.

On aurait été heureux, tous ensemble. Vraiment.

Puis, il y a une photo de James. James et Harry. Il pense qu’il ne doit pas avoir plus de quelques mois, encore tout ridé sur les bords et honnêtement, se dit Harry, plutôt laid, mais il est bercé contre la poitrine de James. James a posé son menton sur la petite tête d’Harry, debout devant le berceau. Pendant la nuit. Est-ce que je les ai tenus éveillés ? Puis, tandis qu’il oscille, il presse sa joue contre la tête d’Harry, les yeux fermés et un sourire sur les lèvres. Harry aimerait pouvoir se rappeler de ce que ça fait d’être ainsi bercé au milieu de la nuit par un parent. Il sent ses yeux le brûler mais ne peut y résister.

James. Cornedrue. Papa.

« Harry ? Ça va ? »  

Hermione se tient près de lui, glissant un bras sur sa taille tandis qu’il serre le petit cadre argenté entre ses mains. Harry déglutit avec difficulté.

« James, » chuchote-t-il.

« Ton père. » Hermione touche le visage de l’homme d’un doigt. « Il a l’air si jeune. »

« Il l’était. » Bon sang, seulement vingt ans, putain. Harry hait le fait qu’il ait déjà vécu presque aussi longtemps que lui.

« Il t’aimait vraiment, » murmure Hermione. Ses yeux bruns dansent sur les autres photos, ses lèvres tressaillant tandis qu’elle voit bébé Harry voler au-dessus de la tête de Remus, ou tirer Sirius avec lui, riant avec les Maraudeurs.

« Ouais. » Harry serre le poing contre le cadre d’argent. Juste un instant, il a envie de l’exploser.

« Harry ? » Hermione peut sentir sa tension, et le bras autour de sa taille se resserre. Harry lance un regard par-dessus son épaule, voit que Bill est occupé à discuter en Gobelbabil avec Courbelame à l’entrée du coffre. Harry se retourne vers Hermione de façon à ce qu’on ne puisse lire sur leurs lèvres.

« Est-ce… est-ce que c’est mal de le détester pour ça, juste un peu ? » La culpabilité d’Harry à cette pensée se resserre sur sa gorge comme un nœud coulant, étranglant sa voix. Il peut à peine chuchoter. « C’est mal de souhaiter… que peut-être, il m’aurait aimé un peu moins ? Genre, s’ils m’avaient tous les deux un peu moins aimé, ils seraient toujours en vie ? Il serait là, il pourrait… m’expliquer tout ça. »

Harry déglutit et fixe le sourire doux et satisfait de James. Il ne semble pas troublé de serrer contre lui un enfant qui n’est pas le sien. Pourquoi ?

« Il savait, Hermione, » chuchote Harry. « Il savait que je n’étais pas son fils et il est resté et… Est-ce qu’elle l’a trompé ? Qu’est-ce qu’il s’est passé ? »  

Comment Maman a-t-elle pu finir avec ce foutu Severus Rogue entre tous ?

La pensée est franchement écœurante.

« Je… je ne comprends juste pas. » Harry inspire en tremblant, ferme les yeux une seconde. « Et ça me met… tellement en colère. Est-ce que c’est mal ? Est-ce que ça fait de moi une horrible personne ? De le haïr pour… pour m’avoir aimé et en être mort et m’avoir laissé avec toute cette merde sans rien m’expliquer ? »

Harry plonge dans ses grands yeux chocolat et n’y voit que de l’approbation.

« Ce n’est pas mal. Ce n’est pas horrible. Tu n’es pas horrible. » Hermione lui prend la photo des mains et la repose sur le meuble. « Tout ce que tu ressens est autorisé. Tant que tu as conscience qu’ils t’aimaient. Il savait qu’il n’était pas ton père biologique et il voulait quand même de toi. Garde… juste ça à l’esprit. »

Comme si je n’avais pas déjà assez de choses à garder à l’esprit, avec tous ces trucs d’Héritier et ceux à propos de Sirius et ceux à propos de ce fichu Tom Jedusor.

« Ouais. »

Harry hausse les épaules pour se défaire de son étreinte et attrape une sacoche de cuir, accrochée sur un portemanteau pas loin, qui a L.E. estampillé sur le cuir. Il attrape une photo des Maraudeurs pour Remus, une d’eux deux ensemble et hésite une seconde sur une où il est avec Sirius, puis la fourre dans le sac quand même.

« Celle-ci ? » Hermione pointe la photo avec James. Harry secoue la tête, mais quand elle s’éloigne vers un meuble qui semble contenir des bijoux, il attrape le cadre, en soulève le dos et en sort l’image. Au dos de la photographie, d’une écriture penchée et chaotique, il peut lire : « Moi et mon fils, Novembre 1980. » Harry la glisse dans la sacoche.

« Qu’est-ce que tu as trouvé ? » Il suit Hermione et observe la boite à bijoux.

« Je crois que c’était la bague de fiançailles de ta Mère, » répond doucement Hermione en touchant une bague de rubis. Elle la place près de son anneau d’Héritier et Harry sent le chatouillis d’une chaleur amicale qui passe de l’une à l’autre.

« Cool, » dit-il. « Essaie-là, je veux voir un truc. »

« Quoi ? » Hermione la glisse sur sa main droite. Ses doigts ne doivent pas être aussi fins que l’étaient ceux de sa mère, car elle ne peut la glisser que sur son auriculaire. « Oh ! »

Les yeux d’Hermione s’écarquillent. Harry sent un picotement doré tandis que la magie des Potter chante de joie. Inexplicablement, bien qu’Hermione se tienne face à lui, figée dans une anticipation étrangement angoissée, Harry a l’impression de ressentir ses bras chauds l’envelopper, le câliner. Il y a quelque chose de plus, aussi, le sentiment plus ancien, plus doux, de la magie de quelqu’un d’autre. Elle se mêle à l’odeur de celle d’Hermione, de mûres et de noix de coco, et sa chaleur offre à Harry le plus grand réconfort qu’il n’ait jamais ressenti. C’est le souvenir d’une voix qu’il a seulement entendu hurler.

Tu es aimé, Harry, tu es tant aimé.

Des larmes s’échappent soudain des yeux d’Harry.

Maman.

« Oh merde, » chuchote Hermione. « Qu’est-ce… qu’est-ce que j’ai fait ? »

« Rien. » Harry l’attire dans une étreinte, l’écrasant contre lui et enfonçant son visage humide dans ses boucles. Il inspire profondément son odeur de noix de coco. Sécurité. « Tu n’as rien fait de mal, tu es juste… géniale, Mi. »

« Je devrais l’enlever, » marmonne Hermione. Harry peut la sentir trembler tandis qu’elle le serre fort contre elle. Elle n’est pas habituée à la magie d’Héritier comme le sont Harry et Théo.

« Non. » Harry se recule et observe l’anneau à la main d’Hermione. « Non, je veux que tu la gardes. »

« Harry… c’est une bague de fiançailles, » l’avertit-elle. « Tu pourrais vouloir la garder pour ton partenaire, un jour. »

Comme si quiconque voudrait de ce bordel une fois que Voldemort en aura enfin fini avec moi.

« Ouais, nan, je ne crois pas que j’ai besoin de m’en faire pour ça, » lance Harry avec un rire sarcastique. « En plus, c’est un peu comme un truc de famille, non ? C’est… c’est ce que j’ai ressenti à l’instant, en tout cas. Tu vois ? »

Hermione acquiesce, touchant l’anneau avec respect.

« Je… j’ai eu soudain envie de te protéger, » chuchote-t-elle. « Je veux dire, c’est toujours le cas, mais là, c’était comme… »

« Comme ma mère, » finit doucement Harry. Hermione acquiesce, les yeux brillants.

« Comme une famille. »

Elle serre sa main. Les anneaux Potter chantent ensemble. Harry a soudain en bouche le goût du thé et d’un sirop doré. Il ne sait pas pourquoi, mais ça lui parait bien, normal. Quand il pense à la famille, Hermione est et sera toujours en haut de sa liste.

« Bon, du coup, » acquiesce Harry. « C’est réglé. Il nous faudra quelque chose pour Ron, cela dit. Ou bien il risque de paniquer et penser qu’on va l’abandonner. »

« C’est vrai ! » Hermione rit, essuie ses yeux et observe à nouveau la boite à bijoux. « Je ne suis pas sûre que Ron soit vraiment du genre à porter des bijoux… oh, c’est magnifique ! »

Hermione soulève une longue chaine dorée, avec un petit pendentif en forme de fleur-de-lys.

« Ouais. C’est un symbole français, non ? » Harry glisse ses doigts dessus.

« Oui, mais c’est basé sur une fleur, Harry, » sourit Hermione. « Un lys. »  

« Oh. » Harry le fixe.

Maman.

Harry touche le collier avec la rune de la mère de Théo, chaude sous son t-shirt.

« Je le prend. »

« Je ne pense pas que Ron voudra le porter, Harry. »

« Non, pour moi. » Harry le glisse dans sa poche. « Je penserai à quelque chose d’autre pour Ron. Est-ce que tu as trouvé les livres que Remus voulait ? »

« Oui, et d’excellents livres sur les Sortilèges ! » Hermione les lui montre avec enthousiasme. « Regarde ! »

Elle fait un geste en direction d’une pile de livres qui doit faire la taille de Kreattur. Foutue Serdaigle qui s’ignore.

« Et tu peux porter tout ça ? » Harry croise les bras et lui jette un regard impatient.

« Bien sûr ! » souffle-t-elle. Elle se penche lentement et soulève la pile, son équilibre soudain précaire.

« Tu vois ? » lui lance-t-elle de derrière la pile, son visage totalement dissimulé.

« Je ne sais pas pourquoi j’ai douté de toi. » 

« Un marché est un marché, Potter. » Des boucles sombres et des yeux qui le sont encore plus apparaissent d’un côté de la pile branlante. « Ou bien dois-je te rappeler la question des cartes de bibliothèque ? »

Elle va me punir pour ça pour le reste de ma vie.

« Très bien ! » soupire Harry. « Demande à Bill de lancer un sort de rétrécissement dessus, ils ne vont pas tous rentrer là-dedans. »

« Bien sûr, Harry, je ne suis pas folle. »

Harry l’observe s’éloigner en trottinant, avec l’air d’une bibliothécaire dérangée et renifle, amusé.  Sur le chemin qui le ramène à l’entrée, il passe la main sur certains livres. Soudain, un petit sifflement est émis par sa bague de Serpentard. Harry s’arrête. Il repasse sa main en sens inverse et voit sa bague siffler contre un livre fin. Il le sort avec précaution. Il a l’air fragile, et un fermoir d’argent avec une tête en forme de serpent le décore.

« Tu es prêt à y aller, Harry ? » l’appelle Hermione.

Le livre n’a pas de titre mais Harry le glisse lui aussi dans sa sacoche, juste pour faire plaisir à l’anneau. Un mystère pour plus tard. Peut-être que Sahara pourra l’aider.

« Oui oui. » Harry prend la main d’Hermione pour qu’elle l’aide à grimper sur une pile précaire de chaises. Bill hausse les sourcils quand il aperçoit la nouvelle bague d’Hermione.

« Vous avez quelque chose à m’annoncer, vous deux ? »

« Je te l’avais dit ! » Les cheveux d’Hermione s’agitent quand elle hausse les yeux au ciel en direction d’Harry. « Tout le monde va penser qu’on se fait la cour ou je ne sais quoi ! »

« La cour ? » Harry la fixe, confus. « Tu veux dire, genre, comme des rendez-vous ? »

« Non, se faire la cour c’est un truc de sangs-purs, c’est très ritualisé et barbare et les Seigneurs des Ténèbres adorent ça. »

« D’accord… et c’est quelque chose que les gens vont penser qu’on fait ? » Harry hausse un sourcil. « Avec notre très grande réputation d’être des sang-purs ténébreux ? »  

« Tais-toi, » grommelle Hermione. « Je vais lui jeter un sortilège d’illusion dès qu’on arrive à l’école. »

« Si tu veux, » répond Harry en haussant les épaules. « Tu n’es pas obligée de la porter. »

« J’en ai envie. » Hermione attrape sa main dans la sienne. Ils sourient tous les deux quand les anneaux Potter brillent ensemble. Famille. « À cause de ça. »  

Tandis qu’ils reprennent l’ascenseur en sens inverse, Harry joue avec la fleur-de-lys dans sa poche. Il a envie de lui transférer un peu de pouvoir, un peu, quelque part, comme il a offert de sa magie à Sahara. Mais pas celle des Potter, qui semble apprécier la protection familiale ou celle des Black, qui adore lier les gens à des serments. La bague de Serpentard, en revanche, aime amener la justice. Une justice violente.

Très approprié pour Théo.

En plus, si Théo doit être en danger, ce sera probablement à cause d’un autre Serpentard, que ce soit à l’école ou en dehors. Aussi Harry serre fortement le collier dans son poing et fait appelle au pouvoir brut et avide de la bague. Il pense à Sahara, qui siffle et crache avant d’attaquer. Le collier lui paraît brûlant pour une seconde avant redevenir tiède. Quand il lui jette un coup d’œil, il ne semble pas différent. Il a besoin de vérifier si ça a marché, mais il n’a pas Sahara avec lui. Hermione lui a conseillé d’éviter d’emmener un serpent magique invisible à l’intérieur de Gringotts. Apparemment, les gobelins auraient pu penser qu’il s’agissait d’une tentative de sabotage. Sahara avait dit que ce que les gobelins pensaient n’avait pas d’importance puisqu’elle était capable de briser leurs petits cous. Harry lui avait répondu de trouver d’autres cous d’animaux à briser et l’avait laissée dans le jardin.

« Hé, Bill, » dit-il tandis qu’ils sortent de Gringotts pour déboucher dans le Chemin de Traverse. « J’ai trouvé ce collier dans le coffre. Est-ce qu’il a une quelconque protection, comme ma rune ? »

« Hum. » Bill le touche doucement, l’examinant avec précaution. « Ouais. Pas sûr de ce que c’est cela dit. Remus sera plus à même de te le dire, il est bon avec les runes. »

« Les runes ? »

« Au dos du collier. »

Harry le retourne. Une rune qu’il ne reconnait pas et qui n’était pas là cinq minutes auparavant est gravée dans le métal.

Oh merde.

« Remus ? » appelle Bill tandis qu’ils entrent chez Fleury & Botts. Remus est assis dans la partie café, à boire une petite tasse d’expresso tout en lisant ‘Vivre avec une malédiction – survivre à la guerre de Grindlewald’, qu’il repose sitôt qu’ils arrivent. « Harry a trouvé un collier à runes. »

« Non, c’est juste un collier, » tente de remédier Harry en haussant les épaules, mais le visage de Remus s’illumine en reconnaissant ce dernier.

« Il était à ta mère, elle le portait tout le temps. » Remus sourit doucement. « Il était passé de génération en génération dans la famille Evans. Je ne savais pas qu’il avait une histoire magique. » Remus fronce les sourcils. « C’est une rune celtique, je crois, mais elle représente un dieu serpent. Apep, peut-être ? »

« Apep ? » Bill jette un nouveau coup d’œil, curieux. « C’est bizarre. D’avoir un ancien objet britannique avec une rune représentant le dieu égyptien du Chaos. »

Pas s’il a été gravé par la magie ancienne d’un sorcier britannique qui a un penchant pour les énormes serpents.

« Ah. » Harry essaie de paraître naturel. Les yeux d’Hermione se plissent. Oh, merde. « Donc… que fait la rune ? »

« C’est une rune de protection générale, dans ce cas-ci. » Remus hausse les épaules, rendant le collier à Harry. « Peut-être que Lily a trouvé un sortilège obscur. Elle faisait tout le temps ce genre de choses. »

Hermione continue de lui lancer un regard suspicieux, aussi Harry sort-il sa carte secrète.

« Hermione, il y a quoi que ce soit que tu aimerais prendre avant qu’on ne retourne à Grimmauld ? »

« Oh, oui ! » Hermione se tourne vers Bill en se balançant sur ses talons. « Est-ce que tu pourrais m’aider à trouver un bon livre de traduction pour ces documents anciens ? J’aimerais vraiment me pencher dessus ce soir. »

« Bien sûr. » Bill secoue la tête et lui offre le même sourire un peu étonné. « Tu ne t’arrêtes jamais, n’est-ce pas, Hermione ? »

Hermione semble un peu surprise, mais Harry la pousse en direction de Bill avant qu’elle ne puisse marmonne quelque chose de peu flatteur sur elle-même.

« Non, jamais, » dit-il. « C’est ce qui fait son charme. »

« Bien d’accord, » répond Bill avec légèreté en vérifiant sa montre. Il ne remarque pas le rougissement d’Hermione, mais Remus oui. Ce dernier jette un regard perplexe mais amusé à Harry.

« Quoi ? » répond Harry tandis qu’il s’assied près de Remus et que Bill et Hermione disparaissent entre les rayonnages.

« Tu réalises qu’il est dix ans plus âgé qu’elle ? » lance Remus en s’adossant à sa chaise, un doigt tapotant la couverture de son livre. Et à moins que je n’aie très mal compris la situation, ton meilleur pote n’avait-il pas… comment Ginny avait-elle dit… un ‘crush’ sur elle ? Ou bien était-ce qu’il la ‘kiffe’ ? »

« Tu sais que tu as l’air d’avoir un million d’années quand tu parles comme ça ? » grogne Harry.

« Naturellement, » sourit Remus. « Donc… Bill Weasley ? »

« Oh allez, » répond Harry en levant les yeux au ciel. « Il ne va rien se passer. »

« Tu serais surpris, » lance Remus d’un ton songeur, ses yeux brillants de malice. « J’ai entendu des histoires de l’époque où Bill était Préfet-en-chef. Il y avait des étudiants qui s’intéressaient à lui en première année qui le poursuivent toujours aujourd’hui, d’après Charlie Weasley. »

« Oui, les jumeaux appellent ça l’effet Bill Weasley. » Harry lève à nouveau les yeux au ciel. « Il est juste bien foutu, c’est tout. »

« C’est tout ? Des premières années, Harry. » Remus lui lance un sourire mesquin. « Des gens ont attendu pour lui, tu sais, et Hermione est une jeune femme très patiente. »

« Ça n’est pas ce que tu crois, Remus. » Harry prend une gorgée du café de Remus et grimace. Trop de sucre. « Elle pense juste qu’il est cool, comme tout le monde. Elle a le droit de penser qu’il est cool. »

« C’est toujours comme ça que ça commence, » répond Remus en reprenant son café.

« Ah bon ? Toujours ? »  Harry joue avec le biscuit sur la soucoupe de Remus, le cassant en petit morceaux. C’était en tout cas clairement comme ça que ça avait commencé entre lui et Cédric.

Si tu peux quantifier quelqu’un qui est ‘beau à te flanquer des frissons sur la colonne vertébrale’ comme simplement cool.

« Parfois. » Remus sourit tendrement. « C’était le cas avec Sirius. »

« Ouais, mais tout le monde pense que Sirius est cool, » répond Harry en levant les yeux au ciel. « Est-ce que tu penses toujours que les gens que tu baises sont cools ? »

« Bon sang, Harry ! » Remus en recrache presque son café. « Ne dis pas des choses de ce genre ! »

« Quoi ? » Harry tend une serviette à Remus. « Je n’ai plus sept ans, Remus, j’en ai quinze, j’ai le droit de parler de bais— »

« Par pitié, arrête ! » Remus lève une main, le nez plissé. « Je suis heureux de voir que tu es… ouvert et confortable avec ta… »

« Ma quoi ? » Harry sourit. Maintenant, il comprend pourquoi Sirius apprécie tant d’asticoter Remus. Ou en tout cas, appréciait de le faire.

« Par Circé, aie un peu de pitié, Harry, » grogne Remus. « Merlin, je n’aurais jamais pensé que je serai celui qui devrait faire cette partie en particulier de notre pseudo-parentalité. »  

Remus se réadosse à sa chaise et fixe le plafond. Harry renifle. Remus a raison. S’il avait dû parier sur lequel de ses deux parrains aurait à lui parler de ce… sujet, il aurait dit Sirius. À chaque fois. Mais Sirius n’est pas là et Remus l’est et pour une quelconque raison, le parrain qui l’a ignoré pendant douze ans est plus assidu pour l’instant que celui qui a passé douze ans en prison, obsédé par lui.

Il n’y a aucune victoire dans cette phrase, Potter, lance son Théo-intérieur. Harry repousse la pensée. Remus essaie.

« Donc ? » insiste Harry. « Est-ce que tu penses toujours que les gens avec qui tu… le fais, sont ‘cools’ ? »

Pour une quelconque raison, ça compte pour Harry de savoir s’il faut toujours penser que l’autre est cool. Il voit des yeux gris. Mais qu’est-ce que tu fous avec mon serpent, bordel, Potter ?

« Non. » Un air mélancolique et blessé traverse le visage de Remus. « Non. Parfois… les gens sont terrifiants, à la place. » Remus souffle un peu, croise les bras. « Terrifiants et intrigants. »

Harry sent quelque chose se serrer dans son ventre.

« Ça t’est arrivé… à toi ? »

« Oui. » Remus soupire lourdement. « Il y a très longtemps. À l’école. Avant Sirius et ensuite… plus tard… » Les yeux de Remus se font lointain. « Parfois, les gens sont si différents et troublants mais quelque part familiers et c’en est… attirant. »

C’est ça. Voilà ce que c’est.

Harry acquiesce.

« Cool. »

« Peut-être qu’on pourrait arrêter de parler de tout ça maintenant ? » grimace Remus. « Tu peux me parler de tout ce que tu veux, bien sûr, mais je préfèrerais juste éviter d’avoir à élucider toutes les raisons pour lesquelles je voudrais partager mon lit avec quelqu’un. »

« Bien sûr. »

Harry se demande pour combien de raisons, combien de gens, Remus a invité dans son lit. Puis il plonge la main dans son sac et en sort la photo de lui et de Remus.

« Mieux ? » dit-il en la posant dans les mains de son parrain.

« Oh. » Le visage de Remus apparait plus lumineux, plus jeune de quinze ans, pendant une seconde. « Harry. »  

« Ouais. » Harry déglutit. « Je voudrais garder celle-là. J’ai pris ces autres-là pour toi— » il replonge la main dans son sac, en sort les autres cadres qu’il pose sur la table, et observe Remus qui les fixe les uns après els autres avec révérence, son souffle s’accrochant lorsqu’il voit celle de Sirius et d’Harry. « Mais j’aimerais prendre celle-là avec moi. »

« À Poudlard ? » Le regard de Remus est brillant, mais perçant. « Tu veux prendre cette photo de… de nous à Poudlard ? »

« Ouais. » La gorge d’Harry est bizarrement sèche. « Je peux ? »

Remus le dévisage un instant puis rend la photo à Harry.

« J’aimerais en avoir une copie, » sourit Remus. « Mais oui, tu peux. »

« Merci. »

Harry ne sait pas ce que signifie ce qu’il ressent, cette combinaison étourdissante de chagrin, de douleur et d’une joie compliquée, alors il se contente d’acquiescer. Puis il dit quelque chose qu’il ne ressent pas vraiment, quelque chose qu’il n’est pas sûr de penser, mais pour la première fois depuis qu’il a quitté le cottage de Fabiola, il a envie de le dire.

« Rentrons à la maison. »

L’expression sur le visage de Lupin en valait presque la peine.

Peut-être même qu’un jour, je le penserai.

___________

 

« Kreattur ! »

Harry est assis dans sa chambre du Square Grimmauld, à faire sa valise à la dernière minute et à éviter Ron et Hermione qui viennent juste d’être nommés Préfets. Harry est énervé par la chose. Pas contre eux, ou contre Madame Weasley qui est folle de joie, ou Bill qui est fier ou même Fred et George qui asticotent Harry sans cesse pour avoir pris ‘la route la moins honorable qui mène à la gloire’. Il est énervé contre Dumbledore.

Mais les adolescents psychotiques qui cherchent l’attention ne font pas de bons préfets.

Harry n’a pas apprécié la foule aujourd’hui au Chemin de Traverse. Il a évité la Gazette, mais il ne pourra pas faire ça pour toujours. Il sait que demain, il n’y aura pas que Poudlard. Il n’y aura pas que le château, le Lac Noir et le stade de Quidditch. Il y aura aussi les gens. Des gens qui ont passé un été entier à lire de la merde à son propos.

« Les opinions des autres n’ont pas d’importance », siffle Sahara autour de son cou. « Seules leurs actions t’impactent. »

« Merci, ô grande sage. »

Il semblerait que ‘yoda’ ne puisse pas être traduit sarcastiquement en fourchelangue.

« Le Maître a appelé ? » croasse Kreattur. Il passe son temps entre le Manoir des Nott et le Square Grimmauld. Il ne veut pas expliquer exactement à Harry ce qu’il fait, mais Harry sait qu’il ne doit pas appeler Kreattur entre sept heures et onze heures du soir. La Tante de Théo est pire à ce moment-là.

« Tiens. » Harry lui tend six sachets de bébés en gelée. Il s’est arrêté au magasin Spar du côté moldu du Chaudron Baveur en route. « Ne dis rien à l’Héritier Nott. »

« Kreattur ne le fera pas. L’Héritier Nott est un misérable dictateur qui ne sait pas apprécier les délicieuses douceurs, » grogne Kreattur.

« Je retourne à l’école demain, » lance Harry.

« Kreattur le sait, » répond l’elfe en haussant les yeux au ciel. « Le Maître est un idiot. D’après le Maître, qui a bien pu rouler ses chaussettes ? »

« Oh. » Harry observe les chaussettes roulées dans sa malle. Il réalise qu’elles sont toutes dépareillées. « Merci, je suppose. Qu’est-ce qui t’arrivera quand je suis à Poudlard ? »

« Kreattur n’ira pas dans l’école puante, remplie de sang-de-bourbes et de traitres et de petits enfants pleins de morve, » grogne Kreattur. « Kreattur n’ira pas. »

« Ouais, je ne crois pas non plus que j’ai envie de te voir terroriser les première années, Kreattur. » Harry enroule sa photo de Remus dans un pull et la lâche dans sa malle. « Mais je peux t’appeler, non ? Pour vérifier que tu ne tues personne en mon absence ? Ou, je ne sais pas, que tu n’as pas sauté l’étape de manger de vrais bébés. »

« Le Maître peut vérifier. » Kreattur se gave de bébés en gelée et claque des doigts pour changer la couleur des caleçons d’Harry de façon à ce qu’ils soient tous soit verts soit gris, ornés du blason des Black. « Kreattur ne fait aucune promesse. »

« Je pense que tu devrais rester ici, avec Remus, » répond Harry en attrapant sa paire de caleçons roses à vifs d’or que Fred et George lui ont offert avant que Kreattur ne puisse les ruiner. « Pour t’assurer que la maison ne s’effondre pas, tout ça. »

« Kreattur ne servira pas le loup, » grogne Kreattur.

« Non, tu me sers moi, tu te rappelles ? » Harry hausse un sourcil.

« Jusqu’à ce que le Maître ne soit inévitablement détruit par le Seigneur des Ténèbres, » répond sèchement Kreattur. « Un jour que Kreattur attend avec impatience. »

« Tu es une sacrée petite merde optimiste, n’est-ce pas ? » Harry pique un bébé en gelée sous le grognement de Kreattur. « Mais jusque-là, tu es pour l’équipe Héritier Potter-Black, n’est-ce pas ? »

« Kreattur est pour l’équipe de l’Héritier Black, oui. » Kreattur lui lance un sourire mesquin. « Jusqu’à ce que le parrain déshérite le Maître. »  

« Ouah, tant de façons de te débarrasser de moi. » Harry mâchouille son bébé en gelée, pensif.

« Tu devrais le détruire avant qu’il ne te détruise, » siffle Sahara.

« Tu es tellement une Serpentarde. »

Harry réfléchit. Peut-être qu’il lui faut être un peu plus Serpentard dans son approche.

« Ok, voilà ce que je propose, » dit-il en regardant Kreattur de haut. « Reste ici et espionne Sirius pour moi. Et si en même temps, tu arrives à t’assurer que Remus et Sirius ne, euh, souillent pas la Maison des Black avec leurs habitudes dégoûtantes, ça sera juste une coïncidence. »

Kreattur le dévisage un moment, tout en mastiquant avec lenteur un bébé en gelée rouge.

« Kreattur recevra autant de douceurs moldues que possible, » répond-il sèchement. « Toutes les semaines. »

« Tu peux avoir une indemnité. » Harry lève trois doigts. « Un kilo et demi par semaine. Sans Tangfastics. »

Kreattur grogne.

« Pas la peine de faire ça, » l’avertit Harry. « Est-ce que tu veux vraiment que Théo découvre tout ça ? »

« Kreattur est d’accord. » Kreattur frissonne de tout son long. « L’Héritier Nott sera un Lord terrible et puissant, un jour. »

« Ouaip, » glousse Harry. Il se rappelle Théo, assis près des roseaux, ses robes étalées tout autour de lui. Majestueux. « Comment va-t-il ? »

« L’Héritier Nott va bien. » Kreattur lance un regard prudent à Harry. « La Tante Nott n’est pas adéquate pour élever un Héritier. »

Harry renifle. Quand on sait que Kreattur tient en haute estime Walburga Black, qu’Harry considère comme une véritable furie de première classe, c’est quelque chose.

« L’Héritier Nott se prépare, » continue Kreattur. « La Tante Nott est la pire durant la nuit juste avant que l’Héritier Nott retourne à l’école. »

« Pire ? » Harry déglutit, ses mains s’arrêtant net de plier un pull Weasley. « Pire comment ? Genre, un litre de sang sur le sol de la chambre pire ? »

Kreattur lance un regard évaluateur à Harry pendant quelques secondes.

« Non. Les moldus du Maître sont des bêtes immondes et dégoûtantes qui n’ont aucune sorte de morale. » Les yeux de Kreattur étincellent, le jaune à l’intérieur ressemblant à des flammes. « La Tante Nott reste une sorcière. »

« Tout à fait, » répond Harry en haussant les yeux au ciel, à moitié irrité par les préjudices perpétuels de Kreattur contre le sang, mais aussi soulagé que Théo ne soit pas en train de mourir. Mais tout de même, un plan est nécessaire. Un plan qui implique de mettre Jezebel Nott hors d’état de nuire pour la soirée.

« Est-ce qu’on aurait quelque chose, à la banque peut-être, qui pourrait… je ne sais pas, la mettre sur la touche pour ce soir ? »

Théo mérite une bonne nuit de sommeil. Théo mérite d’être protégé. Harry ne peut être là pour s’allonger près de lui ou maintenir sa Tante à bonne distance de baguette, donc il faudra que ça suffise.

« Oh, oui. » Les yeux de Kreattur étincellent. « La boite à musique de la Maîtresse. Elle plongera la Tante Nott dans un profond sommeil. Elle est dans le coffre des Prince. »

« Cool. »

Harry connait la suite. Il sort du papier, y écrit des instructions pour Gripsec et tend son bras pour que Kreattur y rouvre la blessure de Queudver. Ça le dérange à peine à présent, cette coupure de rituel qui ne guérit pas vraiment.

« Ne le laisse pas seul ce soir, d’accord ? Et assure-toi qu’il monte à bord du Poudlard Express. Quoi qu’il se passe. »

Harry agite l’anneau des Black et pense à leur lien de fidélité. Kreattur frissonne.

« Kreattur s’en rappellera. » Kreattur jette un bébé en gelée à la tête d’Harry avant de disparaître. Harry soupire. Pas pour la première fois, il se retrouve à souhaiter pouvoir partir avec Kreattur. Quelque part, Théo se prépare à vivre une vraie soirée de merde, et Harry devrait être là.

« Je veux voler, » siffle-t-il à Sahara. « Tu veux venir ? »

« Les hiboux volent. » Sahara quitte Harry et glisse jusqu’à une flaque de soleil sur son oreiller pour s’y enrouler, comme si c’était une explication en soit.

Harry secoue la tête et attrape son Eclair de Feu. Madame Weasley est en train de préparer une fête et Harry n’est définitivement pas excité. Mondungus sera là et Mondungus arrive toujours à amener en douce de l’alcool pour Sirius, donc il n’y a pas de doute pour Harry que lui et Remus devront passer toute la nuit à essayer de garder Sirius sobre, ce pour quoi il ne leur sera certainement pas reconnaissant.

Une soirée parfaite. Ajoutons-y un Seigneur des Ténèbres et Vernon Dursley et elle sera dans mon top cinq.

Quand Harry arrive en haut des escaliers, il voit Remus et Bill près des grandes fenêtres qui donnent sur le jardin. Dehors dans l’herbe, il peut voir Kingsley et Sirius en plein duel.

« Ça ne te dérange pas ? » demande Bill. Harry ne comprend pas cette question, mais il y a un ton délicat dans la voix de Bill qu’Harry n’a jamais entendu auparavant, aussi recule-t-il rapidement dans les ombres, l’instinct forgé par des années à écouter aux portes reprenant ses droits. Le visage de Remus est si triste.

« Kingsley lui fait du bien, » chuchote Remus. « Ça compte. »

L’estomac d’Harry se contracte.

Putain, c’est quoi ce bordel ?

Il jette un coup d’œil à Sirius et Kingsley. Ils ont cessé leur duel. Sirius a remonté le bas de son t-shirt pour s’essuyer le visage, dévoilant un ventre plat et tatoué. Kingsley ne le quitte pas des yeux.

« Ça n’est pas une réponse. » Bill serre gentiment l’épaule de Remus. Remus semble chercher ses mots.

« Ça ne m’a jamais dérangé, » répond lentement Remus. « L’accouplement pour les loups-garous est… complexe. Donc nous sommes… monogames, la plupart du temps. » Harry voit Remus déglutir, sa pomme d’Adam bouger le long de sa gorge pleine de cicatrices. « Mais Sirius ne l’est pas. Il ne l’a jamais été. Il ne m’a jamais menti, même à l’école c’était… clair, et ça l’a toujours été… Mais c’est la première fois depuis… »

Azkaban.

Harry fixe Sirius dans l’herbe avec Kingsley. Il sourit. Il sourit vraiment. Harry ne l’a pas vu faire ça depuis la Troisième Tâche.

« J’ai eu des nouvelles du Roi Ragnok aujourd’hui, » lance doucement Bill. « Vu que Poudlard est une terre Sorcière sacrée, je ne peux pas aller là-bas et agir en tant qu’Anzar pour Harry, c’est contre les traités. Mais je peux lui rendre visite, vérifier que tout va bien avec McGonagall et si quoi que ce soit va de travers, il pourra me consulter. »

« C’est bien. »

« Donc je reste à Londres, » ajoute Bill. « J’ai un appartement. Vous allez vous retrouver que tous les deux une fois qu’ils retourneront tous à Poudlard. Si jamais tu as besoin de t’échapper, pour la nuit ou pour plus longtemps… » Bill hausse les épaules. « Tu pourrais même emménager si tu as envie. Je cherche un colocataire. »

Si Harry entendait ça sans voir le visage de Bill, il aurait pensé que ce dernier faisait des avances. Mais tout ce qu’il voit dans les yeux de Bill, c’est de la pitié. Sirius et Remus, seuls dans le Square Grimmauld. Sirius et Remus et Kingsley.

« Sirius a besoin de moi, » répond Remus en secouant la tête. « Merci, cela dit. Si… si les choses évoluent, » le regard de Remus se fixe sur Kingsley, « peut-être que je… passerai. »

« Tu seras toujours le bienvenu, » acquiesce poliment Bill. Ils fixent tous deux l’herbe. « Est-ce qu’Harry est au courant ? »

Harry serre les poings. Est-il au courant, hein, bordel ?  

« Non. » Remus secoue la tête. « S’il-te-plait, ne le lui dit pas. Il est… il est très en colère contre Sirius en ce moment, pour de bonnes raisons, mais il l’aime. Ils s’aiment tous les deux. Nous sommes… une famille. Je ne veux pas lui retirer ça. »

« Harry pourrait comprendre que c’est compliqué, » chuchote Bill. « Tu ne devrais pas lui mentir. »

« Il n’y a pas de mensonge. » Les yeux de Remus sont mornes. « J’aime Sirius. Il m’aime, du mieux qu’il peut. Il m’a toujours aimé du mieux qu’il le pouvait. Et nous aimons tous les deux Harry. »

« Ecoute, mec, tout ce que je dis… » Bill soupire lourdement et lève les yeux au ciel un instant. « Peut-être que de son mieux, ce n’est pas assez. Pour toi, ou pour Harry. »

Les mots sont comme un cognard en pleine poitrine. Pour Remus aussi, il semblerait. Il presse son front contre la vitre. C’est la première fois qu’Harry remarque à quel point il semble épuisé.  

« Il a juste besoin de temps, » murmure Remus. « Ensuite, on pourra être une famille. »

Est-ce que c’est la seule chose qui importe ? Le fantasme quelconque d’une famille parfaite ?

Harry sent un éclair d’indifférence qui vient de la bague des Prince.

Je ne suis rien de parfait pour qui que ce soit.

Bill tapote le dos de Remus. « Juste… penses-y. »

« Je le ferai. » Remus se redresse, remet son cardigan en place. « Si tu cherches un colocataire, cela dit, tu devrais envisager Nymphadora. Je sais qu’elle cherche. »

« Merci, » sourit Bill. « Je lui demanderai ce soir. »  

Bill redescend les escaliers, laissant Remus seul devant la fenêtre. Il se tourne un peu en arrivant à l’étage suivant, et regarde Harry comme s’il s’attendait à le trouver ici, dans la pénombre. Bill acquiesce gentiment. Harry l’imite.

Il voulait que je sache.

Peut-être que Bill pense qu’Harry est assez vieux pour faire face à la vérité et Harry est d’accord, il déteste juste que la vérité soit aussi dure à avaler en ce moment. Ou peut-être que Bill pense que Remus mérite mieux ou a besoin d’être mieux aimé, mais Harry ne sait pas comment faire ça. Donc il fait la seule chose qu’il sait comment faire. Il ravale sa rage et sa confusion à propos de Sirius et Remus au fond de lui, loin sous l’Indifférence, et monte bruyamment les escaliers.

« Harry, » sourit Remus. Il a un sourire particulier pour Harry, fait à la fois de tendresse et de tristesse, qui donne toujours envie à Harry de soit le frapper, soit le prendre dans ses bras. « Tu as fini ta valise ? »

« Ouais. » Harry jette un coup d’œil dans le jardin. Kingsley et Sirius reviennent vers la maison. La main de Kingsley est sur l’épaule de Sirius.

Remus le connait mieux. Remus pense qu’il est ce dont il a besoin. Ça n’a pas d’importance comment je me sens à propos de ça. Ça n’en a pas.

Harry tend la main et attrape celle de Remus.

« Tu viens voler avec moi, Lunard ? » demande Harry.

Remus sourit un peu plus. Harry ne peut pas changer Sirius. Il ne peut pas changer le passé. Il ne peut pas donner à Remus la famille qu’il mérite.

Il mérite tellement mieux que nous, songe désespérément Harry, tellement mieux qu’un putain de filleul brisé et un petit ami complètement cinglé et pas-monogame.

Mais Harry ne peut pas faire ça. Il ne peut pas être autre chose qu’un Monstre lié à un elfe, stupide, imprudent, putain de brisé, en deuil de son petit ami mort, brûlant des gens à mains nues, recherché par Voldemort et qui tape la conversation à des serpents. Mais il peut faire ça.

« Bien sûr, Harry, » sourit Remus. « Tout ce que tu veux. »

 

Notes:

L'été se termine mais bientôt, BIENTÔT, on retrouve notre duo préféré :D Rendez-vous jeudi pour la suite et bonne semaine !